jeudi 15 décembre 2022

EDitorial: Guichet débiteur

 Depuis quelques semaines, des partisans de l’ex-président Ould Abdel Aziz et d’autres citoyens peu suspects de sympathie pour lui – du moins en apparence… – sont revenus de long en large sur ses prétendues réalisations et de citer, pêle-mêle, les hôpitaux de cardiologie, oncologie et celui des spécialités... Comme pour suggérer en filigrane que le pouvoir actuel n’a pas beaucoup, sinon très peu, de réalisations à son actif. Ridicule, vous en conviendrez. Quand, en onze années d’exercice, vous n’avez réalisé qu’un ou deux hôpitaux dont la construction était déjà prévue par le pouvoir que vous aviez renversé et quelques kilomètres de goudron, on peut avancer sans risque que vous avez lamentablement échoué.

Surtout quand on jette un coup d’œil sur le coût de ces « grandioses » réalisations. À l’arrivée au pouvoir de MOAA, la Mauritanie était endettée à hauteur d’un milliard de dollars ; à son départ, la note s’était élevée au quintuple ! 100% du PIB ! Le comble pour un pays pauvre comme le nôtre qui ne pourra même pas faire aux intérêts de ce passif… Si l’on y ajoute le budget de l’État parti à vau-l’eau, on se rend compte que cette décennie nous aura coûté fort cher. Prenez le temps de calculer le rapport entre ce qui a été fait et son coût, vous aurez une idée de l’ampleur du gâchis. La Commission d’enquête parlementaire ne s’y est d’ailleurs pas trompée. Et si celle-ci a pu déterrer un bon nombre de dossiers tout aussi pourris les uns que les autres, la décennie est encore loin d’avoir dévoilé tous ses secrets.

Chercheraient-ils donc, ces laudateurs tardifs, sinon nostalgiques, à raviver le zèle des enquêteurs ? L’approche d’élections rend certes les acteurs politiques gourmands mais la prudence n’en reste pas moins la mère de la sûreté. Moins de vacarme, messieurs-dames ! Et même si vous n’aviez que le désir – intention à tout le moins louable, à défaut d’être appropriée au cas de MOAA – de remercier l’ex- chef de l’État d’avoir œuvré pour le pays, prenez tout même le temps, avant d’en rajouter une couche, de méditer la célèbre sentence de Robert Mugabe : « Si tu remercies un président d’avoir réalisé quelque chose, c’est comme si tu remerciais un guichet automatique de t’avoir donné de l’argent ». Des louanges d’autant moins indiquées, en l’occurrence du président en question, qu’il ne nous a pas donné de l’argent… mais nous en a pris ! Beaucoup.

 

                                                            Ahmed ould Cheikh

vendredi 9 décembre 2022

Editorial: Vitalité républicaine

 « Légèreté dans les accusations », « interférence dans la mission des magistrats », « violation de l’indépendance de la Justice », « outrage », c’est ainsi que certains ont qualifié  le rapport de la CNDH rendu public le 14 Octobre dernier. Il a en tout cas assez bien tapé dans le mille pour émouvoir le troisième pouvoir de notre république. Et donner un peu de vigueur au débat qu’elle est censée entretenir. Comme toutes les institutions de celle-ci, la Justice doit travailler au bien commun et ses actes, comme ceux de l’Exécutif, du Législatif et de la Presse restent soumis à la critique publique. Indépendance ne signifie pas tour d’ivoire. Ce ne sont certainement pas les observations adressées à notre Justice par des personnes compétentes – maître Bouhoubeyni sait très bien de quoi il parle – qui pourraient « ébranler la confiance des citoyens » mais bien plutôt l’incapacité de celle-là à les prendre en compte et corriger ses lacunes.

On ne le répètera jamais assez : la vitalité d’une république repose sur l’intensité, la largeur et la profondeur du débat. Du moindre taxi aux plus hautes instances de l’État, en passant par toutes les structures privées ou publiques réunissant un nombre variable de citoyens de notre Nation commune, nous avons à discuter sur tout ce qui nous touche collectivement, nous rapproche ou nous éloigne du bien et du mieux. Certes, nous n’avons pas tous les mêmes compétences ni les mêmes points de vue et, si cela nous demande une certaine dose d’humilité et, surtout, de respect, ce sont ces différences et leur libre expression qui fondent la richesse et le progrès de notre communauté nationale. Merci à maître Bouhoubeyni de nous l’avoir rappelé à la veille du soixante-deuxième anniversaire de notre indépendance et merci à nos juristes d’en tirer profit pour tous ! Longue et heureuse vie à notre Mauritanie !

 

                                                                                                             Ahmed ould Cheikh

jeudi 1 décembre 2022

EDitorial: Notre Nation enfin en chantier ?

 Depuis la rentrée scolaire et même avant, on ne parle plus que de ça: l’école républicaine. Le gouvernement a en effet décidé que tous les enfants en âge d’être scolarisés iront à l’école publique. Exit donc les écoles privées à qui il est interdit d’ouvrir la première année du Primaire, la deuxième l’année suivante et ainsi de suite jusqu’à ce que le Fondamental soit entièrement public. Un challenge de taille ! La majorité des écoles publiques est dans un état déplorable malgré les efforts consentis ces dernières années. Les enseignants – du moins ceux qui savent encore enseigner – ont jeté leur dévolu sur les écoles privées dont les salaires sont autrement plus alléchants. Le ministère a reçu des consignes fermes pour que cette rentrée soit une réussite et a tout fait en ce sens. Malgré l’enjeu et le scepticisme des uns et des autres. Parachuté à la tête du département quelques semaines avant le début de l’année scolaire, Brahim Vall ould Mohamed Lemine a réussi à tirer son épingle du jeu. Présent tous les jours sur le terrain, il a jusqu’à présent relevé le défi. À tel point que ceux qui pensaient la mission impossible commencent à se rendre à l’évidence. Creuset de la Nation qui forma nos élites jusqu’à l’introduction de réformes de malheur, l’école républicaine commence à reprendre corps. Petit à petit. Espérons qu’elle ne s’arrêtera pas en si bon chemin et que le pouvoir politique tiendra jusqu’au bout.  Il y va de notre salut.

                                                          Ahmed ould Cheikh

samedi 19 novembre 2022

Editorial: En vaine quête d’un saint

 Depuis la fin de son contrôle judiciaire et son départ pour la France, l’ex-président Ould Abdel Aziz fait feu de tout bois. Après deux rencontres avec la diaspora, dont la première a fini en queue de poisson et la seconde n’a eu aucun succès, deux interviews, l’un à Jeune Afrique et l’autre à France 24, notre ancien guide éclairé vient de pondre un communiqué qui en dit long sur ses intentions. Épaulé par quelques éléments des FLAM-canal historique et soutiens éparpillés en Europe, il a lancé un mouvement dénommé « Ensemble pour une Mauritanie Unie » dont le communiqué introductif dresse un tableau sombre de la situation de notre pays. On y évoque, entre autres,« les restrictions aux libertés de presse et d’association, la mauvaise gestion, la gabegie, la corruption, l’inflation galopante et la paupérisation accrue… ». L’homme sait de quoi il parle.

Poursuivi pour dix chefs d’accusation – enrichissement illicite, corruption et mauvaise gestion, notamment – il refuse donc de s’avouer vaincu et veut s’ériger en opposant au régime pour donner à son affaire un cachet politique. Après s’être allié avec un parti miniature en Mauritanie, il vient de sceller une nouvelle alliance avec des membres du FLAM dont la mouvance vient d’annoncer qu’ils ne représentent qu’eux-mêmes. Bref, on le sent comme perdu dans ses gesticulations. Ne saurait-il, déplumé de son immense fortune, plus à quel saint se vouer ? Mais après s’être tant gargarisé devant sa seule image, déformée qu’elle était par l’obséquiosité de ses adulateurs, a-t-il même encore une idée de ce qu’est un saint ?

                                                                       Ahmed ould Cheikh

samedi 12 novembre 2022

Editorial: Un choix à justifier dans les faits…

 Elle a été enfin mise en place. Après un accouchement au forceps et à la dernière minute.  Jamais une CENI n’aura fait l’objet d’autant de conciliabules. Devait-elle être l’émanation des partis politiques ou composée de personnalités indépendantes ? Les avis ont divergé jusqu’à la dernière minute. Finalement les partis, aussi bien ceux de la majorité que de l’opposition qui privilégiaient le premier choix, ont eu gain de cause. Cela peut-il avoir des conséquences sur son indépendance ? La question mérite d’être posée quand on sait que, par le passé, chacun avait tendance à prêcher pour sa chapelle… à moins que nos « sages » ne se départissent complètement de toute appartenance partisane et s’engagent sur le chemin de l’impartialité, conformément au serment qu’ils ont prêté. C’est en tout cas le souhait de tout un chacun pour que des élections soient organisées dans un cadre consensuel et dont les résultats seront reconnus par tous les participants. Un challenge à sa portée. Dirigée par un homme d’une grande expérience qui fut longtemps ministre de l’Intérieur et organisa à ce titre de nombreuses consultations électorales, elle peut réussir son pari. Faute de quoi, on aura hérité d’une CENI politique à crédibilité douteuse qui donnera raison à ceux qui défendaient le principe d’une commission composée de personnalités indépendantes. Elle posera de surcroît le problème de la présidentielle prévue en 2024. Prions pour ne pas en arriver là ! La balle est en tout état de cause dans son camp et c’est à elle de décider de réussir… ou non.

                                                             Ahmed Ould Cheikh

samedi 5 novembre 2022

Editorial: Chapeau bas! Ahmed ould Cheikh

 Après un accord entre le ministère de l’Intérieur et les partis politiques en vue de l’organisation en 2023 d’élections législatives, municipales et régionales consensuelles, on pensait que le plus dur était fait. Jamais en effet, dans l’histoire des élections, un consensus ne fut obtenu avec autant de facilité. Le respect et la considération manifestés par le président Ghazwani à cette opposition depuis son arrivée au pouvoir ont sans doute facilité la tâche à son bras droit envoyé à l’Intérieur pour gérer ce dossier délicat. Fort de son expérience lors de la Transition 2005-2007 qui s’est déroulée relativement bien, au moins en son aspect formel, Ould Mohamed Lemine a rassuré tout son monde. Mais un écueil demeure : la composition de la CENI. Si la tendance était, au départ, à une Commission composée uniquement de personnalités indépendantes, certains partis de la majorité et de l’opposition ont élevé la voix pour demander qu’elle soit représentative des formations politiques. Il faut dire que les postes sont alléchants et les indépendants ne sont pas toujours maîtrisables… Invitée à donner les noms de ses représentants, l’opposition a, encore une fois, fait à ce point étalage de ses divergences  que le ministère de l’Intérieur était sur le point de choisir pour elle, la date fatidique du 31 octobre approchant à grands pas. La majorité, elle, n’a pas mis beaucoup de temps pour s’entendre sur une liste de 11 noms dont seront issus ses six représentants.

À une certaine époque guère lointaine, c’était la France qui disposait de la plus bête opposition du Monde. Aurait-on envié, en Mauritanie réputée indépendante, cette distinction à notre ex-colonisateur ?  On n’est, en tout cas, plus loin de la lui ravir. Et apparemment, nullement décidé de la céder à quiconque... Chapeau bas, messieurs et dames !

                                                                                    Ahmed ould Cheikh

Editorial: De ligne dure en louvoiements…

 Mais quelle mouche a donc piqué ould Abdel Aziz ? Libéré de son contrôle judiciaire en attendant son procès, il s’est évertué à garder le silence avant de s’envoler en France pour « raisons médicales ». De fait, apparemment juste un leurre. Pris d’une soudaine diarrhée verbale dès qu’il a foulé le sol français, il est d’abord intervenu lors d’une rencontre avec une partie de la diaspora à Bordeaux lors d’un colloque sur les perspectives économiques de la Mauritanie. Une rencontre qui fut loin d’être un succès. Sans l’intervention de la police et son exfiltration, l’Ex n’était pas loin de subir les foudres d’une partie de l’assistance frustrée de le voir se présenter en parangon de vertu. Alors qu’il traîne des casseroles qui peuvent s’entendre à mille lieues. Il accordera ensuite une interview à Jeune Afrique et un entretien à France 24.

Se présentant en victime d’un règlement de comptes ourdi par des membres de l’entourage du président Ghazwani, il se dit prêt à être jugé mais il est persuadé que la justice ne suivra pas son cours normal, inféodée qu’elle est à l’Exécutif. L’homme sait de quoi il parle, lui qui asservit, une décennie entière, cette justice à son seul profit, se permettant même de limoger le président de la Cour suprême et ordonnant qu’on empêche celui-ci d’accéder à son bureau.

Autre thème majeur évoqué lors des deux entretiens : la lutte contre le terrorisme. Un danger qui guette, selon lui, tout le Sahel et même une partie de l’Afrique de l’Ouest. Adressant une critique à peine voilée à la France qui « a certes fait du bon boulot en 2013 au Mali lorsqu’elle a repoussé les jihadistes qui marchaient sur Bamako mais négocié ensuite avec les terroristes », il prône la méthode forte qu’il a appliquée et qui a donné de bons résultats. Sans préciser à quels prix ? Tout comme il a louvoyé chaque fois qu’on évoque la fortune qu’il prétend(ait) détenir et dont il ne semble plus trop sûr de l’immensité :remonter au vent contraire implique effectivement des détours…

                                                                Ahmed ould Cheikh

jeudi 20 octobre 2022

Editorial: On peut s’attendre à tout ?

 Le contrat Mohamed ould Abdel Aziz et « Jeune Afrique » semble bel et bien toujours de mise. La dernière interview concoctée le 11 Octobre par l’hebdomadaire franco-tunisien en témoigne. MOAA s’y présente, avec l’aide de questions posées « à bon escient », victime du système mauritanien. Dès son arrivée au pouvoir, suggère-t-il, avec des aigrefins qui auraient outrepassé ses consignes, sinon des incompétents et des ignorants. Un système toujours aussi virulent, sinon plus, qui s’apprêterait, cette fois avec la bénédiction du nouveau chef de l’État, à trafiquer les prochains scrutins et à le condamner, lui, l’homme intègre sans « aucun problème avec l’opinion » ni moindre tache durant ses deux mandats. Et « Jeune Afrique » de proposer en en-tête de l’exercice : « Mohamed Ould Abdelaziz : « Je suis prêt à être injustement condamné et emprisonné».

Un impressionnant sens du sacrifice et de vertu civique dont d’aucuns ne manqueront pas de souligner au moins deux tares. En un, le refus toujours réitéré d’informer un tant soit peu sur l’origine de la fortune de l’ex-« président des pauvres ». Certes, il ne la qualifie plus lui-même d’immense et affirme même qu’elle a été « surévaluée » par ses auditeurs. Aussi tardive qu’elle soit, c’est une modestie tout-à-fait de nature à faciliter la tâche de ses défenseurs… La seconde faiblesse tout aussi de taille le voit, lui, l’homme aux deux coups d’État, « ne pas exclure » l’existence d’un Goïta, Doumbouya ou Traoré au sein de l’armée mauritanienne. « On peut s’attendre à tout », prévient-il. Heureusement pour lui, « Jeune Afrique » a eu la présence d’esprit de ne pas le laisser conclure sur cette trouble menace mais l’ultime question-écran sur le groupe Wagner, qui pouvait être très bien posée juste avant cette saillie, est loin d’avoir levé le malaise…

                                                                                       Ahmed ould Cheikh

vendredi 7 octobre 2022

Editorial: Sous les pavés

 Après s’être envolé vers la France pour raisons médicales dès la fin du contrôle judiciaire qui l’avait emmuré dans un silence guère à son habitude, Ould Abdel Aziz s’est essayé à reprendre du poil de la bête. Invité par une fantomatique association dénommée « les Amis de la Mauritanie »qui organisait à Bordeaux une conférence sur les perspectives économiques de notre pays, MOAA s’y est avancé à donner un cours magistral sur notre situation, le pourquoi de ses deux coups d’État, sa gestion de la transition 2005/2007 et le bilan de la « sinistre décennie » comme il l’a lui-même appelée, non sans une pointe d’humour. Après son intervention, la salle qui était loin de lui être acquise a commencé à « chauffer ». Plusieurs intervenants l’ont attaqué frontalement, la tension est montée rapidement et à tel point que les organisateurs furent obligés de l’exfiltrer après l’intervention de la police.

Quelle mouche a-t-elle donc piqué Ould Abdel Aziz pour le tenter de se muer en conférencier ? Pourquoi Bordeaux et non Paris où la diaspora mauritanienne est beaucoup plus importante ? Un coup d’essai ? Ce fut en tout cas loin d’être un coup de maitre… Qui l’empêchait de tenir une conférence de presse à Nouakchott ?

Convaincu qu’il jouit d’une popularité certaine, l’Ex n’a en tout cas manifestement pas dit son dernier mot.  En agissant ainsi lors de ce séjour à l’étranger, sans doute cherche-t-il à politiser son dossier.  Ce que ses défenseurs s’évertuent à répéter, sans beaucoup de succès jusqu’à présent. Mais l’important, pour cet homme, n’est-il pas de faire du bruit ? Assez suffisamment en surface, pour couvrir, en dessous, de plus juteuses combines ? Il s’agirait donc de rester très vigilant : s’il est assez probable qu’en ses plans, il y a toujours quelques pavés à balancer, dessous, ce n’est certainement pas la plage qu’il entend ouvrir à ses ex-sujets…

 

Ahmed ould Cheikh

dimanche 2 octobre 2022

Editorial: Au gré de nos maîtres

 Elles auront lieu en Octobre 2023. Du moins si l’on respecte les délais normaux d’une législature. Pourtant on en parle déjà comme si elles pointaient à l’horizon. Le ministère de l’Intérieur a déjà tenu plusieurs réunions avec les partis politiques et un consensus, que certains n’hésitent pas à qualifier de précaire, a déjà été trouvé. L’état de grâce, dont a bénéficié Ghazwani depuis son arrivée au pouvoir, a encore de beaux jours devant lui. Mais les élections législatives, municipales et régionales, première épreuve grandeur nature à laquelle il est confronté, risque de ne pas être de tout repos. Il a certes envoyé au front son homme à tout faire, celui qui avait supervisé les élections sanctionnant la transition 2005/2007 et s’en était plutôt bien sorti, un ministre qu’on dit à poigne et qui a, en tout cas, déjà réussi son premier examen de passage : une feuille de route conclue avec les partis pour l’organisation des futures élections. Son document final a d’ailleurs été signé le lundi passé (26 Septembre). Loin de cerner tous les contours d’une élection « parfaite », il n’en constitue pas moins une avancée notable… au moins sur le chemin de la concertation. En attendant que d’autres thèmes autrement plus sensibles soient abordés par ce pouvoir ou par un autre, contentons-nous de ce que nos « maîtres » nous proposent. Avons-nous d’ailleurs le choix ? 

 

                                                                        Ahmed ould Cheikh

dimanche 25 septembre 2022

Editorial: Normalité démocratique à l’horizon ?

 Après une série de réunions avec le ministre de l’Intérieur, dont le coup d’envoi fut boycotté par le RFD et l’UFP – avant qu’ils ne reviennent à de meilleurs sentiments – jamais un consensus sur les futures élections, législatives, régionales et municipales n’a été obtenu avec autant de facilité. Deux ou trois tours de table et c’est parti pour un nouveau round ! Les députés passent de 157 à 167 dont 50% élus à la proportionnelle (contre 55,41% lors de la dernière législature). Clap, clap ! Une nouvelle liste nationale de onze membres est réservée aux jeunes ; Nouakchott aura désormais vingt-et-un députés ; l’élection des conseils municipaux et régionaux se fera en un seul tour ; re-clap ! Sans trop de tractations, un accord a été trouvé. Même si ces changements ne sont pas mauvais en soi, puisqu’ils améliorent le cadre électoral – si l’on excepte le nombre de députés pour une population d’à peine 4 millions d’habitants… – d’autres aspects non moins importants auraient dû être traités. Le choix des candidats et leur niveau d’études, le financement des campagnes électorales, le seuil électoral pour éliminer les petits partis et éviter l’émiettement de l’électorat, la fraude électorale et autres points qui, une fois traités, permettront à notre pays de rentrer dans la normalité démocratique. Ce qui est loin d’être le cas aujourd’hui avec le vote ethnique, tribal et régional, l’achat des consciences, l’interférence de l’État et de ses démembrements dans le processus, et tutti quanti… On se prend à espérer, encore… Certes, il faut lever haut le regard pour apercevoir l’horizon où semble pointer enfin le jour attendu. Attention donc à baisser assez souvent les yeux sur ce qui pourrait flanquer tout par terre ! Cela va sans dire mais cela ira certainement mieux en le disant.

                                                                     Ahmed ould Cheikh

samedi 17 septembre 2022

Editorial: Jusqu'au bout, président!

 Après un an de contrôle judiciaire strict, au cours duquel il n’a pas fait beaucoup de bruit et après avoir été dispensé de venir signer à la direction de la Sûreté, l’ex-président Ould Abdel Aziz a retrouvé la liberté. En attendant son procès. Faut-il se réjouir que la justice ait suivi son cours normal sans intervention de l’Exécutif – contrairement à ce qui avait cours sous son magistère – ou déplorer, au contraire, sa lenteur dans un dossier vieux de plus de deux ans et commencer à douter qu’il ne finisse en eau de boudin ? Les avis sont partagés. Et ils ne seront départagés qu’après un procès public et un grand déballage que seuls peuvent craindre ceux qui ne sont pas blancs come neige. Ils sont nombreux, Aziz et sa bande pouvant entraîner dans leur sillage du beau monde. Et ils s’en vantent, paraît-il. D’où le risque de voir l’affaire traîner en longueur, s’éterniser jusqu’à devenir banale…et finir aux oubliettes. L’argent (des milliards sonnants et trébuchants), des terrains, des biens et immeubles ont été saisis mais est-ce suffisant ? Pour une ouguiya saisie, combien d’autres ont échappé aux mailles du filet ? Et le magot planqué à l’étranger ? Le « Casse du Siècle » est loin d’avoir révélé tous ses secrets et, si, de surcroît, ses auteurs continuent à se la couler douce, l’impunité risque de voir encore de beaux jours devant elle. D’où l’urgence pour le pouvoir actuel qui a ouvert cette boîte de Pandore d’aller jusqu’au bout. Laisser la justice faire son travail ne signifie pas fermer les yeux sur ses éventuels manquements. L’enjeu de ce quinquennat, c’est bel et bien l’enracinement d’une démocratie réelle, bien appuyée sur des bases solides. À bon entendeur, salut, Président !

 

                                                                           Ahmed ould Cheikh

samedi 10 septembre 2022

Editorial: L’hypocrisie, tare nationale ?

 N’a-t-on pas encore fini avec la gabegie, les détournements des deniers publics et la prévarication ? Apparemment non ! La preuve vient de nous être donnée par l’Inspecteur général d’État himself. Lors de sa dernière sortie face à la presse, Hacen ould Zeïne a donné le bilan du premier semestre de l’année 2022 et, tenez-vous bien, les chiffres donnent le tournis : 19 missions d’inspection ont contrôlé 180 projets et infrastructures dans 178 communes. 13,8 milliards d’ouguiyas ont été dépensées de manière « inappropriée ». 2,7 milliards d’ouguiyas sont en cours de restitution par des gestionnaires indélicats dont certains (vingt personnes) ont été envoyés directement en prison. Ces détournements sont, pour l’essentiel, des fausses factures (8 milliards d’ouguiyas) dont un montant de 2,4 milliards a été annulé.

On ne peut que rester béat devant une telle situation. Malgré la volonté politique et tout un arsenal dissuasif, le détournement reste le sport favori de trop de nos fonctionnaires. Que faire ? Publier les noms et les photos de ces aigrefins ainsi que les montants détournés, les condamner à de fortes amendes et à des peines de prison incompressibles ; en un mot, les vouer aux gémonies pour que plus personne ne songe à détourner la moindre ouguiya ? Cela les dissuadera-t-il pour autant ? Rien n’est moins sûr dans un pays où le voleur est célébré comme un héros. Il suffit de voir les accueils qui leur sont réservés une fois sortis de prison pour se rendre compte du poids que notre nation doit supporter : celui d’une une société prétendument musulmane mais réellement hypocrite…

 

                                                                        Ahmed ould Cheikh

dimanche 4 septembre 2022

Editorial: Assainir, assainir

 Les mêmes scènes se répètent chaque hivernage. Invariablement. À chaque pluie qui s’abat sur la capitale, les rues se gorgent d’eau qui finit par s’infiltrer jusque dans les maisons, rendant chaotique le déplacement des voitures et des piétons. Des mares se forment un peu partout, lies nauséabondes, lits de moustiques et autres bestioles tout aussi nuisibles...Avec les fortes précipitations successives qu’a connues Nouakchott cette année, la situation est plus que jamais invivable, particulièrement à Dar Naïm, Sebkha et El Mina où, délogées par les eaux, des familles entières sont obligées de quitter leur maison. Même Tevragh Zeïna, le quartier chic où une société chinoise avait installé, il y a quelques années, un système d’évacuation des eaux de pluie, n’a pas été épargné. Ses rues sont gavées d’eau et, en dehors des axes principaux, il est impossible de s’y déplacer.

Jusqu’à quand continuerons-nous à vivre un tel calvaire ? Jusqu’à quand la pluie, ailleurs bénédiction, restera-t-elle malédiction pour nous ?Est-il quelque part écrit que Nouakchott ne sera jamais une ville ordinaire dotée d’un système ordinaire d’évacuation des eaux usées ? Pourtant l’ancien Nouakchott, celui que les fondateurs avaient construit, était doté d’égouts. Mais l’improvisation et l’anarchie qui ont prévalu après 1978 ont fait pousser les nouvelles habitations comme des champignons sans le minimum d’infrastructures. Avec le résultat qu’on vit actuellement. Prix d’une viscérale inconséquence nationale, boulet du chacun pour soi, avec le bout du nez en seul horizon ? Si l’on veut vraiment assainir nos rues, commençons donc par assainir nos neurones…

                                                                   Ahmed ould Cheikh

dimanche 21 août 2022

Editorial: Juste un répit

 Ils étaient tous là, en ce vendredi 5 Août à l’ancien Palais des congrès. Parés de leurs plus beaux atours dans un spectacle déjà vu par le passé. Ils, c’est-à-dire les partis dits de la majorité présidentielle qui battaient le rappel de leurs troupes pour célébrer le troisième anniversaire de l’arrivée au pouvoir du président Ghazwani. Une arrivée, on s’en souvient tous, dans des conditions si chaotiques que le fils des marabouts pouvait symboliser l’espoir de rompre avec une période sombre de notre histoire. Son discours de campagne avait fini de convaincre les plus sceptiques que le profil de l’homme tranchait nettement avec celui qu’il allait remplacer à la tête du pays. Calme, pondéré, capable d’écoute, il était à mille lieues du caractère impulsif et fougueux de son ami de quarante ans. Sa nature l’a-t-elle desservi ? L’a-t-elle empêché, une fois aux affaires, de donner le coup de pied dans la fourmilière que tout le monde attendait ? Procédant par changements à doses homéopathiques, il n’a pas tardé à être confronté à d’innombrables difficultés. D’abord la situation économique difficile dont il avait hérité et qu’il fallait gérer au plus vite. Ensuite la crise du Covid 19, celle économique et tout aussi mondiale qui en a résulté et, enfin, les conséquences de la guerre en Ukraine. Faire face à tous ces défis en trois ans et s’en sortir sans sortir sans trop de casse est une gageure. Ghazwani l’a réussie. Il faut le lui reconnaître. Mais cela ne le disculpe pas pour autant. Il n’est donc question que de répit. Le peuple est à bout. Il est grand temps de s’occuper des grands dossiers, accomplir les profondes réformes dont le pays a besoin, choisir les hommes qu’il faut hors de toute autre considération que la compétence et l’intégrité…Oser enfin le changement.

 

                                          Ahmed Ould Cheikh

dimanche 7 août 2022

Editorial: Loups gras, faméliques dindons

 2 Août 2019- 2 Août 2022, voilà trois ans qu’une page sombre de notre histoire a été tournée avec le départ d’Ould Abdel Aziz et l’arrivée de Ghazwani au pouvoir. Après une décennie de gabegie, de prévarications et de détournements de deniers publics comme le pays n’en a jamais connus auparavant. Dix ans de népotisme, de pillage à ciel ouvert, de favoritisme à peine voilé. Une période qu’au  final personne n’a regrettée. Le rapport de la Commission d’enquête parlementaire donnera d’ailleurs une idée – pas si approfondie que ça, disent certains – de l’ampleur du casse auquel ce pauvre pays a été soumis au cours de cette étape. Mais, trois ans plus tard et malgré les arrestations, les déclarations de bonnes intentions, les contrôles judiciaires, les milliers d’heures d’interrogatoires et les preuves, accablantes, aucun procès ne s’est encore tenu et le Trésor public n’a récupéré aucune ouguiya. Les liquidités, les biens, meubles et immeubles sont dit-on, sous séquestre… en attendant que la justice tranche. En tout état de cause, l’opinion semble se lasser d’un processus dont elle ne voit pas le bout et commence à craindre qu’elle ne se retrouve, une fois de plus, le dindon de la farce. Occupée qu’elle est par les soucis du quotidien – hausse des prix des produits alimentaires et du transport qui la saigne aux quatre veines – elle a sans doute d’autres chats à fouetter que de s’occuper de ces affaires de « grands » qui, comme beaucoup d’autres, finissent toujours en eau de boudin. Et certes : si les dindons picorent ce qu’ils peuvent, les loups ne se mangent pas entre eux.

                                                      Ahmed Ould Cheikh

dimanche 31 juillet 2022

EDitorial: Une symphonie nationale enfin nôtre?

 Que nous annoncent les récentes réactions populaires à l’augmentation brutale des prix à la pompe et, surtout, du doublement du coût des trajets en taxi ? Certains s’acharnent à ne vouloir y voir que des manipulations politiques à l’approche des élections. Mais le ras-le-bol est réel et la fameuse goutte d’eau que j’évoquais la semaine dernière paraît bel et bien d’actualité. Et cette éventualité se renforce avec l’étonnante décision de ramener le prix du pain à 100 MRO, au lendemain même de celle l’augmentant de 20 MRO : La peur est là, on frôle à l’évidence le bord du gouffre.

Le péril s’augmente des débats autour de la réforme de l’Éducation. Les résultats du bac ont clairement démontré que la langue française est en passe d’être bannie de l’enseignement, à tout le moins réduite à la portion congrue. Les élèves de la Vallée en font les frais. Une situation qui amplifie les déséquilibres dans la représentation des différentes ethnies du pays dans l’élite nationale. Même en admettant que le pouvoir ait réellement la volonté d’assurer désormais le développement de toutes nos langues nationales– cela reste à prouver – dans combien d’années cela se traduira-t-il par une augmentation substantielle du nombre de bacheliers négro-mauritaniens ? 

Quelles mesures entre temps auront-elles su apaiser les vieilles tensions exacerbées par une conjoncture mondiale si pénible au budget des communautés défavorisées, ethniques et statutaires ? Parier sur une embellie internationale ne doit pas être une option. C’est à nous-mêmes d’entreprendre enfin la guérison de nos plaies bêtement entretenues, voire stupidement portées, depuis l’accession des militaires au pouvoir. La survie de notre démocratie, de notre nation même, est en jeu. L’heure est réellement d’importance cruciale. Unissons-nous à composer enfin notre symphonie nationale ! 

 

                                                                        Ahmed ould Cheikh

samedi 23 juillet 2022

Editorial: On attend quelle goutte d'eau?

 800 MRO pour aller et venir, « tout-droit », entre Toujounine et BMD ! Soit 17 500 MRO/mois pour un banlieusard travaillant cinq jours sur sept en centre-ville… Le budget « déplacements » des petites bourses vient de prendre  un sérieux coup – fatal ? – dans l’aile, après ceux, répétitifs, portés à la rubrique « alimentation » (notamment avec le prix du litre d’huile doublé en deux ans !). Avec un SMIG toujours scotché à 30 000 MRO/mois, on va où, là ? 58% de ce SMIG en frais de déplacements, il en faudrait combien, de cette paye de misère, pour loger, nourrir et habiller femme et enfants, devoirs fondamentaux de tout père de famille musulmane, au demeurant citoyen lambda de toute république affichée islamique ? Quatre ou cinq, soit 160 à 200 heures de boulot par semaine, alors que celle-ci n’en comptera jamais plus de 168 (7x24) ? « La Mauritanie n’est pas en crise », clamait, il y a peu, le chef de son État censé les administrer, elle et ses principes. Vu du Palais gris et des trompe-l’œil statistiques, cela peut paraître évident. D’autant plus que nos gouvernants n’ont besoin d’aucune pierre pour tromper le creux de leur ventre. Mais les pierres ont également cette capacité de voler, parfois, pour rappeler à ceux-là que la réalité existe aussi au dehors des palais et des indices économiques savants… On attend quelle goutte d’eau ?

                                            Ahmed Ould Cheikh

vendredi 15 juillet 2022

Editorial: Gâchis, encore et toujours..

 Faut-il en rire ou en pleurer ? La situation n’est en tout cas ni reluisante ni encore moins amusante. Le ministre des Affaires économiques vient de jeter un énorme pavé dans la mare. Connu pour son intransigeance, ce technocrate averti n’est apparemment pas un adepte de la langue de bois. Il vient de dire tout haut ce que tout le monde pensait tout bas sans jamais oser le dénoncer. Dans une déclaration dont les échos résonnent encore, il a affirmé que « plus de la moitié du portefeuille, soit 55%, est composée de projets subissant des lenteurs dans leur exécution. 47,5 % enregistrent des dépassements d’au moins deux ans par rapport à leur date initiale de clôture, certains allant jusqu’à neuf ans. 26,2 % n’ont fait l’objet d’aucun décaissement plus de douze mois après la signature de leur convention respective de financement et certains n’en ont même connu aucun plus de six ans après ladite signature ; 18,1% enregistrent des taux de décaissement inférieurs à 50% – certains moins de 10% – à moins d’une année de leur date de clôture. » Et le ministre d’enfoncer le clou : « 8,2% n’atteignent pas 10% de taux de décaissement deux ans après la signature de leur convention, certains n’atteignant pas ce chiffre six années après celle-là. »

Une situation qui entraîne des pertes importantes pour le pays en termes de coût financier et de manque à gagner. Mais à qui la faute ? Aux coordinateurs de projets dont le ministre a évoqué les contre-performances ? Ou à ceux qui les ont choisis ? Il y a en tout cas urgence à trouver une solution à un problème qui ne date pas d’hier. Au moment où tous les pays se battent pour obtenir des financements, le nôtre se permet de gaspiller des occasions d’en absorber. Il suffit juste de faire preuve d’un peu de compétence. Serait-ce trop demander ?

                                                       Ahmed ould Cheikh

dimanche 3 juillet 2022

Editorial: Torrent de boue

 Le ministre de l’Intérieur l’a dit la semaine dernière devant l’Assemblée nationale… mais on le savait déjà :il y a trop de partis politiques en Mauritanie. Comme il y a trop d’ONG, trop de journaux, trop de sites Web. L’exagération à l’état pur. Chaque fois qu’une brèche est ouverte, tout le monde s’y engouffre. Répondant à une question orale d’un député, le premier flic du pays a essayé d’expliquer, méthodiquement, qu’un pays de quatre millions d’habitants ne peut pas « absorber » autant de partis politiques (plus de cent dont près de soixante-dix dissous il y a trois ans pour n’avoir pas obtenu le seuil minimum lors des dernières élections mais qui refusent de ‘’mourir’’ !). Si l’on y ajoute les quatre-vingt nouveaux dont les demandes ont déjà été officiellement déposées, il y a de quoi avoir le tournis. Quand on sait qu’aux États-Unis, la plus vieille démocratie du Monde, il n’y en a que deux et qu’au Sénégal voisin, à peine une dizaine (dont seulement la moitié a pignon sur rue), il y a de quoi se poser des questions sur notre situation « abracadabrantesque », comme aurait dit Chirac.

Sentant que les journaux avaient de l’influence et pouvaient, du coup, orienter l’opinion, le pouvoir d’Ould Taya décida, en son temps, d’ouvrir les vannes du ministère de l’Intérieur, autorisant ces media par centaines. Cela sonna le glas de la presse, devenue un véritable panier à crabes, discréditée pour longtemps. Seuls quelques titres – mais certains ne tardèrent pas à lâcher prise – réussirent à survivre dans ce torrent de boue. Comme pour les partis politiques et les ONG, victimes eux aussi de ce laisser-aller, la presse continue de payer un lourd tribut à cette incurie. Et, au vu de ce qui se passe, n’est toujours pas près de sortir de l’auberge…

                                                           Ahmed ould Cheikh

vendredi 24 juin 2022

Editorial: Avant qu'il ne soit trop tard

Toujours très modéré vis-à-vis du pouvoir de Ghazwani avec lequel il a, dès le départ, entretenu des relations apaisées – contrairement à son prédécesseur qui vouait aux gémonies l’opposition qui le lui rendait bien – le leader historique de l’opposition Ahmed ould Daddah vient de sortir de sa réserve. Après la suspension du dialogue dont les préparatifs du lancement étaient assez avancés, il appelle le Président et le pays en général à former sans plus tarder un « front intérieur solide, permettant à nos populations, en particulier aux franges les plus fragiles et notamment la jeunesse, de résister aux sirènes des dangers qui nous guettent ». Et de noter les « défis liés aussi bien à [notre] environnement géographique immédiat qu’aux enjeux intérieurs qui nécessitent des solutions consensuelles, seules garantes de stabilité, de cohésion sociale et d'un fonctionnement apaisé de toute démocratie. […]

« D'une importance capitale, ce front ne peut cependant s’édifier que si les défis intérieurs sont largement discutés, afin d'entamer un processus susceptible d'en venir à bout, en s’accordant sur des solutions consensuelles aux questions fondamentales incluses dans le projet de dialogue récemment suspendu. Cette suspension a pris de court toute l'opinion nationale, menaçant d’étouffer tout espoir de lendemains meilleurs, après que l'opinion publique nationale eut considéré que cette dynamique était de bonne augure ».

Ahmed ould Daddah juge le contexte explosif. « Un dialogue national inclusif et constructif, capable de permettre au pays de surmonter les problèmes qui entravent son unité, sa stabilité, son processus démocratique et son développement, est plus que jamais nécessaire ».  Avant qu’il ne soit trop tard, entend-on clairement en filigrane : l’accumulation des problèmes quotidiens – inflation, cherté croissante du coût de la survie… – le spectacle d’une gouvernance, disons « approximative», à mille milles de ceux-ci, la perpétuation d’inégalités statutaires et ethniques ; le tout augmenté d’aussi criardes injustices dans le règlement des conflits ; assombrissent, jour après jour notre capacité à discuter posément des problèmes. Il faut se rendre à l’évidence : le temps nous est compté.

                                                                                  Ahmed ould Cheikh

samedi 18 juin 2022

Editorial: Gâteau envolé

 Les chiffres donnent le tournis. Ils sont pourtant bien réels. Les milliards découverts dans les comptes d’Ould Abdel Aziz, de ses proches et de certains de ses co-accusés, les immeubles, les villas cossues, les terrains d’habitation, les camions, les citernes, les bulldozers et les tout-terrains, cités en détail dans le dossier d’accusation, donnent une idée de ce que ce pauvre pays a enduré au cours de la fameuse décennie. Alors qu’il se prévalait du titre de président des pauvres, brandissant le slogan de la lutte contre la gabegie, Ould Abdel Aziz a révélé son vrai visage. Cupide jusqu’à la moelle, boulimique et insatiable, il a passé plus de temps à sévir qu’à servir. Sa famille et certains de ses proches ne sont pas non plus privés. Toute honte bue, ils ont amassé des fortunes colossales dont personne ne pouvait imaginer l’ampleur avant la diffusion dans la presse de données figurant dans leurs dossiers. On parle de plus de soixante-dix milliards d’anciennes ouguiyas amassées par ces collectionneurs d’un genre nouveau, sans compter les magots planqués à l’étranger qui font que ce qui a été saisi localement n’est peut-être que la partie visible d’un énorme iceberg. Tout le monde se rappelle encore du départ d’Ould Abdel Aziz pour la Turquie, juste après sa remise du pouvoir à Ghazwani. Il avait affrété un avion de la MAI, emportant avec lui plus de soixante-dix valises qui ne contenaient sans doute pas uniquement ses effets personnels. Malgré une commission rogatoire adressée à ce pays, toujours sans réponse à ce jour, cet argent est perdu de bon et il n’est sans doute pas le seul. D’autres pays ont eu leur part du gâteau. Pour une ouguiya saisie localement, combien d’autres envolées ?

                                                                          Ahmed ould Cheikh

samedi 11 juin 2022

Editorial: Illusoire fin de l'impunité?

 Ould Abd El Aziz, encore et toujours le bouc émissaire à chasser loin dans le désert… Cette focalisation excessive sur l’ex-Président, sans ses principaux acolytes, est injuste et suspecte. La responsabilité de ses bras droits n’est pas moins importante et manifeste, dans la manière dont le pays fut ruiné pendant les dix dernières années. Tout comme lui, ils ont profité du pouvoir et doivent être, à ce titre, considérés comme des complices de tous les abus commis sous son régime, de la corruption aux conflits d’intérêt en passant par l’enrichissement injustifiable. Personne ne peut comprendre que ces fonctionnaires ne soient pas poursuivis, au même titre que l’ex-chef de l’État, surtout ceux parvenus en l’espace de quelques années, selon certaines sources, au rang des premières fortunes du pays. Quelle logique derrière leur absolution ? Comment peuvent-ils s’en tirer aussi facilement ? Comment ces collaborateurs zélateurs de l’ancien chef de l’État osent-ils dégager leur responsabilité, en invoquant les ordres de l’ex-Raïs ? Un ministre qui reçoit un ordre verbal du président de la République lui demandant d’agir de manière contraire à la loi n’est pas considéré comme un exécutant mais comme un co-responsable : il dispose d’un pouvoir réglementaire délégué dans la limite de ses fonctions et doit pouvoir dire non. À défaut démissionner. Il s’expose, sinon, à être poursuivi pour ses actes et ne saurait s’abriter derrière des ordres reçus du Président.

Enfin, le présent régime qui prétend à l’exemplarité et qui compte juger, à juste titre, Ould Abd El Aziz, doit faire preuve d’une tolérance zéro à l’égard de la corruption et juger ses propres acolytes soupçonnés de corruption. Mais la capacité de nuisance de ces malfaiteurs n’a toujours pas été anéantie puisqu’ils occupent aujourd’hui de hauts postes de responsabilité, alors qu’ils auraient dû être démis de leur fonction pour se consacrer à leur défense. Bref, on est loin de la fin de l’impunité…

 

                                                                             Ahmed ould Cheikh

samedi 4 juin 2022

Editorial: Magots planqués?

 La nouvelle a de quoi surprendre. Elle n’a pourtant pas été inventée par un média en mal de sensation. L’ancienne Première dame, Tekeïber mint Ahmed, cherche, après quarante ans de vie commune (dont onze au palais présidentiel), à obtenir auprès des services de l’état-civil une attestation de mariage avec son époux Mohamed Ould Abdel Aziz. Pourquoi maintenant ? Le timing interroge. Alors que le dossier dit de « la décennie », où MOAA et douze autres sont poursuivis pour, entre autres, détournement de deniers publics et malversations, vient justement d’être clos, ouvrant la voie au procès, cette demande est tout, sauf fortuite. On parle de dizaines de millions de dollars, de biens meubles et immeubles aux quatre coins de ce vaste monde qui auraient échappé aux mailles du filet du pôle anti-corruption. Malgré des commissions rogatoires adressées à plusieurs pays…sans aucune réponse positive à ce jour. Des cavernes d’Ali Baba auxquelles on ne peut avoir accès sans montrer patte blanche… un certificat de mariage, par exemple. Sans compter ce que les garçons, les filles et leurs conjoints ont mis de côté et qui n’a plus aucune chance d’être recouvert.

Que faut-il en déduire ? Que ce qui a déjà été saisi en Mauritanie n’est que, malgré son importance, la partie visible d’un énorme iceberg caché dans les paradis fiscaux et autres États complaisants ? Que le « casse du siècle » ne dévoilera jamais ses secrets ? Sans doute mais on peut légitimement se poser une dernière question : Combien d’écoles, de routes, de dispensaires, de maisons de jeunes et de barrages aurait-on pu construire avec tout cet argent dont une grande partie semble nous échapper pour de bon ?

                                                        Ahmed Ould Cheikh

samedi 28 mai 2022

Editorial: Responsabilité

 Les rapports administratifs, les procès-verbaux de réunions ou tout autre document, qu’il soit estampillé confidentiel ou non, doivent être traités avec la plus grande prudence et le maximum de discrétion. A moins qu’il ne soit explicitement précisé qu’ils sont destinés à la diffusion. La fuite, la semaine dernière sur les réseaux sociaux, d’un rapport du ministère de l’Intérieur, sur « la carte politique nationale » bafoue cette règle élémentaire de réserve professionnelle. Destiné à l’usage interne, il n’aurait jamais dû se retrouver sur la place publique. D’où une multitude de questions : qui a intérêt à discréditer le ministère de l’Intérieur et le premier flic du pays dont celui-ci vient d’hériter du poste ? Comment le responsable de cette fuite peut-il être à ce point irresponsable ? Au-delà des contrevérités qu’il contient et qui ont été pointées du doigt par les observateurs, le rapport est tout, sauf objectif. S’il a rendu à César, en certaines moughataas du Trarza par exemple, ce qui lui appartient, il a, en d’autres, tout simplement cafouillé pour des raisons que seuls ce qui l’ont établi connaissent.

Les rapports sont ce qu’ils sont : relatifs au regard et à la compétence de ceux qui les dressent. À l’instar de toutes les administrations de la planète, la nôtre détient dans ses tiroirs des documents de toutes sortes, à contenu variablement discutable, mais qui, justes ou injustes, pourraient en tout cas engendrer des guerres civiles… s’ils étaient inconsidérément publiés. Grâce à Dieu, il existe des hommes et des femmes vraiment responsables et respectueux du secret professionnel pour qu’on ne compte guère, sinon pas du tout fort heureusement, de guerres civiles dont l’origine serait attribuable à une fuite de cette ampleur… C’est donc à ceux-là que devrait être toujours confié le classement des documents en fonction de leur éventuelle nuisance.

                                                      Ahmed ould Cheikh

samedi 21 mai 2022

Editorial: Réseaux asociaux

 Depuis quelques jours, un audio s’attaquant violemment à la communauté halpulaar circule sur le Web. Il n’est malheureusement pas le premier et ne sera sans doute pas le dernier. « Les réseaux sociaux », disait Umberto Eco, « ont donné le droit de parole à des légions d'imbéciles qui ne parlaient, avant, qu'au bar et ne causaient aucun tort à la collectivité. On les faisait taire tout de suite. Aujourd'hui, ils ont le même droit de parole qu'un prix Nobel ». Dégoulinant de mauvaise foi et truffé de contre-vérités historiques, ce vocal, dont l’auteur a été arrêté et devra répondre de ses actes, n’a d’autre objectif que de nuire et provoquer à dessein des réactions en cascade. D’où une multitude de questions : qui a intérêt à jeter de l’huile sur le feu ? Qui gagnerait à dresser une communauté contre une autre ? Certes les extrémistes, ces imbéciles dont parle Eco, sont légion mais c’est à la loi de les faire taire. La paix sociale a déjà été tant mise à rude épreuve par le passé qu’il serait dangereux de s’aventurer sur ce terrain miné. Il suffit parfois d’une étincelle pour provoquer un brasier. Nous n’en sommes heureusement pas là, même si les nerfs, devant les injustices et les frustrations accumulées, sont parfois à vif. La paix sociale, pour paraphraser Clémenceau, est une affaire trop sérieuse pour être confiée aux extrémistes de tous bords. C’est à l’État de prendre ses responsabilités, sévir contre ce genre de pratiques et, surtout, veiller à ce que les bases d’une justice sociale soient définitivement ancrées pour que plus personne ne se sente étranger dans son propre pays.

                                                                   Ahmed ould Cheikh

dimanche 15 mai 2022

EDitorial: Têtu comme un mauritanien

 Lorsqu’il aperçut sur un trottoir un homme tenant une pancarte déclarant :« Mort aux cons ! » « Vaste programme ! », lança tout de go le général de Gaulle qui avait le sens de la répartie. Notre président fera-t-il sienne cette réplique devenue célèbre, lorsqu’on lui dira : « Sus aux prédateurs ! » ? Il n’en est en tout cas pas loin puisque, malgré ses efforts répétés, le licenciement de ministres, directeurs et autres chefs de projet ayant eu maille à partir avec l’argent public, il n’arrive toujours pas à débarrasser le pays d’un mal qui le ronge jusqu’aux racines. C’est à se demander si la prévarication est à ce point entrée dans nos mœurs qu’il en devient impossible de l’extraire. Il ne se passe en effet pas un jour sans qu’un scandale lié à un marché de gré à gré, détournement de deniers publics ou mauvaise gestion caractérisée n’éclate au grand jour. La norme en quelque sorte alors que des cas de ce genre ne devraient être que l’exception d’un pays pauvre disposant de peu de ressources dans un océan de besoins. Certes, l’Inspection générale de l’État a fait des efforts louables au cours des derniers mois, sur injonction du président himself mais la tâche reste encore ardue. Tant que des procès publics ne seront pas organisés pour ces aigrefins, avec, à la clé, des sanctions exemplaires et l’inscription de leur nom au fronton de la honte, on ne sortira pas de l’auberge. Quand le pli est pris, c’est toute une histoire pour l’effacer. C’est vrai partout mais ça l’est particulièrement chez nous où l’avidité effrénée à s’enrichir par tous les moyens en dispute à un entêtement au moins aussi ancré que chez les bretons…

                                                                       Ahmed ould Cheikh

vendredi 6 mai 2022

Editorial: De la suite dans les idées



Le dialogue national (ou les concertations, selon le camp où l’on se situe) a enfin démarré la semaine dernière. Plus d’un an après l’accord de principe entre les partenaires politiques sur la nécessité de s’asseoir autour d’une table pour discuter des problèmes du pays, les voilà enfin réunis. Après la désignation par le président de la République de la personnalité chargée de le diriger (en l’occurrence Yahya ould El Waghf, le tout nouveau ministre secrétaire général de la Présidence), les choses sérieuses peuvent commencer. Mais il y a loin de la coupe aux lèvres. Alors qu’on pensait le terrain aplani, des difficultés surgissent d’un peu partout. Messaoud boude et Biram, arrivé deuxième lors de la dernière présidentielle, se prévaut du titre de leader de l’opposition, en lieu et place de Tawassoul. Sans compter les sautes d’humeur des uns et des autres. Il faut tout le talent de négociateur d’Ould Waghf pour que tout ça ne finisse pas en eau de boudin. Pourtant le pays ne peut plus se permettre de tels enfantillages. Les problèmes sont là, cruciaux, nombreux et il faut les affronter. Il faut savoir dépasser les divergences lorsque les intérêts vitaux du pays sont en jeu. Il y a quelques années, au plus fort de la crise entre le pouvoir et l’opposition, maître Abdoulaye Wade n’avait pas hésité à répondre à l’appel d’Abdou Diouf en se joignant à l’équipe gouvernementale. Le Sénégal vacillait à l’époque et la crise pouvait le plonger dans des lendemains incertains. Wade en tirera le plus grand profit politique. Il rejoindra l’opposition lorsque les choses rentrèrent dans l’ordre puis gagnera la présidentielle suivante. C’est ce qu’on appelle communément avoir de la suite dans les idées. Ce qui n’est malheureusement pas le cas de tout le monde…

 

                                                                         Ahmed ould Cheik

samedi 23 avril 2022

Editorial: Un Ramadan pour se décider à en vivre, enfin, les bases ?

 Le département d’État américain a publié son rapport annuel sur la situation, pays par pays, des droits humains du Monde. À cet égard, la Mauritanie persévère obstinément dans la mauvaise direction : déplorables conditions de vie dans les prisons ; arrestations arbitraires ; sérieuses restrictions à la liberté d’expression et aux media ; grave corruption gouvernementale ; manque d’enquête et de responsabilité sur les violences sexuelles ; persistance de l’esclavage et des pratiques liées à cette aberration…

« Les plaintes déposées auprès des tribunaux », relève le rapport, « pour allégations de torture ont été soumises à la police. Le gouvernement continue de nier l’existence de centres de détention non officiels, même si les organisations non gouvernementales (ONG) et les Nations Unies ont souligné leur utilisation continue. L’impunité constitue un grave problème au sein des forces de sécurité, en particulier au sein du Groupe général de la sécurité routière, de la Garde nationale et de la Police nationale ».Conditions d’incarcération : « Les prisons sont restées surpeuplées. Par exemple, la Direction des affaires pénales et de l’administration pénitentiaire (DAPAP) a soutenu que la plus grande prison du pays, Dar Naïm, abrite environ trois fois plus de détenus que ne l’autorise sa capacité. Les autorités regroupent fréquemment des personnes en détention provisoire avec des condamnés présentant un danger pour autrui.[…] Les conditions sanitaires sont déplorables ou carrément inexistantes… […]

[…] Si Les individus sont généralement libres de critiquer publiquement le gouvernement, elles font parfois l’objet de représailles. Alors que la Constitution et la loi interdisent la propagande raciale ou ethnique, le gouvernement a utilisé ces dispositions contre des opposants politiques, les accusant de « racisme » ou de « promotion de la désunion nationale » pour avoir dénoncé l’extrême sous-représentation au sein du gouvernement des populations défavorisées, à savoir les Haratines et les Négromauritaniens […] La corruption est un grave problème dans l’administration publique et le gouvernement tient rarement les fonctionnaires pour responsables ou les poursuivent pour abus. Très répandue dans les marchés publics, elle est également courante dans la distribution des documents officiels, des licences de pêche et d’exploitation minière, la distribution des terres, ainsi que dans les prêts bancaires et le paiement des impôts. Les groupes ethniques haratines et subsahariens sont confrontés à la discrimination gouvernementale, notamment dans la délivrance des cartes d’identité, tandis que le groupe beydane conserve une très large préférence de l’État. »

N’en jetez plus, la cour est pleine ? Les concertations politiques qui ne devraient maintenant plus tarder à démarrer – enfin ! – associées aux coups de gueule que multiplie le Président, aussi poli et mesuré soit-il, seront-elles le déclic des consciences à se mettre enfin à l’œuvre, tous ensemble et chacun d’entre nous, pour réaliser au quotidien le Droit et la Justice dont notre sainte religion doit être le flambeau ? Nous avons l’occasion d’en retrouver les bases, en ce Ramadan béni. C’est tout de même un comble que ce soient aux USA, dont la genèse ne fut pas particulièrement un exemple en la matière, qu’il revienne de nous rappeler à un ordre dont nous devrions être les premiers à  promouvoir l’universalité ! 

 

                                                             Ahmed ould Cheikh

samedi 16 avril 2022

Editorial: Sans parole

 Le 31 Mars 2021, lors du salon de l’élevage organisé avec fracas à Timbédra, des hommes d’affaires et des banquiers s’étaient donné le mot pour accourir en masse dans la grande ville de l’Est. Répondant à l’appel de la patrie, après l’avoir copieusement sucée, comme ils savent si bien le faire quand elle a besoin d’eux, ils promirent, à l’occasion, monts, merveilles, projets grandioses et investissements lourds. Des milliards fictifs se sont retrouvés sur la table. On pensait alors– un peu hâtivement, il est vrai… – que l’agriculture et l’élevage allaient enfin sortir de l’ornière et devenir de véritables moteurs de développement. Disposant d’un immense cheptel, de terres fertiles et de suffisamment d’eau pour assurer leur irrigation, le pays n’avait besoin que d’investisseurs capables de joindre l’acte à la parole. 

Un an après, où est-on avec ces promesses mirobolantes ? Il y a quelques jours, au Palais des congrès et toujours devant le président de la République, nous avons eu droit à la même litanie de promesses. Au lieu de se répéter, nos braves hommes d’affaires si soucieux de l’intérêt général auraient pu nous dire où en sont les projets qu’ils s’étaient engagés de réaliser il y a un an. A moins qu’ils ne nous rétorquent, à l’instar de Chirac, que « les promesses n’engagent que ceux qui y croient ». Et, comme personne n’y a jamais cru, elles sont donc parties à vau-l’eau. Mais, de grâce, qu’ils ne reviennent surtout pas nous bassiner, à la prochaine occasion, avec des discours lénifiants et des milliards dont personne ne verra jamais la couleur ! Quand on n’a pas de parole, inutile de le crier sous les toits…

                                                         Ahmed ould Cheikh

vendredi 8 avril 2022

Editorial: Chiche!

 Après avoir tancé l’administration, en général, lors d’une cérémonie à l’ENA, et territoriale en particulier, lorsqu’il a reçu les walis en audience, les accusant de faillir à leur mission et de ne pas être assez proche du Citoyen, Ould Ghazwani a tapé dans le mille. Verbalement. On s’attendait donc à ce que la parole soit suivie d’actes. Et l’on n’a été déçu. Moins d’une semaine après cette sortie, le Premier ministre rendait son tablier. Il sera reconduit vingt-quatre heures plus tard avec mission de former un nouveau gouvernement. Le contraire aurait d’ailleurs surpris car il est du plus mauvais effet de changer deux fois de Premier ministre au cours d’un même mandat. Le chambardement annoncé allait-il enfin voir le jour ? Le Président débarrasserait-il enfin son gouvernement de ses lourds poids morts et former une équipe vraiment capable de relever les défis ?

Première grosse surprise : l’arrivée de Yahya ould El Waghf à la Présidence en secrétaire général. Le dernier Premier ministre de Sidioca prend ainsi une revanche sur l’Histoire et sur… Ould Abdel Aziz. Dans la foulée, quatorze ministres sont éjectés. Si le départ de certains constitue une surprise, d’autres font par contre les frais de leur mauvaise gestion et de leurs approximations, pour ne pas dire boulimie. Ould Ghazwani aurait tenu un langage de fermeté à la nouvelle équipe : plus aucun écart dans la gestion des affaires publiques ne sera toléré. Espérons que cet avertissement ne tombe pas, comme ceux qui l’ont précédé, dans des oreilles de sourds. Il faudra, en tout cas, se réveiller très tôt pour démentir la célèbre citation de Saint-Just :« le seul ennemi d’un peuple, c’est son gouvernement ». En Mauritanie, plus qu’ailleurs en tout cas, elle ne s’est jamais démentie. Jusqu’à maintenant. Ce gouvernement sera-t-il l’exception qui confirme la règle ? Chiche !

                                                                          Ahmed ould Cheikh

samedi 2 avril 2022

Editorial: Après le constat, l’action enfin ?

 Pas content, pas content : le Président n’est pas content. Il l’avait fait savoir il y a quelques mois lors d’une réunion du gouvernement, laissant les ministres pantois, nez dans les parapheurs. Il l’a répété la semaine dernière lors de la cérémonie organisée à l’occasion de la sortie d’une promotion de l’ENA. « Il est temps de mettre fin aux déséquilibres et dysfonctionnements dont souffre l'administration mauritanienne », a-t-il ainsi déclaré. Et souligner : « le moment est désormais venu de mettre en place une administration moderne et efficace pour un service public de proximité au service du citoyen. »  Il a ensuite fait mention des tares dont souffre notre administration. Il en  veut pour preuve le fait que la présidence de la République reçoive de façon régulière des rapports sur les plaintes et problèmes des citoyens. Il a passé en revue quelques exemples de déséquilibres qui caractérisent les services des établissements publics, dont la plupart ne mettent pas en place les mécanismes qu'il faut pour la réception et l'orientation du citoyen… 

« Ce type de lacunes n'est plus tolérable ! », martelait-il alors, « Ces déséquilibres sont notés au niveau de l'administration centrale, en particulier dans les départements de l'urbanisme, de l’eau, de l’électricité, des impôts, de la santé, du registre social et de l'administration territoriale, dont le contact avec le citoyen est très déficient, ce qui a entrainé un manque de confiance entre celui-ci et ceux-là ».

Mais à qui incombe une telle désastreuse situation ? À une administration et des services publics gangrénés par le laisser-aller, le népotisme, l’incurie, l’absence totale de méritocratie et la corruption – entre autres tares… – ou à ceux qui doivent les choisir ? Le Président a mis le doigt sur la plaie. Qu’attend-il pour crever l’abcès ?

                                                                Ahmed Ould Cheikh

samedi 26 mars 2022

Editorial: Otage d'un système

 Ould Abdel Aziz l’a dit en son temps, se proclamant même « président des pauvres ». Ghazwani vient de le répéter devant des membres de la communauté mauritanienne installée en Espagne : nous sommes un pays pauvre. Est-il désormais permis d’en douter ? Si, comme n’a pas manqué de le développer le Président dans l’audio qui a fuité – et qui a été sans doute extrait de son contexte…  –  nos mendiants sillonnent encore les rues et sommes incapables d’offrir l’eau et l’électricité à nos concitoyens – entre autres exemples cités – comment nous qualifier autrement ? Misérables, nous sommes, et misérables nous resterons. Tant que nous demeurerons incapables de profiter des immenses richesses dont Allah nous a pourvus. Un cheptel immense, des terres fertiles et de l’eau en abondance pour nourrir toute l’Afrique – alors que nous importons des carottes et des tomates, les légumes les plus faciles à cultiver… – des côtes parmi les plus poissonneuses du Monde, de très grandes potentialités minières… Des pays avec beaucoup moins  de ressources que le nôtre ont pu assurer leur essor économique et sont passés du stade de pays en voie de développement à celui de pays à revenu intermédiaire. Pourquoi pas nous ? Quelle malédiction continue à nous frapper pour rester encore à  la traîne ? Notre problème est pourtant simple et il a un nom : la gouvernance. Le choix de bons dirigeants, alliant à la fois compétence, rigueur et technicité ; une vision stratégique à court, moyen et long termes et des règles de gestion strictes, sans commune mesure avec ce que nous avons connu jusqu’à présent ; devraient nous permettre de sortir la tête de l’eau. Mais il y a loin de la coupe aux lèvres. Ce pays est l’otage d’un système et, au rythme où l’on va, beaucoup d’eau coulera sous les ponts avant qu’il ne s’en défasse…

                                                                    Ahmed ould Cheikh

dimanche 20 mars 2022

Editorial: Moins disant, mal faisant........

 Quarante kilomètres qu’on n’arrive pas à réhabiliter, deux tronçons de cinquante kilomètres chacun attribués à deux sociétés (fictives ?) il y a plus de deux ans et qui avancent à pas de tortue. La route qui relie le PK 110 de Nouakchott à Aleg est devenue un véritable calvaire pour les mécaniques, les dos et…les nerfs. Le ministre de l’Équipement s’y est pourtant rendu à plusieurs reprises, tenant réunion sur réunion avec les responsables des sociétés… sans que les travaux n’avancent d’un pouce. Ni avertissement décerné, ni pénalité de retard imposée. Trouvez-vous d’ailleurs normal, qu’en soixante années d’indépendance et malgré tous les déboires qu’ont connus nos routes, les retards dans l’exécution des travaux, le travail mal fait et mal fini, aucune société n’ait jamais été blacklistée ? Et, après une décennie de laisser-aller, au moment où l’on pensait que les choses iraient désormais mieux, voilà qu’on retombe dans les mêmes travers. Qu’est-ce qui empêche, par exemple, le ministère d’amender ces sociétés et de leur retirer les marchés pour que plus personne ne se hasarde à agir de la sorte ? Un simple regard sur nos routes nationales en dit long  sur l’état de déliquescence du secteur. Une seule d’entre elles est praticable à ce jour : la route Nouakchott-Rosso. Et vous savez pourquoi ? Parce qu’elle a été construite aux normes par une société française. Pourquoi ne pas attribuer la construction ou la réhabilitation de nos routes à des sociétés étrangères si les nôtres en sont incapables ? Éternel problème du « moins disant » financier qui permet de réaliser de petites économies mais vous en fait perdre beaucoup plus dans le non-respect des délais, la qualité des matériaux et du matériel, ainsi que dans l’exécution des travaux…

                                                                      Ahmed ould Cheikh

vendredi 11 mars 2022

Editorial: Ras-le-bol

 Ce qui se passe à nos frontières Est avec le Mali est d’une extrême gravité. Et, apparemment, on n’en a pas pris toute la mesure. Après l’assassinat de sang-froid il y a un peu plus d’un mois de sept de nos compatriotes par un contingent de l’armée malienne qui a refusé de reconnaitre le forfait…mais a promis une enquête sérieuse pour trouver les coupables, le Mali a encore frappé.

Des éléments de son armée, accompagnés cette fois de paramilitaires – ou de mercenaires, c’est selon – de Wagner, ont attaqué deux puits gérés par des mauritaniens à l’intérieur du territoire malien. Et de tirer sur une voiture, blessant grièvement deux de ses occupants, charger deux véhicules de moutons et arrêter une vingtaine de personnes qu’ils ont dévalisées, avant de les amener vers une destination inconnue. Une façon pas très catholique de s’approvisionner à moindre frais. Les témoignages des deux blessés, acheminés par les leurs à l’hôpital de Néma, sont sans équivoque. Cette fois-ci et contrairement à la précédente, aucun doute : c’est bien l’armée malienne qui a provoqué ce grabuge.

Recevant une délégation mauritanienne de haut niveau après les assassinats de Janvier, les autorités de la Transition avaient promis que toutes les mesures seraient prises pour que la sécurité de nos concitoyens soit dorénavant assurée en territoire malien. On sait à présent ce qu’il faut penser de ces promesses : soit le pouvoir malien ne contrôle ni ses troupes ni ses mercenaires, soit il laisse faire au risque de se mettre la Mauritanie sur le dos. Avec l’embargo que lui impose la CEDEAO, si nous décidons de taper enfin du poing sur la table et fermons nos frontières à un État incapable de contrôler lui-même les siennes, cela lui serait fatal.

                                                               Ahmed Ould Cheikh

samedi 5 mars 2022

Editorial: Enfin renait de ses cendres, l'opposition?

 On n’y croyait plus. Huit coalitions et partis – Coalition Vivre Ensemble (CVE), Coalition Vivre Ensemble/Vérité et Réconciliation (CVE/VR), Rassemblement des Forces Démocratiques (RFD), Rassemblement National pour la Réforme et le Développement (TAWASSOUL), Union des Forces du Progrès (UFP) et Union Nationale pour l’Alternance Démocratique (UNAD) – se sont enfin décidés à faire front commun autour de constats clairs. « Notre pays connaît une situation difficile », ont-ils publié ensemble le 22 Février, relevant « la cherté de la vie […], la propagation de la pauvreté et le chômage, […] particulièrement chez les jeunes ». Et d’embrayer « sur la généralisation de la corruption, la déliquescence de l'administration, le rétrécissement du champ des libertés et les atteintes à l'unité nationale, du fait de l’exclusion et de la marginalisation subies par certaines composantes nationales »…

Autant de« menaces à la cohésion de notre peuple », s’alarment-ils, tandis que « l'insécurité intérieure et sur nos frontières, […] [ainsi que l’instabilité géopolitique au Sahel et au Maghreb [les] interpellent gravement ». Fermement convaincus que « la conduite d'un dialogue national inclusif, dans le but de parvenir à un large consensus sur les questions nationales fondamentales, serait à même de protéger le pays de […] toutes ces menaces », ils n’ont cessé « d’œuvrer sans relâche pour le lancement de ce processus ». Jugeant aujourd’hui « réunies les conditions acceptables » de ce dialogue, en dépit des « manœuvres dilatoires de certains milieux » visant « à saper cette dynamique », les huit organisations signataires insistent alors sur l’urgence d’engager les débats.

« Il est grand temps […] de redonner espoir aux Mauritaniens et aller de l’avant pour le renforcement de la cohésion nationale, l'enracinement de la démocratie, la réalisation de la justice sociale et la mise en œuvre d’un vaste programme de développement économique et social pour la prospérité du pays ». Faute de ce faire « dans des délais raisonnables », concluent-ils en soulignant cependant leur actuelle disposition à participer à cette dynamique, « nous ne serons plus en mesure d’attendre indéfiniment son hypothétique lancement, maintes fois repoussé pour des considérations incompréhensibles… »

L’avertissement est clair : retenue jusque-là sous le boisseau, notamment en raison de la conjoncture sanitaire, la contestation sociale est en passe de prendre une singulière ampleur. Si le pouvoir ne se décide pas à lancer le dialogue national inclusif, les partis de l’opposition n’auront plus, à l’approche de conséquentes consultations électorales, que l’option de prendre ensemble, haut et fort, le flambeau des revendications populaires. La renaissance du sphinx paraît bel et bien à l’ordre du jour…

                                                                     Ahmed ould Cheikh

vendredi 25 février 2022

Editorial: Le choix du laxisme?

 La fuite, la semaine dernière de deux personnes arrêtées pour trafic de drogue et incarcérées à la maison d’arrêt « COVID »  – séjour temporaire, pendant deux semaines, des nouveaux prisonniers pour s’assurer qu’ils ne sont malades – pose le  lancinant problème de l’impunité et des complicités à tous les niveaux dont jouissent ces Pablo Escobar locaux. Foultitude de questions : comment expliquer qu’au lieu d’aller directement en prison, après les deux semaines obligatoires de confinement, ces deux veinards soient restés six mois à se la couler douce dans une villa bien aménagée avant de prendre la poudre d’escampette ? Qui a protégé ces deux lascars ? Jusqu’à quel niveau ont-ils bénéficié de complicités ? Pourquoi ne mène-t-on pas une enquête approfondie pour sanctionner les fautifs, quels qu’ils soient, pour que ne se reproduise plus jamais ce genre d’« évasion » rocambolesque ? Au cours de la dernière décennie, la Mauritanie était déjà devenue championne du monde de l‘élargissement sans frais de trafiquants en tout genre. Plusieurs opérations d’envergure au cours desquelles de grandes quantités de drogue avaient été saisies et des trafiquants arrêtés finirent en eau de boudin. Épinglés après plusieurs mois de traque, de célèbres noms n’ont pas fait de vieux os en prison. Cherchez l’erreur.

Ce n’est pas un hasard si l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime cite notre pays parmi ceux par lesquels transite la drogue en provenance du Maroc pour être acheminée en Europe. Cité par le journal français « La Croix », Amado Philip de Andrès, directeur régional pour l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique Centrale de l’ONUDC, tire la sonnette d’alarme :« La situation est hors de contrôle. Profitant de l’effondrement du Sahel, la circulation de la drogue n’a jamais été aussi dynamique sur le continent ». Faut-il s’en inquiéter ou au contraire continuer à faire preuve de laxisme ? Le choix est apparemment fait…

                                        Ahmed Ould Cheikh