dimanche 11 juillet 2021

Editorial: Chassez le naturel....

 Comme tout président de son époque sachant utiliser les nouvelles technologies à bon escient, il arrive à notre nouveau guide éclairé de tweeter de temps à autre, pour souhaiter bonne fête à ses compatriotes, leur présenter ses condoléances ou leur annoncer une bonne nouvelle. Une pratique qui inaugure une nouvelle ère dans la communication présidentielle.  Jadis emmurés dans leur tour d’ivoire, nos leaders successifs faisaient très peu cas de leur opinion publique, se contentant assez souvent de se faire interviewer par des organes de presse étrangers, alors que la presse locale suffisait amplement. À l’exception notable d’Ould Abdel Aziz qui la convoquait pour un oui ou un non, passant des heures à tirer sur ses adversaires et à se tresser des lauriers. Une opération qui tourna plus d’une fois au fiasco, l’homme n’arrivant jamais à maîtriser la moindre contrariété à ses augustes propos. D’un tempérament beaucoup plus posé que son fougueux prédécesseur, Ghazwani ne s’est prêté à ce jeu qu’une fois, il y a un an et demi environ, et s’en est plutôt bien sorti. Depuis, c’est sur Twitter qu’il a jeté son dévolu. À la veille de sa visite au Trarza, commencée et achevée le lundi 5 Juillet, il adressait ainsi un message qui fera date : « J’ai l’intention de visiter quelques localités au Trarza lundi prochain et je veux voir les choses telles qu’elles sont, sans maquillage ni fioritures. Je ne veux pas qu’on répare ou qu’on nettoie une route pour cette visite. Mon objectif est de voir et d’entendre directement les populations, sans intermédiaires. Je ne veux pas de compliments. Le pays en a assez des laudateurs. Quand je regarde les visites de mes prédécesseurs, je me demande comment les gens acceptent de se faire guider comme des moutons pour de tels carnavals. Ma visite au Trarza, je la veux différente des autres. Si vous êtes vraiment sincères dans votre soutien, aidez-moi à être différent des autres présidents qui, sans exception, ont pris le même chemin avec le résultat que l’on sait. »

Vous pouvez toujours rêver. Ce tweet n’a jamais vu le jour et la visite durera jusqu’à plus soif. Il est pourtant plus que jamais d’actualité, quand on voit le déploiement sans précédent de moyens matériels et humains auxquels cette visite a donné lieu. Des pontes des différentes moughataas de la wilaya se sont donné le mot d’ordre de tout faire pour mobiliser le plus de monde possible. Des pratiques qui avaient cours au cours des dernières décennies et qui continuent de plus belle. On se croyait dans une nouvelle ère où le pouvoir serait moins personnalisé mais on a vite déchanté. Chassez le naturel….

                                                                Ahmed Ould Cheikh

jeudi 1 juillet 2021

Editorial: reine de cœur

 Mohamed ould Abdel Aziz est en taule et monsieur Jean-Baptiste Placca éprouve une impression de gêne. Ce chroniqueur à RFI – et, détail non négligeable, ancien de Jeune Afrique… –  connaît si bien l’opinion de « notre » Afrique qu’il la croit convaincue de ce que l’ex-Président mauritanien a quitté le pouvoir « sans rechigner » et que le jeter en prison préventive au seul « prétexte » de n’avoir pas respecté les mesures de son contrôle judiciaire, c’est « humilier tout le peuple qu’il représentait encore il y a à peine deux ans ».

Les Mauritaniens rigolent. S’ils ne prétendent pas à la science de l’opinion de « notre » Afrique, ils ont, eux, cette prudence de suivre attentivement « leur » histoire nationale. Et, chats échaudés craignant l’eau froide, n’ont pas du tout oublié les douches que n’a cessé de leur administrer leur entortilleur de coups d’État relooké « président des pauvres », aujourd’hui « pauvre président ». Les manips 3ème mandat, ça vous dit quelque chose, monsieur Placca ? La fête 2019 de l’Indépendance, la référence 2020 de l’UPR, les tripatouillages 2021 sur les prix de première nécessité ? Et je ne vous parle pas de la fronde des députés en 2008... La technique Aziz, c’est la déstabilisation et les dernières astuces de l’agile agitateur – pleurs de crocodile si complaisamment médiatisés par Jeune Afrique, entrée fracassante au micro-parti de Louleïd, tentative d’OPA sur l’opposition… – auront assuré de sa virulence en ce sens.

Vous vous dites « perplexe », Jean-Baptiste. Mais faites le compte et vous conviendrez aisément qu’il y a largement de quoi prévenir les risques. Non seulement  pour notre chère Mauritanie tabassée de tant d’entourloupes. Mais aussi pour le tabasseur : car l’ordinairement placide opinion mauritanienne s’inquiète. Jusqu’à ce point s’excéder qu’elle en vienne à hurler : « Coupez-lui la tête ! Coupez-lui la tête ! »  à l’instar de la reine de cœur d’Alice au pays des merveilles ? Je ne tiens pas Ould Abdel Aziz en grande estime, c’est connu, mais ne lui en espère pas moins une fin autrement paisible. Après un procès d’autant plus digne et équitable que son contexte sera apaisé. C’est donc tout simplement sagesse que de faire attendre tranquillement l’excité à l’ombre. S’il n’y verra lui-même peut-être pas plus clair, les juges et notre opinion nationale – oui, elle a du cœur mais aussi le goût du juste ! – seront certainement plus sereins…  

                                                                             Ahmed ould Cheikh