lundi 26 décembre 2011

Editorial : Impénétrables voies

En Europe et aux Etats-Unis, les économies, du fait de la crise, sont, désormais, à bout de souffle. Les agences de notation n’arrêtent plus de dégrader les pays et l’avenir de l’euro semble, plus que jamais, compromis. Ces pays, riches qu’ils sont, ont, pourtant, de quoi résisterà la vague de récession qui les menace. Que dire, alors, des pays pauvres très endettés, comme la Mauritanie? Paradoxalement, le nôtre ne semble pas connaitre pas la crise, du moins… à son sommet. Notre président n’a-t-il pas transformé les avions de la compagnie Mauritania Airways en jets privés, pour sillonner le monde? Pas plus tard que la semaine passée, il a repris son bâton de pèlerin, pour assister à la fête d’anniversaire de la Tanzanie, un pays dont on n’a plus entendu parler, depuis Moktar Ould Daddah et Julius Nyéréré, et avec lequel nous n’entretenons aucune sorte de relation. A moins de vouloir se prendre la tête et aspirer à devenir un grand d’Afrique, à l’instar du défunt colonel libyen, il n’y avait aucune raison d’y aller. Notre guide éclairé a, ensuite, assisté à l’ouverture des jeux panarabes, à Doha. La ministre des Sports, qui ne croule pas sous le poids de la tâche, aurait largement suffi à remplir cette formalité. Puis il a rendu une visite officielle à l’Algérie, au risque de froisser le Maroc, à qui il doit, quand même, une fière chandelle. En plus de ces sauts de puce, qui coûtent, tout de même, fort cher au contribuable, Ould Abdel Aziz est parti, au cours de cette seule année 2011, trois fois en France, en Espagne, en Chine, au Cap Vert, en Afrique du Sud, en Côte d’Ivoire, au Sénégal, au Mali et en Gambie. Et dire que, parmi les reproches qu’il faisait à l’ancien président Sidi, l’excessive fréquence de ses voyages à l’étranger figurait en bonne place.
Mais que nous ont rapporté ceux de notre rectificateur de service? Quel grand projet sera financé par l’un ou l’autre de ces pays visités? Ont-ils donné plus de visibilité à notre pays et à sa diplomatie? Sauf celle de grever, encore un peu plus, le budget de l’Etat, on n’en voit pas encore les retombées. Certes, un régime en quête de reconnaissance a besoin de tisser un maximum de liens mais, de là à s’éparpiller à tout vent, en flirtant avec l’Iran pour chercher, ensuite, les bonnes grâces des pays du Golfe, ou en s’affichant, ostensiblement, avec l’Algérie, tout en ménageant le Maroc… Certes, il n’y a qu’un pas à accomplir mais toute bonne diplomatie hésiterait, longtemps, à le franchir. Evidemment, me dire-vous, il y a belle lurette que notre diplomatie n’est plus ce qu’elle était. Je vous accorde, hélas, cette objection. Tout comme pour nos diplomates, choisis, désormais, selon des critères sans aucun rapport avec la carrière, la compétence, l’expérience, ni, encore moins, le tact. Il suffit, juste, d’avoir des liens de parenté opportuns ou d’être boosté par un gradé. Les voies des généraux sont, tout comme d’autres, décidément impénétrables.

Ahmed Ould Cheikh

mercredi 7 décembre 2011

Editorial : Le long chemin de la réconciliation nationale

L’Initiative de Résurgence du Mouvement Abolitionniste (IRA), certaines organisations des droits de l’Homme, des partis politiques et des membres de la diaspora ont organisé, le lundi 28 novembre, une visite hautement symbolique du lieu où, le 28 novembre 1990, vingt-huit militaires négro-mauritaniens furent pendus, haut-et-court, sans autre forme de procès, par leurs «frères d’armes». C’était à Inal, petite bourgade non loin de Nouadhibou, traversée par le train minéralier et dont le nom est devenu synonyme de barbarie, d’arbitraire et d’ignominie.
Parti de Nouakchott le 27 novembre, le convoi d’une trentaine de véhicules n’a pu rejoindre Inal qu’au bout de 24 heures de tracasseries en tous genres, de la part des gendarmes et des éléments du nouveau Groupement de la Sécurité des Routes (GSR) qui fait, ainsi, son baptême du feu, en matière de désagréments… routiers. Cartes d’identité, papiers des voitures, extincteurs, triangle de signalisation, tout a été demandé aux caravaniers dont les bagages ont été soumis à de minutieuses fouilles. Une façon de leur faire perdre du temps mais ils ont tenu bon et réussi à se recueillir sur les tombes des disparus, dans un moment d’intense émotion. C’est, en effet, la première fois que des parents des victimes parviennent à se rendre en ce lieu. Des veuves, des mères, des enfants qui n’ont pas connu leur père ont pleuré les leurs, fauchés par des mains assassines.
L’événement aurait été normal, la délégation se serait recueillie sur les tombes d’Inal, en toute simplicité et discrétion, et revenir de même, n’eût la bêtise des tracasseries sur la route. Comme si le pouvoir avait quelque chose à se reprocher, en cette affaire. Ould Abdel Aziz n’a-t-il pas poursuivi le processus entamé sous Sidioca? N’a-t-il pas demandé pardon, à Kaédi, et accompli la prière aux morts? N’a-t-il pas versé des indemnisations aux familles des victimes? Pourquoi se mettre, alors, en position d’accusé? Serait-il si mal conseillé ou si mal entouré qu’il n’est plus capable de discernement?
Il aurait été plus judicieux d’envoyer, à Inal, des membres du gouvernement ou, à défaut, de hauts responsables, édifier une stèle, à la mémoire des disparus, comme on l’a fait pour les français assassinés, en 2007, à Aleg. Et en faire de même, pourquoi pas, partout où la bêtise humaine a sévi.
Le chemin de la réconciliation nationale est encore long. Accompli à pas de maure – deux pas en avant, un pas à trois en arrière, selon l’humeur du jour – c’est offrir, aux extrémistes de tous bords, le loisir d’exploiter malignement les impatiences. Enfourchons, plutôt, le fringant coursier de l’intégration, quotidienne, entre les différentes communautés, en primant le moindre acte de partage et réprimant les rétentions de pouvoir. Il en va de notre survie. Nous n’avons que trop souffert des menées racistes et oligarchiques. Notre jeunesse, largement majoritaire en notre pays, est, de plus en plus, au fait de ce que signifie la démocratie. N’attendons pas qu’elle nous l’enseigne dans les clameurs contestataires, vivons-la. Paisiblement. En révisant, pratiquement, quotidiennement, la répartition de nos richesses, de nos savoirs et des pouvoirs. Qu’enfin chacun puisse constater que, oui, la Mauritanie devient une nation musulmane. Juste, honorable et fraternelle.

Ahmed Ould Cheikh

jeudi 24 novembre 2011

Editorial : Bisbilles mauritano-marocaines

Entre le Maroc et la Mauritanie, rien ne va plus désormais. Après avoir entériné, dès les premiers jours, le coup d’Etat d’août 2008, en dépêchant, à Nouakchott, le chef de son contre-espionnage, Massine Mansouri (!) et joué un grand rôle, pour la reconnaissance internationale d’Ould Abdel Aziz, le royaume chérifien montre de plus en plus de signes d’énervement, vis-à-vis de celui dont il pensait se faire un allié. Pour diverses raisons, dont certaines ne sont pas nécessairement diplomatiques. A commencer par le report, à trois reprises, d’une visite officielle que le chef de l’Etat mauritanien projetait d’accomplir au Maroc, dont au moins deux à la demande de celui-ci, en raison du calendrier chargé du Roi Mohamed VI. Notre encombrant voisin du Nord, très susceptible lorsqu’il s’agit de l’Algérie, a, semble-t-il, très peu apprécié la coordination entre cette dernière et la Mauritanie, dans le cadre de la lutte contre AQMI. Il n’en faut pas plus pour que certains journaux marocains – aux ordres, bien évidemment – s’en donnent à coeur joie. Un d’entre eux publiant une caricature où l’on voyait Bouteflika porter, dans ses bras, les deux Ould Abdel Aziz (de la Mauritanie et du Polisario), et déclarer: ‘’ce sont mes deux Abdel Aziz préférés’’. D’autres tirant, à boulets rouges, sur un pouvoir mauritanien qui a ‘’osé tourner le dos au Maroc’’. Il y eut, ensuite, la concurrence, acharnée, que les deux pays se sont livrés pour le poste de membre non permanent du Conseil de sécurité, emporté, haut la main, par le Maroc. Même l’Agence Marocaine de Coopération Internationale (AMCI), restée, jusqu’à présent, en dehors des vicisssitudes de la politique, n’a accordé des bourses d’étude qu’à un nombre très réduit d’étudiants mauritaniens. Officiellement, faute de places, suite à l’arrivée, massive, d’étudiants libyens, tunisiens et syriens. Mais tout le monde sait que la raison réside ailleurs. Même lorsque les relations diplomatiques entre les deux pays furent rompues, l’AMAMCO (l’ancêre de l’AMCI) ne cessa d’accueillir les étudiants mauritaniens, à bras ouverts. C’était, il est vrai, au temps de Hassan II: le Maroc a bien changé, depuis.
Ould Abdel Aziz avait, pourtant, offert une concession de taille, au Maroc. En envoyant, l’année dernière, son ambassadeur au Maroc dans les provinces sahariennes où il s’était fendu d’une déclaration sur «les progrès qui s’y étaient accomplis», il reconnaissait, de fait, la tutelle du royaume sur la zone, alors que la Mauritanie n’est, pourtant, jamais revenue sur la reconnaissance de la République sahraouie, en 1983.
L’Algérie n’avait pas fait grand cas de l’affaire, persuadée, sans doute, que la lune de miel, entre ses deux voisins, n’allait pas durer une éternité. Et que l’impatience du Maroc finirait bien par avoir raison de la patience, légendaire, des Mauritaniens. Même ceux qui sont censés cultiver les meilleures dispositions à son égard. On se demande, à présent, où s’arrêteront les bisbilles. Et qui fera le premier pas pour calmer le jeu?

Ahmed Ould Cheikh

dimanche 20 novembre 2011

Editorial : Epuisant retour aux sources

Rebelote ! Chaque année, on fait les mêmes erreurs et on n’en tire aucune leçon. Avant le départ de Nouakchott, les pèlerins (ceux qui prennent les vols affrétés par le ministère de l’Orientation Islamique) sont parqués à la mosquée Ibn Abass où ils peuvent attendre de longues heures, sous le soleil, avant de s’embarquer. Arrivés à Jeddah, c’est par autobus qu’ils sont acheminés vers Médine: plus de 14 heures de route! Dans la ville du prophète – Paix et Bénédictions sur Lui (P.S.L.) – ils ont été délogés, cette année, six jours avant le début du pèlerinage, de l’immeuble où ils étaient hébergés. Et les voilà, du coup, réexpédiés, avant l’heure, à La Mecque!
Puis vint le Jour J ou ils doivent être acheminés vers Mina, première étape du pèlerinage proprement dit, et les mauritaniens obligés d’occuper la rue, pour qu’on consente, enfin, à mettre des bus à la disposition de quelques-uns d’entre eux. Les autres, astreints à cheminer à pied. Même calvaire, le lendemain, pour se rendre à Arafat. Pour ceux qui l’ignorent, dix kilomètres, tout de même, séparent Mina d’Arafat. Obèses, diabétiques et autres cardiaques, appréciez le retour aux sources bédouines ! Puis, c’est Mouzdalifa et, à nouveau, Mina: toujours le laisser-aller, le je-m’en-foutisme général, pas d’interlocuteur, pèlerins abandonnés à leur sort. On aperçoit, même, de hauts responsables, membres de la délégation officielle mauritanienne, couchés à même le sol de Mina. Retour aux sources bédouines, vous dis-je!
Ce n’est pas le cas de tous les pèlerins. Chaque pays a sa propre mission résidente et permanente qui prend soin de ses ressortissants. Chaque pays, sauf… allez, je vous laisse deviner! Bah, me direz-vous, faire le pèlerinage, c’est le rêve de tout mauritanien, mâle ou femelle! C’est vrai. Tout un chacun espère accomplir, un jour, ce devoir essentiel. Encore faut-il en revenir. Cette année, les trois derniers vols pour Nouakchott seront retardés d’une semaine. Certains et certaines vont se retrouver, à court d’argent, dans de bien beaux draps.
On est ému, en tout cas, de voir tant de pèlerins arborer fièrement leur drapeau national… Tous les pays du monde, vous rendez-vous compte ? Quant à nous, pauvres que nous sommes, on se dit que la Mauritanie a, encore, beaucoup, beaucoup de chemin à parcourir… Mais, tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir. Avant, c’était notre consulat à Jeddah qui « organisait » - admettons, pieusement, le terme – notre séjour. Cette année, ce fut le ministère de l’orientation islamique, un peu désorienté, nous a-t-il clairement paru. Mais bon, cela n’empêchera pas, louange à Dieu, les Mauritaniens de se tourner, encore et toujours, vers l’Orient. C’est vivifiant, le retour aux sources.

Ahmed Ould Cheikh

mardi 25 octobre 2011

Editorial : Une avancée… soporifique?

La session officielle du dialogue politique, ouverte il y a plus d’un mois, est achevée! Voilà deux ans qu’on l’attendait, que tout le monde l’appelait de ses vœux et pfuiiiiiiit, la voici apparue et disparue, sans rien changer à notre présent! Et certainement pas grand chose à notre avenir. Qu’aurons-nous de plus, en effet, suite à plus d’un mois de discussions et de marchandages? une CENI, une criminalisation des coups d’Etat – ceux qui auraient lieu après le dialogue, les précédents étant, explicitement et définitivement, prescrits – et de l’esclavage, dans le préambule de notre Constitution; 146 députés, au lieu de 95; une loi interdisant le nomadisme politique de ceux-ci; une HAPA politisée; la dissolution des partis ayant obtenu moins de 1%, lors de deux consultations électorales successives; l’interdiction, pour l’armée, d’interférer dans le jeu politique et l’obligation, pour le leader institutionnel de l’opposition, d’être un élu. Certains y ont vu une grande avancée, pour une démocratie qui balbutie depuis sa naissance. D’autres, comme la Coordination de l’opposition (ou ce qui en reste), n’y voient que de la poudre aux yeux pour continuer à endormir l’opinion et les partenaires au développement. En tout cas, cette «avancée», pour être complète, aurait dû englober le Sénat dont tout le monde attendait la suppression, tant il coûte cher au contribuable, pour un résultat nul; le nomadisme politique des conseillers municipaux dont les voix, achetées à vil prix, profitent, surtout, au parti au pouvoir; les moyens de rendre la justice réellement indépendante et l’école véritablement efficiente et des «garanties fiables sur la neutralité de l’institution militaire» – pour reprendre les termes du communiqué de la COD – qui nous a déjà joué de bien mauvais tours.
Que faut-il en déduire? Que nous avons, désormais, une démocratie parfaite qui ne sentira plus les odeurs de Rangers? Ou que nous sommes, encore, sous la tutelle d’une institution militaire qui nous aime au point de ne plus vouloir nous quitter des yeux? Il y a, en tout état de cause, deux dangereux précédents : le coup d’Etat du 6 août 2008 qui a mis fin, brutalement, à une expérience démocratique unique, dans le monde arabe, et les Accords de Dakar, signés, en 2009, en présence des représentants de la Communauté internationale, et dont la seconde clause – après celle prévoyant une élection présidentielle –n’aura été appliquée que deux ans après. Et au rabais, s’il vous plaît! Si ce n’est pas un irrespect des engagements, ça lui ressemble, quand même, étrangement. Faut-il, du coup et par déduction, s’attendre à ce que le pouvoir louvoie, de nouveau, et essaie de gagner du temps, pour ne pas avoir à appliquer ce nouvel accord? Contrairement à 2009, il dispose, cette fois, d’une plus grande marge de manœuvres, de nouvelles élections ne pouvant être organisées avant deux ou trois ans. Les anciennes cartes d’identité sont périmées et, si le gouvernement décrétait qu’elles sont encore valables, des milliers et des milliers de jeunes ayant atteint l’âge de voter ne disposeraient pas du précieux sésame, pour s’acquitter de leur devoir civique. Et personne ne sait quand les nouvelles cartes d’identité, issues de l’enrôlement, malmené mais toujours en cours, seront disponibles. Il va falloir, donc, se taper notre Parlement actuel, pendant un bout de temps encore. Heureusement que les députés de l’opposition apportent un minimum de contradiction, dans ses assoupissements monocordes...
Ahmed Ould Cheikh

jeudi 13 octobre 2011

Editorial : La Mauritanie avant tout!

Notre pays a connu, la semaine dernière, des événements d’une rare violence. A Kaédi et à Maghama, des jeunes, qui protestaient contre l’enrôlement ‘’discriminatoire’’, se sont, violemment, heurtés aux forces de sécurité. Un jeune est même mort, victime de la bêtise humaine. D’autres ont été blessés par balles. A Nouakchott aussi, le jeudi dernier a été chaud. La Médina 3 avait un air d’Intifada. Des dizaines de manifestants se sont retrouvés sous les verrous, après l’intervention, musclée, de la police.
Comment en est-on arrivé là? Depuis quelques mois déjà, la rumeur n’a cessé de s’amplifier, comme quoi les Négro-mauritaniens seraient dans la ligne de mire des commissions d’enrôlement qui contestent leur mauritanité. D’illustres membres de cette communauté se seraient même vus refuser l’enrôlement, au motif qu’ils ne connaissaient pas un tel ou un tel. Des personnalités maures, connues elles aussi, ont fait les frais du zèle de ces commissions. Pourtant, personne n’a crié à la discrimination. Il n’en fallait pas plus pour que les sites et autres forums de discussion s’emparent de la question et tentent de réveiller les vieux démons. Chacun d’entre nous a encore en mémoire les tristes événements de 1989 et personne n’a intérêt à ce qu’ils se renouvellent. Il faut combattre, d’abord, les pêcheurs en eaux troubles. Il y a une lutte à mener, comme pour le retour des déportés et le règlement du passif humanitaire. Nous les avons menées et les menons, ensemble. Et les gagneront, ensemble. Faisons de même pour celle-là. Sans haine, ni exclusion. L ‘enrôlement est discriminatoire? Battons-nous tous, mains dans la main, pour qu’il ne le soit plus. Les commissions d’enrôlement sont inégalitaires? Marchons, écrivons, dénonçons, pour que tout le monde ait les mêmes chances de s’inscrire. A quoi sert-il de se frotter au système de répression du régime, quand les forces sont inégales? De s’attaquer aux membres d’autres communautés au risque de se faire des ennemis? De piller les biens d’autrui? De détruire tout sur son passage? Un facebookeur rappelait, l’autre jour, ce que disait un sage: ‘’Le pire ennemi d’une cause noble, c’est le comportement ignoble’’.
La Mauritanie est un pays trop fragile pour supporter des secousses à caractère ethnique. Elle est notre bien commun. Faisons en sorte de la préserver de nos propres turpitudes. Battons-nous, dans la légalité, pour faire prévaloir nos droits. Luttons contre ce régime, s’il s’avère qu’il cherche à nous diviser. Les peuples tunisien et égyptien ont démontré qu’on peut avoir raison de pouvoirs solidement assis, sans recourir à la violence. Qui, à son tour, appelle la violence. Cercle vicieux. Alors qu’il s’agirait d’établir un cercle de vertus et de solidarité. En lançant, par exemple, un mouvement national de désenrôlement, appelant tous les citoyens à signer nominativement une pétition en ce sens… Jeunes du TPN et autres militants de février, soyez inventifs, à la rencontre de tous les Mauritaniens! C’est en réalisant son unité que le peuple devient invincible!

AOC

Faire simple quand on peut faire compliqué ?

Combien y-a-t-il de diplomates mauritaniens? Quelques centaines, à tout casser. Combien d’entre eux sont-ils susceptibles d’avoir à se rendre en France? Guère plus du quart, probablement. Bref: un petit monde connu; qui devrait l’être, en tout cas, de la diplomatie française, de si longue date amie de la nôtre. Hé bien, non, cela semble trop à notre chère ex-coloniale. Un diplomate mauritanien, s’il doit se rendre en France, doit passer, comme le moindre quidam, par le service des visas du consulat français à Nouakchott. Et ce n’est pas si simple. Car les nouvelles procédures, pour obtenir un rendez-vous avec l’ambassade obligent de passer par un opérateur basé au Sénégal. Pas un français ni un mauritanien, non, un sénégalais. Peut-être faudrait-il envisager de sous-traiter notre diplomatie au Sénégal?
L’Espagne, quant à elle, a compris l’inanité de telles procédures, assez humiliantes, c’est le moins qu’on puisse dire. Vous imaginez un diplomate français, devant se rendre en Mauritanie, obligé de s’adresser à un opérateur russe ou chinois, voire teuton? Bref. Les Espagnols, disais-je, ont décidé, tout simplement, de dispenser de visa tous les détenteurs de passeports diplomatiques mauritaniens. C’est poli et de bon ton. Même pragmatique, si l’on prend la peine d’y réfléchir à deux fois. Mais bon, la France sarkozienne ne semble guère avoir de tels soucis. Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué? La question ne cessera de tarauder, probablement, l’immigré de seconde génération en charge de l’ex-puissance impériale, jusqu’à sa non-réélection très attendue. Et l’on se prend à espérer que son suivant – ou suivante – soit plus à l’aise dans ses pompes…

jeudi 29 septembre 2011

Editorial : Droit de véto

Le droit de veto, ça en a des formes. Par exemple, comment ouvrir les médias, en Mauritanie, en exerçant un droit de veto tout à fait contraire à l’esprit de démocratisation à tout-crin qu’on prétend promouvoir ? Réponse : en glissant, dans le texte de loi ordonnant cette ouverture, un montant exorbitant pour obtenir une licence d’exploitation : dix millions d’ouguiyas, pour une simple radio! Les professionnels de la presse libre attendaient, depuis vingt ans, une ouverture des médias qui place, enfin, notre pays au même rang que les pays de la sous-région. Dans les colloques, nos voisins se gaussaient gentiment : «alors, la Mauritanie, toujours à la traîne ? Au moins, vous vous distinguez des autres… » Dix millions d’ouguiyas. Autant dire : les pros de la presse libre, dehors du marché! Ou, alors, passez par les fourches caudines de nos forces d’argent, banquiers, hommes d’affaires et consorts! Si, si, je suis sûr qu’ils vont aimer ce genre de mécénat!
Par quel tour de passe-passe, Obama, notre défenseur afro-européen américanisé des droits de l’Homme, va-t-il, lui, justifier de son droit de veto, au conseil de sécurité des Nations-Unies, pour contrer la saisine de Mahmoud Abbas, pour la fondation, enfin, de l’Etat de Palestine, condition inséparable de celle de l’Etat d’Israël, lors de la résolution 181 du 29 novembre 1947? Soixante-cinq ans que cette résolution est piétinée, et que la comédie perdure, avec la seule fondation de la Sionie, caricature de ce que devrait être un Etat juif. Soixante-cinq ans que les Sionistes bafouent toutes les résolutions des Nations-Unies, guerroyant ici, invoquant, là, des feuilles de route, des plans de paix, des accords d’Oslo ou de Madrid, appuyés par des quintettes, des quartettes, et autres trompettes à musique variable, mais colonisant, toujours, à tout-va. Les négociations sont rompues, les « gens des territoires » n’ont pas accepté nos conditions préalables. Hé, Palestiniens, reprenez les négociations, sans poser, vous, de conditions ! Seulement, voilà : en usant de son droit de veto pour la défense d’une situation inacceptable, Obama rejoint la triste cohorte des marionnettes des droits de l’Homme et des peuples, révélant les grosses ficelles qui l’animent; au même niveau qu’un ex-général subsaharien, moins président des pauvres, on s’en doutait déjà, que pantin des forces d’argent…
AOC

mercredi 21 septembre 2011

Editorial : A la recherche du temps perdu……..

Le dialogue politique, entre la majorité et l’opposition, est, désormais, lancé. Depuis samedi dernier, très exactement, au Palais des Congrès, en présence du président de la République qui a même prononcé un discours, pour ajouter à la solennité du moment. Son speech, prononcé dans un arabe très approximatif, évoquera, pêle-mêle, un tournant important de l'histoire de notre pays; l'opportunité offerte, aux différents partenaires politiques, d'examiner les voies et moyens nécessaires à la promotion de notre vie démocratique; le dialogue constructif, sur notre situation politique; la gouvernance démocratique; les relations nouvelles, fondées sur la confiance réciproque ; le respect des différences, le pluralisme des positions et la diversité des attitudes. De bien jolis mots qui pourraient faire croire, au premier venu, que nous vivons une démocratie en tous points parfaite, qui n’a jamais connu de coup d’Etat contre un président démocratiquement élu et respecte, à la lettre, ce texte fondamental qu’est la Constitution. En réalité, il y a loin, de la coupe aux lèvres. Mais ne boudons pas notre plaisir. Pour une fois que s’assoient, autour d’une table pour discuter, l’opposition, la majorité et le représentant du président – qui se démarque, ainsi et ouvertement, de ses soutiens pour lesquels il n’a, paraît-il, guère d’estime ; et pour cause: ils ont, déjà, soutenu tous ceux qui ont conquis, précédemment, le palais ocre!
La situation exige cette discussion. S’il avait toutes les cartes en main, Ould Abdel Aziz n’aurait jamais transigé. Il serait allé seul aux élections, laissant l’opposition ruminer sa colère. Mais la donne a évolué, depuis l’élection de 2009. Des révolutions ont balayé plusieurs dictatures, dans le monde arabe; la situation interne est loin d’être reluisante; AQMI frappe à nos portes et la France, principal soutien de notre putschiste légitimé, a bien changé, depuis que Guéant s’occupe de l’Intérieur et non plus de l’Extérieur. Dommage que Robert Bourgi, dans ses révélations, se contente de la période Chirac. Acteur de premier plan, dans le changement d’attitude de la France, vis-à-vis du coup d’Etat d’août 2008, il nous dira, peut-être un jour, en échange de quoi ce revirement a été opéré. Il attend, sans doute, que Sarkozy soit éjecté de son fauteuil, en 2012, pour évoquer d’autres valises, pleines à ras bord.
Pour en revenir à notre dialogue au rabais, auquel ne participent, réellement, que deux partis, il y a lieu de se demander ce qu’on peut en attendre. Les médias publics changeront-ils, du jour au lendemain, pour devenir, non plus la voix de leur maître, mais des organes permettant à tout le monde de dire ce qu’il pense? Le pouvoir va-t-il multiplier les concessions, pour que des élections les plus transparentes possibles soient organisées? Une CENI véritablement indépendante sera-t-elle mise en place? Une nouvelle loi électorale sera-t-elle promulguée, pour interdire le nomadisme des élus, d’un parti à l’autre?
Si le dialogue aboutit à l’adoption de tous ces points, nous applaudirons, des deux mains, et nous donnerons raison à ceux qui ont brisé les rangs de l’opposition, pour faire bouger les lignes. Dans le cas contraire, on aura encore perdu du temps et déçu des espoirs. Au risque de s’acheminer vers des lendemains incertains. Qui sera, alors, le grand perdant?

Ahmed Ould Cheikh

mercredi 24 août 2011

Editorial : Messieurs les politiques, allez à l’essentiel !

Une partie de l’opposition qui dit oui, une autre qui dit non, une majorité qui ne sait plus quoi dire, attendant un signal d’en haut. Le dialogue politique inclusif, que tout le monde appelle de ses vœux et qui figurait, en bonne place, dans les fameux Accords de Dakar, risque de ne jamais voir le jour. Pourtant, cela fait des mois, que des partis et des hommes politiques, tout ce qu’il y a de plus sérieux, planchent dessus. Entre rencontres, audiences, réunions-marathons, retouches pour un mot ou pour deux, déclarations de bonne intention, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts. Et n’a rien charrié. Si ce n’est une mésentente, pas tout à fait cordiale, entre un pouvoir qui dort sur les lauriers, aux commandes d’un navire qui tangue dangereusement, et une opposition, échaudée par l’expérience de 2009, lorsqu’elle fut roulée dans la farine, qui refuse de faire la moindre concession. Ses revendications sont, au demeurant, des plus légitimes. Elle demande, en premier lieu, l’ouverture des médias publics à tout le monde. Il n’est, en effet, pas normal que, dans un pays qui se veut démocratique, les organes de presse officiels soient transformés en outils de propagande, au seul profit du pouvoir en place. Il faut aller en Corée du Nord, en Birmanie ou en Libye de Kadhafi – encore qu’il faille, en ce dernier cas, se dépêcher – pour voir encore une telle bêtise humaine. La télévision et la radio fonctionnent avec l’argent du contribuable, donc, de tout un chacun, et doivent, de ce fait, refléter l’avis de tous. Comment incriminer l’opposition, si elle réclame un temps de parole, alors que le problème ne devrait, même pas, être posé? Dans une démocratie qui se respecte, ce genre de détails ne doit pas faire l’objet de discussions. Il coule de source, normalement. Tout comme un code électoral consensuel, une CENI indépendante et une administration neutre. C’est ce qu’on appelle, communément, les fondamentaux de la démocratie.
Si le pouvoir est sincère dans sa volonté de dialogue et s’il tient à respecter l’Accord qu’il a signé sous l’égide de la communauté internationale, tout devrait rentrer dans l’ordre. Au bénéfice de tous: du pouvoir, qui fera preuve d’ouverture, et de l’opposition, qui évoluera, désormais, dans une scène politique apaisée et pourra se consacrer à autre chose que ses querelles de clocher. Faute de quoi, on irait vers des élections organisées unilatéralement, sans aucune crédibilité. La tension augmenterait, alors, d’un cran. Ce qui, avec les autres foyers de tension, à l’intérieur et à l’extérieur, risque d’être du plus mauvais effet, sur un pays qui vit, déjà, des moments difficiles. La de plus en plus probable et imminente chute du Grand Guide libyen, en dépit de ses milliards et de ses monumentaux arsenaux, devrait donner à réfléchir à notre raïs qui aurait grand tort de minimiser le ras-le-bol populaire, en cette affaire comme en d’autres. Trop plein que tous nos politiques semblent avoir perdu de vue. Ils auraient, pourtant, le plus grand intérêt à couper court et aller, directement, à l’essentiel. Ou déclarer leur incapacité. Et partir. Tous. Sans exception.
Ahmed Ould Cheikh

mercredi 17 août 2011

Editorial : Parlons chiffres!

Lors de sa dernière prestation télévisée, le 6 août dernier, à l’occasion du deuxième anniversaire de son investiture à la tête de l’Etat, le président a beaucoup parlé. Quatre heures d’horloge lui ont à peine suffi, pour faire passer son message. Quatre heures au cours desquelles il a donné très peu de chiffres alors que, normalement, il faisait le bilan de ses trois ans passés à la tête de l’Etat. Il nous a juste appris qu’il est intervenu, une fois, dans un processus d’attribution de marché public au profit d’une société nationale, en l’occurrence ATTM. Ce qui constitue, si notre guide éclairé ne le sait pas, une violation du code des marchés publics, punie par la loi. La Banque Mondiale, un de nos principaux partenaires au développement, traite de «manœuvre frauduleuse» toute tentative d’intervention d’un agent public ou privé, dans un marché en cours. Le président, qui avait reconnu, l’année dernière, qu’il violait la Loi des finances, en dépensant de l’argent hors budget, revient, de nouveau, à la charge. La loi est faite pour être violée, non? Et si l’exemple vient d’en haut…
Ould Abdel Aziz a, ensuite, fait parler la poudre, en nous jetant, à la figure, des chiffres censés nous prouver que notre économie se porte comme un charme: 500 millions de dollars d’avoirs, en devises, et un compte du Trésor, à la BCM, créditeur de 37 milliards d‘ouguiyas. En cette période de récession, les Etats-Unis pourraient difficilement faire mieux. Mais ce qu’ignore le commun des mortels, ébahi devant un tel étalage de richesse, c’est qu’il ne s’agit, là, que d’une vérité tronquée. A quoi sert-il de posséder 500 millions de dollars, quand vos engagements dépassent le milliard ? Que représentent 37 milliards d’ouguiyas, face à une dette intérieure de plus de 120 milliards? Un des plus grands acquis de la Transition 2005/2007 est qu’elle a soldé toute la dette intérieure. Et, depuis 2008, l’Etat n’a fait que vivre sur le dos de ses créanciers, battant des records d’insolvabilité. On ne cesse, pourtant, de nous chanter que la lutte contre la gabegie a porté ses fruits, que les dépenses ont été maitrisées et que l’Etat ne vit plus au dessus de ses moyens. Que l’Etat ne vit plus avec ses moyens mais les thésaurise, devrait-on dire. Cet argent devait, normalement, servir à faire face aux engagements, renflouer les sociétés d’Etat qui croulent sous les déficits et soutenir l’ouguiya qui s’effondre, face aux devises étrangères. Le compte du Trésor, à la Banque centrale, n’a besoin de tout cet argent, il pourrait même être débiteur, à la limite. Ce n’est, pas nécessairement, un signe de bonne santé économique ni de bonne gestion d’accumuler autant d’argent. Sauf à vouloir s’en vanter.
Dans une économie aussi fragile que la nôtre, où tout dépend de l’Etat, fermer les vannes du robinet pose plus de problèmes qu’il n’en résout. Il s’agirait, plutôt, d’édicter des règles strictes de gestion, choisir les hommes qu’il faut et laisser l’Etat jouer son rôle de régulateur. Il n’est pas possible pour une seule personne, fut-elle président, de régenter toute une économie, de la plus petite dépense jusqu’aux grands équilibres macro-économiques. Les Mauritaniens seraient-ils à ce point peu dignes de confiance? A vous de juger!

AOC

dimanche 14 août 2011

Editorial : Miroir, mon beau miroir…

Ould Abdel Aziz a parlé. Trois ans après son accession au pouvoir par les armes et deux ans après son investiture à la présidence de la République, le chef de l’Etat s’est prêté aux jeux des questions/réponses avec des journalistes et des citoyens triés sur le volet. Au Palais des Congrès – transformé en palais des Complots, par un jeu de mots, involontaire, d’une speakerine arabophone – il y avait grande foule pour écouter les présidentielles déclarations. La TVM et la Radio ont sorti les gros moyens, pour amener la «bonne parole» aux quatre coins du pays et, même, à l’extérieur. L’événement était, certes, important. Ce n’est pas tous les jours qu’un président mauritanien accepte de descendre dans l’arène pour s’expliquer. En trente-deux ans de régime militaire, le silence-radio, devant les médias nationaux, était devenu la règle. C’est à la limite si la presse indépendante n’était pas traitée avec mépris.
Pour en revenir au débat où, soit dit en passant, «Le Calame» n’était pas invité – une reconnaissance en creux de notre indépendance, je présume – le président est apparu décontracté; au début. Il se crispera rapidement: dès la deuxième question d’un journaliste relative au sentiment de malaise qui prévaut dans le pays et que partagent aussi bien la majorité que l’opposition. «Ce genre de questions ne me dérange pas», dira-t-il, comme si cela n’allait pas de soi. Avant de se rattraper et faire preuve de beaucoup de sang-froid, malgré un feu, nourri, de questions dont certaines décontenanceraient plus d’un. Et de planter le décor, piquant, avec hardiesse, l’opposition qui pose, selon lui, des conditions au dialogue, alors que ce sont ses préalables qui doivent être l’objet du débat. Sur d’autres points, le public restera sur sa faim. Le président ne donnera pas de détails sur sa déclaration de patrimoine – se contentant de dire qu’il «n’a jamais rien géré avant d’être président» – ni sur les sociétés, fondées par ses proches, qui commencent à engranger, par miracle, marché sur marché. Et de défendre, becs et ongles, la convention de pêche, signée avec la société chinoise Poly Hondone, sans, toutefois, donner de détails sur ce qu’elle va apporter à l’Etat, en dehors de 2.000 emplois et d’un investissement de 100 millions de dollars.
On n’est jamais aussi bien servi que par soi-même. Méfiant, dit-on, à l’égard de ses laudateurs patentés, Ould Abdel Aziz aime, manifestement, se tresser sa propre couronne de lauriers. Il évoque, avec un délice non dissimulé, ses autosatisfactions, son bilan, la lutte contre la gabegie et contre AQMI, l’Armée, les routes, les équipements, les subventions aux produits alimentaires et aux hydrocarbures, les réserves en devises et en ouguiyas. Un tableau idyllique fort éloigné, tout de même, de ce que vit, quotidiennement, le citoyen lambda: la vie de plus en plus chère, la stagnation des salaires, la précarité banalisée, la queue du diable tant recherchée que le pauvre n’aura bientôt plus que le palais gris pour abriter son caudal appendice. Nul doute qu’il y trouve matière à tenter son narcissique hôte, fondu d’admiration devant le miroir de ses œuvres: en seulement trois ans de pouvoir, c’est, déjà, une bien inquiétante prouesse.

Ahmed Ould Cheikh

mercredi 3 août 2011

Editorial : Attachez vos ceintures!

Le dialogue politique entre le pouvoir et l’opposition, tout le monde l’appelle de ses vœux. Verra-t-il jamais le jour, tant les peaux de banane jonchent, nombreuses, son chemin? Ould Abdel Aziz vient de recevoir, pour la énième fois, Messaoud Ould Boulkheir. Le leader de l’APP remettait, au président de la République la réponse, amendée, de la COD, à sa proposition de dialogue. Fait nouveau : Messaoud était accompagné, cette fois, du président de la Convergence Démocratique Nationale, maître Mahfoudh Ould Bettah. La presse nationale s’est largement fait l’écho de la teneur des entretiens entre les trois hommes, qui s’apparentent, déjà, à un dialogue de sourds. Jugez-en vous-mêmes. Prenant la parole en premier, maître Bettah expose ce que l’opposition considère comme des préalables au dialogue. Ould Abdel Aziz lui répond, du tac au tac, que les médias publics sont ouverts mais qu’ils ne peuvent obliger personne à y intervenir ; que la justice est indépendante ; que les nominations aux hautes fonctions ne dépendent pas de l’appartenance à tel ou tel camp politique ; qu’une seule manifestation a été réprimée, depuis son accession au pouvoir ; que l’administration et l’Armée sont neutres et que c’est l’opposition qui entrave le dialogue. Et le président, visiblement agacé, d’enchaîner: «Nous avons reporté, en réponse à votre demande, les élections pour le renouvellement au tiers du Sénat mais vous ne semblez pas apprécier ce geste à sa juste valeur. En conséquence, nous avons décidé d’organiser les élections législatives et municipales, dans les délais prévus par la loi.»
La réunion finira en queue de poisson, sans que les deux parties ne conviennent d’un nouveau rendez-vous. Pire, le conseil des ministres décide, lors de sa réunion hebdomadaire, que les élections auront bien lieu en octobre. Faut-il en déduire que le dialogue est enterré? Etait-ce se réjouir un peu tôt d’enfin connaître une scène politique apaisée? Tout ce tintamarre n’était, donc, qu’une manœuvre du pouvoir, pour «démontrer» le refus de l’opposition au dialogue? Cette dernière freinerait-elle, des deux pieds, multipliant les chausse-trappes, pour ne pas légitimer Ould Abdel Aziz en dialoguant avec lui? Bref: notre majorité et notre opposition nous tourneraient-elles en bourriques?
Il ne sert à rien, en tout cas :
- d’organiser des élections sans une CENI et un code électoral consensuels
- de fixer les règles du jeu en l’absence de l’adversaire
- de prétendre à la neutralité, en s’érigeant juge et partie
Voilà un Ramadan qui s’annonce bien maussade, à moins d’un trimestre d’échéances qui qualifieront, de toute manière, le pouvoir. Discrétionnaire, en attendant les classiques dérapages du despote de moins en moins éclairé? Ou consensuel, enfin, au risque d’une alternance que le traitement lamentablement approximatif de la conjoncture rend de plus en plus probable? Il semble bien que ce Ramadan ne soit qu’un avant-goût, hélas, d’un bouclage permanent de ceinture. Mais pas pour des envols vers des lendemains radieux…

Ahmed Ould Cheikh

jeudi 14 juillet 2011

Editorial : Importune lune de fiel…

Rien ne va plus entre la Mauritanie et le Sénégal. Entre Wade et Ould Abdel Aziz, pour être plus précis. Depuis que le pays de la Teranga a décidé, en décembre dernier et à la surprise générale, de soutenir le candidat malien, à la direction générale de l’ASECNA, alors qu’il avait promis d’apporter son appui au mauritanien, les nuages n’ont cessé de s’amonceler dans le ciel des relations entre les deux voisins. On croyait, pourtant, que notre guide éclairé, à qui les Wade, père et fils, ont rendu d’inestimables services, en contribuant, grandement, à sa légitimation, allait être un peu plus reconnaissant envers ceux qui l’ont fait roi. Avec le concours bienveillant de la France et, surtout, de la Françafrique. Mais le pouvoir a, apparemment, ses raisons et ses contraintes. Ainsi, lorsqu’en 2008, les syndicats de transporteurs sénégalais empêchèrent, pour cause de concurrence, les bus mauritaniens d’effectuer la navette Nouakchott-Dakar, Ould Abdel Aziz demanda à ce que ceux-ci soient, automatiquement, arrêtés et qu’on arrête d’importuner ses «amis» de l’autre rive. Il faut dire qu’en ce moment crucial, il avait besoin de l’appui du «doyen», pour faire passer son coup et amener l’opinion internationale à accepter une sortie de crise à sa botte. Ce qui fut fait. Les fameux accords de Dakar, signés en juin 2009, à…Nouakchott, en présence de Wade, permettent d’organiser une élection présidentielle, en juillet suivant, qui consacre la victoire, au premier tour, d’Ould Abdel Aziz.

Une année et demie plus tard, la lune de miel commence à tourner, sérieusement, à la lune de… fiel. Après l’épisode de l’ASECNA, qu’Ould Abdel Aziz a très mal digéré, le problème du transport terrestre refait surface. Cette fois, la Mauritanie, beaucoup moins conciliante, décide d’appliquer le principe de réciprocité. Les camions sénégalais ne sont plus autorisés à fouler notre sol et doivent, désormais, débarquer, à Rosso, leur cargaison, prise en charge par les camionneurs mauritaniens. Avant de prendre cette décision, le gouvernement avait, cependant, demandé, avec insistance, aux Sénégalais d’appliquer la convention de transport liant les deux pays. Mais leurs syndicats, qui ne veulent pas entendre parler des bus mauritaniens, se sont révélés assez forts pour narguer leur Etat, en toute impunité.

Ce fut, ensuite, la mésentente au sujet de la Libye et les petites phrases, assassines, de Wade qui accuse, indirectement, Ould Abdel Aziz d’avoir empêché, lors de l’avant-dernière réunion de l’UA, que celle-ci demande, clairement, le départ de Kadhafi. Comme pour mettre de l’huile sur le feu, le Sénégal exprime des réserves sur la candidature de la Mauritanie, au nom de l’Afrique de l’Ouest, à un poste de membre non permanent du Conseil de sécurité. Et l’affaire se corse, la semaine passée, lorsque le ministère sénégalais du Transport aérien, que dirige Karim Wade, n’accorde que trois vols par semaine, sur Dakar, à la nouvelle compagnie nationale, Mauritania Airlines, alors que Sénégal Airlines exploite sept vols par semaine, sur Nouakchott. Il n’en faut pas plus pour que la Mauritanie décide, tout bonnement, d’interdire son espace aérien à la compagnie sénégalaise, jusqu’à ce qu’une solution équitable soit trouvée.

Bref, un ensemble de détails en voie de se transformer en gros problème. Dans l’intérêt de personne. En 1989, ce fut un petit incident entre éleveurs et agriculteurs qui déclencha la spirale meurtrière. A l’époque, le Sénégal était au bord de l’explosion sociale et il fallait, au régime en place, un exutoire et une cause nationale. 2011 n’est pas loin de 1989. Wade connaît une fin de mandat difficile, sa proposition d’un ticket présidentiel a failli déclencher une révolution et le quotidien du sénégalais est de plus en plus intenable. Mais les peuples n’ont que faire des états d’âme de leurs dirigeants. Wade et Ould Abdel Aziz partiront, comme Diouf et Ould Taya avant eux. Les plaies de 1989 s’étant à peine cicatrisées, il ne sert à rien d’en ouvrir de nouvelles. Gardons à l’esprit qu’aucun de nos pays ne peut vivre en autarcie, mais que c’est surtout la Mauritanie qui a besoin du Sénégal et non l’inverse. De sa main d’œuvre, de son port, de son marché intérieur, pour nos commerçants; de ses camions, pour transporter nos marchandises; de ses pêcheurs, pour nous ravitailler en poisson; de ses pâturages, pour nos milliers de têtes de bétail qui traversent, chaque année, la frontière ; de ses hôpitaux, pour soigner nos malades. Tempérons, donc, nos ardeurs et tentons de trouver des solutions à l’amiable. Il ne sert à rien de montrer ses muscles, quand le rapport de forces ne vous est pas favorable.

Ahmed Ould Cheikh

mercredi 6 juillet 2011

Editorial : Président Don Quichotte

L’opposition s’est, enfin, décidée à parler d’une même voix. Après une série d’audiences accordées, par Ould Abdel Aziz, à certains de ses leaders, des déclarations, assorties de menaces de retrait de la Coordination – «si elle ne se décidait pas à dialoguer avec le pouvoir», dixit Messaoud Ould Boulkheir – des réunions-marathons où tout ou presque a été dit, une «feuille de route» pour le dialogue a été remise au président de la République. A charge d’y répondre dans les dix jours, s’il est «réellement sincère dans sa volonté de dialogue», comme l’a supputé au moins un opposant. Mais notre président-voyageur a, apparemment, d’autres soucis. Tel le célèbre forgeron de la légende populaire qui rafistolait les calebasses des autres, en négligeant les siennes, pourtant très mal en point. Un petit saut à Pretoria où se tenait une réunion du panel de l’Union africaine sur la Libye, en début de semaine passée, suivie, deux jours plus tard, de la capitale équato-guinéenne pour les assises de l’organisation continentale. Dont le président en exercice, Théodore Obiang N’guema, un dictateur «pur jus», devrait faire honte à l’UA, et être écarté, en conséquence, de sa direction. But de ces deux conclaves: la situation en Libye, dont le «Guide de la révolution», confronté, depuis plusieurs mois, à une rébellion armée, refuse de lâcher le pouvoir. Comme lors de ces précédentes réunions, le panel a demandé la fin des combats, la tenue de négociations, directes, entre les deux parties et la fin des frappes de l’OTAN. Rien de bien nouveau. La même litanie est récitée, à chaque concertation du panel, et, comme lors de la crise ivoirienne, personne ne semble lui prêter la moindre attention. Les enjeux dépassent le continent. Les puissants de ce monde, décidés à jouer au gendarme, ne vont pas s’arrêter en si bon chemin pour se débarrasser d’un psychopathe accro et pas seulement aux lambris dorés.

Toujours est-il que le guide de notre révolution à nous, celle du 6 août 2008, ne ménage aucun effort pour rester sous les feux de la rampe. Se souvient-il que, parmi les reproches qu’il avait émis, en son temps, à Sidioca, celle de voyager un peu trop aux frais de la princesse figurait en bonne place. Mais on en n’est pas à une anomalie près. Comment l’UA, par exemple, a-t-elle pu ériger le putschiste qu’elle vouait aux gémonies, il y a moins de deux ans, en chef-médiateur?

Sauf à vouloir se prendre pour ce qu’il n’est pas, Ould Abdel Aziz aurait pu faire l’économie de tous ces déplacements onéreux et qui n’ont, jusqu’à présent, donné aucun résultat probant. Nombre de chefs d’Etat ne participent, quasiment jamais, aux réunions de l’Union Africaine, et ne s’en portent pas plus mal. Notre raïs pouvait consacrer cette énergie à régler les multiples problèmes auxquels son pays fait face, à discuter, avec son opposition, pour aplanir les divergences, à aller à l’encontre des citoyens de l’intérieur, pour s’enquérir de leur situation, à combattre, sans démagogie, ces maux endémiques que sont la mauvaise gestion et la gabegie. En un mot, Il devait, et c’est pour cela qu’il a été élu, consacrer son temps à la Mauritanie, au lieu d’aller se battre, tel Don Quichotte, contre les moulins à vent.

Ahmed Ould Cheikh

dimanche 26 juin 2011

Editorial : Quand la Chine pêchera….

Depuis plus de trois semaines, on ne parle que d’elle. La presse en a fait ses choux gras. Le Calame lui consacre, cette semaine, une enquête fouillée. L’Assemblée en a débattu, de long en large, évoquant ses effets pervers et ses désastreuses conséquences. Avant de l’approuver, grâce à une majorité qui n’en finit pas d’avaler des couleuvres. Elle, c’est la convention de pêche que la Mauritanie vient de signer avec une société chinoise. Poly-HonDone Pelagic Fishery Co., c’est son nom, à qui l’Etat octroiera 60.000 mètres carrés, à Nouadhibou, pour ses installations, bénéficiera d’un quart de siècle de passe-droits mirobolants et d’énormes avantages, avec des garanties juridiques appuyées: exonération de l’Impôt Minimum Forfaitaire (IMF); déduction annuelle de 20% des investissements, pendant cinq ans, sur le bénéfice imposable; réduction de 50% de la Taxe de Prestation de Service (TPS), sur le coût des opérations bancaires contractées auprès des institutions nationales; exemption totale de patente ou tout autre impôt pouvant s’y substituer. En plus de la possibilité de pêcher, piller devrais-je dire, presque tout ce qui bouge dans nos eaux territoriales.

Du coup, Poly-HonDone constituera, grâce à ce sésame, une petite enclave chinoise de non-droit en Mauritanie. Tout ça pourquoi ? Parce que sa compagnie-mère vend des armes dont notre armée a besoin. Quitte à épuiser nos ressources halieutiques? A tuer tout un pan de notre économie? A envoyer des milliers de gens au chômage? A condamner, à terme, des sociétés nationales, des bateaux, des usines de transformation et de stockage, à mettre la clé sous la porte? Parce que notre armée, dont la seule vocation, depuis 32 ans, est de se maintenir au pouvoir, veut des armes, le pays peut être bradé. Le poisson, le fer, l’or, le cuivre, tout le budget de l’Etat, s’il le faut. Pourvu que nos soldats obtiennent ce qu’ils désirent. Et en dehors de tout contrôle, s’il vous plaît. L’inspection d’Etat, la Cour des comptes et la Police économique sont réservées aux civils. Nos chefs militaires sont soit étrangers – donc non soumis à la législation mauritanienne – soit tous honnêtes et n’ont pas besoin d’être contrôlés. Ne dit-on pas, à juste titre, que la Mauritanie est le seul Etat au monde où l’armée a son pays et en fait ce qu’elle veut?

Autre exemple de l’intrusion de l’armée dans le secteur de la pêche: la délégation qui négocie le nouvel accord avec l’Union européenne est dirigée par un lieutenant-colonel, retraité et parachuté conseiller du ministre des Pêches, et comprend un colonel en exercice, dont la fonction équivaut à un chargé de mission, au même département. Une entorse au règlement militaire et au statut de la Fonction publique. Le premier round des négociations, qui vient de se dérouler à Nouakchott, n’a été qu’une formalité. Notre négociateur en chef a demandé qu’on passe, directement, aux annexes, comme si les termes de l’ancien accord étaient reconduits tels quels, sans considération d’une quelconque évaluation. Seule «nouveauté»: certains bateaux européens seront, désormais, obligés de débarquer à Nouadhibou. Leurs produits ne seront, pourtant, ni traités ni stockés, dans cette ville, et leur vente ne passera pas par la SMCP. Ils paieront, juste, les frais d’accostage au port, en attendant que leur cargaison soit transbordée vers le navire qui l’amènera en Europe ou au Japon.

Les militaires et le poisson, la nouvelle idylle de l’été. Suivant l’exemple chinois. Mais nos képis étoilés doivent juste garder en tête que, quand la Chine pêchera, la ressource, à coup sûr, périra…

Ahmed Ould Cheikh

jeudi 16 juin 2011

Editorial : A chacun son souci

Après les éructations consécutives à la poussée de la jeunesse du 25 février, qui ont, apparemment, fait long feu – pour des raisons sur lesquelles il faudra revenir – la scène politique frémit à nouveau. C’est, d’abord, le président de l’Assemblée nationale, Messaoud Ould Boulkheir, qui jette un énorme pavé dans la mare, en affirmant qu’Ould Abdel Aziz est sincère, dans sa volonté de dialogue. Contrairement à ce que pense la Coordination de l’Opposition Démocratique (COD) à laquelle il appartient. Quelques jours après, il revient, de nouveau, à la charge, en déclarant qu’il est prêt à dialoguer avec le pouvoir, même si ses amis ne s’y résolvent pas. Stupeur et consternation, à la COD, dont certains éléments avaient, déjà, remarqué, depuis quelque temps, que le pourfendeur du coup d’Etat du 6 août 2008, celui qui tenait la dragée, si haute, à Ould Abdel Aziz, commençait à «flancher» dangereusement. Ce à quoi le vieux leader haratine réplique qu’il s’est opposé, quand il le fallait, et qu’à présent, il opte pour l’apaisement. Que récoltera cette main tendue? Un dialogue franc, sincère et honnête, sur les problèmes de l’heure, notamment les prochaines élections qui pointent à l’horizon? Ou, encore une fois, les désillusions d’une énième manœuvre d’Ould Abdel Aziz pour diviser l’opposition, renforcer sa position, en attendant le passage de l’orage du mécontentement populaire grandissant? Comme ce qui s’est passé avec Ould Daddah, pour qui le général avait les yeux de Chimène, après le coup d’Etat de 2008, et à qui il fit une cour, assidue, avant de le lâcher, avec fracas. Certes, rien n’indique qu’il fera la même chose avec Messaoud. Opposant échaudé devrait, pourtant, craindre l’eau froide. A moins que Messaoud ne veille faire payer, à Ould Daddah, son soutien à Ould Abdel Aziz, aux premières heures de la «rectification».

Autre pierre jetée dans le marigot: la déclaration d’Ould Daddah selon laquelle son parti ne serait pas concerné par les élections municipales et législatives prévues pour la fin de l’année en cours. Le chef de file de l’opposition a multiplié, ces derniers temps, les sorties, au vitriol, contre le pouvoir en place; qui ne fait pas grand-chose, en retour, pour maintenir le contact avec ceux de l’autre camp, gérant le pays de manière unilatérale. Même pour des élections aussi importantes que celles qu’il compte organiser, il n’a posé, jusqu’à présent, aucun geste, à l’endroit de partis pourtant concernés, au premier chef. Le code électoral n’a toujours pas été débattu, pas plus que la mise en place d’une CENI et autres dispositions liées à l’organisation matérielle du scrutin. Le pouvoir gagnerait, cependant, à associer tous les acteurs, ne serait-ce que pour éviter des contestations. Cela pourrait, surtout, permettre, à Ould Abdel Aziz, de tester, en amont, sa vraie popularité et de se rendre compte si la «vague» qui l’a porté au pouvoir croit, toujours, aux lendemains qu’il lui a promis. Mais est-ce là son principal souci?

Ahmed Ould Cheikh

jeudi 26 mai 2011

Editorial : Gare à la soudanisation !

Lors d’un point de presse improvisé, Ahmed Ould Neinny, le ministre des Affaires islamiques et de l’Enseignement originel, a déclaré que le président de la République a demandé, à son département, de dresser la cartographie des sépultures des personnes disparues, depuis l’indépendance, et dont leurs familles ignorent le lieu d’inhumation. Ce plan vise, selon lui, à mettre un terme aux souffrances des familles et à réhabiliter les victimes, notamment les auteurs du coup d’Etat avorté du 16 mars 1981 et les Négro-africains de 1989-1990, victimes d’exécutions extra-judicaires.

L’initiative est louable, nul n’ayant le droit d’empêcher quiconque de se recueillir sur la tombe d’un défunt, à plus forte raison sur celle d’un parent. La presse, les organisations des droits de l’Homme et les familles des disparus n’ont eu de cesse de réclamer cette réhabilitation. Des centaines de mauritaniens exécutés, victimes de l’arbitraire et de la bêtise humaine, ne peuvent passer pour pertes et profits. Un pays ne peut se tourner vers le futur, avant d’avoir soldé les comptes du passé. Mais attention! Un sujet aussi sensible a besoin de beaucoup de tact et de diplomatie. De peur de réveiller les démons de la division. Les extrémistes des deux camps sont à l’affût et ne rateront pas une si belle occasion de mettre de l’huile sur le feu.

Déjà, l’Initiative pour la Résurgence du Mouvement Abolitionniste (IRA) exige, dans un communiqué, «l’éviction, des charges publiques et de la représentation du peuple, de toutes les personnes identifiées ou accusées, par les victimes ou leurs ayant droits, comme ayant participé, de près ou de loin, activement ou passivement, à cette épuration ethnique», ainsi que «l’arrestation, immédiate, de tous les auteurs des crimes génocidaires et leur traduction devant la justice, qu’ils aient été décideurs, exécutants ou idéologues». Elle engage, également, l’Etat à «procéder à des enquêtes ADN, pour identifier les dépouilles et les remettre à leur famille respective». Ces requêtes ont-elles une chance d’être entendues? Il y a de fortes chances que ce vœu restera pieux. Ould Abdel Aziz n’acceptera, jamais, d’ouvrir cette boîte de Pandore, les auteurs des exactions étant, tous, des militaires. Et même s’il le voulait, rien n’indique que ses frères d’armes le laisseraient agir. Il y va, donc, de son intérêt à s’en tenir à la «prière de l’Absent» et aux indemnisations qu’il a, déjà, consenties aux familles des victimes, lesquelles auront, enfin, la possibilité de connaître où les leurs sont enterrés. Certes, il est encore possible de faire mieux, en rendant, solennellement, hommage aux disparus, en demandant pardon, au nom de la Nation, ou en décrétant une journée des martyrs, par exemple. Mais sans trop tirer sur la corde. Notre pays a traversé une sombre période. Faisons en sorte de soigner ses plaies, toujours béantes, pour la dépasser sans passion. Il y va de notre survie. Personne n’a intérêt à ce que notre Etat, fragile, traverse de nouvelles zones de turbulences. Nos ennemis guettent nos moindres mouvements et gestes. Et ne manqueront aucune occasion de nous tourner en nouveau Soudan.

Ahmed Ould Cheikh



mercredi 18 mai 2011

Editorial : Danger de CDM!

«Notre pays, qui subit, naturellement, les influences des profondes mutations que connaît son environnement immédiat, a vécu, ces dernières semaines, un climat sociopolitique quelque peu agité, en raison de la hausse vertigineuse des prix, du chômage des jeunes et de la persistance de la crise économique. Ce qui fut l’origine de grèves et manifestations qui ont touché des secteurs vitaux tels que la santé et l’éducation. A ce propos nous considérons qu’au lieu d’ignorer ces problèmes et de tenter de les résoudre par la force, le gouvernement se doit de trouver, en toute célérité, les solutions adéquates les plus conformes aux aspirations des manifestants. […] L’étroitesse de vue, l’extrémisme idéologique, l’autoritarisme et la quête effrénée de la seule ambition personnelle constituent des voies étroites par lesquelles les questions nationales ne peuvent trouver de solutions. […] Face à cette situation et comme je l’ai souligné, à maintes reprises, la solution des problèmes nationaux demeure subordonnée à un dialogue, sincère et responsable, entre tous les acteurs politiques, à condition que l’intérêt national prime sur toutes les autres considérations.»

De qui sont ces propos, selon vous? D’un membre de l’opposition ou de la génération Facebook? Ni l’un, ni l’autre. Mais d’El Arbi Ould Jeddeine, vice-président de l’Assemblée nationale himself, à l’ouverture de l’actuelle session parlementaire. Le discours a provoqué un tollé, dans les rangs de la majorité. Et de légitimes questions. Cette déclaration était-elle écrite pour Messaoud et c’est à son suppléant qu’est revenu l’honneur de la lire, en l’absence du président de l’Assemblée? Reflète-t-elle, réellement, le point de vue d’Ould Jiddeine? Ould Abdel Aziz en a-t-il été informé? Quand on connaît la relation entre les deux hommes… La communication constitue, en tout cas, un énorme pavé dans la mare et témoigne, si besoin était, du malaise qui habite, désormais, la majorité. Prise pour cible par le président, lui-même, qui ne manque pas une occasion de lui rappeler ce qu’elle vaut, réellement, et comment il l’a cooptée ; et par l’opposition qui l’accuse de tous les maux ; la pauvre CMP, groggy, ne sait plus où mettre la tête. D’autant plus que sa formation-phare, l’UPR, est, désormais, concurrencée par un parti dit «des jeunes», qu’on présente comme pas loin d’Ould Abdel Aziz… Il y a de quoi avoir des sueurs froides. Des hommes et des femmes, dont les seuls applaudissements suffisaient à obtenir les faveurs du Prince, se retrouvent, subitement, sevrés de tout. Ils n’ont plus de quoi s’entretenir, encore moins entretenir une base qui risque de s’effilocher. Et comme aucun espoir ne pointe à l’horizon, la désillusion ne peut aller que crescendo. Déjà, lors du renouvellement avorté du tiers du Sénat, il y a quelques semaines, la façade du parti au pouvoir s’est, fâcheusement, lézardée. On avance, même, que le report de cette élection partielle fut une façon d’éviter, à ce parti, une déculottée du plus déplorable effet, à quelques mois des élections législatives et municipales, programmées en novembre de cette année. Pour ne pas être accusée de laxisme, l’UPR s’est empressée de suspendre, trois mois, ceux qui se sont présentés contre ses candidats, d’avertir et de blâmer certains de leurs soutiens. On se demande, d’ailleurs, pourquoi personne n’a été exclu, alors que la rébellion était ouverte et que les frondeurs – Ah! Le vilain mot! – s’étaient juré de faire mordre la poussière, par tous les moyens, aux candidats du parti. En tapant dans la fourmilière, six mois avant l’échéance de novembre, Ould Abdel Aziz espère se donner le temps de la calmer, en rappelant, aux professionnels de la claque, qu’il détient fermement, lui, les rênes du pouvoir et, accessoirement, les cordons de la bourse. Un constat bien étayé ou… une téméraire hypothèse? Dans la conjoncture actuelle et l’amour immodéré des Mauritaniens pour l’informel, CMP, COD, syndicats et facebookeurs pourraient bien se découvrir, sous le boubou, une opportunité de CDM – Collectif Des Mécontents – inquiétante pour les militaires et notre généralissime président…

Ahmed Ould Cheikh

dimanche 8 mai 2011

Editorial : De l’eau dans le zrig, vite!

Le paysage politique mauritanien serait-il en pleine recomposition? La traditionnelle dualité pouvoir/opposition cédera-t-elle la place à un nouveau mode de confrontation où les jeunes des deux camps seront aux premières loges? La vieille garde, qu’Ould Abdel Aziz voulait enterrer, aura-t-elle, encore, son mot à dire?

Elle se démène, en tout cas. Ainsi, plusieurs membres fondateurs d’ADIL, le parti porté sur les fonts baptismaux par l’ancien président, Sidi Ould Cheikh Abdallahi, parmi ceux qui ont rejoint la majorité présidentielle il n’y pas longtemps, ont décidé de geler leur participation à cette formation politique. Ils reprochent, à l’UPR, le parti/Etat, de n’avoir toujours pas mis en pratique l’accord d’entente qu’ils avaient signé avec lui et, à Ould Waghef, son empressement à courir derrière une majorité qui ne veut, pourtant pas, de lui. Tout le monde a encore en mémoire la rapidité avec laquelle Ould Abdel Aziz l’avait jeté en prison, pour avoir autorisé, lorsqu’il était Premier ministre, l’achat, par le commissariat à la Sécurité alimentaire, d’un «riz avarié» et proposé, lors d’un meeting à Rosso, de le libérer, s’il en mangeait une petite quantité. Quelques mois de mitard et un honneur jeté aux chiens n’ont, apparemment pas, dissuadé Ould Waghef de suivre celui qui lui fit tant de mal. Si bien qu’il aura été l’un des plus farouches défenseurs du ralliement d’ADIL à la majorité présidentielle, même sans accord formel. Et quel qu’en soit le prix, pour son parti qui a, de fait, volé en éclats, suite à cette adhésion. Le groupe qui l’avait accompagné, dans cette voie, vient de se rendre compte, à son tour, qu’elle est sans issue. Ould Abdel Aziz, disent-ils, démontre, jour après jour, qu’il n’a besoin de personne et n’accorde aucune importance aux nouveaux ralliés à sa cause.

Voilà comment ces hommes, qui comptent parmi les plus «politiques» du pays, ont entrepris une large concertation, avec les formations de la coordination de l’opposition et d’autres de la majorité (RD, Hatem, El Vadhila) ainsi qu’avec des personnalités indépendantes, notamment l’ancien président Ely Ould Mohamed Vall qui se serait dit «prêt à s’engager ouvertement», dans l’arène politique. Et il n’est pas exclu que des sensibilités de l’UPR même rejoignent un mouvement dont les contours ne sont, pourtant pas, encore bien définis. A quoi cela va-t-il aboutir? Une coordination? Un front uni contre Ould Abdel Aziz? Ou fera-t-il long feu, comme tant d’initiatives visant à fédérer l’opposition?

En tout cas, il existe au moins un facteur d’union, entre ces partis et ces hommes: la volonté d’en finir avec le président actuel, dont le moins qu’on puisse dire est qu’il ne fait pas l’unanimité, même dans son propre camp. Son parti connaît de sérieuses frictions et les satellites qui gravitent autour passent pour des figurants, sinon des potiches. Deux d’entre eux ont déjà claqué la porte et d’autres suivront.

Ould Abdel Aziz a-t-il, pour autant, des raisons de s’inquiéter? Il y a, en tout cas, de quoi – du moins si l’on ne veut pas jouer au casse-cou: la jeunesse qui entreprend de bouger; le front social qui commence à donner des signes guère plus encourageants, l’arène politique sans plus aucun répit envers le pouvoir. Si l’on ajoute, à ce cocktail, la situation économique plus que difficile, la morosité ambiante et le sentiment, général, que quelque chose ne tourne pas rond, le voilà carrément explosif. Et les explosions, comme on l’a vu récemment, on en sort difficilement indemne. Il y a de l’eau dans le gaz, monsieur le président : mettez-la, plutôt, dans votre zrig et vite…

Ahmed Ould Cheikh

mercredi 27 avril 2011

Editorial : Prendre le taureau par les cornes!

Après le blocage politique, la crise économique, l’insécurité, la question de l’esclavage qui ne cesse de rebondir, l’incurie de nos dirigeants, la révolution qui frappe à nos portes, il ne nous manquait plus que les problèmes ethniques pour que la coupe soit pleine. Il n’est, en effet, plus exclu, si la situation, comme celle qu’a connue l’Université il y a quelques jours, n’est pas réglée au plus tôt, de voir surgir le spectre d’une guerre raciale. Que s’est-il passé au juste? Des idées qu’on croyait révolues, des attitudes qu’on pensait enfouies dans le tréfonds de notre histoire ont resurgi, la semaine passée, lors des élections estudiantines, à l’Université de Nouakchott. Des affrontements inter-ethniques ont opposé des étudiants affiliés à des syndicats en compétition lors de ce scrutin. Il a fallu l’intervention, musclée, de la police, pour que la situation ne dégénère pas. Jamais, depuis 1979 et les troubles consécutives à la réforme du système éducatif, le monde scolaire ou universitaire n’a connu ce genre de manifestations. Même au plus fort des événements de 1989 et des années de braise qui les ont suivis, l’Université est restée en dehors du champ politique. Les étudiants y cohabitaient, sans anicroche. Certes, les élections, pour le choix des délégués syndicaux, donnaient lieu, chaque année, à de véritables empoignades mais elles sont, toujours, restées dans des limites raisonnables. Personne n’ayant intérêt à ce que la situation prenne des proportions qui dépassent le cadre estudiantin. Particulièrement dans un pays comme le nôtre, où certains ont la sensibilité à fleur de peau, lorsqu’il s’agit de «l’Autre»…

Comment le pouvoir a-t-il affronté cette crise? Il a déployé un dispositif policier sans précédent; usé, comme à son habitude, de bombes lacrymogènes et de matraques; fait arrêter des étudiants et fermé l’université, jusqu’au 2 mai. Mais le mal est beaucoup plus profond. Depuis plusieurs décennies, l’école mauritanienne s’est ingéniée à former des élèves qui ne parlent pas la même langue, appartiennent à des mondes différents et éprouvent, donc, de grosses difficultés à s’entendre. Jusqu’à la fin des années 70, elle était, pourtant, le véritable creuset de la Nation mais, suite à des réformes bâclées et successivement incohérentes, elle ne servait plus qu’à jeter, à la rue, des générations entières d’illettrés, séparées par un fossé énorme.

Il est grand temps de revoir le système éducatif, dans son ensemble, analyser les programmes, instaurer un véritable bilinguisme ou trilinguisme, s’il le faut, pour, enfin, repenser notre école et lui permettre de jouer le rôle qui est le sien, dans tous les autres pays du monde: un facteur d’union et non de désunion. Jeter en pâture, à l’opinion, des états généraux de l’Education qui risquent ne jamais voir le jour est, non seulement, inutile mais, aussi, dangereux. La politique de l’autruche a déjà fait ses preuves. Elle ne mène nulle part. Et l’éducation est une affaire trop sérieuse pour être victime des atermoiements et de la frilosité des politiques. Le taureau doit être pris par les cornes. Il y va de notre survie.

Ahmed Ould Cheikh

mercredi 20 avril 2011

Les interviews (presque) imaginaires du Calame

Mohamed Ould Abdel Aziz: ‘’ Je n’ai, quand même, pas fait deux coups d’Etat, pour, ensuite, remettre le pouvoir à quelqu’un qui n’a fait que se présenter à une élection!’’

Le Calame: Monsieur Mohamed Ould Abdel Aziz, bonjour. Dois-je vous appeler général, président ou commandant du BASEP?

Mohamed Ould Abdel Aziz: Président, c’est bon. Même si le BASEP, c’est un peu ma chose

- Les révolutionnaires ont rejeté la médiation de l’UA, sous prétexte que trois d’entre vous sont arrivés au pouvoir par coup d’Etat…

- Coup d’Etat? Mais ils sont fous, moi j’ai pas fait de coup d’Etat. J’ai rectifié.

- Pourtant Sidi, qui était élu pour cinq ans, n’a pas fini son mandat…

- Sidi, Sidi… Eheih! Sidi, c’était mon ami et j’ai été obligé de le mettre en sécurité. Les militaires allaient refuser de servir le pays, si j’étais débarqué. Ils risquaient, même, de s’en prendre à lui. Les civils, aussi, étaient dans tous leurs états. Vous avez vu mon bataillon de députés? Ils se levaient au moindre signe de la main. On aurait dit des militaires! (rires)

- On vous a vu, en Côte d’Ivoire et en Libye, jouer les médiateurs, alors que votre pays éprouve des difficultés. N’aurait-il pas été plus sage de balayer, d’abord, devant votre porte?

- Quelle porte ? Ne me parlez pas le langage de l’opposition. Vous avez vu tous ses goudrons? Et puis Gbagbo ou Kadhafi, c’est moi, dans trente ans. Je veux les aider, pour que quelqu’un d’autre vienne m’aider, quand je serai dans la même situation.

- Mais vous ne pouvez pas exercer plus de deux mandats, selon la Constitution!

- La Constitution? Moi, j’ai une seule Constitution. C’est celle qui dit, dans son article 1, que le chef a toujours raison. Vous, les civils, vous êtes compliqués, avec toutes vos lois qui n’en finissent jamais. Moi, quand je veux, je fais. Lorsque j’ai reçu, l’autre jour, les gérants des bourses qui se plaignaient de la loi interdisant l’importation des voitures de plus de cinq ans, je leur ai répondu: «Rentrez chez vous et amenez tout ce que vous voulez». Et hop, on n’en parle plus!

- Mais le pays a d’autres soucis que les goudrons ou les voitures d’occasion…

- Quels soucis? Al Qaida sait, à présent, de quel bois je me chauffe. Le dialogue politique? J’ai déjà reçu tout le monde et on a parlé. Qu’est-ce qu’ils veulent, ces gens-là? Ma place? Je n’ai, quand même, pas fait deux coups d’Etat, pour, ensuite, remettre le pouvoir à quelqu’un qui n’a fait que se présenter à une élection!

- C’est la loi de la démocratie, non ?

- Démocratie, démocratie... Quelle démocratie? Tout de suite les gros mots. Comparé à Kadhafi ou Ali Abdallah Saleh, je ne suis pas un démocrate? Eux ne font pas d’élection; moi, je les organise pour les gagner.

- Comme dans la république très très démocratique du Gondwana?

- Notre ami Mamane, je l’aime beaucoup. Quand je l’écoute sur RFI, je me demande, parfois, s’il ne parle pas de moi ou de la Mauritanie.

- Et vous ne craignez pas ce qui est arrivé en Tunisie ou en Egypte?

- Non, jamais. Mes flagorneurs ne disent-ils pas que nous avons, déjà, accompli notre révolution en 2008? Ils sont vraiment forts. Ils croient me faire plaisir, en parlant ainsi. En fait, ils me font pitié. Et, pour ne rien vous cacher, j’ai parfois envie de descendre, moi-même, dans la rue, en brandissant une banderole: «Ould Mohamed Laghdaf, dégage!». Mon Premier ministre commence sérieusement à me pomper l’air mais je n’arrive à me débarrasser de lui. Une vraie sangsue. Son marabout ou sa guezana [jeteuse de cauris, NDLR] doivent être vraiment forts. Je vais dire à mes espions de les dénicher pour les débaucher (rires).

Propos (presque) recueillis entre deux vols

jeudi 14 avril 2011

Editorial : Pas d’omelette sans casser d’œufs

Le panel des chefs d’Etat, mandaté, par l’Union Africaine, pour tenter de trouver une issue à la crise libyenne, s’est envolé, ce dimanche, pour Tripoli. Reportée une première fois, pour cause d’embargo aérien, la mission des émissaires africains n’a été autorisée que parce que la communauté internationale commence à se rendre compte de l’impossibilité de régler militairement le conflit. Au cours des derniers jours, les USA ont décidé de se mettre en retrait, laissant, à l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN), le soin de mener, elle-même, les opérations. Et un de leurs généraux, qui ne parle, certainement pas, dans le vide, s’est répandu dans plusieurs organes de presse, pour dire que la guerre serait longue et qu’il est pratiquement impossible, pour les révolutionnaires, de venir à bout du régime de Kadhafi. Du coup, l’OTAN a ralenti ses frappes, officiellement pour cause de mauvais temps. Pour les Européens, il s’agit, en fait mais sans le dire ouvertement, de laisser la chance à une solution pacifique. Voici l’UA mise à contribution. Mais ne croyez pas, un instant, que c’est d’elle-même que l’initiative est venue. Dans les relations internationales, comme dans la vie de tous les jours, la raison du plus fort est toujours la meilleure. Et, lorsque les USA ou l’UE, pour qui Kadhafi est le diable en personne avec qui nulle négociation n’est seulement envisageable, vous intiment l’ordre de courir chercher une solution, vous n’avez d’autre choix que de prendre vos jambes à votre cou. Les laissant dire, ensuite, pour sauver la face, que, comme le conflit oppose des Africains, c’est à l’Afrique de le régler.
Voici la question à présent posée: que peut faire le panel, dans cet univers kadhafien, pour ne pas dire kafkaïen? Le libyen ne veut pas entendre parler de départ ou de transition, persuadé qu’il est de son bon droit, que dis-je, de sa mission quasi-divine, et de l’agression dont il est «victime». Les mutins, eux, ne comptent pas s’arrêter en si bon chemin. Le Guide libyen leur a fait tellement de mal qu’ils ne baisseront pas les armes, avant son éviction, définitive, du pouvoir, ainsi que ses fils. Et sont prêts à se battre, jusqu’au dernier, pour venir à bout d’un régime qui les a opprimés, pendant plus de quarante ans, les privant de leurs droits les plus élémentaires. Quelles solutions pourrait, dans ces conditions, préconiser le panel? Il semble y avoir plus d’arrangements à monnayer, en dessous de table, du côté de Mouammar qui ne semble pas, à soixante-neuf ans, à l’agonie, même si son pouvoir chancelle bigrement; que de celui d’une opposition facebookienne, sympathique, peut-être, mais à géométrie et desseins variables et, surtout, pas très achalandée. La France, notre modèle démocratique, n’a-t-elle pas eu, elle-même, sa Commune de Paris, avant que ne s’impose la troisième République? On ne fait pas d’omelette sans casser les œufs. Le panel s’accommoderait, sans doute, de cette sentence. Mais les sauvera-t-elle des révoltes, en suspens, de leurs propres peuples, bien plus attentifs qu’ils ne le croient, généralement, à la cuisine en cours dans les pays arabes?
Ahmed Ould Cheikh

jeudi 7 avril 2011

Editorial : La vie est un choix

Depuis quelques mois, des affaires d’esclavage ou d’«exploitation de mineures», selon la version officielle, défraient la chronique, avec, à la clé, descentes chez des familles accusées, par certaines ONGs, de pratiques esclavagistes, plaintes à la police, coups et blessures, grève de la faim, procès et condamnations. Au delà de la mauvaise publicité à notre pays, désormais banalement cité parmi les Etats où l’esclavage a encore cours, au 21ème siècle, ces affaires posent un véritable problème qui nécessite une solution urgente. Il ne suffit pas, en effet, de promulguer une loi criminalisant les pratiques esclavagistes, encore faut-il l’appliquer. N’indexons pas Birame et ses amis: ils mènent un combat juste et ne veulent plus, à raison, qu’une communauté, quelle qu’elle soit, soit exploitée par une autre. Indexons, plutôt, la société, sa hiérarchisation, ses inégalités, le socle sur lequel elle est bâtie, mais ne stigmatisons pas la seule communauté maure ; toutes les autres, au même titre, sont coupables d’esclavage et d’exploitation de mineur(e)s. Accusons les pouvoirs publics de ne pas appliquer la loi et de ne pas prendre les mesures, courageuses, pour réunir les conditions d’une véritable intégration économique de toutes les couches défavorisées. Mettons les doigts sur les plaies dont souffrent les descendants d’esclaves et qui ont pour noms: carence en terres cultivables, par entretien quasiment institutionnalisé d’une féodalité anachronique; impossibilité d’accéder à l’école sinon ségrégation des résultats scolaires; enclavement, pauvreté, inaccessibilité des soins de santé.
Pourtant et aussi impensable que cela puisse paraître, le combat que mènent ces nouveaux anti-esclavagistes produit des effets secondaires qui risquent de pénaliser, d’abord, ceux pour lesquels il est mené. Des familles entières, qui vivaient aux crochets d’un (ou d’une) des leurs, employé(e) souvent mineur(e), se retrouvent prises au dépourvu. Certes, laisser employer, à plein-temps, ses enfants, pour quelques milliers d’ouguiyas par mois, relève de l’esclavage moderne mais ces laissés-pour-compte ont-ils le choix? En cette période difficile, un ou deux salaires, même de misère, ne sont pas jamais de trop pour joindre les deux bouts.
Dans quelles mesures et limites – il en faut – ne pourrait-on pas laisser, à ces mineur(e)s exploité(e)s, une certaine liberté de décision? En tenant compte de leur avis et de leurs besoins exprimés? En conditionnant, par exemple, l’emploi, à mi-temps, chez des particuliers, à un taux horaire convenable et au suivi régulier, l’autre mi-temps, d’une formation scolaire ou qualifiante? Dans une situation où des centaines de milliers de personnes vivent en situation de pauvreté ou d’extrême pauvreté, où la liberté de choix s’amenuise, au fur et à mesure qu’on descend dans l’échelle sociale, il s’agit moins d’interdire que d’ouvrir de nouvelles perspectives. Restreindre, certes, la liberté d’exploiter, n’importe comment, ceux qui n’en ont, pratiquement, aucune mais dans le but, concret et immédiat, de permettre, à ceux-ci, de conquérir plus de liberté, plus de capacité de choix. Ne dit-on pas que la liberté commence là où s’arrête celle des autres? Certains doivent, désormais et impérativement, le comprendre. Quant aux autres, ils doivent bien entendre que la vie est un choix.

Ahmed Ould Cheikh

mercredi 30 mars 2011

Editorial : Il n’est pire aveugle……..

Ould Abdel Aziz ne cesse de le dire. Il l’a même répété à Tidjikja, la semaine dernière: la Mauritanie se porte bien, sur le plan économique; ses caisses sont pleines, à ras bord, et, grâce à la lutte contre la gabegie que lui, l’intègre, a initiée, ses deniers sont, désormais, dépensés au profit de ses seuls citoyens. Applaudissez, laudateurs ! L’argent qu’une poignée de prévaricateurs sans vergogne détournait, impunément, est là, visible à l’œil nu. Mais où? Injecté dans l’enseignement? Pourtant, celui-ci ne s’en porte que plus mal. Dans la santé? Elle agonise, depuis longtemps déjà. Dans la production d’emplois? Notre taux de chômage des jeunes et autres diplômés est, probablement, le plus fort du monde. Dans la construction de routes? Celles de Nouakchott ont été financées par la SNIM et celles de l’intérieur, par les bailleurs de fonds. Pour payer les employés? Certains établissements publics accusent des retards de salaire de plus de trois mois. Pour faire face aux engagements? Jamais l’Etat n’a été aussi mauvais payeur, à tel point que les fournisseurs, qui en ont pourtant vu d’autres, ne veulent plus avoir à faire aux départements ministériels et hésitent, avant de participer aux appels d’offres. Pour maintenir le cours de l’ouguiya, face aux devises? Depuis le coup d’Etat du 6 août 2008, notre monnaie nationale s’est dépréciée de 16,03%, par rapport à l’euro et de 25,15%, par rapport au dollar américain. Seule une mauvaise santé financière ou une dévaluation qui ne dit pas son nom peuvent expliquer ce glissement. Le premier argument étant exclu, si l’on en croit notre guide éclairé, l’ouguiya a-t-elle été dévaluée en catimini? Question à mille ouguiyas (non dévaluées): à quoi, donc, sert cet argent dont les caisses de l’Etat sont remplies?
Même au plus fort de la gabegie, de l’inflation, du laisser-aller et des relations tendues, avec les partenaires au développement, que notre pays a connus, au début de ce troisième millénaire, l’euro n’a jamais dépassé le seuil des 400 ouguiyas, sauf, peut-être, au marché parallèle, alors que la situation économique du pays n’était, paradoxalement, guère reluisante et que l’euro battait des records, sur le marché mondial. Deuxième question à deux mille ouguiyas (dévaluées, cette fois): Comment un pays dont l’économie est à ce point «florissante» peut-il connaître ce genre de mésaventure? Cherchez l’erreur. Elle est «quelque part», à coup sûr. Et cela doit être un jeu d’enfant de la découvrir: quelque chose ne tourne pas rond, en cette Mauritanie nouvelle. Quand on n’est pas à une contradiction près, on peut dire tout et son contraire, asséner ses vérités, au risque d’être démenti par les faits et refuser de voir la vérité en face. Ne dit-on pas qu’il n’est pire aveugle que celui qui ne veut pas voir?

Ahmed Ould Cheikh