mardi 29 décembre 2009

Editorial: Imbroglio saharien

A quoi joue la Mauritanie, dans l’affaire du Sahara? Alors que notre pays a, par le passé, toujours adopté une attitude de neutralité, dans un conflit qui nous concerne, pourtant, au premier chef, et brillé, par son absence, dans la recherche d’une solution, laissant les deux mini-puissances régionales se déchirer, le voilà qui se propulse, maladroitement, au devant de la scène. Trois événements sont venus nous rappeler que notre neutralité, pour ne pas dire passivité, est, désormais, un vain mot. Notre ambassadeur à Rabat, peu suspect d’agir sans directives claires et précises, se rend au Sahara, visite quelques villes et se fend d’une déclaration à la télé marocaine où il vante le «miracle» qui s’est produit dans cette région, depuis qu’elle est revenue au royaume chérifien. Ce fut, ensuite, le tour d’Atar d’être jumelée avec la ville de Laayoune. Alors que la Mauritanie reconnaît, officiellement, la République sahraouie et n’est jamais revenue sur cette décision, prise, par Ould Haidalla, en 1983, ce jumelage peut être interprété comme une reconnaissance du fait accompli. Enfin, lors d’un débat parlementaire, le député d’Akjoujt a demandé, à la Mauritanie, de reconsidérer sa position, vis-à-vis de la question du Sahara, et de revenir sur la reconnaissance de la RASD. Même au plus fort de la tension avec le Maroc de Hassan II, Ould Taya n’a, jamais, accepté de tomber dans ce piège. Il a, toujours, prôné et adopté une position neutre, vis-à-vis de ses deux puissants voisins, dont les capacités de nuisance sont énormes, pour un pays aussi fragile que le nôtre.
La réaction algérienne ne s’est pas fait attendre. Sans protester officiellement, l’Algérie a annoncé un déploiement sans précédent de troupes le long de ses frontières sud, instituant, au passage, huit postes de contrôle, au-delà desquels il est interdit de circuler. Une façon de repousser les trafiquants, les bandits, les coupeurs de route et autres membres d’AQMI, vers les autres pays aux frontières poreuses et n’ayant pas les moyens de contrôler leurs vastes territoires. Si, en plus de tout cela, notre pays est dans la ligne de mire d’Al Qaida, il n’y a qu’un pas que les observateurs ont franchi pour dire que l’Algérie nous cherche, désormais, noise.
De nombreuses voix se sont élevées, depuis deux décennies, pour dénoncer l’implication de divers services secrets, notamment algériens, dans la radicalisation des contestations populaires musulmanes. On se souvient du fameux «El para», commandant le GSPC, père naturel de l’AQMI, et des embarras algériens lors de sa capture par des rebelles tchadiens. On se souvient, également, de la stratégie américaine qui lui a permis d’installer, en quelques cinquante ans, son réseau de bases militaires au Moyen-Orient. Or, les enjeux sahariens – hydrocarbures, minerais, eau – sont en telle exponentielle croissance qu’il devient de plus en plus rentable d’investir dans de troubles manipulations. Insécuriser pour justifier, a posteriori, la sécurisation, sans négliger de plus immédiates retombées… Des accords secrets sont, probablement, en cours d’exécution entre puissances régionales et mondiales. Le flirt un peu poussé du pouvoir d’Ould Abdel Aziz avec le Maroc aurait-il incité d’autres intérêts à orienter l’activité de l’AQMI vers la Mauritanie? Les ravisseurs des espagnols et des italiens ont agi avec une facilité déconcertante et leur mode opératoire indique, clairement, qu’ils n’étaient pas isolés. Ils bénéficiaient, probablement, de complicités et d’appuis logistiques. De là à dire qu’ils étaient en service commandé…
Dans cet écheveau complexe, que gagne la Mauritanie à se départir de sa neutralité? N’aurait-il pas mieux valu, pour le nouveau pouvoir, qui a, déjà, assez de problèmes à l’intérieur, d’éviter de s’en créer de nouveaux, à l’extérieur? Mais, dans la surenchère des enjeux sahariens, est-il possible de rester neutre? De grosses fortunes, françafricaines ou autres, se sont beaucoup investis, pour faire élire Ould Abdel Aziz. Ce n’était, évidemment pas, par pur altruisme envers les populations déshéritées de Mauritanie. Dénouer les fils de cette intrigue? Ce ne sera pas, semble-t-il, une sinécure…
Ahmed Ould Cheikh

lundi 28 décembre 2009

14 juillet, fête de l’indépendance franco-mauritanienne

Toubon, qui ne l’était plus beaucoup, ces dernières années – faute, sans doute, à des odeurs tenaces, d’argent pourri, contractées auprès de ses amis dictateurs africains: si, si, je le confirme, l’argent a bien des odeurs – s’est vu confier, par Sarkozy, la préparation de l’initiative «2010 - Année de l’Afrique». Cette Afrique dont «la France, économiquement, n’a pas besoin», mais qu’«il faut aider», bien sûr, ainsi que «la-patrie-des-droits-de-l’Homme-de-1789» n’a cessé de s’y employer, depuis des décennies; voire des siècles. Avec des résultats plutôt «décevants», du point de vue des masses africaines, on se demande bien pourquoi. C’est, évidemment, l’objet essentiel des réflexions du «Club 89» – 89 comme 1789 et patrie-des-droits-de-l’Homme, bien sûr – un des discrets satellites du RPR/UMP, où Jacques Plutrobon, qui en est le président, peut se bonifier au contact des Maurice Robert, Michel Aurillac et autre Robert Bourgi, des spécialistes, s’il en est, de l’aide à l’Afrique.
Il y aura pioché, sans doute, la lumineuse idée des «cinquantenaires de l’indépendance» de quatorze (ex- néo-au choix du lecteur-) colonies françaises qu’on aura à fêter, tenez-vous bien, le 14 juillet prochain! A moins que ce ne soit du Sarko de chez Sarko, vous savez, cet art consommé de l’effet de manches, si prisé des piètres avocats. Quoi de plus roublard, en effet, que de financer ces festivités, signalant, ainsi, la permanence de l’ingérence française dans la politique de ses (ex-néo-au choix du lecteur) colonies? Est-ce un hasard si notre Ould Abdel Aziz national, applaudissant des deux mains, se soit précipité, avec son cousin, pour recevoir, du Jacquot de service, le mode d’emploi de cette «coopération festive»?
Total, Bouygues, Bolloré, Ben Chedli, Bourgi et consorts, conseillers militaires plus présents que jamais, rôle on ne peut plus «diplomatique» de l’ambassade, dans la «légitimation» du putsch six-aoûtard, la tutelle de la France se fait, manifestement, plus «prononcée», alors que se profile, en Mauritanie, un redéploiement tribalo-financier sans précédent… Y’a bon, Toubon, et vive, le 14 juillet prochain, l’indépendance franco-mauritanienne!

vendredi 25 décembre 2009

Autour d’un thé à la rédaction du Calame

L’affaire des hommes d’affaires mis au frais pour un montant de14 milliards d’ouguiyas. Le cas d’Ould Nagi, ancien gouverneur de la Banque Centrale, traité comme le plus vulgaire des délinquants. L’histoire d’Ould Mogueya et de ses collègues médecins, heureusement libérés. Le rapt des trois espagnols, il y a trois semaines. Les tonitruantes sessions parlementaires. Les disgrâces. Les promotions. Les histoires diverses que racontent les gens de la rue, des bus et des taxis. Les sorties, parfois intempestives, de hauts responsables. La confusion entre les pouvoirs. Autant de questions qui meublent, entre autres, le quotidien des spécialistes des supputations, des ragots et des rumeurs. La dernière serait, selon un ami du journal, la décision du président Ould Abdel Aziz de diligenter une enquête contre lui-même. Histoire de montrer le bon exemple. Deux cas de figure. Si ça va, ça va. Si ça ne va pas, ça ne va pas. Mais au Calame, aujourd’hui, les convives du thé ont, surtout, parlé de la Grande muette. En Mauritanie, l’appellation ne lui colle pas bien car elle est, quand même, un peu bavarde. Les parlementaires avaient à examiner, ces jours-ci, un projet de loi relatif à la dénomination des grades des officiers supérieurs de l’armée nationale. Selon le ministre de la Défense, sa non-conformité avec celle des autres pays du monde suscite, souvent, des accrocs protocolaires auxquels la loi voudrait mettre fin. Notre vaillante armée nationale n’a, donc, comme problème que de faire correspondre ses grades avec ceux des autres armées du monde? Ridicule. Fondée lors de l’indépendance, mise à l’épreuve, en 1975, avec la guerre du Sahara (5.000 hommes, à peine), nos militaires ne brillent pas par le conformisme aux missions traditionnellement dévolues par la Constitution. Leur seul fait d’armes est d’avoir inscrit la Mauritanie dans le peloton de tête des pays régulièrement secoués par des coups d’Etat. Selon un député, notre armée n’est pas une armée de combat, mais une armée spécialiste en coups d’Etat. Les déroutes de Lemghaity, d’El Ghalawiya, de Tourine et le rapt des trois espagnols rappellent, malheureusement, l’impéritie, le manque de professionnalisme et la démission de notre armée. De 1978, date du renversement du régime civil de Moktar Ould Daddah, à nos jours, l’institution militaire a pris goût à la chose politique. Ses officiers supérieurs s’y sont admirablement enrichis – les fortunes militaires comptent parmi les plus grandes du pays – et sont de véritables hommes politiques qui ne se cachent pas de battre campagne pour leur candidat favori. La dernière présidentielle où les divers états-majors tenaient lieu de quartiers généraux est une preuve, formelle, de l’implication publique de cette institution dans les affaires politiques.
Avec un budget de 30 milliards, contre seulement 12 pour l’éducation et 9 pour la santé, l’institution militaire a, largement, les moyens de s’occuper de sa mission traditionnelle, clairement définie par les dispositions de la loi fondamentale. Pour cela, une (re)formation morale, intellectuelle et professionnelle s’impose. Elle doit rompre avec les pratiques anachroniques, comme le népotisme et la corruption. Pratiquement tous les officiers des différents corps – gendarmerie, armée nationale, garde, douane, police – sont fils d’anciens officiers de ces institutions. Rares sont les gradés qui n’ont pas été recruté sur pistons, enfants, neveux, cousins, proches parents ou amis. Plus que toute autre, l’institution militaire est malade. La gabegie, l’enrichissement illicite et la dilapidation des biens publics y ont atteint le paroxysme. C’est par elle que le changement doit commencer. L’armée doit rester à sa place. L’armée doit se consacrer à sa mission. L’armée doit capitaliser ses multiples échecs. L’armée doit, enfin, devenir une armée de métier et de combat. Sans cela, notre stabilité est compromise et la démocratie, vouée aux gémonies.

jeudi 24 décembre 2009

Ahmed Ould Cheikh, président du RPM :‘’Si l’Imprimerie Nationale applique la vérité des prix, les journaux mettront la clé sous le paillasson’’

Le quotidien de Nouakchott : L’Imprimerie nationale vient de décider qu’à partir du 1er janvier, elle n’appliquera plus aux journaux de la presse privée la réduction des tarifs d’impression, pourquoi ?

Ahmed Ould Cheikh : Effectivement et ce n’est pas la première fois que l’Imprimerie menace d’appliquer la vérité des prix. Déjà en 2007 et 2008, elle avait brandi cette menace pour la simple raison que l’Etat, qui doit lui verser une subvention pour compenser le manque à gagner consécutif à cette réduction, n’a pas délié les cordons de la bourse. Cette année, la situation s’est aggravée. Alors qu’elle n’appliquait la réduction qu’à une quarantaine de journaux, répertoriés par la HAPA, l’ancien ministre de la Communication, El Kory Ould Abdel Mowla, en application des directives venues d’on ne sait où, lui a ordonné d’imprimer tous les journaux ou ce qui en tient lieu, aux tarifs réduits. Il a, par la même occasion, demandé qu’une évaluation du manque à gagner soit établie. L’Imprimerie a été obligée d’appliquer les nouvelles dispositions et a évalué son manque à 297 millions d’ouguiyas. Mais, selon son directeur général, elle n’a reçu aucune ouguiya du ministère des Finances, malgré ses demandes répétées. Sa situation financière s’en est trouvée plombée.

Qu’est ce qui va se passer maintenant ?
Si l’Etat ne réagit pas vite et trouve une solution au problème, les journaux ne pourront pas faire aux frais d’impression et seront obligés de mettre la clé sous la porte. Ils ont déjà assez de problèmes comme ça.

Mais le problème ressurgit chaque année………
Qu’est-ce que vous voulez qu’on fasse ? Nous n’avons jamais cessé de demander aux gouvernements successifs de trouver, en concertation avec nous, des solutions aux problèmes de la presse. Les ministres de la Communication, qui se sont succédé, nous ont tous promis monts et merveilles mais aucun n’a tenu ses promesses.

Quelles solutions préconisez-vous ?
Il n’est pas normal que dans tous les pays démocratiques, la presse soit subventionnée et qu’en Mauritanie, elle n’ait droit à aucun soutien de la part des pouvoirs publics. Nous demandons qu’il y ait des états généraux de la presse pour débattre des vrais problèmes de la profession et leur trouver des solutions

In Le quotidien de Nouakchott du jeudi 24 décembre 2009

mercredi 23 décembre 2009

Portraits d’après mémoire Qui sont-ils, ces militaires qui nous gouvernent ?

Qui sont, réellement, ces officiers qui, de manière chronique, nous gouvernent, depuis 1978, sans jamais se lasser de reproduire les mêmes erreurs politiques, de susciter des marasmes économiques, corollaires d’une atmosphère sociale délétère ? A l’aboutissement de la chaîne liant Moustapha Ould Mohamed Salek, tombeur de Moktar Ould Daddah, à Maaouya Ould Taya, le tombeur de celui-ci, le général Mohamed Ould Abdel Aziz, serait-il l’épitaphe de la soldatesque au pouvoir, depuis plus de trois décennies? Après l’épisode du «Marabout et le Colonel», voici ouvert un 3ème baron, «Robin des Bois» ou sheriff, qui tire sur tout ce qui bouge. Ould Abdel Aziz serait-il le rédempteur tant attendu ou le dernier nuage toxique de passage? Qui est-il? Et qui sont, réellement, ses collègues qui gouvernent avec lui?



A/ Le général Mohamed Ould Abdel Aziz

On ne peut connaître l’âme, les sentiments, les intentions d’un homme, avant qu’on l’ait vu exercer le pouvoir et édicter des lois. Ces propos de Sophocle, il y a plus de 25 siècles, sont toujours d’actualité. J’avoue, avec le recul, avoir été triplement surpris, par le général Mohamed Ould Abdel Aziz, le désormais président de la RIM. Surpris, d’emblée, par son discours, en Arabe, juste après son coup d’Etat contre Sidioca. Je savais cet officier tout à la fois débonnaire et jusqu’auboutiste, dans toutes ces initiatives. Mais s’entêter, obstinément, à «cultiver son jardin», en un laps de temps si record, relève d’une opiniâtreté herculéenne. Certes, nul n’a le monopole du savoir. Le sage Socrate avait raison quand, par sa maïeutique - l’art d’orienter les consciences par de judicieuses questions – il se contentait d’«accoucher les esprits» et de confondre ses interlocuteurs, souvent imbus de leurs prétendues connaissances. Si Socrate concluait toujours par: «tout ce que je sais, c’est que je ne sais rien», il n’est jamais trop tard, pour un homme, de cultiver son goût, son sens critique et de parfaire sa « weltanschauung », surtout quand il postule aux plus hautes fonctions de l’Etat. Surpris, également, de la façon par laquelle le général Ould Abdel Aziz a géré la crise mauritanienne, à la … sénégalaise, jusqu’à l’élection présidentielle. En effet, il eût suffi à un quarteron de «Boy Nar», entretenant des relations, privilégiées, avec Gorgui, le président Wade, pour mettre en déroute un ceinturon d’opposants, cette fois-ci « Nar-gue-Nar » et « Nar-Boukhaiç » se croyant les «manitous» de la politique. Le stratagème est digne du cadeau empoisonné – le fameux cheval de Troie – offert, aux Troyens, par plus malins qu’eux, les Achéens. Jugez par vous-même. La démission, programmée, du général, l’octroi, à l’opposition, de quelques ministères – fussent-ils régaliens (Défense et Intérieur) – ont vite fait s’aiguiser l’appétit, gargantuesque, de tous les adversaires du putschiste. L’opposition, comme hyène affamée, en voulant vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué, n’a pu ou n’a su voir venir le «traquenard» posé, depuis longtemps, par le pouvoir militaire. Nos hommes politiques manquent de vision. N’ayant jamais effectué de service militaire, il leur manquera, toujours, une potion tactique, ce sixième sens qui vous permet de vous sortir des caves du désespoir.

Même les observateurs, neutres mais intéressés par la crise mauritanienne, ont été embobinés, légitimant ainsi les accords de Dakar, en leur donnant une carapace diplomatique, à l’échelle planétaire. Pourtant, des personnes dont l’empirisme, en politique, ne faisait plus doute, telles Ould Maouloud, Ahmed Ould Daddah, Messaoud, etc.. ont, eux-mêmes, tiré le thé, avant de se retrouver contraints de le boire trop vite. Ne savaient-ils pas que ces bacchanales «honorant» le culte de Dyonisos – Bacchus pour les potes latinistes – orchestrées par le pouvoir, n’étaient, en fait, que scénettes théâtrales destinées à échafauder, majestueusement, un guet-apens?

Là aussi, je ne savais pas le général Ould Abdel Aziz si fin diplomate calculateur, adepte – malgré lui? –de Machiavel. Qu’on le veuille ou non, ce général, impavide et impérieux, par moment, dont les agissements rappellent un certain Nietzsche faisant « parler Zarathoustra », s’est imposé, plutôt, en fin renard du désert, un Goliath plus qu’un David. Nous nous sommes tous trompés sur cet officier débordant d’ambition. Or l’ambition, chez l’homme, n’est légitime que tant qu’elle ne convoite pas la mégalomanie hitlérienne. Le général voulait, vaille que vaille, être le président de tous les Mauritaniens. Il l’est maintenant. Adolescent, l’un des plus illustres écrivains «de l’Atlantique à l’Oural», je nomme Victor Hugo, disait : je veux être Châteaubriand ou rien. Avec son imagination fertile et l’immensité de ses œuvres, il sut plier son destin à sa volonté.

Pour revenir à l’élection présidentielle de juillet 2009, personne n’a vu le coup venir: on imaginait un nouveau coup de force, des troubles, etc. Même l’ancien président, Ely Ould Mohamed Vall, après vingt ans de Sûreté nationale, n’a pas su lire, en amont, ce que son cousin nous réservait. On a le droit de se demander comment – pourquoi ? – un tel éminent officier, archi-moulu dans l’espionnage et le contre-espionnage, s’est révélé incapable de prouver la moindre «pratique dolosive» – si dol il y a – dans l’élection présidentielle ! De fait, c’est, surtout, dans la campagne électorale, interminable, du général que tout s’est joué. Son thème de prédilection, fustigeant les gabegistes, les prévaricateurs, et autres dilapidateurs de deniers publics, a été des plus judicieux. Mais cela suffisait-il à le faire passer dès le 1er tour ? Nous avons besoin de savoir. Il paraîtrait que, conscient des risques que lui auraient réservé un second tour, le général aurait incité jusqu’aux «djinns » à voter pour lui ! C’est ainsi que les bulletins, une fois dans l’urne, se seraient transformés en sa faveur. Au 21ème siècle, l’alchimie prend le pas sur les sciences normatives, au pays des hommes bleus. Ce « para-phénomène» rappelle celui des sorciers du Niger qui sillonnent, périodiquement, la sous-région. Ils vous tendent la main et vous avez l’impression que votre zizi a disparu. Dans ce cas de «figure», vous voilà dans l’obligation de «parlementer» avec eux, afin qu’ils vous restituent vos bijoux de famille, moyennant une substantielle somme, à votre grand dam.

L’opposition mauritanienne se trouve, me semble-t-il, dans cette situation. Elle éprouve l’ultime impression qu’on lui a volé sa victoire. Mais comment le justifier? Système «iranien» ? Système «sénégalais» ? Dans tous les cas, elle n’a d’autre choix que de dialoguer, de se concerter avec le pouvoir, afin de sauver le pays d’un bras de fer de trop, malencontreux pour tous les protagonistes.

Surpris enfin par sa facilité d’adaptation au pouvoir, aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur. Ceux qui croyaient – moi y compris – aux sanctions économiques diplomatiques et tout le tintouin, en ont été pour leurs frais. Sur le plan intérieur et pour la 1ère fois, nous voyons un président qui s’attaque, de front, aux racines du mal: ceux qui détournent les deniers publics. Certes, il a commencé par ses adversaires de toujours. Ce que beaucoup ignorent. En effet, le litige entre le général président et les cousins de Maaouya ne date pas d’aujourd’hui.

Depuis le début des années 90 et la fondation du BASEP qui a coïncidé avec le discours de la Baule et la démocratisation des régimes africains, un climat de méfiance s’est installé, entre le capitaine Ould Abdel Aziz et la majorité des officiers, cousins du président Maaouya. On déteste cet officier pas comme les autres qui refuse de fayoter les proches de Ould Taya et ceux-ci, dont la majorité est encore dans les rangs, feront tout pour l’évincer du BASEP. Ould Abdel Aziz sera, ainsi, muté au BCS, fera sa formation d’état-major au Maroc, pour se voir propulsé… adjoint à la 6ème région militaire. Passeront six à sept longues années où l’homme rumina, beaucoup. Il se sentait délaissé, marginalisé, victime de ces officiers cousins et fils de Maaouya qui ne l’aiment pas, parce qu’il n’a jamais accepté d’être leur marionnette. A son retour au BASEP, en 2000, on le soupçonne de vouloir fomenter un coup d’Etat, notamment lors de la manœuvre militaire de Tweile, en 2001. De fait, à force de crier au loup… il finit par se manifester. Ce sont, bel et bien, les officiers cousins de Maaouya qui ont fait germer l’idée de coup d’Etat, dans l’esprit du général Ould Abdel Aziz.

Commencer par Chriv Ould Abdellahi, Mohamed Ould Noueigued et consorts n’a rien de fortuit. Le ver est, depuis longtemps, dans le fruit. Tout le monde doit comprendre que, désormais, rien n’est impossible. Personne n’est intouchable. Le général Ould Abdel Aziz est-il le Messie, le Rédempteur attendu, de longue date, par le peuple mauritanien? Serait-il à la hauteur de ses aspirations?

L’histoire nous enseigne qu’en de pareils cas, il faut aller jusqu’au bout et ne jamais s’arrêter à mi-chemin. On accuse le général de n’avoir interpellé que ses adversaires – ceux qui n’ont pas voté pour lui – et d’épargner ses «amis» et sympathisants gabegistes. Il faut qu’il cogite sur cette problématique car l’histoire (encore elle) risque de se répéter. Parles temps qui courent, je dois du respect à l’ennemi qui ne se cache pas, plutôt qu’à un «ami» qui risque me lâcher, au moindre ennui. Enfin le général devrait méditer les paroles de son démiurge Maaouya, lors d’une certaine journée du 3 Août 2005: «Oh, mon Dieu, épargne-moi de mes amis, mes ennemis, je m’en charge!» A bon entendeur, chapeau !

B/ Le Général Mohamed Ould Meguett

Issu de la première promotion EOR (1975-1976) et active (1978-79), le général Mohamed Ould Meguett est, à première vue, parmi ces officiers de l’Armée qui sèment le vent. En effet, au moment où feu le colonel Minnih était chef d’état-major national, Meguett, alors directeur des transmissions, s’est forgé un alibi afin de devenir incontournable. On le croyait «pêcheur en eaux troubles», échafaudant querelles byzantines ou de chapelles, entre les officiers de l’Est et de l’Ouest. Avec le recul, on comprit qu’il n’en était rien. L’homme est ouvert à tout le monde, disposé à venir en aide et reçoit, donc, beaucoup; surtout ses proches. Machiavélisme? Une telle assertion nécessite un pas que je ne franchirais pas, désormais. Originaire de Cheggar, le général Meguett est, plutôt, un officier opportuniste, au sens tactique du terme, et son rôle, récent, au sein du conseil militaire, avant, pendant et après l’élection présidentielle de juillet 2009, illustre cette assertion. Il s’est beaucoup investi aux côtés du général Ould Abdel Aziz, par fidélité à ses principes. Au vu et au su de tout le monde, il recevait citoyens ordinaires, députés, maires, hommes religieux, personnes âgées, etc. Toujours avec mansuétude. Le matin, devant son bureau de l’inspection des forces armées, le nombre d’indigents et d’éclopés attirait l’attention du chaland qui se demandait: «est-ce la clinique d’un médecin dentiste?»

En sage, le général Meguett a toujours essayé de jouer les médiateurs, tout en se préservant d’offusquer son quelconque vis-à-vis. Bref, un homme de compromis et non de compromission, comme je le crus, des années durant. Saint Augustin a dit: «On ne connait son prochain que par l’amitié.» Officier expérimenté, ayant servi dans presque toutes les formations militaires du pays – centre d’instruction, régions militaires, bureaux d’état-major, etc. – le général Meguett, fidèle en amitié, surtout, est celui qu’on aimerait toujours avoir à ses côtés, tant ses conseils sont précieux. Et il suffit de le soustraire du «Kenach» des Oulad Ahmed de Chegar, pour que les «raisins»n’y poussent plus.

C/ Le Colonel Hanene Ould Sidi

Le Colonel Hanene Ould Sidi est sorti, en 1981, de l’Académie royale de Meknès, avec une kyrielle de collègues de promotion, à la fois compétents et surprenants. Captivants et compétents, quand il s’agit du général Ghazwani, des colonels Dah Ould Mamy, directeur des Douanes, de Sid’Ahmed Elmane, directeur du génie militaire, pour ne citer que ceux que j’ai réellement côtoyés. En somme, cette promotion de Meknès aurait pu s’appeler promotion «Rvoud Ehel Lekhlé». D’un côté, des officiers compétents; de l’autre, des calamités ne parlant ni arabe ni français, et dont la majorité n’est plus, d’ailleurs, dans les rangs.

Longtemps affecté dans les formations destinées à l’instruction militaire, le colonel Hanene Ould Sidi est parmi les officiers les plus brillants de notre armée. Il est, même, une référence, faisant partie de ceux qu’on appelle, communément, les Hanms – Hanene, N’Diawar, Meyine du 3ème bureau et S pour Seydina Oumar Ould Elemine qui devance, un peu, ses aînés, par l’immensité de sa culture générale tout court et non militaire en particulier.

Le Colonel Hanene Ould Sidi appartient à une éminente famille princière de Bassiknou – les Oulad Daoud – qui a su résister, des siècles durant, aux assauts des hordes touarègues venant du Mali voisin, permettant, ainsi, de dessiner les contours orientaux du «Trab Beïdane». Et ce, jusqu’à nos jours. Un milieu austère et inhospitalier a forgé, chez cet officier, un tempérament de même acabit mais, aussi, une mémoire d’éléphant, doublée d’une imagination fertile, le tout couronné d’un calme olympien, synonyme de fierté. Inspecter les forces armées et de sécurité est un poste qui lui sied. Pour une fois, on a respecté la notion de «l’homme qu’il faut, à la place qu’il faut».

Cependant, le colonel Hanene Ould Sidi doit, désormais, composer avec son neveu, le richissime colonel intendant de l’armée nationale, Hanene Ould Henoun. L’agora de ce dernier et son carnet d’adresses s’agrandissent, de jour en jour, dans leur fief de Bassiknou. L’oncle Sam qu’est Hanene Ould Sidi risque, s’il ne prend pas garde, de devenir, tout simplement, l’oncle Tom. Car ces querelles intestines peuvent, à la longue, ternir l’image de cette majestueuse famille qui a résisté à tous les soubresauts, jusqu’à nos jours. La génétique pourra-t-elle résister aux billets de banque? Toujours est il que l’argent peut «payer», même, les «âmes bien nées», mais jamais les chromosomes.

Ely Ould Krombollé, Paris, France

mardi 22 décembre 2009

Editorial: Libérez les ondes!

La semaine dernière, dans un excès de zèle dont ses responsables ont pris l’habitude, pour plaire au prince du moment, quel qu’il soit, la Télévision de Mauritanie (TVM) s’en est prise, violemment, à l’un des leaders de l’opposition démocratique, Ahmed Ould Daddah, dont elle a dénaturé les propos et fustigé l’attitude vis-à-vis du pouvoir. Lors d’une conférence de presse, Ould Daddah, conformément à son habitude et à son rôle d’opposant, au sein d’un système qui se définit comme une démocratie, avait condamné l’arrestation des banquiers, dans ce qu’il est désormais convenu d’appeler «l’affaire Ould Nagi», et avait demandé que l’opération d’assainissement que veut mener le régime ne soit pas si sélective. C'est-à-dire qu’elle ne cesse de viser, uniquement, ceux qui ont eu «l’outrecuidance» de ne pas choisir le candidat du «changement rectifié du 06 août», lors de la dernière présidentielle.
Il n’en fallait pas plus pour susciter l’ire des laudateurs pour qui toute occasion est bonne de régler des comptes, avec l’opposition, en général, et avec cet opposant, en particulier, qui refusent de courber l’échine. Déjà, il y a quelques mois, lorsque les parlementaires de l’opposition avaient envahi l’Assemblée nationale, pour protester contre le coup d’Etat six-aoûtard, la TVM avait truqué un montage grossier d’images, pour tenter de discréditer leur action. Sans que cela ne suscite aucune réaction de sa tutelle, encore moins de la HAPA qui doit, normalement, jouer le rôle de régulateur du secteur et mettre en garde contre les éventuelles dérives. Au fait, depuis quand avez-vous entendu parler de ce «machin»? Haute autorité, tu parles! La HAPA a bien été happée, rectifiée à la moulinette.
Cette fois, pourtant, la bêtise TV(fu)Meuse n’est pas passée inaperçue. La diatribe en question a été censurée du journal télévisé en français de la soirée. Le président aurait, dit-on, montré quelque signe d’énervement, surtout lors du passage qui voyait Ould Daddah déclarer, sur le ton de l’ironie, qu’au rythme où la situation se dégrade, Ould Abdel Aziz mériterait, bientôt, son titre de «président des pauvres». Une pique née, d’ailleurs, dans le jardin du Calame qui ne s’était pas privé de la lancer, il n’y a pas longtemps. Et qui reste à contredire dans les faits. Se taire, fermer les yeux et se boucher les oreilles ne suffit pas. Les porte-monnaies sont vides: silence radio, cécité TV; les rapatriés grelottent de froid: silence radio, cécité TV; trois humanitaires espagnols kidnappés: silence radio, cécité TV. Mais à quoi servent, donc, radio et télévision si elles sont incapables de nous informer sur ce qui se passe dans notre propre pays, nous obligeant à nous rabattre sur les chaînes satellitaires, arabes ou autres?
On se veut, pourtant, en démocratie et, dans un tel système, qui se dit le règne de l’agora, du forum, du débat public, en théorie aux antipodes de toute dictature, les organes de communication ne peuvent, évidemment pas, se contenter de servir un seul homme, une seule idée, un seul projet, fût-il paradisiaque. S’il revient, en définitive, au chef de prendre la décision, c’est en pleine conscience – du moins la plus pleine possible – des contradictions dont elle est issue et de celles qu’elle suscitera, nécessairement. Les contribuables qui financent, directement ou indirectement, ces médias publics ont le droit d’obtenir, en retour, la plus complète information possible. Nous avons vu, avec le mentor de notre actuel général-président, où conduisent, fatalement, la rétention et le maquillage des faits. A cette gabegie qu’on prétend, aujourd’hui, éradiquer. A cette pauvreté, généralisée, dont la défense est devenue un argument électoral, voire une légitimité présidentielle. Par quel tour de passe-passe les mêmes comportements conduiraient-ils à plus de transparence, plus de réflexion et de responsabilité citoyennes, plus de richesses exprimées, partagées, échangées? Soyez, enfin, un vrai démocrate, monsieur le président: libérez les ondes!
Ahmed Ould Cheikh

La semaine du blog

Piètres assemblées
Aux sessions ordinaires de l’Assemblée nationale, les députés de la majorité et ceux de l’opposition ne se ménagent pas. Ainsi, chaque fois qu’un des élus de cette «satanique» opposition intervient, la réplique, souvent insolente, ne se fait pas attendre de la part d’un de ceux qui se prévalent d’avoir sauvé le pays d’une dérive certaine, en soutenant le coup six-aoûtard. Certains de ceux-ci, au lieu d’exposer les problèmes de la circonscription qui les a élus, préfèrent s’interposer, avec zèle, aux interventions, parfois très pertinentes, de leurs collègues de l’opposition. Même si ceux-ci font, quelquefois, feu de tout bois en entreprenant maintes acrobaties pour évoquer des sujets qui fâchent, pas toujours d’à propos. Généralement, les débats parlementaires, qui devraient, surtout, éclairer les téléspectateurs sur le fonctionnement de notre république, se réduisent à de petites phrases indélicates et des propos grossiers. L’impression étant que certains veulent plaire aux ministres et au président, tandis que d’autres choisissent la provocation et la dérision. Résultat des courses: des débats de basse facture qui ne mènent à rien et sont indignes d’une chambre de représentants du peuple. Les prestations des parlementaires, au niveau des deux chambres et à quelques exceptions près, sont avilissantes. Normal car beaucoup de nos honorables ne sont pas si instruits que cela et la plupart n’a, pas encore, rompu avec les anciennes pratiques: rangs devant les bureaux de ministres, gouverneur de la BCM et autres hauts fonctionnaires de la république, notamment.
Et comme le président est à la recherche d’argent, pour tenir ses nombreuses promesses dont la plus pressante est l’amélioration des conditions de vie des fonctionnaires, il faudrait revoir, à la baisse, les rétributions, importantes, de nos «chers» parlementaires. La Mauritanie est pratiquement le seul pays d’Afrique à se prévaloir, sans justification, d’un Parlement bicaméral. Une auguste Assemblée nationale de 95 députés et un Sénat de 56 membres, tous grassement rétribués. Les institutions inutiles sont, aussi, une forme de gabegie et de malversation.

Wanted
Les « brillants » députés Sidi Mohamed Ould Maham et El Houssein Ould Ahmed Hadi, tout comme le puissant sénateur de Rosso, Mohcen Ould El Hadj, ont disparu de la scène. Ils sont invisibles, même, lors des sessions parlementaires que retransmet régulièrement la TVM. Que s’est il passé, depuis le coup six-aoûtard dont ils ont été les principaux soutiens, après avoir été les principaux instigateurs de la motion qui a conduit à la déposition de Sidi Ould Cheikh Abdallahi ? Les mauvaises langues parlent de leur disgrâce, auprès du président, pour «services trop bien rendus». L’un, autrefois très puissant, fait, aujourd’hui, profil bas, laissant passer la tempête. Les deux autres sont si découragés qu’ils ne prennent plus la peine de venir assister aux débats parlementaires. Le limogeage, intempestif, de certains de leurs proches a suffi pour leur faire comprendre qu’ils n’étaient pas si intouchables que cela. Fini le temps où ils étaient, régulièrement, invités par les chaînes satellitaires pour expliquer tel ou tel événement, répondre à tel ou tel politique.

A qui le tour?
Trois semaines après le rapt des espagnols, deux ressortissants italiens viennent d’être kidnappés sur le sol mauritanien. Encore une fois, au nez et à la barbe de nos vaillantes forces armées et de sécurité dont les hauts responsables prétendent qu’elles «s’étendent tout au long du territoire national». Les enlèvements, opérés en plein jour, suivent, pratiquement, les mêmes scénarii. Provocation des auteurs. Incapacité des forces mauritaniennes de l’ordre à cerner un phénomène qui s’amplifie de jour en jour. Des opérations qui, en plus de ternir l’image, déjà très écornée, de nos forces de sécurité, constituent, malheureusement, un coup dur au tourisme et aux investissements. Soixante jours après les propos, prometteurs, d’Ould Abdel Aziz, sur le perron de l’Elysée, ces deux incidents malheureux rappellent, en moins d’un mois, à son excellence, qu’il convient de mettre beaucoup d’eau dans son zrig et démontrent que le président ne mesure pas, à sa juste dimension, l’ampleur du phénomène. Il y a quelques jours, le gouvernement vient d’adopter de nouvelles mesures sécuritaires visant à mettre la police dans les conditions «idéales» pour accomplir sa mission. Cette année 2009, le budget de l’armée s’est élevé à 30 milliards d’ouguiyas: plus de deux fois celui de l’éducation (12 milliards) et trois fois celui de la santé (9 milliards). Tout cela pour dire que le problème n’a jamais été un problème d’argent mais une question d’organisation et de stratégie. Les promesses de la junte de tout faire pour régler la question sécuritaire a été, pour beaucoup, dans la légitimation par la France et la Communauté internationale du coup six-aoûtard. Son incapacité à les tenir lui fera, certainement, perdre quelques points. Parmi les principaux prétextes avancés par les «six-aoûtards», l’absence de sécurité. Alors, faut-il refaire le six août ? Après le rapt des trois espagnols, un général a été démis de ses fonctions. Aujourd’hui que des Italiens sont kidnappés, lequel de nos généraux payera t-il cette gênante déconvenue? A ce rythme, on n’en aura, très vite, plus aucun à disposition…

Colère ministérielle
Les interventions de Mohamed El Moustapha Ould Bedredine et Abderrahmane Ould Mini, députés, respectivement, de l’Union des forces du Progrès (UFP) et du Rassemblement des Forces Démocratiques (RFD), ont, particulièrement, déplu au ministre de la Défense, Hamady Ould Hamady. Les deux contestataires ont, dans leur intervention, mis l’accent sur les nombreuses lacunes dont souffre l’institution militaire. Selon l’un d’eux, l’armée nationale, qui a déserté les missions que lui confère la Constitution, s’est spécialisée dans le coup d’Etat. Alors que, pour l’autre, les officiers supérieurs n’enregistrent, comme faits de guerre, que les villas cossues, les cheptels et les importants comptes en banque. Pour Ould Bedredine, il faut fonder une nouvelle armée qui se consacrera à sa mission traditionnelle de sécuriser les biens, les personnes et veiller à la défense nationale. Dans sa réponse, le ministre de la Défense a regretté que des députés s’en prennent, avec autant d’irrévérence, à une institution aussi importante que l’armée nationale. Selon lui, jamais les militaires ne sont intervenus, en politique, sans qu’ils ne soient encouragés, implicitement ou explicitement, par des civils. Et à chaque fois, c’est, dit-il, que «le pays est au bord du gouffre.» Décidément, le ministre, qui vient d’entrer au gouvernement, veut se rattraper sur les raisons qui ont motivé le coup d’Etat – du mouvement rectificatif, dira-t-il – du 6 août. Sinon, pourquoi piquer une si vive colère, suite aux propos de parlementaires qui ne sont là que pour dire ce qu’ils pensent?


De la mauvaise gestion
Les directions régionales de l’éducation de Nouakchott gèrent mal le staff d’inspecteurs de circonscription dont elles disposent. Ainsi, alors que certaines inspections départementales comme celle de Arafat à titre d’exemple disposent d’une « poignée » d’ IC ( inspecteurs de circonscription ) qui ont pour mission d’encadrer, de conseiller, de former et de suivre les enseignants, d’autres comme celle de Riyad, malgré leurs nombreuses écoles, n’ont que deux inspecteurs. La raison de ce déséquilibre pédagogique résulte de l’incapacité des responsables régionaux de convaincre les encadreurs à accepter de travailler dans des moughatas qu’ils jugent recluses. La véritable raison étant que les populations de ces quartiers populaires ne perçoivent même pas l’importance du suivi pédagogique. Or, il est évident que tout fonctionnaire peut être affecté partout où le besoin se fait sentir indépendamment de sa volonté et de ses caprices. Le déploiement rationnel du personnel est un principe fondateur de la bonne gouvernance. Tout comme le mauvais investissement des ressources humaines constitue une forme très élaborée de la gabegie.

Déportés et contractuels du MEN : Même combat
Dia Abdoulaye, la quarantaine largement révolue, ne décolère pas. Lui, qui, sorti en 1982 en qualité d’instituteur de l’ENI de Rosso a été déporté de Guidakhar aux confins du Trarza vers le camp de Thiès où il passera plus de 8 ans loin de sa famille, de son pays et de ses proches. Depuis son retour en Mauritanie, il se bat comme d’autres pour être réintégré à la Fonction Publique. Vainement. Jusqu’à ce jour, le pauvre travaille pour survivre dans les établissements AlBaraka. Les demandes d’intégration qu’il a formulées sont si nombreuses qu’il ne se rappelle plus le nombre. Aux ministères de l’intérieur, de la fonction publique ou de l’éducation, la litanie est la même. Les responsables de ces différents départements se renvoient la responsabilité. Selon Dia Abdoulaye, l’arrivée au pouvoir de Mohamed Ould Abdel Aziz prétendument président des pauvres et des laissés pour compte, a fait renaître l’espoir. La communication faite par la ministre de la fonction publique devant le conseil des ministres le 15 octobre dernier a plaidé en faveur de l’intégration de 144 instituteurs et professeurs dont le ministère de l’éducation aurait fortement besoin. Plusieurs correspondances dans ce sens ont été échangées entre l’éducation et la fonction publique. Mais une fois encore, la lenteur administrative, le laxisme des responsables et l’irresponsabilité ambiante qui prévalent encore dans l’appareil administratif compromettent l’aboutissement de cette procédure. Sur un autre registre, les trois cents (300) contractuels, jeunes maîtrisards engagés en tant que professeurs, instituteurs déportés non encore intégrés et retraités, n’ont perçu aucun rond depuis la rentrée scolaire d’octobre 2009. Engagés sur la base de contrats en bonne et due forme, ces contractuels, responsables de familles nombreuses ne savent plus à quel saint se vouer. Ceux de Nouakchott ont pratiquement élu domicile sous les arbres du MEN. Leurs incessantes navettes entre le ministre et le secrétaire général ne leur ont occasionné qu’amertume et découragement. Sans le sou depuis trois mois, ces pauvres en appellent à la compassion du chef de l’Etat pour mettre fin à leur calvaire.

Vers un «blindage» de la législation contre le terrorisme: Attention aux dérives !

Le gouvernement mauritanien a examiné et adopté un projet de loi relatif au renforcement de la législation antiterroriste, à l’occasion d’une réunion spéciale, tenue le lundi 14 décembre dernier. Ces modifications qui seront, très prochainement, soumises à l’examen et à l’approbation des deux chambres du Parlement (Sénat et Assemblée nationale) concernent la loi 2005- 047.
La démarche des autorités consiste à «blinder» le traitement pénal des actes terroristes, dans un contexte sécuritaire hanté, depuis près de cinq ans, par l’ombre de la violence à visage islamiste, bestialement médiatisée par l’appellation «Al Qaida au Maghreb Islamique» (AQMI). Une initiative gouvernementale certes explicable et, même, tout à fait légitime mais qui n’est pas, forcément, le bon antidote face à un phénomène à dimensions multiples: sécuritaire, judiciaire, sociale, religieuse et économique.
Commentant la nouvelle, quelques heures après le conseil des ministres, le ministre de la Défense, Hamadi Ould Hamadi, a déclaré, au cours d’une conférence de presse: «la présente loi vise à combler les insuffisances constatées, dans la législation nationale, en matière de lutte contre le terrorisme et à adapter celle-ci aux exigences d’une réponse au fléau».
A signaler qu’avec ce nouveau style de communication, les membres du gouvernement, concernés par l’adoption de textes ou de communications passés en conseil des ministres, viennent, en compagnie du ministre de la communication, les présenter et commenter devant la presse. Une certaine avancée qui vient briser la glace du silence habituel.
Largement dérogatoires – en net écart avec les principes de respect des libertés collectives et individuelles des citoyens – comme si, face au danger et au casse-tête que représente le terrorisme, le régime du président Mohamed Ould Abdel Aziz poussait le cri de Saint-Just «pas de liberté pour les ennemis de la liberté» – et l’on sait où cela mena – les nouvelles dispositions, modifiant la loi de juillet 2005, permettent de «fliquer», à outrance, les individus «soupçonnés».
Illustration avec, notamment, l’autorisation de placer les «présumés terroristes» sur écoutes téléphoniques, fouiller leur domicile, à toute heure et, donc, bien au-delà de l’horaire fixé par le régime général en vigueur, qui interdit les perquisitions domiciliaires, au-delà de 22 heures. La révision comporte, également, un changement à propos de la prescription, le crime à caractère terroriste devenant, du coup, «imprescriptible». Autrement dit, possibilité de poursuites pendant toute la vie du «présumé auteur» d’un tel acte.

Le poids du contexte
Cette volonté de révision de la législation, en matière de terrorisme, intervient à la suite de toute une série d’attentats sanglants et autres actes du même ordre, dont les derniers en date sont le rapt de trois humanitaires espagnols, le 29 novembre dernier, sur la route Nouadhibou- Nouakchott et l’enlèvement la semaine dernière, non loin de Kobenni, d’un ressortissant italien, accompagné de son épouse d’origine burkinabée. Parallèlement, une soixantaine de présumés terroristes, accusés – soupçonnés? – d’appartenir aux cellules AQMI, sont détenus dans nos prisons. Le plus gros de ce contingent n’ont pas encore été jugés et sont embastillés, à titre «préventif».
Interrogé, le jeudi 26 novembre dernier, lors d’une brève visite à Rosso, sur le caractère prolongé de leur détention sans jugement, le président de la République a expliqué que la présentation de ces individus, devant la cour criminelle était retardé par le fait que les différents membres du groupe déposaient, régulièrement, des demandes de liberté provisoire. Une thèse catégoriquement rejetée par la défense de ces prévenus, qui renvoie à différentes dispositions du code de procédure pénal, pour faire constater que les demandes de liberté provisoire peuvent être acceptées ou refusées mais qu’en tout état de cause, elles ne sauraient retarder une éventuelle procédure aboutissant au jugement.
Au-delà de ces interprétations divergentes et contradictoires, courantes en pareilles circonstances, un constat s’impose: les coups de filet de ces dernières années et autres placements en détention «préventive» n’ont pas annihilé la violence terroriste. Pire, elle prend de l’ampleur, au fil des ans. Entre les lois contraignantes et, parfois, liberticides, édictées dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, ici et ailleurs, notamment dans les grandes démocraties, régulièrement dénoncées par les associations de défense des droits de l’homme, et le respect impératif des libertés fondamentales, il apparaît difficile de trouver un équilibre acceptable.
Dans le quotidien Biladi du 14 décembre, Ahmed Jiddou Ould Aly, ex-officier et observateur averti dans ce domaine, note que tous les Mauritaniens sont happés, aujourd’hui, par une réelle inquiétude, au plan sécuritaire, à l’instar du premier d’entre eux, le président de la République. Pour sortir de la «grande peur», celui-là plaide en faveur, non seulement, du renforcement de l’outil sécuritaire – déclaration du chef de l’Etat, à l’hôpital Cheikh Zayed – mais, aussi, « de la reformulation de toute notre politique de défense, en visant un seul objectif, essentiel: éliminer la menace que représente le terrorisme, pour notre pays ».Pour cela, il propose une stratégie globale qui prenne en compte tous les aspects sécuritaires. Rien que dans sa dimension militaro-policière, le combat contre le terrorisme doit mobiliser une pluralité de stratégies: rechercher et trouver les groupes ayant commis des attentats, dans une traque incessante, repérer les organisations susceptibles d’évoluer vers le terrorisme, leurs sources de financements, etc.


Les racines du mal
Cependant, en plus de la dimension sécuritaire et judiciaire, il apparaît, de plus en plus clairement, que la complexité du phénomène terroriste exige une prise en charge en amont. Aurélie Compana, professeur-adjoint au département de sciences politiques, à l’Université de Laval, et titulaire de la chaire de recherche du Canada, sur les conflits identitaires et le terrorisme, prône une lutte contre le terrorisme «islamiste», en s’alliant les musulmans «modérés». Elle devrait dire, simplement, les Musulmans, sans y ajouter le qualificatif «modéré»: les actes de violence terroriste n’ont, strictement, rien à voir avec la culture musulmane, tout particulièrement dans le contexte mauritanien, marqué par la pratique d’un rite malékite, ouvert et tolérant. Manière de rappeler, ici, que le peuple est le meilleur allié du pouvoir, dans ce combat pour la stabilité et, même, la survie du pays. Il appartient, au gouvernement, de trouver la démarche intelligente et appropriée, pour associer les communautés à sa croisade contre le terrorisme.
L’élimination, progressive, de la pauvreté et l’établissement des conditions minimales de vie décente doivent, largement, contribuer à cet objectif. Le reste sera obtenu par un large débat national, ouvert à toutes les forces vives du pays, pour stopper, définitivement, la progression du cercle des assassins, bombes ambulantes et autres preneurs d’otages. Un pouvoir sachant utiliser, avec intelligence, le bâton et la carotte arrive, toujours, à bout des situations les plus délicates.
Amadou Seck (Le Calame numéro 718 du 22 décembre 2009)

L’affaire BCM : Ould Nagi et Ould Oumarou entendus par le juge Un tournant décisif

Le juge d’instruction du 3ème cabinet du tribunal de Nouakchott, Mohamed Mahmoud Ould Mah, a entamé dimanche l’audition sur le fond des personnalités détenues à titre préventif dans l’affaire de détournement présumé opposant la Banque Centrale de Mauritanie (BCM) à l’ancien Gouverneur, ministre et ambassadeur en France, Sid’El Moctar Ould Nagi et des banquiers et hommes d’affaires.
L’interrogatoire sur le fond a débuté par l’ex gouverneur entendu sur les lieux de la détention. Cette étape est généralement considérée comme une phase déterminante dans toute procédure judiciaire dans la mesure où elle conditionne un possible non lieu ou un éventuel renvoi devant une juridiction, avec une possibilité de recours pour le prévenu et le parquet.
Les auditions dans le cadre de cette affaire se poursuivront dans les jours suivants avec l’ancien gouverneur adjoint de la BCM, Mohamed Ould Oumarou et les banquiers et hommes d’affaires Chriv Ould Abdallahi, actionnaire principal et Président du Conseil d’Administration de la BAMIS, Mohamed Ould Noueigued, PDG de la BNM et Abdou Maham, homme d’affaires et religieux.
La défense de Sid’El Moctar Ould Nagi est assurée par maîtres Moulaye El Ghali Ould Moulaye Ely et Lô Gourmo Abdoul. Avec un possible renfort de maître Aîssata Tall Sall, du barreau de Dakar, ex ministre. Ces trois avocats ont assuré la défense des intérêts de l’ancienne première dame, Mme Khattou Mint Boukhary, dans le cadre d’une affaire déclenchée par un groupe de sénateurs et pour la conduite d’une procédure en diffamation contre Baba Tandian, patron d’un groupe sénégalais de presse
Quant aux trois hommes d’affaires, ils sont défendus par une belle brochette d’avocats représentant la crème du barreau de Nouakchott au sein duquel on retrouve maîtres Brahim Ould Ebetty, Mahfoudh Ould Bettah, ex ministre de la justice et ancien bâtonnier pendant plus de 10 ans, Yakoub Diallo, ancien bâtonnier, le professeur Mohamed Mahmoud Ould Mohamed Salah…Mais aussi un vieux routier du barreau de Paris, maître Mario Stasi, présent dans les prétoires depuis une cinquantaine d’années, ex bâtonnier et actuel Secrétaire Général de la Fédération Internationale des Barreaux de Tradition Juridique Commune.
Une belle bataille judiciaire en perspective dans une affaire aux relents politique, tribaux et économiques de plus en plus affichés.
Une grande question taraude tous les esprits et brûle les livres, à l’orée d’une information inédite : la justice est- elle réellement indépendante chez nous avec le système hérité de l’ancienne puissance coloniale, et nos traditions faites de soumission à l’autorité du moment ?

Enorme controverse
La conduite autonome de cette affaire par le juge d’instruction pourrait marquer un point décisif dans l’indépendance de la justice en Mauritanie. Théoriquement, ce magistrat est doté de toutes les prérogatives légales pour mener les investigations pouvant établir la culpabilité ou l’innocence des individus mis en cause dans une affaire dont la nature pénale soulève encore une énorme controverse.
Une manière de dire que le juge du pôle financier encore embryonnaire de l’appareil judiciaire a tous les moyens légaux de remettre en cause le « verdict de culpabilité » rendu par le président de la République, par voie de presse, ou alors de confirmer l’implication de ces hommes dans une espèce de deal contraire aux intérêts de la République.
Cela, en dépit de nombreuses contraintes : emprise du parquet, carrière gérée par le Haut Conseil Supérieur de la Magistrature (CSM), une instance justement présidée par la première personnalité du pays qui a déjà rendu son « jugement ».
Mais, le magistrat, « c’est d’abord l’homme », selon maître Boucounta Diallo, du barreau de Dakar. Un avocat qui a plaidé dans le cadre de plusieurs procès politiques et donc forcément « sensibles » en Afrique au cours des dernières années.
Il est à présent légitime de se demander quelles stratégies de défense adopteront les différents protagonistes de cette affaire. Seront-ils solidaires ou ce sera le chacun pour soir et l’Etat contre tous ?
AS