samedi 23 décembre 2023

Editorial: Au delà des faits

Beaucoup se sont étonnés du verdict rendu à l’issue du « Procès de la Décennie ». Il faut cependant entendre le caractère très relatif de cette « issue ». Le processus judiciaire peut en effet comporter deux autres étapes – l’appel et la cassation – susceptibles de modifier sensiblement le jugement prononcé en première instance. Il faut donc lire entre les lignes des réactions, notamment celles des avocats de l’accusation et de la défense dont nous avons publié la semaine dernière les interviews. Dans le sien, maître Lo Gourmo Abdoul insistait, sans présumer des suites à donner en appel aux autres fautes imputables aux divers accusés, sur le caractère « absolument incontestable » des deux seuls chefs d'accusation –l’enrichissement illicite et le blanchiment d’argent – retenus par le juge à l’encontre de Mohamed ould Abdel Aziz. Pour la défense de celui-ci, maître Taleb Khyar s’est attaché quant à lui à les contester, en invoquant des « charges fondées sur la seule rumeur » et « des témoignages émanant de personnes incultes en matière financière »… La balance – celle de la justice jugeant objectivement de faits – semble bel et bien pencher du côté de l’accusation et, à moins d’apporter des preuves irréfutables concernant l’origine de la fortune amassée par son client durant sa décennie de pouvoir, la défense risque fort n’avoir qu’à batailler pour ne pas voir la Cour d’appel élargir l’éventail des charges et des accusés finalement condamnés… avant de se rabattre, au dernier round, sur une hypothétique exhumation de vices de procédure pour faire relaxer son ou ses client(s). Une échappatoire qui porterait cependant un coup fatal à la crédibilité de notre justice aux yeux du peuple mauritanien aujourd’hui assez calme devant le verdict de la première instance… L’autre dimension de l’aboutissement de ce procès inédit concerne la jurisprudence. Sera-t-elle de nature à dissuader vraiment d’autres chefs d’État, notamment en Afrique, à se détourner d’écarts analogues à ceux retenus à l’encontre de MOAA ; ou, tout au contraire, à accentuer leur mainmise sur le pouvoir judiciaire et à s’appesantir sur le leur, en multipliant leur mandat jusqu’à plus soif ? Dans un contexte ouest-africain où la démocratie subit, régulièrement ces dernières années, les chocs d’interventions militaires, la question n’est pas anodine. La justice mauritanienne a jugé de certains faits mais il lui reste encore à faire… Ahmed ould Cheikh

samedi 16 décembre 2023

Editorial: En fidélité à nos pères...

Lorsque le président zaïrois Mobutu Sese Seko lui offrit un chèque de cinq millions de dollars pour changer sa garde-robe, feu Mokhtar ould Daddah ordonna au Trésorier général d’encaisser le chèque et décida de construire, avec ce montant, l’École Normale supérieure pour former des professeurs dont le pays avait tant besoin. Il n’en garda pas un dollar pour lui bien qu’il s’agît d’un don personnel. Qu’elle est loin cette période où l’argent n’était pas roi et où les pères fondateurs se souciaient d’abord de l’intérêt général ! Le dernier épisode du procès de la décennie qui vit Ould Abdel Aziz déclarer avoir reçu en don, juste avant de quitter le pouvoir, des valises contenant des millions de dollars et d’euros, indique, si besoin était, qu’on est à mille milles de la Mauritanie des bâtisseurs, celle où l’intégrité et le désintéressement étaient la règle et non l’exception. Quand un ex-Président reconnaît, devant l’opinion publique, les enquêteurs et la Justice, qu’il est immensément riche, il y a de quoi avoir des sueurs froides pour ce pays. Reconnaître, toute honte bue, qu’on a amassé une fortune à l’exercice d’une fonction où l’on se devait d’être exemplaire, c’est avouer combien bas l’on est tombé. Depuis que les militaires ont pris possession de ce pays, les fonctions publiques ne sont plus jugées qu’à l’aune de ce qu’on peut en tirer ; les détournements et la prévarication sont devenus la norme et l’argent, l’objectif de tout un chacun… jusqu’au plus haut sommet de l’État.« Le présent est pour les riches et l'avenir pour les vertueux », énonçait, en France au 17ème siècle, Jean de la Bruyère. Une désespérante sentence que lui dictait certainement le passé de son pays. Mais celui du nôtre ne nous convierait-il pas à penser résolument le contraire et tenter au moins de le vivre ? Car Dieu certes nous rémunérera en ce sens… Ahmed ould Cheikh

samedi 9 décembre 2023

Editorial: Jugement de Salomon?

Il a tiré à sa fin. Enfin, serait-on tenté de dire. Le procès d’Ould Abdel Aziz et ses douze co-accusés est entré dans sa dernière ligne droite depuis le jeudi dernier. Ce jour-là, la cour est entrée en délibération et a statué sans discontinuer jusqu’à l’annonce du verdict ce lundi 4 décembre. Après les plaidoiries des avocats et le réquisitoire du Parquet qui a demandé vingt ans de prison pour le principal inculpé, les accusés ont eu droit à la parole. Le plus attendu était incontestablement Ould Abdel Aziz. Après avoir réclamé en vain d’être jugé par une Haute cour de justice en tant qu’ex-Président, il a fini par faire contre mauvaise fortune bon cœur. Devant une assistance médusée et alors qu’il avait toujours refusé de dévoiler l’origine de son immense fortune, il a affirmé que son successeur lui a remis, juste avant qu’il ne quitte le pouvoir, deux valises remplies de millions d’euros et de dollars, ainsi qu’une cinquantaine de véhicules tout-terrain. Une nouvelle stratégie visant à noyer le poisson ? Une expression qui, selon le dictionnaire, veut dire, au sens figuré, « embrouiller les choses pour escamoter une question ou un objectif ». Pour un coup d’essai, ce fut pour cette fois un coup, non pas de maître, mais d’échec ; MOAA n’ayant avancé la moindre preuve à ce qu’il affirme. Et cela ne justifie toujours pas pour autant l’origine de l’énorme trésor de guerre qu’il amassé en onze ans de pouvoir et dont ces millions d’euros et de dollars – s’ils sont avérés – ne constituent qu’une infime partie. Le remède fut donc pire que le mal. Une conduite que ne lui ont certainement pas conseillée ses avocats. Sauf s’ils veulent le noyer. Comme le poisson. Au sens propre. Et ils n’ont réussi qu’à moitié puisque leur client n’a écopé que de cinq ans de prison mais assortis de la confiscation de tous ses biens ainsi qu’une amende de 50 millions MRU. Un verdict clément vu les charges retenues contre lui. Après un an d’un procès marathon, peut-on dire que la Cour a accouché d’un jugement de Salomon? Ahmed ould Cheikh

samedi 2 décembre 2023

Editorial: Au p’tit malheur la chance…

La nouvelle a fait les choux gras de la presse nationale la semaine dernière. Une partie du plafond de l’aéroport Oum Tounsy s’est effondrée, ne provoquant heureusement aucun blessé. Les images montrent de grands pans du faux-plafond à même le sol. L’information n’a suscité aucune réaction officielle, ni de la société MCE qui a construit celui-là, ni d’Afroport, l’entreprise émiratie qui gère cet aéroport. Sachant que l’édification de cette infrastructure fut confiée à une société dépourvue de la moindre expérience en la matière, on pense évidemment à un défaut de fabrication… Sinon de contrôle lors de la mise en place du plafond ? Ou un problème de maintenance de la part de la société qui le gère et dont la vocation première est plus d’encaisser de l’argent qu’autre chose ? Il y a en tout cas un problème et une enquête sérieuse devrait situer les responsabilités pour éviter ce genre d’incident ; non seulement à l’aéroport – une des vitrines de notre pays – mais aussi en d’autres infrastructures construites durant la décennie azizienne. Il est en effet de notoriété EdEdpublique qu’érigés à la hâte et sans contrôle sérieux, des immeubles abritant des institutions gouvernementales, des écoles, des routes et des barrages, entre autres, ne sont pas aux normes. Et la catastrophe n’est jamais loin quand les règles de sécurité ne sont pas respectées. Faudra-t-il attendre qu’elle se produise pour qu’on vérifie pour de bon le respect intégral des cahiers de charges et qu’on instaure un vrai suivi des bâtiments publics ? Un p’tit malheur, le faux-plafond d’Oum Tounsi… la dernière chance d’en éviter un gros, catastrophique lui ? Ahmed Ould Cheikh

vendredi 17 novembre 2023

Editorial: Massacre : dix, cinquante ou cent pour un ?

« Dix innocents exécutés au hasard pour chaque colon tué » : tel n’a jamais cessé d’être le châtiment infligé aux peuples résistants à leurs envahisseurs : nazis en France, japonais en Chine, français en Algérie, américains au Vietnam, sionistes aujourd’hui en Palestine… C’est ainsi, citoyen de ce monde, qu’on écrase les rébellions. Et s’il le faut, âme sensible aux droits de l’Homme, ce sera même vingt, cinquante ou cent pour un, si les gouvernements des pays musulmans continuent à laisser la main libre au massacre perpétré à Gaza ! Ainsi en ont décidé les dirigeants de la Ligue arabe et de l'Organisation de la coopération islamique (OCI) réunis le samedi 11 Novembre à Riyad. Oh certes, des « condamnations » de la Sionie, des « exigences » auprès des Nations-Unies, des blablateries en veux-tu en voilà, il n’en a pas manqué, entre verres de thé et plus discrètes coupes d’autre chose en aparté ! Car il fallait bien fêter ça : on avait réussi à éviter le pire, en s’abstenant d’énoncer, tous ensemble et d’un seul bloc, des mesures économiques et politiques punitives à l’encontre du démoniaque oppresseur… mais tout de même obligé partenaire économique et financier, à la tienne ! Soyons donc sages et laissons le boycott des produits sionistes au populo… s’il arrive à se défaire de ses addictions à Coca-cola, Sprite, Fanta et consorts, Danone, Nestlé, Nescafé, Intel et ses Pentium, L’Oréal et Lancôme, Levi Strauss Jeans et Timberland, Mc Donald’s et Burger King, Kleneex… voire, ce serait un comble, à Apple et ses si jolis petits i-pads ; j’en passe et probablement des pires encore… La liste des soutiens à la Sionie est en effet très longue ; mais certainement beaucoup, beaucoup moins que celle du milliard et demi de musulmans… s’ils se décident enfin d’agir, chacun dans sa casbah, dans le bon sens de leur histoire commune. Enfin au secours de nos frères et sœurs palestiniens ! Ahmed ould Cheikh

samedi 11 novembre 2023

Editorial: Une probité mauritanienne à retrouver

Après une décennie de malheurs conclus par le procès pour détournement des biens publics, blanchiment et malversations de tout ordre, la gabegie a-t-elle pour autant reculé dans notre pays ? On serait tenté de répondre par la négative à la lecture du dernier rapport de la Cour des Comptes pour les trois dernières années (2019, 2020 et 2021) qui a révélé d’innombrables cas de mauvaise gestion et de prévarication dans plusieurs départements ministériels. Aussitôt remis au président de la République, il a fait ses premières victimes. En attendant d’autres ? Deux secrétaires généraux de ministère et un haut fonctionnaire ont été sommés de faire leurs bagages. C’est bien peu, serait-on tenté de dire, mais il paraît que beaucoup d’autres ont été priés de rembourser et ne se sont pas fait prier pour s’exécuter. Est-ce suffisant ? Doit-on continuer à limoger à tout bout de champ ceux dont les noms sont cités dans des malversations ? Ou fermer les yeux lorsqu’il s’agit de délits mineurs, exiger de leurs auteurs de passer à la caisse et les maintenir en fonction ? Ce faisant, on fait mine d’oublier le célèbre proverbe français selon lequel « qui vole un œuf, volera un bœuf ». A contrario, une opération « mains propres » ne risque-t-elle pas de dégarnir la haute fonction publique tant la prévarication y est devenue un sport national ? Personne n’aimerait être à la place de Ghazwani. Comment en effet diriger un pays où l’on confond, depuis plus de quarante ans, si aisément deniers publics et deniers privés ? On l’attend avec impatience, cette éducation républicaine et civique où la probité sera réellement ramenée aux nues. Car elle était bel et bien de rigueur, il y a encore à peine cinquante ans… Ahmed ould Cheikh

samedi 4 novembre 2023

Editorial: Grandeur, déchéance… et élévation

Qui aurait pu imaginer que l’homme le plus puissant de Mauritanie pendant plus d’une décennie finirait dans le box des accusés comme un vulgaire voleur de portables ? Qu’après avoir nargué tout le monde avec condescendance, majorité comme opposition, il ne susciterait plus aujourd’hui que compassion ? Comment comprendre la déchéance d’un homme qui n’aura cessé de claironner qu’il ne perdait jamais ? Le procès de l’ex-Président qui se tient depuis quelques mois nous a rappelé au moins deux choses : rien n’est éternel ici-bas et il faut savoir garder les pieds sur terre. Ould Abdel Aziz est en train de l’apprendre à ses dépens. Celui dont le règne fut marqué par une gabegie sans nom s’est sans doute rendu compte que l’argent n’est pas tout et que, lorsque cesse l’impunité, le château de cartes bâti à coups de milliards mal acquis ne peut résister à la première inspection sérieuse. Voilà comment l’on[p1] se retrouve nu, du jour au lendemain, tiraillé entre les commissions d’enquête, les commissariats de police, le procureur et le juge… avant de rejoindre la case prison. Un scénario dont Ould Abdel Aziz aurait bien pu se passer s’il n’avait pas été atteint par ce mal incurable qu’est la boulimie dévastatrice. Enfin bref, les jeux sont faits. Il fallait nécessairement un avant et un après procès de la décennie pour qu’on puisse dire « plus jamais ça ! ». Certes il y en aura encore des prétendants à tenter le contraire – il y en a déjà et tous ne sont pas (encore ?) dans le collimateur des enquêteurs – mais les vingt ans de prison ferme requis par le ministère public devraient en faire réfléchir plus d’un. Le temps s’est rafraîchi. La Mauritanie va-t-elle enfin respirer et se développer à la mesure de ses nombreuses richesses ? C’est au final beaucoup plus à cette ordalie qu’a une sentence répressive qu’on espère voir aboutir le procès de la Décennie. Une ascension, donc, bien plus qu’une déchéance… Ahmed ould Cheikh

samedi 28 octobre 2023

Editorial: Servir tant que l'on peut

L’information circule depuis quelques mois déjà. Treize généraux et une vingtaine de colonels s’apprêtent à mettre leurs rangers au placard après avoir crapahuté durant de longues années. Pour certains, en tout cas. Si la nouvelle est favorablement accueillie par une partie de l’opinion publique, qui voit dans la Grande Muette une des sources du malheur de notre pays, elle n’en est pas moins lourde de significations. Renvoyer tout ce monde d’un seul coup n’est peut-être pas sans risque pour une armée, dans le contexte régional actuel extrêmement instable. Avec les dangers qui nous guettent d’un peu partout. Non pas qu’il s’agisse ici de plaidoyer pour quiconque mais le fait est là. Au moment où les généraux au Maroc et en Algérie ne partent à la retraite que très tard–leur pays respectif ont grandement besoin de leur expérience et de leur compétence – on renvoie les nôtres dès la limite d’âge atteinte. Le général Hosni Ben Slimane dirigea la gendarmerie royale plus de quarante ans durant. Il en fit un corps d’élite et ne partit à la retraite qu’à plus de quatre-vingt ans. Certes il ne manque pas, parmi nos généraux, de promus par complaisance, népotisme et favoritisme flagrant, au détriment de beaucoup plus compétents qui pouvaient légitimement prétendre au grade. Mais certains méritent amplement leur titre. Les mettre à la retraite à un âge aussi précoce, c’est se priver d’officiers de valeur pouvant servir leur pays pendant une décennie au moins. Au Sénégal voisin, des généraux sont souvent rappelés pour occuper des hautes fonctions. Un exemple à suivre ? La question suggère une autre vision de l’utilité de chacun au service de la communauté. Et certes : si l’âge de la retraite nous autorise à mettre fin à cette mission – peut même nous y obliger si des compétences au moins égales aux nôtres se pressent à la succession – l’intérêt supérieur de la collectivité n’en devrait pas moins toujours pouvoir commander nos choix. Ahmed ould Cheikh

samedi 21 octobre 2023

Editorial: Visites-éclair en guise de coutures ?

Il y a quelques semaines, le président de la République effectuait de fulgurantes visites-éclair à l’hôpital national, au centre neuropsychiatrique et au centre national de cardiologie. Cela ne lui aura sans doute pas permis de se rendre compte de l’état de déliquescence où se noie le secteur de la santé, les visites- surprises des présidents n’étant pas si inopinées que ça. Celles-là ont en tout cas fait une première victime : le directeur de l’hôpital national, limogé dans la foulée pour n’avoir réussi à gérer une structure hospitalière dont les services se sont sérieusement dégradés, du moins si l’on en croit les patients condamnés à en user. Un coup d’épée dans l’eau quand on sait combien tous les hôpitaux et centres de santé souffrent des mêmes maux, s’ils ne sont pas déjà à l’agonie : absentéisme et manque d’engagement du corps médical, faible capacité d’accueil, absence du minimum syndical même pour les soins primaires, favoritisme, népotisme et gabegie. Il serait certes injuste de mettre tout le monde dans le même panier. Des responsables d’hôpitaux se battent avec les moyens du bord pour s’organiser et offrir des services relativement corrects aux patients. Mais c’est l’exception, alors que cela devrait être la norme. Et que dire des médicaments, cette jungle où règne le désordre total ? Ouvert aux quatre vents, notre pays en reçoit de partout. En son temps, Nedhirou avait essayé d’y mettre un peu d’ordre mais la situation a sérieusement empiré depuis son départ. Tout un chacun uniquement à tirer son épingle du jeu, comme s’il n’y avait plus que le jour après jour à vivre, c’est tout le tissu d’une société mal cousue qui s’effiloche. Et ce n’est certainement pas à coups d’ouvertures ou de fermetures-éclair qu’on en rétablira la trame… Ahmed ould Cheikh

samedi 14 octobre 2023

Editorial: Tour de passe-passe

Qui se souvient encore d’Arise Mauritanie, cette société fondée en vingt-quatre heures par deux indiens décidément chanceux et avec lesquels pas moins de cinq ministres signèrent, en un temps record, une convention pour la construction d’un quai à conteneurs au port de Nouakchott ? Sur ordre bien évidemment d’Ould Abdel Aziz, quelques mois avant son départ du pouvoir en 2019. L’affaire avait fait grand bruit à l’époque. Tout le monde y vit – à juste titre d’ailleurs – un montage grossier réalisé pour des motifs inavouables au profit de la parentèle de l’ex-Président. Le dossier avait même été inclus dans l’agenda de la commission d’enquête parlementaire avant qu’il n’en soit retiré. Sans explications. Sentant le vent tourner, les deux tristement célèbres frères Gupta, décidaient d’impliquer le groupe français Meridiam, en lui cédant la majeure partie du capital de la société. La France entrait alors en jeu et Macron de jouer, auprès de Ghazwani, le VRP de cette entreprise qui pouvait désormais dormir sur ses deux oreilles. Jusqu’à quand ? Il va bien falloir que cette affaire dévoile, un jour ou l’autre, ses secrets. Après le coup d’État au Gabon, l’opinion publique et la Société civile n’ont cessé de dénoncer les accointances entre le groupe Arise IIP et l’ancien pouvoir. Et le nouveau n’aura d’autre choix que de jouer carte sur table. À quand notre tour ? Il faudra bien qu’on nous dise un jour ou l’autre par quel tour de passe-passe le miracle Arise a eu lieu et comment cette énorme casserole a pu échapper aux mailles du filet de la commission parlementaire… Ahmed ould Cheikh (1) : voir notamment : www.humanite.fr/monde/tchad/enquete-sur-arise-iip-la-firme-qui-depouille-les-paysans-africains-789407

samedi 7 octobre 2023

Editorial: Irresponsabilité individuelle et collective

Y-a-il dans ce pays une direction du contrôle des produits alimentaires ? Un service d’hygiène ? Un département pour l’inspection sanitaire des aliments ? La réponse peut paraître surprenante : tous ses services existent mais… ne sont que des coquilles vides. Aucun contrôle ni inspection, encore moins descente sur le terrain pour constater par eux-mêmes les dangers que font courir quotidiennement aux populations des commerçants ne reculant devant rien pour tirer un maximum de profits. Voyez par exemple l’éloquente vidéo qui circule sur le Net depuis quelques jours à propos de la consommation de la menthe. On voit celle-ci quotidiennement arrosée, dans les jardins de Toujounine où elle est cultivée, d’une eau totalement insalubre. Puis le reportage nous conduit au marché où des pesticides et des produits chimiques hautement toxiques sont exposés aux étals et vendus au premier venu. Des produits banalement utilisés dans ces mêmes jardins pour lutter contre les insectes. Imaginez donc le cocktail que vous ingurgitez tous les jours en sirotant votre verre de thé… De plus en plus de médecins s’inquiètent de la multiplication exponentielle des cancers dans le pays. L’explication est peut-être ici. Elle est sans doute aussi dans l’importation anarchique d’aliments débarqués de tous les coins du Monde sans le moindre contrôle. Des produits périmés, impropres à la consommation ailleurs, d’autres congelés depuis belle lurette. Et l’État dans tout ça ? Occupés qu’ils sont à traire la vache à lait que celui-ci leur paraît, ses prétendus serviteurs sont à mille milles d’imaginer combien leur incurie pèse sur la vie de tous… y compris la leur et celle de leurs enfants. Ahmed ould Cheikh

samedi 30 septembre 2023

Editorial: Prédateurs protégés?

La semaine dernière, le président de la République est sorti du Palais. Pas pour faire un tour en ville mais pour constater de visu la situation de plusieurs projets structurants lancés sous son magistère, comme le fameux pont d’El Hay Sakin qui a déjà fait couler beaucoup d’encre. Il a failli sortir de ses gonds lorsqu’il s’est rendu compte par lui-même de la lenteur d’exécution des travaux. Il était au bord de la crise de nerfs et il y a de quoi. Le laisser-aller dans l’attribution et l’exécution des marchés publics est devenu endémique. De sources officielles, plus de cent connaissent des retards. Certains n’ont même pas connu le moindre début d’exécution malgré les décaissements, d’autres sont mal réalisés et en dehors de tout contrôle. L’État perd chaque année des dizaines de milliards ainsi partis à vau-l’eau. Il suffit de voir la route Boutilimit-Aleg : aussitôt finie, aussitôt détériorée. Les exemples ne manquent pas. Et malgré les alertes et autres mises en garde, l’Etat n’a toujours pas sévi contre ces entreprises. Aucune n’a été pénalisée ni blacklistée. Elles continuent même à soumissionner et à gagner de nouveaux marchés. C’est à se demander qui les protège. La dernière sortie du Président et ses reproches sonneront-ils le glas de telles pratiques assassines de notre développement ? Arrêteront-ils la saignée ? Difficile de répondre par l’affirmative : ce pauvre pays qui a tant besoin de ses maigres ressources n’est pour ces prédateurs qu’une vache à lait et les complicités ne manquent pas pour leur faciliter la tâche… Ahmed ould Cheikh

samedi 16 septembre 2023

Editorial: Sans loi… ni même plus foi ?

Pillage systématique de nos côtes… Farines et huiles à base de sardinelles rondes… Des vidéos postées sur les réseaux sociaux qui font froid dans le dos. Depuis 2016, les alertes s’accumulent sur la surexploitation de ladite espèce, une outrance qui fait peser de graves menaces sur la sécurité alimentaire de la région. Mais en dépit de toutes ces alarmes, la sardinelle reste la matière première des usines de farine de poisson. Chaque jour, elles s’en approprient des milliers de tonnes. Pour produire un kilo de farine, il faut quatre à cinq kilos de poissons. En 2020, cette industrie en a englouti près de 830000 tonnes. L’activité a commencé à Nouadhibou en 2005 avec une seule usine, suivie bientôt de plusieurs dont le nombre est monté crescendo. En 2012, douze étaient d’un coup construites ; vingt-neuf exercent actuellement leurs méfaits au bord de la baie de Nouadhibou. Les plus grandes sont aux mains d’étrangers : chinois et turcs surtout. Pour protéger la ressource, la Mauritanie a interdit, en 2015, aux usines de produire plus de 2000 tonnes de farine par an sous peine de sanctions. Des menaces tombées dans des oreilles de sourds : d’après les statistiques, près d’un tiers des vingt-neuf usines ont, en 2017, dépassé – et de loin ! – la barrière fixée par l’État, atteignant même les 30.000 tonnes en toute… illégalité. Des usines qui constituent non seulement un danger pour la ressource mais aussi pour les populations en polluant l’air et la mer où elles déversent directement, sans aucun traitement, toutes sortes de déchets. Pourtant l’IMROP a produit des rapports accablants sur cette pollution. Quelques ministres des pêches ont pris des mesurettes sans que cela ne change quoi que ce soit à cet état de fait. Si la situation n’est pas prise au sérieux, la ressource halieutique ne sera plus qu’un lointain souvenir d’ici quelques années. En plus des Chinois et les Européens qui lui ont occasionné d’énormes dégâts, c’est au tour des Turcs de passer à table, alors que tant de nos concitoyens – leurs coreligionnaires – souffrent de malnutrition aigüe… Ahmed ould Cheikh

samedi 9 septembre 2023

Editorial: par une fenêtre grand ouverte

L’image a choqué et il y a de quoi. Un lanceur d’alerte a partagé sur les réseaux sociaux des photos de fissures apparues (déjà !) sur un tronçon de la route Boutilimit-Aleg dont les travaux viennent à peine de s’achever. Attribuée il y a de cela quatre ans à deux entreprises (dont l’expertise n’est apparemment pas la qualité première), chacune à raison de cinquante kilomètres, la route a vu ses travaux démarrer avec beaucoup de retard. Malgré les visites « inopinées » d’un ancien ministre de l’Équipement et des transports dont les remontrances n’auront pas servi à grand-chose. Si bien que les usagers, dont les nerfs étaient mis à rude épreuve, se demandaient comment l’État pouvait accepter que ce laisser-aller reste aussi longtemps impuni. Aucune des sociétés n’a, en effet, été réprimandée, encore moins pénalisée. Pire, épargnées de contrôles rigoureux, elles avaient toute latitude pour construire la route à leur convenance, réduisant les coûts au maximum. Ce qui n’a pas tardé à se répercuter négativement sur sa qualité : dans un an ou deux, elle ne sera plus qu’un lointain souvenir. Ailleurs dans le Monde, un tel ouvrage contractuellement construit « selon les normes » est garanti trente ans. En Mauritanie, aucune route n’en a jamais tenu dix. La faute à qui ? À l’Administration dont la procédure d’attribution de marché au moins disant est catastrophique ? Aux entreprises qui ne pensent qu’à faire un maximum de profits ? Aux bureaux de contrôle dont certains sont connus pour leur complaisance ? Quelle qu’en soit la cause, il y a incontestablement un problème de voieries et il va falloir que l’État s’y mette pour lui trouver une solution rapide. À moins qu’il ne veuille continuer jeter son argent – le nôtre dont il a tant besoin ailleurs – par une fenêtre grand ouverte. Ahmed ould Cheikh

samedi 2 septembre 2023

Editorial: Annuel chaos

La même scène se répète chaque année. Invariablement. À chaque pluie qui tombe sur Nouakchott, c’est la catastrophe. Grands et petits axes de la capitale sont inondés. Les piétons et les automobilistes pataugent dans la boue. Des quartiers entiers sont enclavés. Les populations crient leur désarroi. Incapables de trouver une solution définitive à ce problème récurrent, les autorités n’ont autre choix que de recourir au système traditionnel du pompage des eaux pour dégager au moins les grandes avenues. Il faut dire qu’en dehors du Nouakchott « ancien » doté d’un système d’égouts, le reste de la ville a été construit dans la plus totale anarchie : pas de réseau d’approvisionnement en eau potable, ni de réseau électrique, ni routes goudronnées, encore moins réseau d’évacuation des eaux usées ou de pluie. Des aménagements pourtant essentiels communément réunis sous le vocable « viabilisation des terrains à usage d’habitation »qui doit normalement précéder tout lotissement. Or, à Nouakchott, c’est l’inverse qui se produit. Depuis l’arrivée des militaires au pouvoir, c’est la course aux lotissements, étendant ainsi la ville à l’infini. Des villas cossues sont érigées dans des zones dépourvues du minimum vital. L’eau, l’électricité et la route viendront plus tard. Les exemples sont légion. Il suffit juste de faire un tour dans la zone la plus reculée de TevraghZeïna pour voir émerger des villas en plein milieu des dunes. C’est à se demander comment leurs propriétaires ont pu obtenir des permis de construire. Lors de sa dernière visite en Chine, le président de la République a réussi à obtenir le financement, à titre gracieux, d’un système d’assainissement pour Nouakchott. Une fois réalisé, ce sera à coup sûr un coup de maître…si entretemps la capitale ne se retrouve pas submergée par les eaux usées, les eaux de pluie et l’Océan. Ahmed ould Cheikh

samedi 26 août 2023

Editorial: Un quatrième pouvoir exsangue

Au beau milieu de la crise qui secoua la Côte d’Ivoire et la divisa profondément au cours des années 2000, le chanteur Alpha Blondy lança, à un journaliste qui lui demandait son avis sur la guerre qui ravageait son pays, la réplique suivante, devenue bientôt célèbre : « si quelqu’un vous a dit comprendre quoi que soit à ce qui se passe dans mon pays, c’est qu’on le lui a mal expliqué. » On pourrait dire la même chose de la presse en Mauritanie. Depuis l’avènement de la démocratie et la floraison des journaux privés (qui connurent un franc succès au départ, tant les lecteurs étaient avides d’entendre autre chose que la voix officielle) puis des sites électroniques, la situation n’a cessé d’empirer. Et l’État n’y est pas pour rien. Il a encouragé les agents de renseignements, les ignares et les moins que rien à se lancer dans l’aventure, leur donnant les moyens de concurrencer ceux qui avaient un minimum d’éthique professionnelle. L’opération a réussi au-delà de toute espérance. Au bout de quelques années, la presse est devenue un fourre-tout où le premier badaud venu se prétend journaliste ; elle a perdu toute crédibilité, si l’on excepte quelques titres qui essayent de surnager dans un océan de médiocrité. Certes l’État lui a enfin consenti un fonds de soutien mais celui-ci ne fait que brasser du vent, chaque année qui passe. Le montant qui lui est alloué est tout d’abord insignifiant, comparé à celui des pays voisins. Il est ensuite réparti entre des centaines de journaux et de sites web qui n’ont de presse que le nom. Chacun se retrouve ainsi avec la portion congrue. Et le manège se répète bon an, mal an, au grand désarroi de cette petite minorité qui essaye malgré tout de survivre et de remplir l’indispensable mission qui échoit à une presse digne de ce nom. « Si tu croises un journaliste, gifle-le », dit un jour l’essayiste français Emmanuel Ratier, « si tu ne sais pas pourquoi, lui le sait. » En Mauritanie, on devrait plutôt le faire à ceux, nombreux, qui le prétendent et qui ne font que prostituer ce noble métier. Ahmed ould Cheikh

dimanche 13 août 2023

Editorial: Admonestation publique suivie d’effets ?

La scène fait le buzz sur les réseaux sociaux depuis quelques jours. On y voit un ministre, en l’occurrence celui de l’Hydraulique et de l’Assainissement, tancer vertement un prestataire de services qui a gagné un marché et n’a pas tenu ses engagements vis-à-vis de l’État. « Vous deviez mobiliser du matériel depuis deux semaines », [pour commencer les travaux et respecter ainsi le cahier de charges, NDLR], « et là je ne vois rien. Si vous continuez ainsi, on vous enlèvera le marché et on le donnera au Génie militaire », déclarait-il devant une assistance médusée. La vidéo a fait en quelques heures le tour du Net et a été unanimement appréciée. C’est la première fois en effet qu’on voit un ministre mauritanien s’emporter ouvertement devant la non-exécution d’un marché attribué par son département et qui n’a pas connu un début de réalisation. Tout le monde a encore en mémoire le pont d’El Hay Sakine dont l’entreprise adjudicataire chinoise et son représentant local ont pris la poudre d’escampette après avoir encaissé une importante avance dite de démarrage. Et la liste des sociétés défaillantes peut s’allonger à l’infini sans qu’on recense la moindre sanction : ni avertissement, ni retrait du marché, ni liste noire ; la vache laitière que constitue l’État pouvant être traite à outrance. Et chacun emporter sa part indue de gâteau. D’où le peu de bruit autour de l’irrespect par les entreprises de leurs engagements envers l’État. Cette vidéo illustrera-t-elle une jurisprudence « Ismaïl », le ministre de l’Hydraulique en question ? Nos responsables vont-ils enfin privilégier l’intérêt général au détriment de leurs intérêts personnels ? La suite de ce marché devrait être de nature à apporter un début de réponse à ces questions. On en attend donc impatiemment des nouvelles. Ahmed ould Cheikh

samedi 29 juillet 2023

Editorial: Petit peut-être mais mur toujours

Lors de son interrogatoire dans le procès de l’ex-président Ould Abdel Aziz, Yahya ould Hademine qui fut son Premier ministre et l’un des exécutants de ses basses œuvres nous offrit une des perles dont il a le secret et dont il pouvait bien se passer, puisqu’elle ne glorifie en rien le pouvoir qu’il a (mal) servi. « Nous avons supprimé dans tous les budgets les chapitres abonnement et publicité », déclara-t-il à la Cour, « ce qui nous a permis d’économiser chaque année 1,5 milliard d’anciennes ouguiyas placées dans une caisse ». Une caisse sans doute trouée, comme toutes les autres, personne n’ayant pu déterminer où est parti tout cet argent annuellement « préservé ». De son temps, ce qu’on appelle le Fonds d’aide à toute la presse (écrite, électronique et audiovisuelle), aux associations et à la formation n’a jamais dépassé les 200 millions MRO. Une goutte d’eau dans un océan de besoins. Au moment où tous les pays du monde, même les plus pauvres, soutiennent la presse à bras le corps pour lui permettre de jouer son rôle, un ancien Premier ministre mauritanien se permet de se vanter de lui avoir fermé les vannes. Jamais en effet la presse n’aura autant souffert qu’au temps du tandem Aziz/Hademine qui avait décidé de l’étouffer pour la contraindre à marcher au pas. Ils devaient pourtant savoir que depuis Maaouya et les censures à répétition, il en était qui n’avaient jamais plié l’échine. Nos deux bourreaux ont fini par se rendre compte que, malgré tout ce qu’ils nous ont fait subir, nous sommes restés debout. Et les voilà, eux, dans le box des accusés pour des crimes et délits que la presse avait, en son temps, dénoncés. Yahya n’avait-il pas autre chose pour se défendre des graves accusations qui pèsent sur lui que de s’attaquer au « petit mur » qu’est la presse ? Ahmed ould Cheikh

dimanche 23 juillet 2023

Editorial: Recyclage avant quelle révolution?

Le recyclage, il y a quelques jours, d’anciens hauts fonctionnaires valorisés sous le harnais au temps d’Aziz et la permutation d’ambassadeurs ont fini de persuader les plus sceptiques d’entre nous que le changement tant attendu n’est pas pour demain. Pourtant nommément cités dans le rapport de la Commission d’enquête parlementaire, certains ont été blanchis d’un trait de plume et réhabilités. La palme d’or revenant bien entendu à Mokhtar Ould Djaye qui hérite du poste ô combien prestigieux de ministre-directeur de cabinet du président de la République. Une façon de lui dérouler le tapis rouge. Un vrai mutant, disent ceux qui le connaissent. Mais il n’est apparemment pas le seul. Ceux qui ont, comme lui, servi Ould Abdel Aziz et se sont pliés en quatre pour le faire changer d’avis à propos du troisième mandat n’ont pas hésité à retourner leur boubou lorsqu’ils ont senti le vent tourner. Faut-il leur en vouloir ? Il s’agit tout de même là du sport favori des Mauritaniens et cela oblige à tempérer les jugements. Mais aussi banal soit-il, il n’en reste pas moins condamnable… Certes la formation du nouveau gouvernement la semaine dernière a permis d’insuffler du sang neuf avec la cooptation de technocrates à des postes importants mais la tendance générale demeure inchangée : la révolution attendra. Surviendra-t-elle enfin après la présidentielle de 2024, lorsque Ghazwani n’aura plus un nouveau mandat en ligne de mire et pourra donc gouverner à sa guise, en choisissant ses hommes à lui ? Et gérer en douceur la fin du système militaro-politique à l’horizon de son cinquantenaire ? Voilà qui serait sage : blanchir ne signifie pas remettre à neuf et entretient l’hypothèse de plus troublantes conclusions… Ahmed ould Cheikh

dimanche 16 juillet 2023

Editorial: Du nouveau et du réchauffé

Après les élections municipales, législatives et régionales de Mai dernier qui ont rendu un verdict sans appel : déroute mémorable pour l’opposition classique et majorité confortable pour le parti du pouvoir ; on n’attendait plus que la traditionnelle présentation de la démission du Premier ministre au président de la République. Ce qui fut fait la semaine dernière. Et la formation d’un nouvel attelage : après Bilal I et Bilal II, voici maintenant Bilal III. Avec une caractéristique majeure : onze nouveaux ministres ! Un chambardement dont on avait perdu l’habitude, au moins depuis l’arrivée de Ghazwani au pouvoir en 2019. En effet, le marabout-président a toujours procédé par doses homéopathiques lors des derniers remaniements. Lors de la formation de sa première équipe, au lendemain de la présidentielle qui le porta au pouvoir, il reconduisit même plusieurs ministres de « la Décennie », pourtant loin d’être blancs comme neige. On se dit alors que la page Ould Abdel Aziz avait encore de beaux jours devant elle… Et voilà la tendance confirmée avec ce nouveau gouvernement qui consacre le retour en force de Mokhtar ould Djay, l’âme damnée de l’ancien Président, au poste ô combien important de ministre-directeur de cabinet de Ghazwani dont il sera les yeux et les oreilles. Une sorte de Premier ministre bis qui ne reculera devant rien pour servir son maître du moment. Avant de le trahir dès que le vent tournera ? Comme il s’y employa si bien avec MOAA, en dévoilant aux enquêteurs tous les secrets qu’il avait pris soin d’amasser pour assurer ses arrières. Tapi dans l’ombre depuis près de trois ans, il fourbissait ses armes pour rebondir. Occasion lui a été offerte lors des élections qui l’ont vu diriger la campagne d’INSAF à Nouakchott. Certains croient qu’il aurait ainsi permis à ce parti de gagner toutes les mairies de la capitale. Il n’en est pourtant rien : c’est bel et bien l’opposition qui a offert Nouakchott sur un plateau d’or à l’INSAF en acceptant le principe de la proportionnelle. Et ouvrant ainsi cette ultime question : que peut apporter un homme tant décrié dans l’opinion publique et dont la fidélité n’est pas la qualité première ? Ghazwani finira bien par s’en rendre compte un jour. Prions pour lui que cela ne soit pas trop tard. Comme cela le fut pour un certain Ould Abdel Aziz… Ahmed ould Cheikh

samedi 8 juillet 2023

Editorial: Une déroute salutaire?

Les élections municipales, législatives et régionales ont vécu. Et, comme celles qui les ont précédées, ont apporté leur lot de tintamarre, vacuité des discours, promesses intenables, alliances contre-nature, achat des consciences, fraude à ciel ouvert et autre parti pris flagrant de l’Administration au profit de qui vous savez. Elles ont donné lieu également à d’énormes surprises : des partis de rien se sont retrouvés, par un de ces miracles dont seules les élections en Mauritanie ont le secret, avec plusieurs députés, tandis que des formations politiques ayant accompli toute leur « carrière » dans l’opposition n’ont pu décrocher le moindre strapontin. Un véritable tsunami électoral dont on n’a apparemment pas pris toute la mesure. À qui la faute ? À une relation apaisée, sinon complaisante, avec le pouvoir en place depuis 2019, après avoir été extrêmement tendue avec celui qui l’a précédé ? À un discours jugé trop modéré au moment où les citoyens s’attendaient à de franches prises de position face aux problèmes de l’heure ? À une érosion naturelle de l’électorat désormais plus réceptif à des discours plus virulents véhiculés par les réseaux sociaux? À l’éclosion de nouveaux pôles de l’opposition ? Il y a sans doute un peu de tout de cela dans la déroute de l’opposition traditionnelle à qui il ne reste plus, non pas à se faire hara-kiri, mais à se remettre en cause, « faire son autocritique », pour reprendre une formule chère aux Kadihines des années 70. Et peut-être à inventer, enfin, la démocratie spécifique à la Mauritanie ; un système viable, compréhensible à tous et toutes, vraiment révolutionnaire en ce qu’il serait vraiment respectueux de nos plus profondes traditions… Ahmed ould Cheikh

jeudi 22 juin 2023

Editorial: Pagaille à ciel ouvert

Tel habitant d’un quartier résidentiel remarque la rénovation d’appartements attenant à sa maison. Jusque-là, rien que de très normal, me direz-vous. Mais le voilà bientôt fort désagréablement surpris de voir leurs fosses septiques construites…juste devant chez lui ! Un autre subir l’érection d’un hôtel devant son domicile, lui bouchant la vue sans autorisation. Un autre encore une fenêtre de cuisine d’un immeuble attenant au sien s’ouvrir… sur celle de sa chambre à coucher !Des villas à Tevragh Zeïna destinées à être louées quelques jours à des couples nouvellement mariés provoquent un véritable tintamarre, au grand dam du voisinage dont les plaintes auprès des autorités restent sans effet. Des espaces publics sont squattés à longueur de journée. On les clôture, on y entrepose du matériel et on y construit même des villas. Même la plage n’est pas épargnée. C’est le hideux spectacle qu’offre désormais Nouakchott, particulièrement à Tevragh Zeïna où les terrains se négocient à prix d’or. Et le ministère de l’Habitat et de l’urbanisme dans tout ça ? Il brille par sa présence… et son incompétence. Ses équipes sillonnent les rues, mettent des croix sur les maisons et les clôtures construites illégalement… mais n’ont jamais rien démoli. Devant tant d’incurie, les occupations illégales se sont multipliées. Tevragh Zeïna est devenu une pagaille à ciel ouvert. Interrogée, il y a quelques années, sur les capacités d’un journaliste qui avait travaillé un moment sous ses ordres, feue Mariem Daddah avait eu ce trait, bientôt devenu célèbre : « C’est la carence par excellence ». Une formule sans peine applicable au ministère de l’Habitat depuis des décennies. Et que la formation du prochain gouvernement s’emploierait, enfin, à démentir ? Ha, Seigneur de la miséricorde et des sociétés heureuses, fasse qu’il en soit ainsi ! Ahmed ould Cheikh

jeudi 15 juin 2023

Editorial: Problématique

 Après la mort en février dernier de Souvi ould Cheïne dans les locaux d’un commissariat de police à Dar Naïm, suite à des tortures que lui ont fait subir le commissaire et ses agents, le décès d’un autre citoyen entre les mains des agents d’un autre commissariat, cette fois à Sebkha, a failli sonner le glas d’une institution dont la main paraît devenir démesurément lourde lors des interpellations. Elle s’est pourtant lavée de tout soupçon, dans le cas d’Oumar Diop, en déclarant que celui-ci était déjà sous les effets de substances psychotropes lors de son arrestation. Mais personne ne l’a crue. Des hommes politiques sont montés au créneau et ont fait monter les enchères, en accusant, sans preuves, la police d’avoir liquidé Diop. Il n’en fallait pas plus pour embraser la rue. À Sebkha, El Mina, Kaédi, Boghé et Bababé, des jeunes ont affronté pendant deux jours les forces de l’ordre, brûlant des voitures et pillant des commerces. Des troubles qui ont provoqué la mort, à Boghé, d’un jeune homme victime d’une balle tirée, selon ses parents, par un policier. Après un déploiement sans précédent de la Garde nationale et de la police, la situation a été rapidement maîtrisée. Dans le même temps, l’autopsie du corps de Diop était réalisée en présence d’un membre de sa famille et de son avocat. Envoyés au Maroc pour analyses, les prélèvements n’ont pas tardé à révéler les véritables raisons du décès. Elle résulte, selon l’expertise, « d’un arrêt cardiaque avec une affection aigue du système nerveux central en rapport à une présence à forte dose de cocaïne, en plus de la consommation récente d’alcool ». On en accepte le verdict mais tous ces évènements n’en révèlent pas moins une vraie problématique entre les différentes communautés cohabitant en Mauritanie. Ce n’est pas fortuit et exige un traitement approprié, dans une pratique magnifiée de nos échanges fraternels entre gens de couleurs différentes…

                                                                                           Ahmed ould Cheikh

samedi 10 juin 2023

Editorial: Accidents ou bavures policères?

Comme Dakar ces derniers jours, Nouakchott a connu, la semaine dernière, des journées d’enfer. Suite à la mort « accidentelle » – encore une ! – du jeune Oumar Diop entre les mains de la police, plusieurs quartiers de Nouakchott se sont embrasés. Voitures brûlées, commerces vandalisés, forces de l’ordre attaquées par des groupes de jeunes. À Nouadhibou et Boghé – où un second jeune, Mohamed Lemine ould Samba, a trouvé la mort à la suite des manifestations ! – la même tension a prévalu. Une véritable atmosphère d’intifada. La police aurait-elle eu encore une fois la main trop lourde ? Si « l’enquête diligentée par le procureur de la République à Boghé est en cours », sans laisser filtrer la moindre information supplémentaire, le communiqué de la Sûreté nationale affirme, en ce qui concerne le cas du regretté Oumar Diop, que le défunt a été extirpé d’une bagarre et serait « mort à l’hôpital suite à une insuffisance respiratoire ». L’autopsie réalisée en présence de l’avocat et d’un membre de la famille révélera sans doute les véritables raisons du décès. 

Dans l’un ou l’autre des deux drames, si la police se retrouve impliquée, comme dans le cas de feu Souvi ould Cheïne, des sanctions exemplaires doivent être prises à l’encontre des fautifs. Pour qu’à l’avenir ce genre de bévues ne se reproduise plus. Et éviter ainsi de donner, à ceux qui profitent du désordre, l’occasion de s’attaquer à des biens publics et privés, comme on l’a vu lors de ces journées de folie qu’ont connues Nouakchott et Nouadhibou. Auxquelles « de nombreux étrangers auraient participé », selon la version officielle. Leur expulsion a d’ailleurs déjà commencé. Mais attention à l’excès de zèle ! Nous avons-nous-mêmes des communautés installées dans ces pays et l’ombre des évènements de 1989 au Sénégal plane toujours…

                                                                                              Ahmed ould Cheikh

dimanche 4 juin 2023

Editorial: Des élections et des surprises

 Après le deuxième tour organisé le samedi 27 Mai, les rideaux sont enfin tombés sur les élections municipales, législatives et régionales. Plusieurs partis ont dénoncé la désorganisation qui a entaché le scrutin en certains endroits, la fraude à ciel ouvert et l’intervention des démembrements de l’État au profit du parti au pouvoir…Ces scrutins n’ont donc pas dérogé à la règle non écrite qui veut qu’aucune consultation électorale ne se déroule normalement. Autre tradition, chaque élection apporte son lot de surprises. L’une d’elles – et non la moindre, sans contestation aucune – est l’affaiblissement fatal des partis de l’opposition traditionnelle (RFD, UFP et APP) qui se retrouvent sans aucun député à l’Assemblée nationale. Un véritable coup de tonnerre dont on n’a pas encore saisi toute l’ampleur. La faute à quoi ? A l’érosion progressive de l’électorat observé depuis quelques années ? Au discours modéré face aux problèmes du citoyen? À la politique d’apaisement vis-à-vis du pouvoir depuis l’arrivée de Ghazwani? A l’émergence de nouveaux partis et sensibilités aux discours plus véhéments ? Au vote tribal et identitaire qui a marqué plus que jamais ces élections ? Il y a en tout cas comme un nivellement de l’électorat. L’opposition-ère nouvelle (Tawassoul, FRUD, SAWAB/RAG et AJD/MR) se retrouve avec une trentaine de députés. Comme à son habitude, le parti au pouvoir obtient une majorité confortable (107 députés) et n’a donc plus besoin de ces partis-cartables qui ont servi de refuge à tous ses mécontents et l’ont tout de même battu à plate couture dans certaines localités. Prendra-t-il sa revanche, comme il l’a promis ? Réponse dans quelques jours lorsque le nouveau gouvernement sera formé.

   Ahmed ould Cheikh

samedi 27 mai 2023

Editorial: Foutoirs et déconfitures

 Des bureaux de vote avec plus de votants que d’inscrits ; des présidents de bureaux qui refusent de remettre les procès-verbaux aux représentants des partis ; un candidat qui a voté avec sa famille dans un bureau et se retrouve avec zéro voix ; un informaticien qui prend ses aises en améliorant les scores d’un parti et qui a été pris la main dans le sac ; les résultats faussés en plusieurs localités par l’inscription à distance sur les listes électorales… Comme tous les scrutins qui l’ont précédé, celui du 13 Mai a eu son lot d’irrégularités ; certaines étaient flagrantes. Faussent-elles pour autant les résultats globaux ? « Sans aucun doute ! », affirme l’opposition qui crie à la fraude et demande l’annulation des votes à Nouakchott et Boutilimitt. Pour la première fois dans l’histoire de notre démocratie, le parti du pouvoir rafle les neuf communes de la capitale au premier tour. La faute à la proportionnelle qui permet au parti arrivé en tête de diriger la mairie. Un mode d’élection que seul Boydiel ould Houmeïd, pourtant membre de la majorité, avait récemment décrié dans une interview au Calame, tandis que l’opposition le validait. Ila été pourtant fatal à tous ses partis, nouveaux et anciens (RFD, UFP et APP). S’y ajoute la raclée que ceux-ci ont reçue, incapables qu’ils se sont révélés de glaner le moindre siège de député. Alors que des partis de rien auront plusieurs représentants dans l’Hémicycle. Une nouvelle configuration politique dont les contours sont en train de se dessiner sous nos yeux…

                                                                           Ahmed ould Cheikh

samedi 20 mai 2023

Editorial: Faute absolvable

 Pour la première fois depuis l’avènement de la démocratie, sur pression de la France et sous le contrôle de nos vaillants militaires, les Mauritaniens se sont rendus aux urnes dans un climat politique apaisé. Près de vingt-cinq partis se sont lancés dans un scrutin à valeur de test pour le président de la République, quatre années après son élection et donc à un an de la fin de son mandat. Il doit être déçu par au moins un point : la façon avec laquelle « son » parti a géré les candidatures, selon des critères que personne n’est arrivé à expliquer. Et le résultat de l’improvisation ne s’est pas fait attendre. Si l’INSAF est assuré d’obtenir une majorité confortable à l’Assemblée nationale, le « parti du pouvoir » aura quand beaucoup souffert. Plusieurs de ses bastions au Nord et à l’Est, jadis imprenables, sont tombés en d’autres mains. Témoignages[p1] , s’il était besoin, de la prise de conscience des populations qui n’acceptent plus d’être conduites comme moutons de Panurge à l’abattoir électoral, sans qu’elles aient leur mot à dire. Bassiknou, Tamchekett, Guérou, Kiffa, Atar, Nouadhibou, Aoujeft, Ouadane, Bir Moghreïn, la liste est longue des villes qui ont vomi ceux qui leur ont été imposés sans qu’on leur demande leurs avis. Un vote-sanction comme on n’en voit pas souvent sous nos cieux. Mais, à quelques mois de la présidentielle, le Raïs a encore le temps de rectifier le tir. Les présentes élections devraient lui servir de vide-grenier, en mettant à la porte ceux qui ne lui apportent rien, ceux qui se sont mouillés lors de la décennie azizienne et qui tentent de se refaire une virginité, ceux qui brillent par leur incompétence et, enfin, restructurer son parti, en privilégiant les politiques sur les technocrates. « En politique, toute faute est un crime », disait Eugène Chatelain. Pas chez nous, en tout cas : sinon, les prisons seraient déjà gorgées de monde.

                                                                      Ahmed ould Cheikh

dimanche 14 mai 2023

Editorial: Rien de nouveau sous le soleil?

 Lancée il y a une dizaine de jours, la campagne électorale bat son plein de bruits et de tintamarres pour ceux qui peuvent se les payer.  Il existe en effet un hiatus évident entre les tentes, leurs équipements et animation, selon la moughataa où l’on se trouve. D’un côté, ceux qui ne lésinent pas sur les moyens, dressant des lieux de rencontres superbement équipés et animés par des groupes musicaux dont les cachets ne sont pas à la portée de toutes les bourses ; de l’autre, ceux qui n’en ont pas ou si peu mais essayant tant bien que mal d’assurer l’essentiel. Rien que du classique dans un pays où le fossé ne cesse de se creuser entre les riches et les pauvres. 

Outre le fait qu’elle nous a, une fois de plus, rappelé cette dichotomie, la campagne a fait passer au second plan le procès de la décennie. Après s’être accroché à l’article 93 de la Constitution stipulant qu’un président ne peut être jugé que par une haute Cour de Justice, Ould Abdel Aziz a fini par prendre la parole la semaine dernière. Accablé par les témoins appelés à la barre, aussi bien les hauts fonctionnaires ayant travaillé sous ses ordres que les hommes d’affaires, à qui il confiait des sommes énormes, Aziz a essayé de se défendre tant mal que bien. Mais les faits sont têtus, dit-on, et il sera difficile voire impossible pour cet ex-Président qui se croyait intouchable de justifier les milliards trouvés en sa possession. Une équation à plusieurs inconnues que ses conseils devront résoudre au plus vite, s’ils ne veulent pas voir leur client finir ses jours en prison. Une hypothèse lourde de conséquences pour le fossé susdit ? Il n’est peut-être pas vain d’espérer quelque chose de nouveau sous le soleil…

                                                                            Ahmed ould Cheikh

dimanche 7 mai 2023

Editorial: Eternelle, l'attente du peuple?

 De passage en Mauritanie il y a quelques années, feu Michel Guignard, un fin connaisseur de la musique maure à laquelle il consacra une thèse de doctorat au cours des années 50, répondit à un journaliste qui lui demandait comment il voyait la musique actuelle : « on doit parler plutôt de vacarme ». Une réponse cinglante qui peut s’appliquer aussi à nos campagnes électorales. En effet, depuis que les militaires ont décidé de nous octroyer une démocratie sous contrôle et sur pression de la France, les campagnes électorales qui se suivent ne donnent lieu qu’à un tapage assourdissant. Avant même leur lancement, le décor est planté. Et c’est la course aux places les mieux exposées le long des axes urbains. Des tentes poussent comme des champignons aux couleurs des différents partis, avec les photos grandeur nature des candidats. Des baffles distillent jour et nuit une musique stridente et cela durera jusqu’à la fin de la campagne. Pas de débat d’idées, ni de confrontation entre candidats, ni vulgarisation de programmes qui se limitent généralement à « des promesses qui n’engagent que ceux qui y croient », comme disait Jacques Chirac. Une fois élus à la tête des mairies ou à l’Assemblée nationale, nos vaillants politiciens qui avaient promis le changement ne se l’appliquent qu’à eux-mêmes. Le peuple, lui, peut attendre… la prochaine campagne. On viendra de nouveau l’endormir avec de nouvelles promesses. Heureusement pour eux qu’il a jusqu’à présent la mémoire courte. Mais le jour où il prendra son destin en main… Songez-y messieurs, mesdames : tant va la cruche à l’eau qu’à la fin elle se brise.

 

                                                                Ahmed ould Cheikh

dimanche 30 avril 2023

Editorial: Sous la contrainte de quel (dé)sordre ?

 Des plus poissonneuses du monde, nos côtes deviendront-elles dans si peu de temps les moins riches en ressources halieutiques et les plus polluées de la planète ? Des vidéos qui circulent depuis quelques jours sur Internet, montrant des bateaux turcs et chinois utilisant des filets tournants pour racler les fonds marins, font froid dans le dos. On les voit lancer leurs filets géants sur des bancs de poisson et tout rafler sans aucun respect ni pour la ressource ni pour les zones de pêche. Le problème est que le phénomène n’est pas nouveau et aucun gouvernement n’a accepté de prendre son courage à deux mains pour y mettre fin. Les Chinois et les Turcs sont bien protégés, semble-t-il. Quand on ajoute à cette situation déjà catastrophique, les dizaines d’usines de poisson installées à Nouadhibou – Aziz avait, en son temps, délivré au moins quarante agréments – qui polluent non seulement l’air mais aussi la mer en y déversant directement leurs déchets non traités, il y a de quoi craindre pour la baie de cette ville. Pas plus tard que la semaine dernière, des milliers de poissons ont été retrouvés morts sur ses côtes : pollution, sans aucun doute. Sombre tableau à tous les niveaux. Pourtant les acteurs de la Société civile, notamment les ONG internationales, les media et les chercheurs n’ont cessé de tirer la sonnette d’alarme mais elle est tombée dans des oreilles de sourds. Affichant haut et fort ses bonnes intentions, chaque nouveau ministre promet de s’attaquer aux problèmes du secteur mais – rappelé à quel (dés)ordresi puissamment incrusté en hauts lieux ? –ne tarde pas à revenir sur terre. Le voilà donc à gérer les affaires courantes jusqu’à son départ et son remplacement. Tournez, tournez, petits navires, il ne nous suffisait pas d’un désert de sable, tuez-nous donc aussi nos eaux !

                                                                           Ahmed ould Cheikh

samedi 15 avril 2023

Editorial: Remise en cause après les élections ?

 Que se passe-t-il au RFD et à l’UFP, les deux partis qui ont toujours représenté l’opposition et passé des décennies à combattre l’arbitraire et l’injustice ? Les dissensions qui les minent auront-elles raison d’eux ? Après l’UFP qui a vu le départ de la député Kadiata Malick Diallo et plusieurs membres de son directoire, c’est au tour du RFD de poursuivre la saignée. Me El Id ould Mohameden, député sortant, a choisi de défendre les couleurs de la coalition Espoir, tandis qu’une de ses figures de proue, Mouna mint Dey, préfère claquer la porte. Dénoncer en suivant la mainmise d’un clan sur le parti et qui empêche son président de voir la réalité. Pressentie pour diriger la liste nationale des femmes, elle a été écartée à la dernière minute. Ce qu’elle n’a visiblement pas apprécié. Elle se présentera sous les couleurs du parti El Vadhila de la majorité présidentielle. Et l’on risque ne pas s’arrêter là. La publication des listes candidates fera certainement de nouveaux mécontents. Déjà que le score réalisé par ces deux partis, lors de la dernière présidentielle, fut très en-deçà de ce qu’ils représentaient sur l’échiquier politique il y a quelques années. La « démocratisation » des moyens de contestation avec l’éclosion des réseaux sociaux et l’apparition de nouveaux opposants beaucoup plus virulents et aux discours accrocheurs, érodera encore plus leur base. Sera-ce enfin l’occasion de se remettre en cause ? Revoir leurs méthodes ? Réponse au lendemain des résultats de Mai prochain…

                                                                  Ahmed ould Cheikh

dimanche 2 avril 2023

Editorial: Empoignades évidentes mais… en quelle transparence ?

 es Mauritaniens n’ont pas fait dans la dentelle : 1329 listes pour 238 communes, 146 pour13 conseils régionaux, les vingt-cinq partis reconnus ont bouclé leurs discussions dans les temps. En attendant les listes nationales mixtes et celles des jeunes et des femmes qui battront elles aussi des records, le combat risque d’être ardu. L’INSAF a certes investi des candidats dans tous les coins du pays mais il aura fort à faire pour obtenir une majorité, tant ses investitures ont suscité de mécontentements. Certains de ses candidats ont même désisté, sous pression de leurs tendances considérant que ses choix ne reflètent pas la réalité du terrain ; d’autres pour ne pas essuyer de revers. C’est la première fois en tout cas qu’un parti-État se retrouve en aussi mauvaise posture. Signe de vitalité démocratique ou… mauvais choix assumés ? Malgré les mises en garde répétées qui lui ont été adressées, l’INSAF n’a pas misé sur les bons chevaux en plusieurs localités du pays. Et risque d’en payer les frais, bien qu’il ait mis les choses au point : ceux qui ne respecteront pas les choix du parti en subiront les conséquences. Mais les mécontents n’en ont eu cure et les voilà accourus aux « partis-cartables » pour confectionner leurs propres listes, comptant bien tailler des croupières à un INSAF qui se refuse à regarder la réalité en face. De belles empoignades en perspective donc…à condition que tout se passe dans la transparence ! Ce qui est loin d’être gagné d’avance.

                                                                         Ahmed ould Cheikh

samedi 25 mars 2023

Editorial: Miracle

 Depuis quelques semaines on ne parle plus que de ça, faisant passer au second plan le procès de l’ancien président qui s’est réouvert ce lundi 20 mars. Alors qu’il tenait l’opinion en haleine avec ses multiples rebondissements et recours introduits par ses avocats pour empêcher la Cour de statuer enfin sur le fond de l’affaire, il est subitement passé au second plan. Les investitures des candidats au parti au pouvoir aux futures élections législatives, régionales et municipales lui ont subitement ravi la vedette. Jamais dans la courte histoire de notre démocratie, des candidatures n’ont suscité autant d’intérêt et donné lieu à tant de rumeurs, de contre-rumeurs et d’intox. Il faut dire que la discrétion absolue qui a entouré la confection des listes de la part d’Insav n’a pas aidé les colporteurs d’infos et autres racoleurs à vendre la mèche. Ce qui n’a pas empêché certains, ‘’de sources fiables’’, de jurer la main sur le cœur, que tel ou tel bénéficiera de la confiance du parti. Résultat des courses après près de 24 heures d’attente : des reconduits, des éconduits, des nouveaux investis et des mécontents à la pelle. La confection de la liste nationale, celles des jeunes et des femmes permettra sans doute de résorber certains mécontentements mais il serait illusoire de contenter tout le monde. Ce qui nous réservera sans doute de futures empoignades entre ceux qui étaient hier ‘’frères’’ et qu’une ambition dévorante a jetés dans les bras d’autres partis.  Certains enjeux locaux expliquent en partie cette course folle contre la montre et dont le parti ne semble pas avoir pris toute la mesure. Dans certaines localités en tout cas où les élections risquent de ne pas être de tout repos pour un parti au pouvoir assez mal en point mais qui réussit toujours, comme par miracle, à tirer son épingle du jeu.

                                                                                                            Ahmed Ould cheikh 

dimanche 19 mars 2023

Editorial: Coup de semonce?

 L’évènement a tenu toute la Mauritanie en haleine pendant près de deux semaines. Quatre (prétendus) djihadistes se sont enfuis de la prison civile de Nouakchott, tuant deux gardes lors de leur retraite et mettant à nu les défaillances sécuritaires du système carcéral. Depuis, c’est le branle-bas de combat. Tout le pays est en alerte. L’évasion de « salafistes », dont deux condamnés à mort, risque d’être du plus mauvais effet pour un pays jusqu’alors à l’abri d’attaques terroristes. Surtout que la facilité avec laquelle ils ont pris la poudre d’escampette n’augure pas d’un système de surveillance à toute épreuve. C’était une nécessité pour le pouvoir de régler ce « problème » au plus vite. Dès l’alerte lancée, tous les services se sont donc mobilisés. Le danger pouvait venir de partout et les fuyards frapper n’importe où. L’exception mauritanienne, tant vantée par les Occidentaux, à échapper aux attaques terroristes risquait de prendre un sérieux coup. Finalement tout est bien qui finit bien. Les fugitifs sont interceptés dans une zone montagneuse de l’Adrar, grâce au signalement d’un chauffeur croisé dans leur fuite. Et après un accrochage avec une unité d’élite de la gendarmerie, trois d’entre eux sont abattus avant que le quatrième ne rende les armes. Non sans avoir fait une troisième victime, un gendarme de l’unité qui les avait pris en chasse. Passée l’épreuve, plusieurs questions restent en suspens. Comment l’arme qui a permis de neutraliser les grades fut-elle introduite en prison ? Ont-ils bénéficié de complicités à l’extérieur pour couvrir leur fuite et leur offrir un gite, des armes et une voiture pour sortir de la ville ? Existe-t-il des cellules dormantes d’organisations terroristes capables de planifier une telle évasion ? Bref, accident de parcours ou coup de semonce ?

                                                                               Ahmed Ould Cheikh 

dimanche 5 mars 2023

Editorial: Dans les règles de l'art, enfin!

 Dans quelques semaines, les Mauritaniens seront appelés aux urnes. Pour la première fois depuis 2019, date de la dernière élection présidentielle qui les vit tourner la page d’une décennie qui les avait tant fait souffrir, théâtre qu’elle fut d’une des plus grandes opérations de détournement de leurs maigres ressources. Fruit d’un accord entre le ministère de l‘Intérieur et les partis politiques, la CENI est déjà à pied d’œuvre. Le recensement électoral a été lancé. L’atmosphère rappelle étrangement l’ambiance qui prévalait lors de la Transition 2005-2007, marquée par un apaisement inédit de notre scène politique. Avant que les militaires ne viennent la polluer, en encourageant le mouvement dit des « indépendants » et en soutenant « leur » candidat à la présidentielle. La suite, on la connaît.  Cette fois-ci sera-t-elle la bonne ? Va-t-on assister pour une fois à des élections « normales » ? Il y a de quoi en douter quand on voit l’affluence que génèrent les missions du parti au pouvoir où chacun veut tirer la couverture à soi pour montrer un poids électoral très souvent factice. Si l’on y ajoute la faiblesse de l’opposition et ses divisions, on peut facilement imaginer les résultats de l’exercice ;du moins à l’intérieur du pays où le poids des chefferies et des notabilités peut faire pencher la balance. Le seul espoir de celle-là reste les grandes villes, habituellement frondeuses, où elle a par le passé réussi à tirer son épingle du jeu. La donne va-t-elle changer ? Réponse dans quelques mois… à condition que tout se passe dans les règles de l’art.

 

                                                                              Ahmed ould Cheikh

dimanche 26 février 2023

Editorial: Faux fuyant sans lendemain

 «Plus de cinquante millions de dollars auraient été généreusement offerts par un chef d’État arabe au président Mohamed ould Abdel Aziz»: la rumeur, très probablement lancée à titre préventif, il y a des mois par l’entourage de l’ex-Président va-t-elle devenir l’argument central de sa défense après avoir été corroborée par son avocate libanaise qui a écrit sur Facebook qu’Aziz lui a affirmé que sa fortune a pour origine un chef d’Etat arabe? Après l’effondrement de sa barricade «Article 93 de la Constitution» et la très faible chance de voir déclarée inconstitutionnelle la loi anti-corruption – qu’il avait lui-même fait voter lors de son règne – que pourrait donc espérer MOAA  de cette nouvelle stratégie ? Admettons que la rumeur se voit corroborée par ledit supputé donateur. Un aveu, soit dit en passant, qui mettrait celui-ci en piètre posture devant la Communauté internationale désormais officiellement attachée à la lutte contre la corruption… 

Cela dit, cette somme resterait plus du double inférieure aux quarante-sept milliards d’ouguiyas déjà saisies par l’État mauritanien, sans compter les placements et investissements à l’étranger qu’il reste encore à tracer, ainsi que les acquisitions foncières et immobilières vraisemblablement obtenues via des marchés publics truqués. À ce dernier égard, les témoignages de ses anciens ministres et collaborateurs ne tarderont pas à l’accabler. Et l’on ne manquera certainement pas de surligner en rouge la soudaine fortune de ses proches et autres principaux bras droits. Tout aussi généreusement dotés par ce même mystérieux chef d’État arabe, je présume ?

Mais sur quels critères ces éventuels cadeaux et dons d’un gouvernement étranger à un président de la République en exercice pourraient-ils être soustraits des comptes publics ? De tradition en Mauritanie – cf. l’exemple de Moctar ould Daddah et même de son épouse Mariem qui remettaient au Trésor public tout ce qu’on leur offrait lors de leurs missions à l’étranger – et tout aussi systématique ailleurs, notamment à l’ONU, aux USA ou en France où n’est considéré « personnel » qu’un cadeau valant moins de cent dollars, ces largesses étrangères sont bien évidemment portées au compte du peuple, c’est-à-dire à l’État lui-même. 

Il faudra donc, aux avocats d’Ould Abdel Aziz, beaucoup de contorsions, d’effets de manche et, surtout, de clameurs médiatiques – encore et toujours… – pour seulement espérer semer le trouble et duper ainsi l’opinion de notre bon peuple. Mais il est très improbable que cela soit suffisant pour convaincre les juges, beaucoup plus attentifs, eux, à l’examen des faits… Bref, un faux-fuyant sans lendemain pour une défense aux abois ?

                                                                                   Ahmed ould Cheikh

dimanche 19 février 2023

Editorial: Trop c'est trop!

 L’affaire fait grand bruit depuis quelques jours. Suite à des tortures infligées dans un commissariat de police, la mort de l’activiste Souvi ould Cheïne a fini de convaincre que l’État de Droit s’arrête à la porte des commissariats. Pourtant – et espérons qu’enfin une fois devienne coutume – cette affaire, a contrario de tant d’autres qui l’ont précédée, ne passera pas par pertes et profits. Dès que les policiers ont déposé le corps sans vie de Souvi à l’hôpital Cheikh Zayed, la machine de l’État s’est mise en branle. Le président de la République a ordonné au ministre de la Santé la constitution dans les plus brefs délais d’une équipe de médecins pour procéder à l’autopsie du corps. Le procureur de Nouakchott-Nord s’est déplacé à l’hôpital pour en attendre les résultats et le directeur de la Sûreté – que certains malintentionnés voulaient associer à un évènement auquel il est totalement étranger – a mis aux arrêts tous les agents présents ce jour-là audit commissariat, ainsi que son commissaire. Fait nouveau : la TVM a suivi l’affaire de bout en bout, évoquant ses différentes péripéties dans ses journaux télévisés. Il y a réellement de quoi se féliciter quand on sait que jusqu’à tout récemment, les – excusez du peu -« bavures » policières étaient soit passées sous silence, soit réglées à l’amiable avec les familles des victimes. 

Cette fois, les autorités ont pris les devants : plus rien ne sera comme avant. Comme l’a claironné le procureur, l’enquête suivra son cours et les responsables répondront de leur acte devant les tribunaux. L’opinion publique est pour une fois unanime et suit de près l’évolution de l’affaire. Espérons qu’après un si bon début, elle ne finira pas en eau de boudin. Quoiqu’il advienne, toute la rédaction du Calame s’associe à présenter nos condoléances attristées à la famille du regretté martyr. Inna lillahi oua inna ileyhi raji’oune.

                                                                                                    Ahmed ould Cheikh

samedi 11 février 2023

Editorial: Au travail, messieurs les juges!

 Depuis l’ouverture de son procès le 25 Janvier dernier, Ould Abdel Aziz doit se faire du mouron. Il n’imaginait sans doute pas que le processus engagé avec la mise en place d’une commission d’enquête parlementaire, allait, deux ans plus tard, le voir assis sur le banc des accusés comme un vulgaire chef de bande pris la main dans le sac. Confiant en ce que les informations qu’il détient seraient de nature à le protéger contre toute poursuite, il était même persuadé que le pouvoir n’ira pas jusqu’à le juger. Je te tiens, tu me tiens par la barbichette… C’est pourquoi le retour sur terre fut rude pour celui qui se disait invincible et « ne connaissait pas l’échec », selon ses propres termes. Pour essayer de le tirer de ce mauvais pas, ses avocats ont multiplié les manœuvres et invoqué à n’en plus finir l’article 93 de la Constitution stipulant qu’un président de la République ne peut être jugé que par une Haute cour de justice. Un argument rejeté par le tribunal de première instance, la Cour d’appel et la Cour suprême. Faisant contre mauvaise fortune bon cœur, il s’est alors attaché, en plus de ses conseils locaux, les services de trois avocats étrangers : une libanaise, un français et un sénégalais. De quoi faire un sacré boucan au tribunal ! Surtout lorsqu’ils croiseront le fer avec leurs homologues de la partie civile et avec un procureur particulièrement au fait de ses dossiers. Les joutes oratoires ont d’ailleurs déjà commencé et ne s’arrêteront pas de sitôt. Un long procès en perspective nous attend, quoique son issue ne fasse aucun doute, tant les charges qui pèsent sur Ould Abdel Aziz et ses co-accusés sont flagrantes. Et les peines devraient être lourdes, très lourdes même, si notre Droit pénal en permettait le cumul. Seront-elles assez bien choisies, au final, pour dégoûter une fois pour toutes les aspirants à – aspirateurs de ? – nos richesses publiques ? Au travail, messieurs les juges !

                                                                                          Ahmed ould Cheikh

EDitorial: Place au Droit

 Le mercredi 25 Janvier s’est enfin ouvert le procès tant attendu. Celui d’Aziz et douze de ses compagnons d’in(fortune). Longtemps attendu par l’opinion nationale, il devrait sceller pour de bon le sort de l’ex-Président qui n’a cessé de narguer le pouvoir et la justice incapables, selon lui, de lui faire un procès. Ses avocats n’ont d’ailleurs pas cessé de multiplier les manœuvres dilatoires, en usant de tous les recours possibles et imaginables, allant jusqu’à la Cour Suprême pour éviter que le procès n’ait lieu. Sans doute savaient-ils que leur client serait dans une des positions les plus inconfortables qui soit au cas où il aurait à justifier les milliards qu’il a amassés. Et dont une (petite ?) partie est déjà entre les mains de la Justice. Il est en effet écrit noir sur blanc, dans la nouvelle loi sur la corruption, que c’est à la personne inculpée de prouver l’origine de sa fortune. Que dira donc Ould Abdel Aziz en cette occurrence ? Lui à qui il était interdit de s’adonner au commerce et aux affaires durant l’exercice de ses fonctions. Et qui devait, de surcroît, verser toutes les donations de quelque nature qu’elles soient au Trésor public.

On a donc à entendre le Droit. Non pas les arguties subtiles autour d’éventuels vices de forme ou de procédure qui permettraient à l’un ou l’autre des accusés, voire tous, de se voir, non pas blanchis, mais très salement exemptés des suites pénales de leurs forfaits. Non, le Droit dans toute sa noblesse, au service de la vérité. Il ne s’agit pourtant pas ici d’idéalisme ni même d’éthique. C’est très concrètement notre avenir qui est en jeu. Rien de plus pragmatique donc. Car en plus d’être un test pour le pouvoir actuel, qui laissera – ou non… – la justice suivre son cours normal, il servira de leçon pour nos futurs dirigeants convaincus– ou non… – à ne plus se hasarder, comme s’y complut notre ancien guide éclairé, à faire preuve de boulimie.

                                                                                                  Ahmed ould Cheikh

samedi 21 janvier 2023

EDitorial: Enjeux réels d'un procès exceptionnel

 Mohamed ould Abdel Aziz, encore et toujours à truster le devant de la scène… Mais pour combien de temps encore ? Le lancement enfin de son procès sonne-t-il le glas de sa disparition des radars ? Probablement. Surtout s’il s’en tient à son actuel dispositif de défense articulé autour de deux grandes lignes : « Je suis visé parce que je suis perçu comme une menace politique » et « le régime actuel n’a aucune preuve de ce que j’aurais détourné de l’argent public ». Les deux arguments sont pourtant apparemment de poids : il est effectivement visé pour des raisons politiques et il n’existe, à ce jour, aucune preuve de ce qu’il se soit personnellement servi dans la caisse publique. Ses avocats vont certainement se barricader derrière cette ligne de défense. Mais, ce faisant, l’ex-Président et ses conseils éludent la bonne question qu’ils n’essaient même pas de (se) poser : comment Ould Abd El Aziz est-il devenu riche ?

Et c’est à cette question de l’enrichissement sans cause que les avocats doivent pourtant répondre. L’examen d’un enrichissement sans cause est une évolution significative dans la lutte contre la corruption et la criminalité économique. À une certaine époque, on se limitait à chercher si des biens publics avaient été détournés ou pas. Aujourd’hui, détourner directement de l’argent public est considéré comme la préhistoire de la corruption. En effet la corruption moderne, ce n’est jamais piquer directement dans la caisse publique, nul ne s’y risque, sauf les idiots, pour reprendre les termes de Mohamed El Mounir.

Aussi a-t-on mis au point le concept d’enrichissement sans cause. Un attrape-tout qui couvre potentiellement tout ce qui est illégal : trafic d’influence, par exemple, recours parcimonieux ou excessifs à la planche à billets, ventes manipulées du domaine public de l’État, attributions intéressées de marchés publics, etc. Le plus important avec ce concept est que la charge de la preuve de son inadéquation incombe à la personne présumée coupable. C’est à elle de démontrer que ce qu’elle a acquis l’a été de manière légale. Comme Ould Abd El Aziz ne peut pas et ne voudra pas dévoiler l’origine des quarante-sept milliards saisis en dehors de ses propriétés immobilières, il va persister à répéter qu’il est visé par un procès politique et que la justice n’est pas capable d’apporter la preuve qu’il ait détourné l’argent public.

Petit atout : il sait que la compréhension de la corruption chez le citoyen de base se réduit à piquer dans la caisse et cela explique ses manœuvres populistes. Mais peut-il négliger que ses juges ont évidemment une vision autrement plus affutée des réalités ?  Ses avocats ne pourront longtemps continuer à chercher à inverser la charge de la preuve. Alors, les vices de procédures, voire de l’enquête, jusqu’à obtenir la relaxe de leur client après maints recours ? Le dol est cependant assez conséquent et connu –voire implicitement avoué par l’accusé, dans l’ampleur de son enrichissement sans cause – pour qu’une telle vicieuse fin soit seulement envisageable. D’autant moins, d’ailleurs, qu’elle retomberait immanquablement sur le pouvoir ou, plus exactement, le système qui prétend nous gouverner. Oui, c’est bien leur crédibilité qui est en jeu, au final de toute cette affaire. Et les chances de notre nation multi-ethnique à trouver un modus vivendi acceptable par tout un chacun…

 

                                                                                                      Ahmed ould Cheikh

samedi 14 janvier 2023

EDitorial: L'heure des comptes

 Il est vraiment inénarrable, notre ancien guide éclairé ! Voulant filer à l’anglaise, alors que l’ouverture de son procès est imminente, il en a été empêché par la police de l’aéroport qui lui a confisqué au passage son passeport, histoire sans doute de lui passer l’envie de changer d’air. Contrarié, l’Ex s’est soudainement pris de diarrhée verbale. Avant même de rentrer chez lui, le voilà en direct sur Facebook pour s’attaquer, comme à son habitude, au pouvoir en place. Et rebelote le lendemain, beaucoup plus longuement cette fois, à discourir surtout autour de sa fortune personnelle. « Si les responsables mauritaniens arrivent à justifier 50% de leurs biens, moi, ce sera à 100% ! », a-t-il martelé. 

Sans le vouloir, il s’est ainsi mis le doigt dans l’œil. Ayant reconnu être arrivé pauvre au pouvoir, comment parviendrait-il à justifier une fortune qu’il dit colossale ? Les obligations d’un président de la République sont à cet égard sans équivoque : ne s’adonner ni au commerce ni aux affaires dans l’exercice de ses fonctions, reverser au Trésor public toutes les donations, en natures ou en espèces, reçues dans le cadre de celles-ci. Il est donc censé sortir comme il est entré. Soit, en ce qui concerne Ould Abdel Aziz, les mains vides. Dans le cas contraire, sa position serait des plus inconfortables. Du pain béni pour la Justice qui n’aura qu’à lui poser la question qui tue : « Quelle est l’origine de ta fortune ? »

Mais, bon, on s’attend à tout avec cet acrobate voltigeant de branche en branche. Pas vraiment Tarzan, tout de même : n’en déplaise à sa perruque de président des pauvres, passablement ébouriffée par ses aveux de richesse, il aura bien du mal à se présenter en sauveteur du peuple qui subit, pour sa part et de plus en plus chaque jour que Dieu fait, les conséquences des filouteries de la Décennie.  Ceux qui s’y trompent – il en resterait encore, semble-t-il – auraient-ils oublié qu’aujourd’hui naît toujours d’hier ? Quant aux moins dupes, ils attendent effectivement des comptes. Pas des grimaces.

 

                                                                                      Ahmed ould Cheikh

mardi 3 janvier 2023

Editorial: Chant du cygne?

 Après une longue période de grâce accordée au président Ghazwani, une partie de l’opposition (RFD, UFP ET UNAD) sort enfin de sa torpeur. Déçue par l’annulation du dialogue sur lequel elle fondait beaucoup d’espoirs, elle a accepté finalement de participer aux réunions préparatoires pour les prochaines élections initiées par le ministère de l’Intérieur. Mais l’absence de dialogue lui est restée apparemment en travers de la gorge. En témoigne le communiqué qu’elle vient de publier sous le titre : « Appel pour une politique de large entente nationale au service de l’unité, de la démocratie et de la stabilité de notre pays ».

« À la veille des élections législatives, régionales et municipales », nous font ainsi savoir les trois partis susdits réunis en une significative Coalition des Forces du Changement Démocratique, « la scène politique est caractérisée par la persistance et l’accélération de facteurs de risques graves sur la stabilité et la paix, [suite] en grande partie à la crise politique, économique et sociale qui perdure depuis des années, dans un contexte mondial et régional particulièrement instable et dangereux. » Puis, après avoir rappelé les difficultés de l’opposition durant « la décennie de la gabegie », le communiqué souligne «la justesse [depuis l’accession de Ghazwani au pouvoir] de la politique d’apaisement du président de la République et de l’opposition démocratique, malgré certaines faiblesses et inconséquences. » 

Mais « alors que la classe politique, dans sa grande majorité, cherchait à approfondir et à renforcer ce climat d’apaisement pour aboutir à des réformes consensuelles, certains milieux extérieurs à l'opposition ont manœuvré pour susciter une nouvelle polarisation politique, articulée autour de l'alternative entre le choix de la confrontation et du retour à la décennie de braises et son bilan catastrophique et le choix du changement pacifique dans un climat apaisé. […] D’ores et déjà, le paysage politique est marqué par cette ligne de fracture profonde et dangereuse. Dangereuse aussi serait l’organisation d’élections dans ce climat délétère. »

Et d’appeler en conséquence « toutes les forces politiques patriotiques, de tous bords, [à] anticiper sur les menaces qui pèsent sur notre pays, dépasser nos contradictions secondaires et nous engager dans la voie salutaire d’une large entente nationale, quelle qu’en soit la forme, seule à même […] de faire face aux dangers qui nous guettent. » Il y a sans doute beaucoup (trop ?) à lire entre les lignes. Inquiétude ou aveu d’impuissance devant la montée des populismes identitaires, exacerbés par l’inflation galopante des prix et la mollesse du pouvoir à corriger les hiatus sociaux – notamment ethnico-tribaux – cette mobilisation a-t-elle une chance d’être suivie de réels effets ? Elle semble en tout cas avoir tout du chant du cygne… Et la menace croissante d’une nouvelle récession mondiale – programmée de longue date en l’espoir de compenser les folies des produits financiers dérivés ? – n’est certes pas de nature à y entendre plutôt un hymne à la résurrection du sphinx…

                                                                       Ahmed ould Cheikh