vendredi 27 juin 2025

Editorial: Une circulaire....avec effets?

Le 20 Juin dernier, le Premier ministre adressait une circulaire aux ministres, au délégué de Taazour et aux commissaires aux droits de l’Homme et à la sécurité alimentaire pour attirer leur attention sur un fait d’une extrême importance : les recrutements abusifs et les contrats de complaisance en dehors de tout cadre réglementaire et dont la majorité n’obéit qu’à des critères tels que le favoritisme, le clientélisme, le népotisme, l’absence de compétence et de mérite. Dorénavant, ajoute Ould Diay, tout recrutement doit impérativement se faire selon les besoins de l’institution et être organisé de façon transparente, en suivant strictement les textes en vigueur. Applaudissez, messieurs, mesdames ! Notre PM a mis le doigt sur une véritable plaie. Celle qui empêche le fils du simple citoyen qui ne dispose pas d’appuis ou n’a pas un général dans sa parentèle, de prétendre au moindre recrutement. Que ce soit dans l’Armée ou dans les institutions étatiques, ce sont les « bien-nés » qui ont d’abord voix au chapitre. Il en est ainsi depuis longtemps et nous ne cessons de le dénoncer. Ould Diay va-t-il y mettre fin avec sa circulaire ? Il est certes permis de rêver mais tant que des mesures énergiques ne seront pas prises contre les auteurs de telles pratiques, la situation n’évoluera guère. Il y a quelques mois, le directeur général de la CNSS fut limogé pour avoir engagé des parents à lui sous couvert d’un concours de recrutement. Pour un DG pris la main dans le sac, combien d’autres ont échappé aux mailles du filet ? Il ne se passe pas un jour sans qu’un directeur torde le cours aux procédures et pourtant… ils sont toujours en place. Ahmed ould Cheikh

jeudi 19 juin 2025

Editorial: Code de l'inhospitalité?

Y-a-t-il une véritable politique d’encouragement pour les promoteurs étrangers ? Le code des investissements, dont l’objectif est d’établir un cadre juridique et fiscal attractif pour ceux-là et dont on ne cesse de nous rebattre les oreilles, il sert à quoi, finalement ? A-t-on vu, depuis sa promulgation, accourir de gros investisseurs dans notre pays, comme on en voit au Maroc et au Sénégal voisins ? Que nenni ! Au contraire, malgré la fondation d’une agence destinée à leur faciliter la tâche, les candidats sont découragés. Ils ne trouvent ni accueil chaleureux ni oreille attentive. Il y a quelques mois, un investisseur étranger – qui préfère garder l’anonymat – arrivait à Nouakchott. Il envisageait la construction d’un complexe touristique en bord de mer. Accompagné de son correspondant local, il se présenta au guichet (vraiment) unique de l’APIM pour y exposer le motif de sa visite. On lui expliqua qu’il ne pouvait être aidé qu’en aval, pas en amont ; c’est-à-dire… lorsque son projet aurait vu le jour ! Un terrain pour son projet ? En cette quête expédiée, par la direction du Tourisme, au ministère du Patrimoine de l’État, il n’y fut pas plus le bienvenu. Et ainsi démoralisé, le voilà embarqué pour Dakar…où il est reçu, le même jour, à bras ouverts par deux ministres ! L’un d’eux lui rend même visite à l’hôtel et lui promet que rien ne serait épargné pour que tous ses projets voient le jour… « L’hospitalité mauritanienne, qu’en reste-t-il ? », s’interrogeait un certain Mohamed Hademine, il y a une dizaine de jours, sur CRIDEM. Flûte ! Quelqu’un l’aurait-elle vendue à nos voisins ? Ahmed ould Cheikh

jeudi 12 juin 2025

Editorial: Plus qu'une élection....

L’éclatante victoire du docteur Sidi Ould Tah à la présidence de la Banque Africaine de Développement (BAD) avec plus de 76% des voix (une Première dans l’histoire de cette importante institution financière) est significative à plus d’un titre. C’est avant tout un succès diplomatique pour le pays dont le président, qui vient d’achever son mandat à la tête de l’Union Africaine, a su mobiliser un vaste réseau de relations au profit du candidat. Agissant avec tact, le président Ghazouani est resté en contact permanent avec ses pairs africains dont le vote a fait pencher la balance en faveur de Sidi. Au point qu’il n’a fallu que trois tours pour que notre candidat écrase la concurrence. C’est aussi le succès d’un homme, docteur en économie, qui a franchi les échelons de l’Administration jusqu’au prestigieux poste de de ministre de l’Économie et des finances qu’il a occupé sept ans durant, avant d’aller fourbir ses armes à la tête de la Banque Africaine pour le Développement Économique en Afrique (BADEA) pendant dix ans. Une période au cours de laquelle il fit, de cette banque à l’activité marginale, un monstre financier dont les investissements ont atteint un record de 2,2 milliards de dollars en 2023 contre une moyenne de seulement 250 millions de dollars auparavant. Le capital de la banque a, lui été multiplié par cinq, passant de 4,2 milliards à 20 milliards de dollars. C’est fort de ce bilan élogieux, dont les premiers bénéficiaires furent les pays africains, que Sidi a décidé de briguer les suffrages des actionnaires de la BAD. C’était donc, dans les faits, quasiment prêcher des convaincus. Ce fut enfin plus qu’une élection, un sacre dont on peut s’enorgueillir pour quelque temps encore. Ahmed ould Cheikh

vendredi 30 mai 2025

Editorial: Investissements souterrains

La semaine dernière, le président de la République et son homologue sénégalais se sont rendus sur la plateforme établie par BP en haute mer pour l’exploitation du champ gazier Grand Tortue/Ahmeyim commun aux deux pays. Accueillis en grande pompe par le PDG de la société anglaise, les deux présidents ont fait le tour du propriétaire et se sont déclarés ravis, photos et vidéos à l’appui, que le projet ait enfin abouti, malgré les différents écueils qui ont jalonné son parcours et dont le moindre n’est pas le litige relatif aux coûts d’investissement. Les deux pays accusent en effet le géant pétrolier d’avoir exagéré le cost oil – autrement dit, le montant investi dans l’exploration et la production qui doit être déduit des recettes du champ – dans des proportions pas vraiment anodines : des trois milliards de dollars initialement prévus, on serait passé à plus de dix ! Pour trancher ce débat qui a empoisonné un moment les relations entre les partenaires, un bureau d’études international a été choisi d’un commun accord en vue d’évaluer les coûts réels. Il n’est pas loin de rendre son rapport et, selon certaines indiscrétions, ses conclusions seraient «explosives ». Si c’est le cas, comment BP sortira-t-elle de cette bourrasque ? Fera-t-elle comme ELF en France en 2000 ? À la suite de démêlés politico-judiciaires, cette société pétrolière fortement présente en Afrique où elle avait fait, de la corruption des dirigeants locaux, son sport favori, s’était fait (laissé ?) absorber par Total. Et ni vu ni connu ! Le même scénario se produira-t-il sous nos yeux entre BP et Shell ? Selon le très sérieux institut Bloomberg, Shell travaille avec des conseillers pour évaluer une éventuelle acquisition de son concurrent BP. Cependant, le groupe attendrait une nouvelle baisse de l’action de celui-ci et des prix des hydrocarbures avant de lancer une offre. Si elle est réalisée, cette fusion pourrait-elle clore le dossier Grand Tortue/Ahmeyim ? Nos présidents ont-ils envisagé cette hypothèse ? Et prévu, avec leurs propres conseillers, une stratégie en conséquence ? Autant de questions susceptibles en tout cas de nous rappeler que le pétrole et le gaz nécessitent toujours des investissements… souterrains. Ahmed ould Cheikh

jeudi 22 mai 2025

Editorial: Elles en sont où, les autres affaires ?

Une page se tourne mais l’histoire n’en est pas finie pour autant. Le procès en appel d’Ould Abdel Aziz, de deux anciens Premiers ministres, de hauts responsables et des hommes « à tout faire » a rendu son verdict… mais l’affaire n’est toujours pas close. Dans quelques mois commencera une nouvelle bataille de procédures, d’arguments et de contre-arguments. Devant la Cour suprême cette fois. Les avocats des deux camps s’en donneront de nouveau à cœur joie, multiplieront attaques, piques et allusions à peine voilée avant de défendre ou d’attaquer le verdict. Toujours est-il que ce procès en appel n’a pas dérogé à la règle. Après une longue bataille de procédures, des plaidoiries-fleuves et des réquisitoires à charge, le tribunal a eu la main lourde pour au moins trois accusés : Ould Abdel Aziz voit sa peine de prison ferme de cinq ans en première instance passer à quinze. Son beau-frère en prend deux, ainsi que l’ancien directeur général de la SOMELEC. Pourquoi ces deux-là et seulement eux ? Ont-ils fait pire que les autres qui occupaient pourtant des fonctions plus importantes et étaient plombés des mêmes charges ? Ou fallait-il faire en sorte que MOAA ne soit plus le seul visé et battre ainsi en brèche l’argument selon lequel il n’était question que d’un règlement de comptes ne visant qu’à le faire tomber seul ? Enfin, bref : la justice a apparemment ses raisons que la raison arrive difficilement à expliquer. D’autant moins que d’autres affaires graves – et beaucoup plus d’actualité, elles – attendent d’être traitées. Histoire de se faire oublier, elles aussi ? Ahmed Ould Cheikh

vendredi 16 mai 2025

Editorial: Etre citoyen

Ils ne se contentent plus de nous vendre les produits alimentaires périmés et les médicaments contrefaits dont les conséquences sur la santé sont désastreuses ! Et ce n’est pas un hasard si, au cours des dernières années, les malades atteints de cancer, diabète, hypertension artérielle et insuffisance rénale, entre autres affections inconnues il y a peu encore sous nos latitudes, écument désormais les couloirs de nos structures sanitaires. Et voilà que nos profiteurs sans vergogne ont également mis la main à une dangereuse pâte, les substances psychotropes ! Le fait est clairement prouvé : il y a quelques jours, une équipe spécialisée de la Gendarmerie a réussi, après une enquête minutieuse, à faire tomber une bande dont certains leaders ayant pignon sur rue étaient au-dessus de tout soupçon. Cette clique était spécialisée dans l’importation et la distribution de comprimés hallucinogènes. Des quantités astronomiques ont été saisies dans leurs magasins. De quoi inonder le marché national et celui des pays voisins, pour peu que leurs frontières soient aussi poreuses que les nôtres. Ce serait d’ailleurs l’un de ces derniers qui aurait donné l’alerte. Depuis, l’opinion publique s’est saisie de l’affaire. Et les réseaux sociaux s’en donnent à cœur joie. Douze millions de comprimés auraient été ainsi saisis. Soit trois par mauritanien : de quoi faire tourner bien des têtes ! Mais à quelque chose malheur est bon. Quoi qu’elle porte préjudice à notre pays et le place dans la position peu enviable de plaque tournante du trafic de produits dangereux, cette affaire aura permis de démanteler un réseau qui allait faire mal à notre jeunesse. Espérons seulement qu’elle ne finira pas en queue de poisson comme tant d’autres qui l’ont précédée ! Car on présume bien, dans l’ampleur du trafic et la difficilement explicable facilité des trafiquants à passer les contrôles dans nos ports et le long de nos routes, qu’il est encore et toujours question, ici, de corruption. Et je ne manquerai pas de saluer, à cet égard, le valeureux officier de notre Gendarmerie qui aurait opposé un niet catégorique au milliard d’ouguiyas que lui aurait été proposé le chef apparent de la bande pour fermer les yeux sur le micmac. Comme quoi, ça peut vouloir dire quelque chose être citoyen mauritanien ! Ahmed ould Cheikh

vendredi 9 mai 2025

Editorial: Lucidité

Dans son classement annuel qui sert de baromètre à la liberté de presse dans le Monde et publié chaque année le 3 Mai, à la veille de la Journée mondiale de la Presse, Reporters Sans Frontières (RSF) a rétrogradé la Mauritanie de la 33ème place qu’elle occupait l’an dernier à la 50ème. Pourquoi, à votre avis ? La presse n’a plus affaire avec le tristement célèbre article 11 qui lui valut tant de déboires, de saisies et d’interdictions jusqu’en 2005. Les journalistes ne sont ni jetés en prison, ni empêchés de faire leur travail, encore moins maltraités par le pouvoir en place. Le mal est plus insidieux. Il ronge la profession depuis ses débuts et RSF ne s’y est pas trompé en mettant le doigt sur la plaie. « Depuis la dépénalisation des délits de presse en 2011 », fait en effet observer son rapport, « les journalistes peuvent travailler dans un environnement moins répressif mais vivent dans une grande précarité. […] la fragilisation économique des media constitue l’une des principales menaces pour la liberté de la presse ». Tout est dit. La situation financière du secteur est plus que précaire : les ventes de la presse-papier sont en chute libre depuis plusieurs années du fait de la concurrence d’Internet, la publicité est inexistante, les annonces officielles restent l’apanage du quotidien national, le fonds d’aide à la presse est distribué à la va-vite et les vraies entreprises de presse n’y ont droit qu’à la portion congrue. Si la disparition, à moyen terme, de la presse-papier est sans doute inéluctable, il reste impératif de maintenir la réflexion citoyenne et sa libre capacité d’investigations hors de l’excitation généralisée de ce monde. Garder la tête froide a un coût. Ahmed ould Cheikh