samedi 30 janvier 2010

La gouvernance-guérilla de Mohamed Ould Abdel Aziz

Aziz a pris le pouvoir, une première fois, en 2005, alors que personne n’attendait l’éviction de Maaouya, par son propre camp. Mais se sachant peu ou pas encore préparé pour gouverner, il a "sagement" remis les rênes du pays à son cousin Ely, plus politique et plus introduit dans le système. La transition s'est bien passée et le pays a été remis sur la voie de la constitutionnalité, sans trop de dégâts. Ould Abdel Aziz tirait les ficelles, semble-t-il. Mais il y avait, à l’autre bout, quelqu’un qui lâchait du lest, de manière calculée, et ménageait, à la fois, les brutales pressions de l’homme fort et les impératifs, complexes, de la gouvernance d’un Etat.

Cependant, la deuxième fois, après avoir «amèrement» pâti des velléités de Sidioca de changer le sens dans lequel se tirent les ficelles, Ould Abdel Aziz a pris, lui-même, les rênes du pouvoir et, s’est retrouvé, d’un coup de rein, avec toutes les cordes sur lesquelles il tirait, entortillées dans sa main. Depuis, il tire, dans tous les sens, pour démêler l’écheveau de l’exercice du pouvoir. Stratégie risquée qui serre plus de nœuds qu’elle n’en défait, sans parler des ruptures: autant de liens qui lui échappent, encore.

Résultat : l’homme est lancé dans une gouvernance à vue qui, soumise aux diktats de l’instant, ne laisse aucune place à la réflexion, ni à la planification. C’est exactement comme dans une guérilla: Il faut toujours prendre l’ennemi par surprise, frapper à l’improviste et fuir, vers une direction à décider au dernier moment. Et, au prochain raid, changer de zone, de temps et d’objectif. Entre deux attaques, vivre embusqué ou, au moindre danger, en mouvement permanent.

C'est dans ce registre qu'il faut situer les «actions» du chef de l’Etat, surtout depuis le 19 juillet 2009: des visites-surprises dans les administrations, qui se terminent en queue-de-poisson, des affaires de lutte contre la gabegie, qui finissent dans la pire des gabegies, en dehors de toute justice, dont l’appareil est, cependant, surexploité pour armer celles-là, des forums – de l’islam «modéré» – inquiétant pléonasme – de la «gouvernance en 50 ans», sans oublier les mini-forums de l’UPR, qui déversent des recommandations à la pelle et qui, parions-en, se feront oublier, dans quelques jours ou semaines, par d’autres forums ou décisions «majeures».

Les recommandations retenues par les journées des partis de la majorité – à l'instigation d’Ould Abdel Aziz sans doute – de modifier la Constitution et les symboles de l’Etat (le drapeau, la devise, l'hymne et, peut-être, la dénomination même de notre nation – il y a un etc., dans le libellé de cette recommandation: il faut y faire attention – portent, en elles, les germes d’une autre «attaque» de la gouvernance-guérilla de Mohamed Ould Abdel Aziz.

Il s'agira de nous engager, pour les semaines ou les mois qui viennent, dans une nouvelle polémique sur l’un ou l’autre de ces sujets: comme pour l’affaire des hommes d’affaires, la question des relations avec le Maroc et le Polisario, l’affaire Hanevy, etc. Bouger. Attaquer sur plusieurs fronts, en ouvrir de nouveaux, ne jamais occuper une position, déstabiliser l’ennemi et détraquer ses forces, par des harcèlements permanents... C’est une méthode éprouvée, non sans succès, par les rébellions et autres mouvements ne disposant pas d’armées conventionnelles. Sied-elle à la gouvernance des Etats? J’en doute!

Mohamed Lemine Ould Mohamed Abdallahi (un lecteur fidèle du blog)

mercredi 27 janvier 2010

Cantilène pour un cygne encagé

À H.D

Insigne, était un cygne sur la cime des mots
Immaculés. Lancé dans un immense envol
Cimeterre qui clivait le marbre césarien.

Il a aimé la vérité reine d’azur cristalline
Brisant sans coup férir des menteries l’échine
Et les silences pétrifiés des cœurs lilliputiens.

Insigne, cygne opalin séraphique éthéré
Auguste. Il regarde suinter sur leurs dos nus
Les laides cicatrices des êtres recourbés
Que flagelle cruel bourreau leur infamie.

Et généreux il s’apitoie sur les gerçures des hémiones.

Insigne, sera demain au réveil de l’honneur
Quand le temps aura effacé
Inexorable le nuage éphémère qui l’encage
Le cygne brandissant son trophée d’oiseau libre.

Et magnanime ne couvera que pitié pour son geôlier.

Idoumou

Autour d’un thé à la rédaction du Calame

Aujourd’hui, curieusement, un des plus assidus aux séances de thé est arrivé en retard. Que de réclamations pour compenser les deux verres ratés! Il fallut l’intervention de tous, pour convaincre Alioune, d’habitude peu disponible, surtout avec ceux qui «ne le saluent pas régulièrement», de lui concéder rappel.
Finalement, les primes de transport et de logement qui ont fait l’objet d’une si démagogique campagne ne sont pas si importantes que ça. Du coup, les enseignants – les plus nombreux fonctionnaires – sont dans tout leur état. Ils s’attendaient à un montant substantiel: le voici oscillant entre 3.000 et 4.852 ouguiyas. Même le principe d’égalité, au nom duquel cette augmentation avait été annoncée, n’a pas été respecté. Entre les 55.000 ouguiyas donnés à certains et les 3000 ouguiyas affectés à d’autres, c’est la consécration d’une injustice notoire. Certainement qu’au mois de juillet prochain, lors de la distribution des indemnités de logement, la même logique de favoritisme et d’inégalité prévaudra. Déjà, l’improvisation, le manque de coordination et la précipitation se ressentaient, à travers les nombreuses contradictions, entre les propos du Premier ministre, devant le Parlement, et ceux du ministre des Finances, lors d’une récente conférence de presse, à propos de ces augmentations. Alors que pour le PM, le minimum pour le transport était de 5.000 UM, pour le ministre des Finances, c’était, plutôt, 3000 UM. Selon les deux responsables, la prime minimale du logement serait de 15.000, alors que les termes de l’arrêté rendu public par la Primature mentionnent 7.000. Une véritable confusion qui prouve, au moins, que l’Administration est toujours infestée de malveillants qui (re)taillent toutes les décisions à leur mesure, pour en tirer les plus gros profits possibles.
Les JT de 20 heures des mardi et mercredi soir ont été consacrés, à plus de 90%, aux journées de réflexion des partis de la majorité. Pendant plus de trente minutes, les rares téléspectateurs que nous sommes de la TVM ont vu et revu, de face, de profil, en arrière et en gros plan, les participants à ces journées. Entendu les discours, maintes fois ressassés. Des interviews express de hauts et petits cadres. Des «nouveaux-anciens» cadres de la nouvelle république fustiger, sévèrement, le vol, la gabegie, la corruption. Autres temps, autres mœurs. De vieux thèmes, comme la lutte contre l’analphabétisme, reviennent à la page. Peut être qu’aux prochaines assises, le livre et ses maisons, les vacances au pays, la guerre à la tribu seront insérés dans la thématique de la Mauritanie nouvelle. Les recommandations de ces journées n’ont rien laissé. L’une d’elles exige, même, la libération du journaliste Hanevy Ould Dehah. Dans son discours d’ouverture, le président Ould Abdel Aziz a – une fois n’est pas coutume –parlé de l’opposition en termes respectueux. Pour la première fois. Selon lui, la participation de celle-ci à ces rencontres est nécessaire car la construction du pays nécessite l’apport de tous. EGD (les «fameux» Etats Généraux de la Démocratie de l’an passé), journées de réflexion des partis de la majorité, forum scientifique sur la modération en Islam et autres sortes de rencontres dont l’intérêt est évident, restent, cependant, des manœuvres aux résultats aléatoires, tant que tous les Mauritaniens ne se résolvent pas à accepter un vaste dialogue national inclusif qui dépasse les divergences de tout ordre. On aurait, alors, de vrais et sincères débats, susceptibles de poser, enfin, les jalons d’un Etat de droit, respectueux, dans le fond et dans la forme, des principes fondateurs d’une démocratie assainie. Utopie? Hé, Alioune accepte bien de resservir les retardataires…

lundi 25 janvier 2010

Mauritanie-Turquie : Qui est le plus fort ?

Le voyage du président Ould Abdel Aziz en Turquie a-t-il été mal préparé ? Ses hôtes n’étaient-ils pas au courant de son arrivée ou l’ont-ils, volontairement, reçu sans égards? Si l’on en croit les médias officiels, il aurait été accueilli, à sa descente d’avion, par une «délégation de haut niveau». En fait, il s’agissait du maire d’Ankara et du commandant de la place militaire de cette ville. C’est comme si le président d’un lointain pays, pauvre et inutile, se faisait réceptionner, à Nouakchott, par le wali et le commandant de la 6ème région militaire. Si ledit président ne s’en formalisait pas, c’est qu’il aurait, vraiment, du temps à perdre.
Les Turcs ont essayé, en fin de compte, de rattraper leur «bourde». Les deux présidents ont eu un entretien, en tête-à-tête, et Abdallah Gül a invité notre délégation, transie par le froid sibérien qui sévit en Turquie, à un bon dîner au palais présidentiel. A part cela, on se demande bien ce qu’allait faire notre guide éclairé dans ce pays. S’inspirer de son modèle où l’Armée, garante de la laïcité de l’Etat et de la démocratie, détient la réalité du pouvoir? Ou l’inverse? Si, en Turquie, l’Armée tire les ficelles dans l’ombre, en Mauritanie, elle exerce la réalité du pouvoir, depuis 1978. Devinette: qui est le plus fort?

AOC

jeudi 21 janvier 2010

Nous sommes tous des Hanevy

Arrêté et jugé, sous le prétexte, pour le moins fallacieux, d’«atteinte aux bonnes mœurs», condamné à six mois d’emprisonnement, maintenu en détention, malgré l’expiration de sa peine, notre confrère Hanevy Ould Dehah, qui sera rejugé et, sans doute, de nouveau condamné, aura tout connu. Il a payé, cher, son engagement contre le coup d’Etat six-aoûtard et son combat pour la démocratie et la liberté. Mais les souffrances qu’il a endurées n’ont pas été vaines. Elles ont démontré la vraie nature d’une justice aux ordres alors qu’elle devrait être, normalement, un rempart contre l’arbitraire, et celle d’un pouvoir qui ne s’embarrasse de fioritures, lorsqu’il s’agit d’embastiller au plaisir du prince. Elles nous ont, également, prouvé que nul n’est à l’abri du diktat, surtout pas les journalistes, particulièrement ceux qui osent, encore, élever la voix. N’importe qui parmi nous peut être enlevé, jeté en prison, condamné, rejugé et re-condamné. Cela nous fera-t-il pour autant peur? Que nenni! Nous avons choisi, une voie, périlleuse, certes, mais dont nul ne nous détournera.
AOC

mardi 19 janvier 2010

Autour d’un thé à la rédaction du Calame

Aujourd’hui, c’est la dèche. Dans la cuisine, rien ne bouge. Pape, le majordome, lit tranquillement son Coran. Les ustensiles sont bien rangés sur l’étagère. Une ambiance de Ramadan règne au Calame. Pourtant, les buveurs de thé ne manquent pas. Mais qui dit thé, dit sucre, menthe, thé vert, pain et consorts. Or, tout cela manque. C’est inhabituel. La crise mondiale est passée par là? Non: les clés sont avec Alioune, le gestionnaire en chef de l’ordinaire du journal. Plus de peur que de mal. Le thé, il y en aura, rassurez-vous. Ah, la bonne nouvelle! Peu à peu, les langues commencent à se délier. A quand le prochain remaniement? Ah, «khlawne dhou Lkhelta» (littéralement: ces gens nous ont tués), allusion au gouvernement actuel. Dix-sept mois de tergiversations, de faux-pas et de maladresses. Une déclaration de politique générale peu novatrice, malgré quelques retouches. Des hakems, des walis, des hauts fonctionnaires, brutalement relevés de leurs fonctions. A quand des ministres éjectés de leur strapontin? Au dernier conseil de ceux-ci, une mesure, spectaculaire, a démis tous les hakems de Nouakchott. Pourquoi? Qu’ont-ils fait, les pauvres préfets? La terre? Le ciel? L’ozone? Mutisme officiel oblige, les rumeurs vont bon train. Prochainement, ce serait le tour des walis. La signature de celui de Nouakchott aurait été ‘’suspendue’’, sur instruction du PM et sa disgrâce serait imminente. Un certain petit fonctionnaire de la wilaya de Nouakchott, payé sur le fonds régional mais qui roule en Land Cruiser SG, serait à l’origine de la brouille. Il serait le nombril du monde, au district. Tout passerait, par sa bonne, ou mauvaise, volonté. L’homme à tout faire de tous les walis, depuis le temps de Maaouya. Seul Kaba Ould Elewa l’aurait chassé, en son temps, et même interdit la wilaya. Revenu en force, depuis, il ferait, aujourd’hui, la pluie et le beau temps.
Les parlementaires sont partis en vacances, après plusieurs semaines d’intenses débats. C’est ça, la nouvelle démocratie. Tous les projets de loi qui leur ont été soumis ont été adoptés. Aucun amendement n’a été retenu. Les nouvelles dispositions sur le terrorisme, sur l’état-civil, sur la nationalité, sur l’aménagement du territoire s’ajoutent à d’anciennes, relatives à l’esclavage, à l’immigration et autres. Resteront-elles dans les tiroirs, comme l’a souligné une députée ou seront-elles appliquées? Le rôle des parlementaires n’est pas, seulement, de voter, précipitamment, des lois, d’empocher de gros salaires, assortis de substantielles indemnités de sessions, mais, aussi, de s’assurer que ces lois soient bien appliquées. Sinon, à quoi sert-il de passer des jours et des jours à défendre un texte destiné à la corbeille? Bonnes vacances, messieurs les parlementaires. Vos débats ont été passionnants. Mention spéciale aux femmes qui ont fait preuve d’un courage et d’une audace inégalables. Les interventions de Nema Mint Megueya, de Kadiata Malik Diallo, Malouma Mint Bilal, Mah Mint Semetta et les autres résonnent, encore, dans nos oreilles. Grâce à vous, la TVM, malgré la nullité de ses programmes, avait, quand même, ses heures de grande écoute. Justement, dans leurs éditions du dimanche 3 janvier 2010, les journaux Horizon et Chaab ont, dans un supplément de quelques pages, fait la rétrospective des grands événements nationaux de l’année écoulée. Les visites, à l’intérieur du pays, du président du HCE, celles de son Premier ministre, les inaugurations, la fête du 1er mai, celle du 8 mars, la désignation des membres de la CENI, le recensement administratif à caractère électoral, le retour du chef de l’Etat de la Libye, la démission d’Ould Abdel Aziz de l’UPR, etc. Pourtant, n’en déplaise à ces journaux, la démission du premier président démocratiquement élu de la Mauritanie, Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi, s’est passée en 2009 et constitue, qu’ils le veuillent ou non, de loin l’événement le plus important de l’année écoulée. D’ailleurs, si cet acte fondateur, courageux et nationaliste n’avait pas eu lieu, les élections «transparentes» dont on se prévaut, aujourd’hui n’auraient pas été, singulièrement, obscures. Un peu d’honnêteté, de professionnalisme et de déontologie, S.V.P.

vendredi 15 janvier 2010

Qui sont-ils, ces militaires qui nous gouvernent? (Quatrième et dernière partie)

K /Le Général Ahmed Ould Bekrine
Durant toute ma médiocre carrière de militaire (1979-2004), je n’ai jamais rencontré le général Ahmed Ould Bekrine, actuel secrétaire général du ministère de la défense nationale. Est-ce un alibi pour ne pas le peindre, même à partir de témoignages dignes de foi ? A quoi auraient servi alors les écrits d’Ibn Khaldun, d’Ibn Batouta, de Michelet concernant la France… et en dernier ressort la prétention de l’histoire (récit des événements du passé) à vouloir nous enseigner des faits que les auteurs ci-dessus n’ont pas nécessairement vécus.
L’idiosyncrasie du général Ahmed ould Bekrine prête rarement à confusion. Pour l’accord unanime des esprits compétents, elle ne souffre pas de contradictions. En effet, il parait que cet officier a un train de vie tellement simple que beaucoup ne peuvent honorer durablement. Foncièrement honnête, une vie rangée, calme, voire timide, le général Bekrine est issu de la promotion de Cherchell (1974-1976) en Algérie. Une promotion dont le sang a été triplement versé avec la mort précoce sur le champ d’honneur de trois de ses officiers : les lieutenants Sid’ Amar Ould Cheikh Ould Mouhamedi, Tajou Ould Salek et Khalihené Ould Abdel Jelil. Ceux qui ont connu Ahmed Ould Bekrine pendant la guerre du Sahara vous décrivent un baroudeur robuste bien que d’apparence mince, toujours là où il le faut. Un officier comme le général Ahmed Ould Bekrine pour lequel on ne connait ni frasques, ni même un hobby du moins à caractère lucratif, n’ayant pour souci que de terminer sa carrière militaire à l’image d’Epinal, doit servir d’exemple à la postérité et de référence pour ses contemporains. Sa permutation récente avec le Colonel N’Diaga Dieng a fait jaser plus d’un. Ce réajustement serait-il lié au kidnapping des trois espagnols sur la route de Nouadhibou ? Le général Ahmed Ould Bekrine aurait-il ‘’fauté’’ cette fois, ou fallait-il un bouc émissaire, tant la pression internationale (occidentale surtout) est à son point de non retour ?
Dans leur prise d’otage pour réclamer ensuite des sommes colossales, les « combattants » d’Al Qaida dépassent le seuil de l’intolérance. En dehors de l’intransigeance pour les combattre, il faut plutôt un réseau de renseignements efficace, impliquant tous les pays concernés, coordonnant et planifiant l’acquisition des données collectées au niveau des différents corps (Armée, gendarmerie, garde) afin d’éviter l’émulation ‘’stérile’’ entre les chefs de corps. On l’a vu lors du conflit Sénégalo-mauritanien où certains commandants de formations (surtout 6émé et 7émé régions militaires) inondant l’Etat major national de pseudo renseignements sur l’ennemi dans le seul but de ne pas se faire oublier et ce au détriment de l’efficacité.
En ce qui concerne Ahmed Ould Bekrine, rendons à César ce qui lui appartient. Gageons que cet officier de bonne moralité finisse sa carrière en apothéose. Lui qui a fait du Stoïcisme, de la probité son credo ‘’pascalien’’ doit éviter le dicton populaire du service de Denebja.

L/ Le colonel Mohamed Ould Ghoulam
Que fait un médecin même militaire et de surcroit gynécologue au milieu d’un conseil de fantassins moulés aux périodes de survie, leurs godillots les « empêchant de marcher » ? A première vue, notre colonel à tendance à amuser la galerie ou compléter le nombre à 12, les chiffres impairs étant souvent incommodes. Ceci est loin de refléter la réalité. Quand on a un bac+10, donc une spécialisation en médecine vous permettant de pouvoir vivre largement de votre profession, l’impératif catégorique devient de facto le respect scrupuleux du serment d’Hippocrate dans toute sa dimension.
Sortant du Maroc au début des années 80, le colonel Ghoulam a exercé dans plusieurs garnisons militaires de Mauritanie. Jovial, prêt à rendre service, en sage-homme, il a choisi d’aider les femmes à donner la vie en homme sage. En « accouchant les esprits » le philosophe Socrate n’a-t-il pas simplement invité sa mère Phénaieté, sage femme accoucheuse ?
Le colonel Ghoulam a été choisi à eux reprises (2005-2008) pour faire partie des instances du pouvoir décisionnaire, installées par les militaires. Cet officier originaire d’Aîoun El Atrouss a été récemment désigné pour être le directeur de l’hôpital militaire, à un moment où cette entité a réellement besoin d’un souffle nouveau. Un gage de confiance car l’hôpital militaire joue un rôle prépondérant dans la vie sociétale de la grande muette. Espérons que le statut du colonel Ghoulam de membre de l’ex HCE, puisse permettre à ce gynécologue de briser la monotonie dans les couloirs, de renflouer les caisses, de garnir les officines pharmaceutiques, de rendre opérationnels les blocs opératoires, de varier le menu, de changer les mentalités du personnel hospitalier souvent à effectif pléthorique, bref d’entamer une révolution.
Le colonel Ghoulam va-t-il réussir là où beaucoup ont échoué dans cet hôpital berceau du népotisme et du favoritisme, enclin au délabrement le plus total ? Souhaitons que l’année 2010 soit l’épitaphe de la gabegie, du détournement de deniers publics afin qu’on puisse graver sur les portiques de ce haut lieu de santé publique des lettres porteuses d’espoir et de bien être.


M/ Le colonel Mesgarou Ould Sidi
C’est le benjamin du HCE, tant il est dit qu’ ‘’aux âmes bien nées, la valeur n’attend point le nombre des années’’. Issu de la première promotion EOA (élève officier d’active) de 1980 (EMIA d’Atar), sorti seulement en 1982, Mesgarou Ould Sidi a choisi la garde nationale pour entamer une carrière militaire qui va s’avérer riche en rebondissements. Il fait partie de l’intelligentsia militaire, ses jeunes officiers intellectuels injectés en 1980 dans l’armée pour équilibrer le pourcentage défavorable à la filiale d’obédience arabe, jusque là parent pauvre des forces armées et de sécurité. Si le colonel Mesgharou est une exception à la règle, car maîtrisant la langue de Voltaire, ce «renfort» n’a jamais fait l’unanimité. Parce que cette promotion (1980-1982) comportait entre autres d’anciens coiffeurs, des tailleurs et même des chasseurs de primes ayant falsifié leurs diplômes arabes pour accéder à l’EMIA.
Descendant du grand guerrier Mesgharou Ould Ghweïzy, le colonel a hérité de celui-ci un caractère fougueux, une envie insatiable de bouder l’ordre établi, s’il ne va pas dans le sens de la logique. Ce caractère est à la fois sa force et son talon d’Achille car il faillit à maintes reprises être rayé des contrôles de la garde nationale (étant lieutenant) par des chefs jaloux de son aura et de son indépendance d’esprit. L’attitude de cet officier chevaleresque, altier, qui aime le rire et l’ambiance feutrée n’a d’égale que son côté prodigue, la main sur le cœur ou tendue vers les plus démunis. Le 6 août 2008, selon les rumeurs, le colonel Mesgharou Ould Sidi, alors chef d’Etat major adjoint de la garde nationale aurait averti le général Ould Abel Aziz de propos confidentiels émanant de son ministère de tutelle-vrai ou faux ? A sa place, j’aurais agi de la même façon. Car entre la copie (Sidioca) et l’original (le général Aziz), je choisirai sans hésiter l’original. Sidioca a été choisi par les services de renseignements comme doublure, le sachant vulnérable, dans l’incapacité de diriger efficacement la Mauritanie. Actuellement, le colonel Mesgharou occupe une place aux contours mal définis. Est-ce une agence, une société ou un service ? Nous avons besoin de savoir pour ne pas être contraints de répondre à chaque fois par une litote.
Une chose est sûre, sous employer cet officier qui fait partie de l’intelligentsia militaire, c’est ignorer totalement le mythe prométhéen de l’homme à la mesure de toute chose.
Ely Ould Krombelé, Orléans France.
Post scriptum : Nous parlerons prochainement des officiers les plus riches de l’Armée et comment ils ont obtenu leur richesse sans coup férir. Inch’Allahou.

mercredi 13 janvier 2010

Editorial : Qu’avons-nous fait, en un an ?

Cette année, qui vient de s’achever, a été plus mauvaise que l’année passée mais elle sera «plus bonne», pour paraphraser Coluche, que la prochaine. Serions-nous condamnés, comme dans la célèbre saillie de l’humoriste français, à aller de mal en pis, d’année en année? Qu’avons-nous fait, au cours de l’année écoulée, pour enraciner notre démocratie, assurer notre développement, garantir un minimum de bien-être à nos populations, soigner notre image, écornée par les attentats et les coups d’Etat, prendre pied dans le concert ders nations dites civilisées? Rien ou presque. Nous avons, certes, signé, les accords de Dakar, sous l’égide la communauté internationale, et organisé un premier tour d’élection présidentielle à l’issue duquel un candidat s’est déclaré élu. Mais notre situation ne s’est pas normalisée pour autant. Notre président, même vêtu des oripeaux du vainqueur d’une élection diplomatiquement qualifiée de «transparente», par les observateurs étrangers, n’arrive, toujours pas, à se départir de sa toque de putschiste multirécidiviste. Notre classe politique est, plus que jamais, divisée. L’opposition, qui s’est rendue compte, sur le tard, qu’elle a été flouée par les accords de Dakar, refuse de reconnaître le fait accompli. Résultat des courses: elle et le pouvoir se regardent en chiens de faïence, dans un duel, comme au Far-West, où celui qui dégaine en premier ne sera pas, nécessairement, le vainqueur. C’est à se demander s’il est écrit, quelque part, que notre pays ne goûtera, jamais, aux plaisirs d’une démocratie apaisée.
L’année 2009 s’était ouverte sur de curieux états généraux de la démocratie, sanctionnés par le revirement d’Ould Daddah, enfin convaincu des ambitions dictatoriales d’un putschiste pas tout-à-fait candidat mais presque. L’ancienne opposition à Maaouya reprenait du collier, significativement renforcée par des symboles sur-usés, pour ne pas dire corrompus, de l’ex-pouvoir. D’autres, sentant le vent d’une nouvelle dictature, s’empressaient de choisir, dans leur garde-boubous, le moins élimé de leurs vêtements réversibles. On se pâmerait, bientôt, dans les salons cossus, au son des «gabegie, gabegie, hou la vilaine!» et des «terrorisme, terrorisme, voici ton bourreau!».
L’année 2010 s’ouvre, quant à elle, sur des comptes d’épicier. Les hommes d’affaires, impliqués dans l’affaire dite de la BCM, ont été élargis, suite à un compromis, avec l’institut d’émission, dont les clauses restent tenues secrètes, à ce jour. En ordonnant leur arrestation, le président s’était, de fait, tiré une balle dans le pied. Le dossier a été politisé, aussi bien par l’opposition, qui n’a pas manqué d’y voir une volonté du pouvoir de régler des comptes à des hommes qui ont soutenu ses adversaires, lors de la dernière présidentielle, que par les proches des inculpés, qui n’ont pas hésité à manifester et à braver les forces de l’ordre. Il fallait, du coup, parer au plus pressé et retirer cette épine qui commençait à faire un peu désordre. Moyennant quelques entorses à la procédure.
Hanevy Ould Dehah croupit, toujours, en prison, malgré l’expiration de sa peine. Il n’y a qu’en Mauritanie et, probablement, en Corée du Nord, où cela est encore possible. L’Union européenne n’a, toujours pas, délié les cordons de la bourse. Elle exige, au préalable, que le dialogue s’instaure entre les différents acteurs politiques, conformément à l’Accord de Dakar. El Hay Sakin n’a, pas encore, été loti. Les salaires des fonctionnaires n’ont pas été augmentés, les prix des denrées de première nécessité ne cessent de flamber. Quant au terrorisme, il se porte, hélas, à merveille, permettant, ainsi, au pouvoir, de justifier, à bon compte, un certain nombre de mesures liberticides. La Mauritanie nouvelle ressemble, décidément, beaucoup à l’ancienne ou, comme disait si bien notre regretté Habib Ould Mahfoudh, c’est, comme normalement en notre charmant pays incrusté sur lui-même, toujours «la changité dans le stabilement»…
Ahmed Ould Cheikh

mardi 12 janvier 2010

Autour d’un thé à la rédaction du Calame

La nouvelle est sur toutes les bouches. Les trois hommes d’affaires sont libres. Finalement, la médiation du grand savant Dedew a fait mouche. Ould Nagi et Ould Oumarou, les deux autres inculpés dans l’affaire de la BCM, attendront encore. Peut-être pas longtemps car les trois hommes d’affaires auraient fait, de leur libération, un des préalables à la signature de l’accord avec l’institution monétaire. Un autre, Ahmed Ould Khattri, ancien directeur général des caisses populaires, qui croupit depuis plusieurs mois en prison, accusé d’avoir détourné des centaines de millions, reste, lui, dans l’oubli. Pourtant, il n’aurait, certainement pas, refusé un accord avec l’institution plaignante. Pour lui, aucune marche, aucune intervention, aucune pression. Ce n’est pas un grand homme d’affaires, ce n’est pas un notable, c’est juste un haut fonctionnaire qui a servi de bouc émissaire, pour les besoins d’une tonitruante campagne de lutte contre la gabegie qui n’épargnerait personne, même pas ceux qui ont soutenu le mouvement de rectification du dehors et du dedans. Sa motion de soutien depuis la prison de Dar Naim n’a finalement servi à rien. Quant aux autres débarqués, qui devraient rembourser l’argent volé, on n’en entend plus parler. Ont-ils remboursé? Combien? Suivant quelles modalités? Ou ce n’était, comme le prétendent les mauvaises langues, que mise en scène, montage et diversion? Dans les locaux du Calame, les débats, entre les convives du thé entre les convives du thé, étaient si passionnés que les passants en furent ameutés. Chacun allant de sa propre analyse qui dépend, ordinairement, de son positionnement politique. A cet égard, originale l’idée de ce téléspectateur de la TVM selon lequel le nomadisme politique est, aussi, une forme de gabegie. Que dire, en effet, de ces élus, maires ou parlementaires, élus sous les couleurs d’un parti qui s’est investi dans une campagne onéreuse pour les faire «avaler avec leurs poils», au peuple, et qui quittent celui-là, sans un au revoir ni un merci, se permettant, même, de venir, sans honte, sur les plateaux de télévision fustiger la gabegie?
Depuis que la session parlementaire ordinaire est ouverte, beaucoup de Mauritaniens suivent, régulièrement, les débats, parfois houleux, de l’Assemblée nationale. Systématiquement, l’opposition critique, sévèrement, les projets de loi présentés à leur examen. Systématiquement, la majorité appelle à voter ceux-ci, tels quels. Mécaniquement, les ministres rejettent tous les amendements, parfois très pertinents, de nos élus. Or, dans tous les parlements du monde, il arrive qu’à l’occasion, les idées de ceux-là, appartenant, éventuellement, à des groupes politiques différents, se recoupent, que des objections utiles soient retenues et que les ministres aient le courage et l’honnêteté de reconnaître les insuffisances de tel ou tel de leur projets de loi. L’animosité, la guéguerre et les petites phrases mal intentionnées desservent plus qu’elles ne servent le pays. Un député de la majorité peut voter contre un projet de loi sans être de l’opposition, tout comme un député de l’opposition peut voter en faveur d’un texte de loi sans être de la majorité. Dans le même ordre de fonctionnement républicain, un ministre peut accepter des amendements sur un texte, sans craindre d’être accusé d’avoir faibli devant l’opposition ou de ne pas avoir la ferme volonté d’appliquer le programme du président de la République. Sans cela, l’Assemblée nationale restera ce qu’elle n’a jamais cessé d’être: une vulgaire chambre d’enregistrement, un «machin» abominable, destiné à légitimer toutes les insanités juridiques que des concepteurs, aveuglés par la flagornerie, ont taillé à la mesure d’un système surtout enclin à se doter de mécanismes qui lui assurent un temps maximal d’hégémonie. République, chose publique? Démocratie, pouvoir du peuple? Circulez, citoyens, il n’y a rien à voir…

jeudi 7 janvier 2010

Qui sont-ils, ces militaires qui nous gouvernent? (troisième partie)

G) Le général Mohamed Ould Hadi
«Si le nez de Cléopatre eût été plus court, la face du monde aurait changé». Légitimement, les pensées de Pascal peuvent nous pousser à dire que si le général Mohamed Ould Hadi n’avait pas rencontré, sur son chemin, un certain Maouiya, à une certaine période, sa vie aurait été tellement prosaïque qu’elle ne susciterait aucun commentaire.
En quittant, dès 1975, le berceau familial d’Atar pour l’armée, nanti d’à peine un certificat sanctionnant ses humanités primaires, l’actuel général de brigade et directeur de la sûreté nationale, Mohamed Ould Hadi, est parmi ces privilégiés nés une cuillère dorée à la bouche. Cependant, ne soyons pas trop manichéens et, surtout, relativisons les apparences. Car, contrairement à ce que beaucoup d’officiers pensent, tacitement, ce n’est pas le président Maouiya qui mit Ould Hadi sur la rampe de lancement mais, plutôt, le colonel Yall Abdoulaye. En effet, au début des années 80, lors d’une inspection de ce dernier, à Bir Moghren – la 2ème région militaire du pays – le lieutenant Mohamed Ould Hadi était, alors, commandant d’un sous-groupement «type Farin», une conception née du colonel Moustapha Ould Mohamed Salek, chef d’état-major en 1978. L’organisation matérielle, la capacité opérationnelle, l’attitude, l’aptitude de la troupe, des cadres sous-officiers et officiers étaient telles que le colonel fût, aussitôt, conquis. On tenait à récompenser ce jeune officier pour l’impressionnante parade exhibée, avant même que le bataillon ne se mette à manœuvrer. C’est ainsi qu’on lui proposa, peu de temps après, le CFC d’Akjoujt - Centre de Formation des Caporaux – unité nouvellement fondée. La «marque» Ould Hadi est lancée, elle atteindra son «apothéose» avec l’avènement de Maouiya, le 12-12-1984, tombeur de Mohamed Khouna Ould Haidalla. Je tiens ces propos d’un éminent officier, major de la 1ère promotion de l’EMIA, mort à la fleur de l’âge. En effet, lors des discussions, interminables mais fécondes, à la base militaire de Wejaha de Nouadhibou, je profitais, constamment, des connaissances combien étendues du colonel Mohamed El Moctar Ould Sweid Ahmed, dit Dédé, pour mieux «cultiver mon jardin». Que la terre lui soit légère, amine.
Revenons à notre «météore». On fonda, à l’intention spécifique du capitaine Ould Hadi, le BCS (Bataillon de Commandement et des Services), unité autonome, au sein de l’état-major national, car le CFC n’étant plus à la pointure de celui-là. De ce fait, Ould Hadi devint incontournable, en quête du moindre renseignement, occupant, désormais, la «Une», volant, ainsi, la vedette au colonel Minnih, chef d’état-major et à son adjoint, le colonel Mohamed Ould Lekhal, pourtant réputé baroudeur et autoritaire. En 1991, à l’approche de la démocratisation, notre «engin spatial» amorça sa descente pour atterrir au BED (contre-espionnage), puis au Tiris Zemmour, comme gouverneur de région, avant d’être attaché militaire au Maroc. Disgrâce ou promotion? A l’époque, si Maouiya ne voulait plus de quelqu’un, il l’envoyait en «stage». On crut le feuilleton Ould Hadi fini, à jamais, mais comme le Phénix qui renaît de ses cendres, le voilà de retour, cette fois sur la scène politique, membre du HCE. On se demande comment et pourquoi le général-président Ould Abdel Aziz a tiré, de son long «sommeil hivernal» marocain, Ould Hadi, en le nommant général de brigade, sans la moindre prédisposition (cursus normal) ad hoc. Notre président a-t-il été «marabouté» ? Silence… raison d’Etat.
N’oublions pas que le premier policier de Mauritanie est le fils d’un respectable marabout. L’envie, atavique, de suivre les traces de son père pousse notre général, à ses heures désespérées, vers un mysticisme qui le met dans un état de solipsisme dont il a, seul, le secret. Il prend son chapelet, murmure des paroles incantatoires, fait cent grains à droite, un «touf» à gauche, tout en continuant de psalmodier, entre en transe et prédit l’avenir. L’homme, en lui-même, est foncièrement bon, n’en voulant à personne mais cultivant, en secret, le culte de la personnalité. Avec lui, la police n’a plus besoin de se hisser au diapason des normes «standard» internationales pour «cueillir» le renseignement car le général-marabout maîtrise la situation. Exception faite des kidnappings, récents, des trois espagnols et des deux italo-burkinabès.

H) Le colonel Dia Adama Oumar
En janvier 1974, il était prévu que celui-ci parte se former à l’académie militaire de Churchell, en Algérie, en même temps que N’diaga Dieng (gendarmerie), N’Diaye N’Diawar, Alioune Ould Mohamed, El Hadi Ould Seddigh, Abderrahmane Ould Boubacar, Niang Abdoul Aziz, etc. L’Algérie n’ayant octroyé que douze places, le destin en voulut autrement, pour Dia et Abass Alassane. Si ce dernier a pu partir à Meknès, Dia, par contre, a subi une «injustice» précoce. En effet, après huit mois de formation militaire, comme soldat, au CIAN de Rosso, supportant les caprices de l’adjudant-chef instructeur Mao, Dia est muté à Bir Mogrein, en qualité de soldat, dès l’éclatement de la guerre du Sahara, en décembre 1975.
Cependant, il finira par entamer son stage d’officier et sortira, le 1er juillet 1980, sous-lieutenant de l’EMIA d’Atar. Après deux ans à l’ENA de Nouakchott et un autre stage en France, le voilà diplômé d’intendance militaire. D’officier d’administration à la 5ème région (Néma), le commandant Dia Adama Oumar remplacera au SERAD (SERvice ADministratif) le commandant Ahmed Ould Chrouf, victime d’un règlement de comptes.
Notons qu’au moment des purges de 1990, Dia était détaché du côté de la lagune Ebrié, à l’ANAD (Accord de Non-Agression et de Défense) dégustant, calmement, l’inévitable atcheké sans poisson, au pays des Akan. Nommé premier argentier par le 1er magnat de l’armée, le colonel Boukhreïss, le colonel Dia quitta l’intendance pour le 4ème bureau, au temps du colonel El enArby Ould Jedeïne. En 2008, alors attaché militaire à Moscou, il est tiré, du froid glacial, par le général Ould Abdel Aziz, pour le poste de chef d’état-major particulier du président de la République.
Originaire de Boghé, aristocrate et ne s’en cachant pas, l’homme est un mauritanien dans l’âme, à cheval sur deux cultures (maure et pulaar). Connaissant le solfège – mélomane, donc – notre intendant, s’il n’est pas en train de compter les liasses d’argent, est un poète lyrique, à ses heures de désespoir. Au premier contact, on a l’impression qu’on est en face d’un officier accaparant, au regard rebutant, moustache à la Bismarck. Mais il n’en est rien. L’homme est plutôt méfiant, toujours aux aguets, comme un lièvre, animal craintif, s’il en est, à l’instar de tous les officiers d’administration de l’armée. Allez savoir pourquoi. Cultivé, compétent, notre torodo, proximité de l’émirat du Brakna oblige, sera-t-il en mesure d’honorer son poste actuel de chef d’état-major particulier, lui, l’intendant dont le rôle primordial est de pourvoir en solde, habillement et nourriture, les unités de l’armée? Cette fonction revient à un officier – fantassin, cavalier ou artilleur – ayant, au moins, son DEM (Diplôme d’Etat-Major) au plus, son cursus normal. Car ce poste est un «belvédère» panoramique, un PC tactique, permanent et évolutif, selon les situations, pour le président de la République, très occupé d’ailleurs, afin de prendre, constamment, la température de son armée, surtout au plan opérationnel et technique. Et si le colonel Dia Adama Oumar donnait un jour les coordonnées UTH (Universal Transverse Hercator) des combattants d’Al Qaïda en plein Océan Atlantique, alors que ces terroristes sont en train d’évoluer au beau milieu du Sahara.
J) Le colonel Mohamed Ould Znagui
Attitude spartiate, photogénique: sur cet officier, ancien sportif de renommée sous-régionale, la tenue militaire aurait pu séduire même le Mahatma Ghandi, symbole de la non-violence. Issu de la 2ème promotion de l’EMIA, le colonel Mohamed Ould Znagui en est sorti sous-lieutenant, le 1er juillet 1980. Il connut plusieurs postes successifs: 5ème région, 1ère région, à Boulenoir, EMIA-compagnie Ecole, 6ème région. Après avoir commandé cette dernière, il est muté attaché de défense, près l’ambassade de Mauritanie, à Dakar. Au mois d’août 2008, il est rappelé par le général-président, pour le poste d’adjoint au chef d’état-major national.
Si cet officier avait, dans son enfance, rencontré un coach visionnaire, il aurait pu vivre, aisément, du hand ou du volley-ball, au plan international. Mais il est trop tard, les années ont passées, l’homme, selon l’expression de Bergson, «vieillit». Depuis, le colonel Znagui a troqué la tenue de sport contre la fréquentation, assidue, de la mosquée. Ami personnel du général Mohamed Ould Abdel Aziz avec lequel il partagea plusieurs parties de chasse, cet officier a, dans son parcours, cultivé beaucoup d’affinités avec le colonel Mohamed Ould Lekhal, ancien ambassadeur de Mauritanie au Mali. Pourquoi Ould Lekhal n’a jamais pu accéder au poste de chef d’état-major, surtout du temps de Maouiya, alors qu’il était, psychologiquement et techniquement, prêt à assumer cette fonction? Parce qu’on craignait le baroudeur, ayant beaucoup de sympathisants soldats et cadres supérieurs, dans l’armée. Il était, toujours, surveillé comme le lait sur le feu. Pragmatique, fustigeant la bureaucratie militaire, l’homme de terrain joua un rôle cardinal, lors du conflit sénégalo-mauritanien de 1989, galvanisant, personnellement, les troupes, le long du fleuve, de N’Diago à l’Ouest, à Gouraye, à l’Est.
Du colonel Mohamed Ould Znagui, on retient le sens de la grandeur du chef guerrier, l’amour pour la vérité et un grand esprit opérationnel. Je pense qu’à l’avenir, il faut éviter de l’envoyer en mission, à l’extérieur, avec des officiers trop petits de taille par rapport à lui car ils risquent d’attirer l’attention de toute l’assistance. Si cet officier, originaire d’Akjoujt, avait l’allant des émirs Ahmed Ould M’Hamed de l’Adrar ou Ahmed Ould Deid du Trarza, la Mauritanie en aurait été changée.
Ely Ould Krombelé, ancien officier de l’armée
Orléans, France

Prochainement, incha Allahou: K) le général Ahmed Ould Bekrine; L) le colonel-médecin Mohamed Ould Ghoulam; M) le colonel Mesgharou Ould Sidi Ould Ghweizy

mardi 5 janvier 2010

En Mauritanie (nouvelle) et nulle part ailleurs……

Ould Bouka est parti. Vive Ould Bouka !
En une année, Mohamed Salem Ould Bouka est passé de la TVM à la Radio puis de la Radio à la TVM et, enfin, de la TVM à la Radio, la semaine dernière. Comme s’il n’y avait pas de cadres compétents pour prétendre à la direction d’une des boîtes où diriger se limite, généralement, à se faire tout petit, ne pas sortir des sentiers battus et respecter, à la lettre, les consignes venues d’un peu partout. Car les directeurs de ces établissements n’ont pas une mais plusieurs tutelles: le ministère de la Communication, la Primature, le cabinet du président, son conseiller presse. Le seul directeur qui a essayé d’innover, malgré lui, en organisant un débat en direct où certaines vérités, politiquement incorrectes dans la Mauritanie post-huitarde, furent proférées a été Imam Cheikh Ould Ely. Il sera démis de ses fonctions et ne s’en est, toujours pas, relevé. Son successeur et ses autres collègues, échaudés par l’expérience, ne se hasarderont plus à bouger le petit doigt. Il faut dire qu’ils ont été choisis pour cela. Les organes de presse officiels sont une affaire trop sérieuse pour être confiés à des gens qui réfléchissent.

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Hanevy ‘’sécurisé’’
Notre confrère Hanevy Ould Dehah, directeur du site Taqadoumy, condamné à six mois de prison et dont la peine a expiré la semaine dernière, croupit toujours en prison. Malgré les efforts de son avocat, les cris du cœur de ses confrères et les appels des organisations internationales, le parquet refuse d’ordonner sa mise en liberté. Pour protester contre son maintien en détention, Hanevy a entamé, depuis quelques jours, une grève de la faim. Son état ne cesse de se dégrader et le médecin craint que sa détermination ne provoque des dégâts irréversibles à son organisme.
Ould Abdel Aziz, qui avait déclaré, au syndicat des journalistes, qu’il est plus sûr, pour Hanevy, de rester en prison, pour ne pas se faire tuer par une des personnes qu’il a attaquées sur son site, doit, certainement, être préoccupé par la sécurité de notre confrère pour le retenir encore quelques jours. Espérons, seulement, que ce n’est pas pour quelques mois… ou quelques années.


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Le bon créneau
Les journaux privés qui comptent ont décidé de faire, du dimanche dernier 3 janvier, une journée sans presse. Ils entendaient, ainsi, protester contre la décision de l’Imprimerie nationale de ne plus appliquer la réduction des frais d’impression, au motif que l’Etat, qui devait lui verser une subvention, pour compenser le manque à gagner consécutif à ce rabais, n’a pas délié les cordons de la bourse. Le montant compensatoire était, pourtant, bien inscrit dans la loi de finances 2009 mais, comme le directeur de l’Imprimerie n’est pas bien introduit et refuse de délier, lui aussi, les cordons de la bourse, il sera éternellement retardé, au profit des subventions d’autres directeurs, qui ont compris que les voies des finances, contrairement à celles du Seigneur, sont très pénétrables. Il suffit, juste, trouver le bon créneau.

AOC

samedi 2 janvier 2010

Autour d’un thé à la rédaction du Calame

Comme d’habitude, les convives étaient nombreux, ce jeudi 24 décembre, dans les locaux du Calame. Une animation inhabituelle occasionnait un brouhaha qui dépassait les limites des locaux du journal. Journalistes et visiteurs dégustaient, frugalement, les normaux que Pape servait, avec déférence mais sans distinction. Parfois, un intrépide fumait, insidieusement, une cigarette. Au grand dam du patron Ahmed, vociférant contre l’empestement des lieux. Cependant, les commentaires vont bon train. Beaucoup de projets attendent l’année qui s’annonce. Quelqu’un parle des fréquentes rencontres d’Ould Waghef, une figure emblématique de la nouvelle coalition de l’opposition, avec le président Mohamed Ould Abdel Aziz. C’est, dit-on, pour préparer la formation de la future équipe gouvernementale, à laquelle prendraient part des gens de l’opposition. Ce sera, le cas échéant, la preuve manifeste de la volonté des maîtres du moment d’accomplir, enfin, une clause importante des accords de Dakar: le fameux dialogue inclusif. C’est, dit un autre, un rapprochement du parti ADIL de la majorité. Beaucoup de cadres importants de ce parti, apeurés par la lutte contre la gabegie, exerceraient de fortes pressions sur sa direction, afin qu’elle soutienne, inconditionnellement le rédempteur, le réformateur, le bâtisseur de la Mauritanie nouvelle, Mohamed Ould Abdel Aziz. Ne dit-on pas que le peureux ne peut être caché par la forêt?
Quelle nouveauté! La TVM a annoncé, dans un communiqué diffusé, plusieurs fois, la marche organisée par l’opposition, mercredi dernier. Pourtant, le ciel n’est pas tombé sur la terre. Le régime est, même, resté en place. Le directeur général de la TVM n’a pas été limogé. Le journaliste qui a lu le communiqué s’est bien réveillé, le lendemain de cet acte de bravoure inouïe. Plusieurs milliers de personnes sont venues à la manifestation. Un meeting a été tenu. Des hommes politiques ont pris la parole. Une diffusion, différée, de l’événement a été réalisée par la télévision nationale. Le jeudi, le soleil s’est levé, à l’est, et s’est couché, à l’ouest. Aziz est resté président. Ahmed Ould Daddah, éternel opposant. La vie a repris son cours.
Depuis deux semaines, les conseils de ministres sont assortis de conférences de presse de quelques membres du gouvernement. Ce jeudi 24 décembre, les ministres de la Communication, des Finances et le gouverneur de la Banque Centrale ont évoqué, dans ce cadre, le dossier communément appelé «affaire des hommes d’affaires et de la BCM». Tour à tour, les trois responsables, particulièrement le ministre des Finances et le gouverneur de la BCM, ont, durant plusieurs dizaines de minutes, essayé d’éclairer, ont-ils dit, l’opinion sur ce dossier ô combien épineux. Malheureusement, malgré leurs compétences avérées et incontestables, leur sortie s’est révélée catastrophique. Confusion. Contradiction. Langue de bois. Dix milliards, quinze milliards donnés, sans raison, à moins de cinq personnes. Un rapport de 2001 ou de 2004, on ne sait plus trop, dans lesquels des inspecteurs reconnaissent les faits. Une opposition «irresponsable» qui jette l’huile sur le feu, en politisant une affaire de justice. La majorité des Mauritaniens ont fait, le 18 juillet, le choix de lutter contre la gabegie et la moralisation de la vie publique. Puis, soudain, une histoire de 134 milliards ou 135 milliards: équilibrer les termes de l’échange, vous avez entendu parler, vous, de l’affaire des faux chiffres? Du vrai coq à l’âne. Economistes de tous les pays, au secours! Ces gens-là sont en train de nous bourrer le mou. Pourtant, déjà, lors de sa visite à l’hôpital Zayed, le président avait déclaré à la presse que les hommes d’affaires ne seraient libres qu’après paiement de 14 milliards. C’est lui qui aurait refusé la formule du consensus à laquelle les hommes d’affaires et la BCM avaient convenu avant leur incarcération. Laissons la justice suivre son cours, ne politisons pas cette affaire, a dit Ould Raiss. Ne gênons pas notre justice, renchérit Kane Ousmane. A qui s’adressent-ils ? Certainement aux «pêcheurs en eaux troubles», gens de l’opposition, bien sûr. Pourtant, tout le monde sait qui donne les ordres aux juges et qui oriente et diligente, véritablement, les enquêtes au cours desquelles, jusqu’ici en tout cas, seules des personnes d’une certaine appartenance politique ont été inquiétées.

vendredi 1 janvier 2010

Qui sont-ils, ces militaires qui nous gouvernent ? (deuxième partie)

D) Le général Mohamed Ould Ghazwani :

Les normes de préséance de la logique militaire nous dictent d’ouvrir cette nouvelle page de notre propos, avec le général Mohamed Ould Ghazwani, juste après son ami et alter ego, le général-président Mohamed Ould Abdel Aziz. Qu’on veuille nous permettre cette entorse car traiter de ces deux officiers séparément met en exergue la singularité de chacun. A eux seuls, ils constituent l’alliage indispensable aux deux maillons précieux de la chaîne, deux locomotives tirant la rame-HCE.
Pour en venir au général Ghazwani, chef d’état-major national, n° 2 du conseil militaire, les avis divergent rarement, quant à son attitude, voire son comportement. A son contact, seule la tenue militaire vous rappelle que vous êtes en face d’un soldat. Une fois dehors, vous serez dans l’obligation morale de vous poser l’inévitable question: est-ce un dalaï-lama ou un séminariste, confessant dans un collège helvétique, un imam docteur en théologie musulmane, ou un sadou pressé de se détacher de toutes les réalités terrestres, afin d’accéder au Nirvana? Le général Mohamed Ould Ghazwani n’a rien à envier aux idéalistes ci-dessus mentionnés. Petit-fils du prestigieux moine Ghazwani, l’intéressé, après ses études secondaires, opta pour la carrière militaire. En 1981, sorti, de Meknès, sous-lieutenant, il est affecté à la 2ème région militaire (Bir Moghren, F’Dérick). A l’époque, cette région était une référence, une école, surtout pour les jeunes officiers tenus de parfaire leur formation initiale. Cultivé, ordonné, maîtrisant deux langues (Arabe, Français) cet officier a un autre atout précieux. C’est que la baraka de son aïeul, le cheikh Ghazwani, le suit partout. Que ce soit le 8 juin 2003 où il commandait le BB (bataillon blindé), mais en stage ce jour ; ou le 6 août 2008, alors chef d’état-major national, mais en mission à l’intérieur. Présent, on se demande comment se serait-il se comporter à l’égard de son adjoint, partisan farouche de Sidioca, j’ai nommé le colonel Ely Fall Ould El Khal. Mais la maison était bien gardée par son compagnon de lutte, le général Ould Abdel Aziz, qui a pris les devants, lors de leur destitution (avec les autres chefs de corps) par Sidioca.
Cette complicité ne date pas d’aujourd’hui. Les deux généraux, Ould Abdel Aziz et Ghazwani, l’ont tissée, depuis 1978, à Meknès. Alliés objectifs, ils ont partagé la période des vaches maigres, jusqu’aux lauriers qui commencèrent leurs couronnes, un certain 3 août 2005. Ils se soutiennent mutuellement. Si le premier est un guerrier fougueux, altier voire impérieux, le second est plutôt pondéré et pragmatique. La relation entre ces deux officiers pousse certains esprits malveillants à la comparaison avec l’amitié qui unissait Thomas Sankara et Blaise Compaoré… Raison n’est pas raison car la configuration socio-culturelle, la psychologie et enfin l’histoire militaire des Mauritaniens et des Burkinabé ne sont pas au même diapason.
Toujours est-il que le général Ghazwani porte une lourde responsabilité. Il pilote une grande boîte (l’armée nationale) muette qui bégaie, de temps en temps. Et pour cause: certains chefs militaires n’ont jamais compris qu’un officier n’a ni le droit ni le devoir d’être immensément riche mais plutôt celui de la frugalité, loin de tout «abus de besoin». Dans le seul but de préserver sa dignité, sa crédibilité devant ses troupes afin de léguer, à la postérité, un héritage chaste. L’armée a compté, en son sein, des chefs d’état-major représentant de célèbres marques de voitures, des banquiers, etc. Qu’est-ce qui manque, à notre armée, pour se hisser au firmament du professionnalisme et de la rigueur? Le matériau est sur place (argent, hommes, compétence).
Puisse le général Ghazwani esquisser un «contrat d’objectifs» afin de défier le mauritano-pessimiste stipulant que nous resterons, selon l’exigence de notre destin, les éternels niais du parterre, tant il est dit que la clairvoyance d’une armée est à l’image de son peuple.

E) Le général Félix Negri :

Le 1er octobre 1979, à Atar, un jeune homme se présenta à nous, recrues juste débarquées des camions du 4ème bureau: «je suis le sous-lieutenant Félix Negri, de la 1ère promotion de l’EMIA, je suis votre commandant de brigade. Préparez-vous! Ce soir, vous avez, avec moi, une marche de bienvenue de 8 km!» Personnellement je me suis demandé comment ce sous-lieutenant, sec comme l’arbre du Ténéré, pourrait parcourir 8 km, sac au dos, sans se briser les mollets? Méfions-nous des jugements trop hâtifs: ils sont, le plus souvent, porteurs d’effets contraires.
Pour dire vrai, l’actuel chef d’état-major de la Garde, le général Félix Negri, est parmi ceux qui se sont incorporés, dans l’armée, par réelle vocation. En 1979, dès sa sortie de l’école, il est retenu pour instruire les futurs officiers. Actuellement, on compte au moins cinq de ses anciens élèves commandant des régions militaires. Au début des années 80, il est choisi pour former le 1er BCP (bataillon commandos paras), une unité d’élites, commandée, à l’époque, par un vaillant officier, Sidiyé Ould Yahya, qui, dans une armée moderne, structurée et apolitique, serait le 1er à être nommé au grade de général. Le 1er BCP, avant qu’il ne soit mis totalement à genoux, était une des plus performantes unités de l’histoire militaire mauritanienne. Selon les annales, ce bataillon rivalisait avec la 1ère CCP de feu Soueidatt Ould Weddad qu’il est inutile de présenter.
C’est parce qu’il était réellement affûté, du point de vue militaire, que Félix Negri a pu gravir tous les échelons. Pourtant, lors du conflit Sénégal-Mauritanie, s’en suivra, pour cet officier originaire de Boghé, une longue traversée du désert, même si l’intéressé n’avait absolument rien à se reprocher. Car on ne choisit ni sa race ni son lieu de provenance. Je suis en droit de parler de ce cataclysme qui a pu s’abattre sur les militaires négro-mauritaniens, innocents, dans leur majorité. Au commencement, fut le décès du colonel Yall Abdoulaye, parrain et figure de proue de l’ensemble Peulh de Mauritanie. En effet, il aura suffi que cet officier de qualité rende l’âme pour qu’on commence à démolir l’architecture qu’il avait patiemment dressée, durant des années. Yall: ce nom est synonyme d’autorité de droit et, de fait, dépassant l’entendement. L’homme était craint et suspecté. Mauritanien dans l’âme, parlant hassaniya, il avait su tisser des liens avec toute la nomenklatura maure, imposer son style par la dissuasion, sans jamais franchir le Rubicon, contrairement à certains de ses jeunes «disciples», après sa mort. Un exemple: le quota dans l’armée concernant les Peulhs, c’est lui. Et c’est normal. De son vivant, Yall n’allait jamais accepter qu’on procède à un recensement des populations pouvant indexer la minorité pulaar qui, présente dans les différents secteurs de l’Administration depuis l’indépendance, se croyait majoritaire. Le colonel Yall était, tout simplement, un leader incontournable, un symbole pour sa communauté. Après sa mort, de jeunes officiers désemparés, tentèrent de forcer le doux mais sûr cheminement établi par lui. Les jalons posés pour aboutir au tremplin furent balayés, un certain mois d’octobre 1987. S’en suivirent les douloureux événements de 1989, entre la Mauritanie et le Sénégal. Depuis, la couveuse n’a pas chômé. C’est ainsi que le pouvoir de Maouiya – et non le peuple maure – a procédé à des exactions en catimini dont beaucoup contestent, encore, la triste réalité.
Ces purges ont frappé même des officiers, comme le général Félix Negri, pourtant réputé sage et tolérant. Ce n’est qu’en 2005 que ce général occupera, enfin, la place qui lui sied, lorsqu’il fut choisi, par le général Ould Abdel Aziz pour être membre du comité militaire. On connaît la suite. Nommé chef d’état-major national, il devient le second négro-mauritanien, après Yall Abdoulaye, à occuper ce poste prestigieux, au grand dam de tous les nationalistes Arabes et autres islamistes. Ces derniers lui reprochent de conserver son nom à connotation chrétienne.
La Garde nationale a toujours été une unité structurée, disciplinée, professionnelle, même du temps de Maouiya où la politique primait le militaire. Que fera Negri Félix à la Garde nationale? Comme ses prédécesseurs, ne s’intéressera-t-il qu’au volet pécuniaire, en s’enrichissant davantage, encore et encore? Ou essayera-t-il de rentrer, une fois pour toutes, dans l’Histoire, en s’occupant uniquement du bien-être des subordonnés et de leurs familles?


F) Le colonel Ahmedou Bamba Ould Bayé:

Il est issu de la 1ère promotion de l’EMIA. Dès sa sortie, en 1979, il est affecté au groupement nomade, ensuite à la 5ème région (Néma). Au début des années 80, il est commandant de sous-groupement à Rosso (7ème région). A l’arrivée de Cymper au poste de chef d’état-major national, en 1985, on a voulu «rajeunir» l’armée, notre colonel, alors capitaine, est muté au 2ème bureau (renseignements). Du temps de feu colonel Minnih – période d’immobilisme – trois mousquetaires avaient le vent en poupe à l’état-major: le capitaine Mohamed Mohamed Ould Hadi, du BCS, le capitaine Meguett (transmission) et le capitaine «Bombi», pour les intimes du 2ème bureau. Pour trouver le moindre écrou, en ces temps, il fallait passer par le Grand Manitou, le tout puissant Mohamed Ould Hadi, cousin du président Maouiya qui, au fond, n’est pas méchant mais plutôt obnubilé par le culte de la personnalité.
Toujours est-il que notre officier, le colonel Ahmedou Bamba Ould Bayé, qui, je l’imagine, a fait l’armée non par vocation mais, plutôt, par élimination de possibilités, a été évincé par le colonel Moulaye Ould Boukhreiss, désormais chef d’état-major, au moment de la démocratisation du pays, en 1991. Que voulait devenir réellement Bombi Ould Bayé: banquier ou vedette de cinéma? En tout cas, si l’intéressé avait continué son job d’avant son incorporation, en 1975, il serait, probablement, à la tête d’une galerie ou d’un holding, tant l’homme sait faire fructifier l’argent. Il y a un fait qui ne cesse de me turlupiner, concernant cet officier. Comment s’est-il laisser embobiner, en 1990, jusqu’à vouloir «casser du Négro-mauritanien». Vision panarabe? Je ne le crois pas. Complexe d’infériorité? Impossible car cet officier appartient à deux grands ensembles guerriers de Mauritanie. Alors, quête de notoriété ou de profit? Le litige est là. Quand on veut conjuguer épicurisme et hédonisme, on en vient au «dérèglement de tous nos sens» et l’on se laisse guider par son «bateau ivre».
La situation des Négros-mauritaniens, en 1990, était un problème conjoncturel, c’est-à-dire de système de pouvoir, et non national. Un an plus tôt, las du conflit avec le Sénégal, nous nous sommes, tous, levés pour défendre notre pays: deux armées, face à face, et personne ne pouvait taxer quiconque d’un quelconque extrémisme. Mais faire souffrir un concitoyen, en catimini, parfois jusqu’au martyre, est indigne d’un guerrier. Tirer dans le dos d’un homme désarmé est inqualifiable. Que faire pour réparer ces crimes? Si le général Ould Abdel Aziz a commencé à concilier les âmes, il se doit de poursuivre et persévérer dans cette voie. Afin que les Mauritaniens qui s’étaient «égarés», en 1990-91, prennent conscience de leur faute et disent: «Pardon, plus jamais ça.» Afin que le colonel Bombi Ould Baye puisse vaquer à la permanence de son HCE, sans trainer de casseroles qui nous empêchent, nous ses proches, de dormir.
Ely Ould Krombelé, Orléans – France


Prochainement, incha Allahou : G : Le général Mohamed Ould El Hadi, H : Le colonel Dia Adama Oumar, J : Le colonel Mohamed Ould Znagui Ould Sidiyé