mercredi 29 septembre 2010

Editorial : Dangereuses impatiences

«C'est parce que nous ne sommes plus une grande puissance qu'il nous faut une grande politique, parce que, si nous n'avons pas une grande politique, comme nous ne sommes plus une grande puissance, nous ne serons plus rien.» Cet aphorisme, lourd de sens, du général de Gaulle, sonne, à présent, comme une prémonition. Quand on voit comment le pays de la Révolution de 1789 est dirigé, comment ses politiques, intérieure et extérieure, sont menées, le soutien sans réserve qu’il apporte aux putschs et aux apprentis-dictateurs, la façon avec laquelle il traite les immigrés, dans l’Hexagone, et les demandeurs de visas, dans ses consulats, les débats passionnés que suscite, au sein de sa classe politique, un morceau de tissu sur la tête d’une femme, on se dit que quelque chose ne tourne plus rond dans les territoires de France et de Navarre. Beaucoup d’excitations à la petite semaine…
Sarko et Kouchner ont en commun des ascendances juives. Si cela ne suffit, hélas pas, à pondre une grande politique, cela ravit, en tout cas, les Sionistes qui apprécient, beaucoup, leur «laïcité orientée». A contrario, celle-ci leur vaut de solides inimitiés, particulièrement au Sahara, où l’AQMI, prompte à surfer sur n’importe quelle vague anti-occidentale, n’a pas tardé à enfourcher le cheval de la lutte contre un pays qui interdit le voile intégral et frémit devant barbes et hijabs. Les citoyens français sont devenus, du coup, une denrée très appréciée par les supputés djihadistes, pour punir, d’une part, ce pays qui prête main-forte à d’autres, dans des expéditions punitives contre ses combattants et obtenir, d’autre part, butins de guerre et libération de leurs amis emprisonnés par des pays satellites. Après Pierre Camatte, que la France a réussi à libérer, au prix de laborieuses tractations, Michel Germaneau, qu’on n’a pas pu sauver, c’est au tour de sept employés d’AREVA (dont cinq français) de goûter au charme de l’hospitalité aqmieuse. Sarko, qui se débat dans d’énormes difficultés, sur le front intérieur, ne sait plus où donner de la tête. Le «va-t-en-guerre», prêt à écraser tout sur son passage, s’est fait, subitement, tout doux. Son ministre de la Défense s’est dit prêt à négocier avec l’AQMI dont ils attendent les revendications.
Cela influera-t-il sur la stratégie mauritanienne d’attaques, tous azimuts, contre les bases et les colonnes de l’organisation nébulo-islamisante, au risque de compromettre les négociations pour la libération des otages français? La Mauritanie semble décidée, pourtant, à aller jusqu’au bout de son combat. Après les attaques de la semaine dernière, dont le bilan en pertes humaines et matérielles est entouré de la plus grande opacité, il ne se passe pas un jour sans qu’on parle d’une attaque ou d’un bombardement. Le pays est passé, subitement, d’une situation de paix à un état de guerre qui ne dit pas son nom. Avec toutes les conséquences que cela implique. On ne dit plus investissements, financements, bailleurs de fonds, projets de développement mais équipements militaires, RPG, Land Cruiser, munitions.
Cependant, voyez-vous, Français et Mauritaniens ont, en commun, un même penchant pour les paradoxes. Un exemple tout bête: nos militaires n’aiment pas la guerre. Ils n’ont intégré l’armée que pour avoir la paix. Et n’apprécient que très modérément qu’on trouble leur quiétude, surtout quand ils ne se sentent pas trop concernés… Alors, jusque à quand, mon général, abuserez-vous de leur patience?
Ahmed Ould Cheikh

jeudi 23 septembre 2010

Editorial : Introuvable moindre mal ?

«La meilleure défense, c’est l’attaque», dit-on en football. Ould Abdel Aziz a-t-il fait sienne cette célèbre maxime, chère à certains entraineurs pour qui le tout défensif ne peut pas garantir la victoire et, pire, laisse l’avantage à l’adversaire? En s’attaquant aux combattants d’AQMI dans leur fief, le président a voulu faire d’une pierre plusieurs coups: montrer à ces «fous d’Allah» que la Mauritanie ne se laissera plus faire, qu’elle va anticiper leurs coups, qu’elle a les moyens de les poursuivre là où ils se trouvent et que, désormais, la guerre est ouverte. Avec tous les risques que cela comporte, pour le pays, placé sous les feux de la rampe et sur la liste noire des zones où il ne fait pas bon s’aventurer. Mauvais zrig, pour le tourisme, et surtout pour l’investissement. Mais notre président n’est pas du genre à s’embarrasser de ce genre de détails. Que personne ne vienne fouler notre sol national! Rien ne le départira de sa mission d’exterminer ceux qui osent attaquer notre pays, tuer nos soldats et se faire exploser devant nos casernes. Ce que le Mali ou le Niger ont peur de faire ou que l’Algérie a été incapable de réaliser, nos forces armées et de sécurité l’ont fait ou tentent de le faire.

C’est dans ce contexte – empreint de je ne sais quoi – qu’est intervenue la dernière attaque, déclarée préventive, comme la précédente, d’une unité de l’armée mauritanienne contre une «katiba» d’Al Qaida, non loin de la ville malienne de Tombouctou. Cela s’est passé le vendredi 17 septembre, en fin d’après-midi. Les combats, d’une rare violence, auraient duré toute la nuit et la matinée du lendemain. Bilan officiel: douze tués, dans les rangs d’AQMI, et six, côté mauritanien. Un bilan qui serait beaucoup plus lourd, selon une source sécuritaire algérienne qui, dès la matinée du samedi, évoquait au moins quinze morts parmi nos soldats. Mais d’où les Algériens tiennent-ils cette information? D’Al Qaïda elle-même que beaucoup affirment être largement infiltrée par la sécurité militaire algérienne? On n’a pas oublié l’affaire «Abderrazak El Para», toujours porté «inconnu» des services pénitentiaires de notre puissant voisin… Mais dans quel intérêt celui-ci gonfle-t-il nos pertes? Pourquoi ne nous prête-t-il jamais main forte, alors que l’ennemi est déclaré «commun», préférant cloîtrer ses troupes, à l’intérieur de frontières qui ne devraient pas les protéger, pour autant, des foudroyantes attaques terroristes, si l’on en croit les théoriciens de la «Blitzkrieg»?

A contrario, dans quelle mesure cette stratégie de ligne Maginot pourrait-elle être efficace? Donner des coups, c’est s’exposer à en recevoir. Du coup, la stratégie mauritanienne de mouvement hors des limites du territoire national apparaît bien aventureuse et d’une témérité de mauvais aloi. Ne devrions-nous pas multiplier, plutôt, nos efforts pour assurer des contres décisifs, sitôt que l’ennemi franchit nos frontières et, donc, une meilleure surveillance de notre espace? Sentant le pays plus que jamais dans l’œil du cyclone, l’opinion est divisée. Le sentiment d’insécurité gagne du terrain. Combiné aux incertitudes économiques quotidiennes, il entretient de dangereuses fissures dans la confiance envers le pouvoir en place et, surtout, dans notre hypothétique unité nationale. «De deux maux, il faut choisir le moindre», dit-on communément. Mais, en cette complexe occurrence, quelqu’un détermine-t-il, vraiment, celui-ci? Le cas échéant, selon quelles perspectives?

Ahmed Ould Cheikh

mardi 14 septembre 2010

Editorial : Pauvres de nous!

Comme nous l’annoncions dans notre édition du 24 août, Le Calame a pris ses deux semaines de vacances. En attendant qu’un hypothétique dialogue s’instaure ou que la majorité et l’opposition arrêtent de se chamailler pour des broutilles. Peine perdue, apparemment. Le dialogue, c’est désormais l’Arlésienne. On en parle mais on ne le voit jamais. La faute à qui? A l’opposition qui ne cesse de le réclamer ou au pouvoir pour qui les Accords de Dakar appartiennent au passé? Et que même Said Djinnit, le représentant de l’ONU en Afrique de l’Ouest, qui avait assisté aux difficiles négociations dans la capitale sénégalaise, n’a pas fait fléchir d’un pouce.

Il faut dire qu’Ould Abdel Aziz a d’autres chats à fouetter que de discuter avec une opposition qui refuse de voir les «progrès immenses réalisés, par notre pays, sur la voie du développement». Il veille sur tout et contrôle tout, y compris la moindre dépense et le plus petit marché public. Et ne manque pas une occasion de rappeler, à ses ministres, qu’ils sont, tous, sur un siège éjectable, à tout moment. Ce n’est, pourtant pas, forcément la meilleure manière de penser à l’avenir et de travailler à tête reposée, avec suspendue, au dessus de celle-ci, une telle épée de Damoclès...

Mais bon. Les Mauritaniens ont leur président «Superman», ils peuvent, désormais, dormir tranquilles. Les voleurs de deniers publics savent, à présent, à quoi s’en tenir. Et AQMI doit bien compter ses volailles, avant d’en éparpiller les plumes. Les barbus peuvent toujours courir, envoyer un ou deux commandos prétendre massacrer nos militaires, expédier quelques kamikazes à Nouakchott ou Néma. Leur poulailler se dépeuple. D’autant plus que nos vaillantes-forces-armées-et-de-sécurité veillent au grain et qu’Ould Abdel Aziz l’a dit et répété : «Nous ne libérerons pas les terroristes sous la contrainte». Mais sous la pression «amicale» de nos amis espagnols ou lorsque le «guide éclairé», dans son infinie bonté, décidera d’en gracier à la pelle. Histoire de regarnir le poulailler?

Le gouvernement, lui, n’est pas en reste. Il s’agite sur plusieurs fronts. Il peut se prévaloir d’avoir planté quelques arbres, après en avoir arraché d’autres; d’agrandir deux ou trois avenues, pour les transformer en piscines, à la moindre goutte de pluie; de délivrer un agrément, pour une société de distribution d’hydrocarbures, et un autre, pour une compagnie d’assurances. Mais ne demandez surtout pas à qui. En Mauritanie nouvelle, il n’y a ni népotisme ni favoritisme. Juste un petit coup de main à des proches dans le besoin. Et comme l’écrasante majorité des Mauritaniens est dans cette situation, vaut mieux n’en avoir pas trop, des proches. Faut trier, et, tout ça, sous l’œil attentif du président des pauvres… Particulièrement au lendemain d’un éprouvant Ramadan… Ah, pauvres de nous!

Ahmed Ould Cheikh