jeudi 24 novembre 2011

Editorial : Bisbilles mauritano-marocaines

Entre le Maroc et la Mauritanie, rien ne va plus désormais. Après avoir entériné, dès les premiers jours, le coup d’Etat d’août 2008, en dépêchant, à Nouakchott, le chef de son contre-espionnage, Massine Mansouri (!) et joué un grand rôle, pour la reconnaissance internationale d’Ould Abdel Aziz, le royaume chérifien montre de plus en plus de signes d’énervement, vis-à-vis de celui dont il pensait se faire un allié. Pour diverses raisons, dont certaines ne sont pas nécessairement diplomatiques. A commencer par le report, à trois reprises, d’une visite officielle que le chef de l’Etat mauritanien projetait d’accomplir au Maroc, dont au moins deux à la demande de celui-ci, en raison du calendrier chargé du Roi Mohamed VI. Notre encombrant voisin du Nord, très susceptible lorsqu’il s’agit de l’Algérie, a, semble-t-il, très peu apprécié la coordination entre cette dernière et la Mauritanie, dans le cadre de la lutte contre AQMI. Il n’en faut pas plus pour que certains journaux marocains – aux ordres, bien évidemment – s’en donnent à coeur joie. Un d’entre eux publiant une caricature où l’on voyait Bouteflika porter, dans ses bras, les deux Ould Abdel Aziz (de la Mauritanie et du Polisario), et déclarer: ‘’ce sont mes deux Abdel Aziz préférés’’. D’autres tirant, à boulets rouges, sur un pouvoir mauritanien qui a ‘’osé tourner le dos au Maroc’’. Il y eut, ensuite, la concurrence, acharnée, que les deux pays se sont livrés pour le poste de membre non permanent du Conseil de sécurité, emporté, haut la main, par le Maroc. Même l’Agence Marocaine de Coopération Internationale (AMCI), restée, jusqu’à présent, en dehors des vicisssitudes de la politique, n’a accordé des bourses d’étude qu’à un nombre très réduit d’étudiants mauritaniens. Officiellement, faute de places, suite à l’arrivée, massive, d’étudiants libyens, tunisiens et syriens. Mais tout le monde sait que la raison réside ailleurs. Même lorsque les relations diplomatiques entre les deux pays furent rompues, l’AMAMCO (l’ancêre de l’AMCI) ne cessa d’accueillir les étudiants mauritaniens, à bras ouverts. C’était, il est vrai, au temps de Hassan II: le Maroc a bien changé, depuis.
Ould Abdel Aziz avait, pourtant, offert une concession de taille, au Maroc. En envoyant, l’année dernière, son ambassadeur au Maroc dans les provinces sahariennes où il s’était fendu d’une déclaration sur «les progrès qui s’y étaient accomplis», il reconnaissait, de fait, la tutelle du royaume sur la zone, alors que la Mauritanie n’est, pourtant, jamais revenue sur la reconnaissance de la République sahraouie, en 1983.
L’Algérie n’avait pas fait grand cas de l’affaire, persuadée, sans doute, que la lune de miel, entre ses deux voisins, n’allait pas durer une éternité. Et que l’impatience du Maroc finirait bien par avoir raison de la patience, légendaire, des Mauritaniens. Même ceux qui sont censés cultiver les meilleures dispositions à son égard. On se demande, à présent, où s’arrêteront les bisbilles. Et qui fera le premier pas pour calmer le jeu?

Ahmed Ould Cheikh

dimanche 20 novembre 2011

Editorial : Epuisant retour aux sources

Rebelote ! Chaque année, on fait les mêmes erreurs et on n’en tire aucune leçon. Avant le départ de Nouakchott, les pèlerins (ceux qui prennent les vols affrétés par le ministère de l’Orientation Islamique) sont parqués à la mosquée Ibn Abass où ils peuvent attendre de longues heures, sous le soleil, avant de s’embarquer. Arrivés à Jeddah, c’est par autobus qu’ils sont acheminés vers Médine: plus de 14 heures de route! Dans la ville du prophète – Paix et Bénédictions sur Lui (P.S.L.) – ils ont été délogés, cette année, six jours avant le début du pèlerinage, de l’immeuble où ils étaient hébergés. Et les voilà, du coup, réexpédiés, avant l’heure, à La Mecque!
Puis vint le Jour J ou ils doivent être acheminés vers Mina, première étape du pèlerinage proprement dit, et les mauritaniens obligés d’occuper la rue, pour qu’on consente, enfin, à mettre des bus à la disposition de quelques-uns d’entre eux. Les autres, astreints à cheminer à pied. Même calvaire, le lendemain, pour se rendre à Arafat. Pour ceux qui l’ignorent, dix kilomètres, tout de même, séparent Mina d’Arafat. Obèses, diabétiques et autres cardiaques, appréciez le retour aux sources bédouines ! Puis, c’est Mouzdalifa et, à nouveau, Mina: toujours le laisser-aller, le je-m’en-foutisme général, pas d’interlocuteur, pèlerins abandonnés à leur sort. On aperçoit, même, de hauts responsables, membres de la délégation officielle mauritanienne, couchés à même le sol de Mina. Retour aux sources bédouines, vous dis-je!
Ce n’est pas le cas de tous les pèlerins. Chaque pays a sa propre mission résidente et permanente qui prend soin de ses ressortissants. Chaque pays, sauf… allez, je vous laisse deviner! Bah, me direz-vous, faire le pèlerinage, c’est le rêve de tout mauritanien, mâle ou femelle! C’est vrai. Tout un chacun espère accomplir, un jour, ce devoir essentiel. Encore faut-il en revenir. Cette année, les trois derniers vols pour Nouakchott seront retardés d’une semaine. Certains et certaines vont se retrouver, à court d’argent, dans de bien beaux draps.
On est ému, en tout cas, de voir tant de pèlerins arborer fièrement leur drapeau national… Tous les pays du monde, vous rendez-vous compte ? Quant à nous, pauvres que nous sommes, on se dit que la Mauritanie a, encore, beaucoup, beaucoup de chemin à parcourir… Mais, tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir. Avant, c’était notre consulat à Jeddah qui « organisait » - admettons, pieusement, le terme – notre séjour. Cette année, ce fut le ministère de l’orientation islamique, un peu désorienté, nous a-t-il clairement paru. Mais bon, cela n’empêchera pas, louange à Dieu, les Mauritaniens de se tourner, encore et toujours, vers l’Orient. C’est vivifiant, le retour aux sources.

Ahmed Ould Cheikh