mercredi 24 avril 2024

Editorial: En attendant l’Arlésienne…

Les Mauritaniens iront donc aux urnes le 29 Juin pour réélire le président Ghazwani. « Pourquoi lui et pas un autre ? », serait-on tenté de se demander. Tout simplement parce que c’est une élection sans enjeu. Il n’existe, à ce jour, aucun candidat capable de lui porter contradiction. Comme à son habitude, l’opposition y va en ordre dispersé, avec plusieurs candidats qui n’obtiendront à coup sûr que la portion congrue. Celui qui a les meilleures chances d’engranger le maximum de voix est incontestablement Biram, arrivé second en 2019. Pourra-t-il rééditer cet exploit ? Son électorat s’est-il érodé avec le départ de certains compagnons et les coups de butoir du pouvoir ? La candidature d’El Id Mohameden M’bareck ne va-t-elle pas lui ravir une partie de son exploit, surtout que le Front qui le présente a réalisé un score plus qu’honorable lors des dernières législatives, malgré son jeune âge ? Et que dire de l’opposition historique (RFD et UFP) qui ne s’est toujours pas prononcée, même si elle ne pèse plus lourd en termes d’électorat ? Dernière nouveauté : Des jeunes aux dents longues – Ahmed ould Haroun et Noureddine Mouhamedou – ont annoncé leur candidature et comptent beaucoup sur la jeunesse. Au Sénégal, disent-ils, c’est elle qui s’est battue et a fini par gagner. Pourquoi pas chez nous ? Pour une raison toute simple : le conglomérat – généraux, hommes d’affaires, chefs de tribu, notabilités, administration – qui nous dirige n’a pas dit son dernier mot et ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. Quitte à renouveler tous les cinq ans un cirque dont les résultats sont connus d’avance. L’alternance attendra. L’Arlésienne si désirée n’est pas à l’ordre du jour. Le sera-t-elle d’ailleurs un jour ? Ahmed ould Cheikh

jeudi 18 avril 2024

Editorial: Une réélection tranquille… et quoi, après ?

Comment ne pas faire, d’une réélection apparemment tranquille, les prémices d’une chute aussi brutale que désastreuse ? Se lever dès l’aube, descendre sur le terrain, déguisé et sans plus de cent MRU en poche, parcourir l’un ou l’autre des quartiers populaires, visiter telle ou telle école, service hospitalier d’urgences, entreprendre une quelconque démarche administrative, monter dans les taxis « tout droit », s’asseoir avec les ouvriers dans les ateliers, rencontrer de jeunes chômeurs errant dans les rues et écouter, partout, le bruit du peuple. Il souffre. La moitié de la population de la capitale ne dispose que de bidons d’eau pour ses besoins quotidiens. Il n'existe pratiquement aucun service de l’État qui fonctionne de manière régulière et efficace, il est presque impossible pour un citoyen lambda d'achever la moindre démarche administrative en une seule journée, exposé qu’il est au chantage et à l’avidité des fonctionnaires. La frustration et le mécontentement général ont atteint un rare degré de congestion et ce n’est pas peu dire que le citoyen a perdu espoir. Vu d’un palais entouré de dizaines de gardes, conseillers et chargés de mission, un tel tableau peut paraître d’autant plus irréel qu’il ne manquera jamais de citoyens sélectionnés à l’avance ni de dîners avec certaines élites courtisanes pour en nier l’existence, sinon l’édulcorer à outrance. À défaut de prendre son courage à deux mains et fort d’un pourcentage de voix adéquatement obtenu par ces acheteurs de conscience – mais quel marché de dupes ! – le réélu ira donc vers son très incertain destin… À moins qu’il n’entende, enfin, la vraie rumeur, celle de son peuple fatigué, et entreprenne, dans les réformes, le saut qualitatif qui les mènera à leur vrai bon port : la bonne santé du peuple. Ce jour-là, les citoyens sentiront qu'ils ont un président qui comprend leurs souffrances et se soucie de leurs aspirations. L’élu n'aura plus besoin de plaire aux notables et aux corrompus, par le biais de nominations et de marchés publics. Il aura enfin assumé son destin, porté par la confiance des gens ordinaires, ceux-là même qui forment la Nation. Ahmed ould Cheikh

vendredi 5 avril 2024

Editorial: Slogan creux?

Avis aux lanceurs d’alertes et à tous ceux qui dénoncent malversations, gabegie et corruption : ne faites plus de vagues ! Votre place est désormais la prison et devant les prétoires, non en plaideurs de ce que vous avez avancé contre les fraudeurs mais en accusés d’avoir divulgué ce que tout le monde sait déjà. Il est en effet de notoriété publique que les marchés – d’adduction d’eau potable, barrages ou routes… – donnent, comme ils ont toujours donné, lieu à toutes sortes de malversations, avec la complicité manifeste de l’Administration et parfois même du bailleur de fonds. Ould Ghadda n’a cité qu’un exemple parmi d’autres ; la justice devait s’en saisir et ordonner une enquête qui ne pouvait aboutir qu’à deux hypothèses : soit ce que l’ONG avance est vrai et les contrevenants doivent être sévèrement sanctionnés ; soit c’est faux et des poursuites seront alors engagées contre elle ; avec, dans les deux cas, application de la loi dans toute sa rigueur. Mais expédier l’ancien sénateur en prison avec une telle célérité ne grandit pas la justice. En agissant ainsi, ne prend-elle pas le risque d’écrouer un innocent avant qu’il ne soit jugé ? Des pratiques d’un autre âge dont elle n’arrive toujours pas à se départir. Qu’est-ce qui l’empêchait de commettre d’office une équipe d’experts et l’envoyer sur le terrain pour vérifier ce que l’ONG avance ? Ou n’a-t-elle fait qu’exécuter des ordres venus d’en haut pour réduire au silence un turbulent qui ne manquera de faire de nouvelles vagues ? Les coups tordus sont légion lorsqu’il s’agit de marchés publics et quand on commence à les éplucher de la sorte, cela risque de faire désordre. Pour peu, bien évidemment, que la lutte contre gabegie soit une réelle volonté politique et non pas un slogan creux… Ahmed ould Cheikh