lundi 31 octobre 2016

Editorial: Acte III, scène 1

Le dialogue national « inclusif » s’est achevé jeudi dernier. En « apothéose ». Après trois semaines de palabres, ponctuées par le retrait de l’un des deux partis de l’opposition qui prenaient part à cette « conférence tam-tam », la surprise du chef est venue, telle une cerise sur le gâteau.  Ould Abdel Aziz s’est, en effet, invité à la cérémonie de signature des conclusions de la rencontre. Pour prendre la parole en dernier et nous asséner quelques « vérités » bien senties. Tendu – il l’est souvent pour moins que ça – anxieux et tentant de sourire pour évacuer son stress. Comme à son habitude, le voici à décocher quelques flèches à l’opposition, s’en prenant violemment à Messaoud, sans pour autant le citer. Il n’est pas question de toucher à l’article 26 qui fixe l’âge des candidats à la présidentielle, une demande formulée par le vieux leader d’APP (qui n’a pas encore fait son deuil de la Présidence) et qui reçoit, ainsi, une fin de non recevoir. Attendu au tournant, sur l’article 28, fixant les mandats successifs d’un président définitivement à deux – et, donc, non susceptible de discussions, de révision ou d’abrogation, quoi qu’on dise – notre guide éclairé a décliné – provisoirement ? – l’offre avancée par ses ministres, son parti et ses laudateurs, de le déverrouiller, afin de lui permettre de postuler à un troisième mandat. Il aurait pourtant pu y « consentir », lui qui s’est vanté d’avoir, à deux reprises par le passé, modifié la Constitution à sa guise. Une prouesse qui n’est, cette fois, pas dans l’intérêt du pays, si l’on en croit notre rectificateur en chef des constitutions. Ce n’est certainement pas l’envie qui lui manque. Depuis 2005 et son premier coup d’Etat, l’homme a pris goût au pouvoir, aux avantages et plaisirs qu’il procure et pourra difficilement s’éloigner des lambris dorés de la République. Si les réformes constitutionnelles en cours ne toucheront pas l’article 28, c’est contraint et forcé qu’il le reconnaît. L’échec d’un dialogue qui s’apparente plus à un monologue qu’à autre chose, l’unité dont a fait preuve l’opposition, les pressions extérieures et le risque de voir la rue s’embraser ont eu raison de l’appétit du pouvoir.
Malgré cet effet d’annonce, rien n’indique qu’Ould Abdel Aziz ait dit son dernier mot. Après le referendum qui doit, pour qu’il soit organisé, être validé par les deux tiers de l’Assemblée et du Sénat – ce n’est pas gagné d’avance, lorsqu’il passera devant la Chambre haute, tant les sénateurs sont remontés contre une réforme qui les dissout – Aziz aura les coudées plus franches, pour décider, unilatéralement, de consulter le peuple, sans s’en référer au Parlement. Et, là, tout devient envisageable. Après 2011 et 2016, un troisième tripatouillage de la Constitution ne peut être exclu. Il suffit de lui préparer le terrain, construire, sinon, profiter d’une crise, une situation d’instabilité, une attaque terroriste… et nous la rejouer sauveur de la Nation. Bref :  le début de l’acte III n’exclut, nullement, un nouveau coup… de théâtre. 
                                                                                              Ahmed Ould Cheikh

dimanche 23 octobre 2016

Editorial: Bas les masques!


Voilà deux semaines qu’il a commencé, notre dialogue national « inclusif ». Deux semaines de palabres, de discussions stériles et, parfois, d’invectives, entre une fournée de partis, dont à peine quatre ou cinq existent réellement, des syndicats, des ONG et une coalition de formations se réclamant de l’opposition. Deux semaines au cours desquelles on aura discuté de tout et de rien. Du changement de l’hymne national à l’ajout de deux bandes rouges au drapeau national, en passant par la suppression du Sénat, du Haut conseil islamique et autres institutions tout aussi inutiles que coûteuses. Des quatre ateliers, celui consacré aux réformes constitutionnelles fut, sans conteste, le plus couru. L’UPR, le parti/Etat, voix de son maître, s’il en est, y a sorti la grosse artillerie, en proposant des amendements à la pelle, carrément une Constitution-bis où, bizarrement, les articles relatifs à la limitation des mandats se sont volatilisés. Sentant le coup fourré, l’opposition participante a essayé de rattraper le coup, pour se donner bonne conscience. L’APP de Messaoud a suspendu sa participation aux ateliers et El Wiam, par la voix de son président, a réaffirmé son refus de tout déverrouillage des articles limitant les mandats. Ils ont peut-être oublié, ces braves gens, qu’ils n’ont été cooptés que pour faire de la figuration, mettant le doigt dans un engrenage dont cette « conférence tam-tam » n’est que la partie visible. Ils se trompent aussi, s’ils croient, un instant, que leurs états d’âme feront fléchir un putschiste invétéré qui, malgré ses déclarations mielleuses, n’aveugle plus personne. Qu’il répète, à l’envi, qu’il ne se représentera pas en 2019, qu’il crie, à tue-tête, qu’il respectera la Constitution, tout le monde est persuadé qu’il ne lâchera pas le pouvoir de son plein gré. Mais il ne sait, toujours pas, comment trouver la bonne formule pour s’y maintenir sans casse. Il a tout fait pour convaincre le RFD et le FNDU d’avaler de nouvelles couleuvres, après « l’énaurme » de Dakar, accord pourtant signé devant la Communauté internationale et qu’il fut le premier à dénoncer. Il a envoyé émissaire après émissaire, à Ahmed ould Daddah, pour le faire fléchir, avec, à la clé, la promesse de satisfaire toutes ses exigences. Echaudé par les expériences passées, le président du RFD a juré qu’on ne l’y reprendrait plus.
A défaut de grives, notre guide, dont les batteries ne semblent plus guère en mesure, non seulement, d’aveugler, comme on l’a dit tantôt, mais, même, d’éclairer qui et quoi que ce soit, s’est donc contenté de Boydiel, Messaoud et Ould Moine, pour un bal dont le final tient en trois mots : bas les masques ! La réponse, lumineuse, elle, des vrais démocrates, ne devrait pas tarder : bas les pattes ! Qui en sera? Certes, les paris semblent encore ouverts mais leurs guichets ne devraient pas tarder à fermer… Avis à la population.
                                                                                                        Ahmed Ould Cheikh

dimanche 16 octobre 2016

Editorial: Un homme averti...


Alors qu’il devait durer dix jours et finir lundi, le dialogue national « inclusif » a été « prolongé » de trois jours. Il s’achèvera donc le jeudi 13 courant. Non que les parties prenantes n’aient réussi à trouver un terrain d’entente sur les modifications à apporter à la Constitution, mais il faut « laisser le temps au temps », tenter d’effacer la pénible impression que les ateliers n’ont été que foires d’empoigne où tout et son contraire (y compris le plus aberrant) ont été dits. Essayer de faire passer, en douce, la proposition de l’UPR visant à modifier certains articles du texte fondamental et qui n’est, en fait, qu’un habillage pour une nouvelle Constitution où la limitation des mandats disparaît, comme par enchantement. Malgré les vociférations de l’opposition de velours, dite dialoguiste, qui refuse, sans trop de conviction, qu’on touche auxdits articles, le fait est bel et bien accompli. Et le forfait en passe d’être commis. Donnant, a posteriori, raison aux boycottistes qui ont refusé d’être pris pour les éternels dindons d’une farce de mauvais goût. Ceux qui ont participé à ce dialogue et cautionné un nouveau coup d’Etat contre la Constitution répondront de leurs actes, un jour ou l’autre, au moins devant l’Histoire. On ne peut pas continuer à passer, indéfiniment, par pertes et profits les forfaits en tous genres commis parce qu’on avait peur de désobéir. Qu’ils se mettent tous en tête que le pays a voté pour une Constitution et le président prêté serment qu’il va la respecter. Un point, un trait, on ne peut transiger là-dessus. Un des pères de ce texte fondamental, le professeur Mohamed Lemine ould Dahi, disait, l’autre jour et à juste titre, qu’un président en fin de mandat n’a plus à se préoccuper d’amendements constitutionnels. Il a, en principe, d’autres chats à fouetter. A moins qu’il n’ait des idées derrière la tête. La suppression du Sénat, du Haut conseil Islamique ou de la Médiature de la République, objet du présent dialogue, n’est, en fait, qu’un prétexte pour déverrouiller des articles empêchant le Président de se présenter à un troisième mandat qui hante, désormais, ses nuits. Mais ce qu’il ne peut (ou ne veut) pas comprendre et que ses conseillers juridiques (s’il en a) devraient lui mettre en tête est que, nouvelle Constitution ou pas, il ne peut pas se présenter à la future élection présidentielle. Déjà au pouvoir, il a la force avec lui et il peut s’asseoir sur le Droit, comme il l’a déjà en 2008. Du coup, le risque est grand de le voir faire le forcing, pour tenter le tout pour le tout et se maintenir au pouvoir, mais plus grand encore d’ouvrir la boîte de Pandore. Se rend-il compte du danger qu’il court et fait courir au pays, en tripatouillant la Constitution ? A-t-il la moindre idée de l’imprévisible dont ce peuple frustré peut devenir capable, si on le titille trop ? Continuera-t-il d’accepter, notre guide aveuglé, que les laudateurs et flagorneurs, qui en ont perdu d’autres, lui masquent indéfiniment la réalité ?
Pourtant et comme le dit si bien l’adage, nul n’est indispensable. A tout vouloir garder, on perd facilement tout, alors qu’une alternance pacifique évite bien des désagréments. Blaise Compaoré du Burkina et Mamadou Tandja du Niger, qui ont tenté tant d’acrobaties, pour rester au pouvoir au-delà de leurs mandats, en savent quelque chose. Un homme averti en vaut combien ?
                                                                                                               Ahmed ould Cheikh

lundi 10 octobre 2016

Editorial: Peuple uni jamais vaincu

Le dialogue politique « inclusif » est enfin lancé. Jeudi dernier, au Palais des congrès, c’était la grande ruée. Les partis de la Majorité présidentielle, du plus grand au plus petit, des partillons, des syndicats, des ONG microscopiques et des opposants assoiffés de soupe, tous se sont bousculés au portillon. Le Guide éclairé devait présider la cérémonie d’ouverture. Il fallait être présent, pour rien au monde ne rater cet instant mémorable. Les applaudisseurs et les troubadours ont accouru de partout et réussi, sans trop de difficultés, à accéder à la salle, contrairement aux journalistes venus faire leur boulot et qui n’ont, soit, tout simplement, pas été invités, soit empêchés de franchir la porte d’entrée dudit palais. Ils n’ont pas raté grand-chose : des discours à n’en plus finir ; des slogans creux ; des rappels sur les vertus du dialogue ; des appels du pied à l’opposition, pour prendre le train en marche. Seul Bâ Alassane Hamady dit Ballas, le président du parti Arc-en-ciel est sorti des sentiers battus. Il a jeté un énorme pavé dans la mare, en évoquant les inégalités économiques entre les communautés nationales, les injustices sociales, au détriment des Négro-mauritaniens et leur absence de tous les centres de décision. Brouhaha dans la salle. Cris et salves de réprobation. Pourtant Bâ n’a dit tout haut que ce que beaucoup pensent tout bas. La Mauritanie est, plus que jamais, divisée. Et ce dialogue ne fait qu’accentuer la division, au lieu de contribuer à apaiser les tensions. Premier responsable de cet état de fait, le pouvoir. Au lieu de répondre favorablement aux requêtes de l’opposition – une simple réponse écrite à son mémorandum… – pour rendre le dialogue véritablement inclusif, il maintient sa logique d’entêtement. Il gagnerait, pourtant, à avoir tout le monde autour d’une table, pour discuter de la situation du pays et trouver une issue à la crise qui le secoue depuis 2008.
A moins qu’il ne veuille siennes les devises « Après moi, le déluge » ou « Diviser pour régner ». Si le Soudan est désormais scindé en deux, c’est parce qu’on a mal géré ses particularismes. Prions pour que ce dialogue, qui a déjà mal commencé, ne soit pas le début d’un engrenage fatal. Et que notre pays ne prenne pas le chemin de la Somalie. Où le président Siad Barré, après avoir entrepris, avec sa parentèle, un pillage systématique des ressources de son pays, a mis le feu aux poudres, en provoquant une guerre civile. Sa famille, bien à l’abri, à l’étranger, continue à profiter de cette manne, loin de la violence et des soubresauts qui jalonnent désormais la vie de leurs concitoyens. Certes, il aura fallu, à ces partitions, le soutien des bousculades internationales géostratégiques, notamment entre la Chine et les USA, pour prendre corps. La Mauritanie serait-elle à ce point dépourvue de matières premières pour espérer rester ignorée des grandes manœuvres mondiales ? Dialogue, inclusion, islam, comme honneur, fraternité, justice… Va-t-on enfin entendre que ce sont les actes quotidiens, têtus, inébranlables, et non pas les slogans, qui fonde l’unité d’un peuple ? Le rendant, ainsi, invincible, comme le dit si bien la chanson…
                                                                                Ahmed Ould Cheikh

lundi 3 octobre 2016

Editorial: L'espoir fait vivre?

Le dialogue va démarrer. Enfin, direz-vous. Depuis le 3 Mai dernier (et même bien avant), lorsque notre guide éclairé annonçait, depuis Néma, son lancement dans trois à quatre semaines (avec ceux qui seront présents), on n’attendait plus que ça. D’une cour, assidue, aux partis politiques, au débauchage de certains opposants en rupture de ban, en passant par les yeux, plus gros que doux, aux leaders historiques de cette même opposition, le pouvoir n’a ménagé aucun effort pour rendre son futur dialogue plus ou moins viable. Mais il a, semble-t-il, échoué. Aucun poids lourd de l’opposition n’y prendra part, pas plus le RFD que le FNDU n’acceptant de se faire rouler, une nouvelle fois, dans la farine. Ce sera donc, au mieux, un dialogue au rabais, comme en 2011, ou une conférence tam-tam, comme celle de 2015 qui finit en queue de poisson. On ne dérogera pas à la règle : sans l’opposition véritable, point de dialogue fiable. Selon certaines sources, beaucoup de thèmes y seraient abordés, dont une nouveauté : la fondation d’un poste de vice-président de la République. Logique de la suppression du Sénat… et/ou façon, pour Ould Abdel Aziz, si l’information est avérée et s’il ne compte vraiment pas modifier les articles relatifs à la durée du mandat présidentiel, de sortir par la grande porte… pour revenir par la fenêtre. En faisant élire, au moins pour un mandat, un président potiche. Du poutinisme à la mauritanienne. Ce ne sont, certes, que des supputations mais dans une démocratie militaire, rien n’est impossible et le pire est, peut-être, devant nous : un président-empereur, façon Bokassa ; un président à vie, genre Idi Amin Dada ; ou un président omnipotent, comme Bouteflika. Ou, encore, roi de l’invective et de l’insulte. Car, à y voir de près, rien n’indique qu’Ould Abdel Aziz quittera le pouvoir de sitôt. Il usera de tous les subterfuges possibles et imaginables, pour ne pas lâcher prise. L’homme s’est fait, en effet, tellement d’ennemis, à l’intérieur et à l’extérieur, qu’il lui sera difficile de passer le témoin sans casse. Il lui reste, en tout cas, deux ans pour arrondir les angles, trouver un terrain d’entente avec ses opposants et permettre, à notre pays, de connaître, enfin, une alternance apaisée. Gageons, plutôt et hélas, qu’il n’en sera rien. L’homme n’est pas du genre à faire des concessions ou preuve de la moindre once d’humilité. Il se croit tout permis. Le pouvoir, il l’a conquis au bout de son fusil et la classe politique, il la tient pour du menu fretin. A contrario, comprendrait-il, d’ici la fin de son deuxième – et dernier ? – mandat, que les temps ont changé ? A défaut d’y gager la moindre ouguiyette, comme on vient de le dire, on peut, tout de même, l’espérer. L’espoir ne fait-il pas vivre ?
                                                           Ahmed Ould Cheikh