jeudi 18 novembre 2021

Editorial: Le monde à l'envers

 On ne parle plus que ça depuis plusieurs mois. L’opposition, ou ce qu’il en reste, l’a ouvertement critiquée. Les journalistes y ont vu une menace à peine voilée contre la liberté d’expression pourtant garantie par la Constitution. Et les bloggeurs, ce nouveau genre journalistique où tout un chacun peut déverser sa bile sur qui il veut, sont tous montés au créneau pour dénoncer une loi liberticide. La Société civile y a vu un dangereux précèdent qui risque d’ouvrir la boîte de Pandore. Malgré toutes ces récriminations, le gouvernement l’a pourtant maintenue et l’a fait voter par sa majorité mécanique à l’Assemblée nationale. La loi sur les symboles de l’État n’en finit pas de faire des vagues. Sera-t-elle un remake du fameux article 11, l’épée de Damoclès qui pendit sur nos têtes quatorze ans durant et qui justifiait la censure des journaux pour un oui ou un non ? Va-t-on l’activer à tout bout de champ pour justifier des arrestations et des condamnations ? Il y a fort à craindre que le gouvernement ne prépare un tour de vis contre ceux qui ont fait de l’insulte  leur sport favori. Pour rappel, la presse écrite (la seule qui avait pignon sur rue jusqu’à tout récemment), malgré son jeune âge et son manque d’expérience, ne versait pas dans l’insulte, l’invective ou la diffamation. Elle se contentait de dénoncer les tares du régime et de poser les vrais problèmes dont souffre le pays. C’est lorsque les réseaux sociaux, cette jungle où la loi du plus volubile est la plus forte, ont fait leur apparition que l’insulte s’est banalisée. L’interdire est même devenu entrave à la liberté. Le monde marche désormais sur la tête.

                                               Ahmed ould Cheikh

samedi 13 novembre 2021

Editorial: Mortifères blablas

 Depuis quelques semaines, un débat toxique anime les réseaux sociaux en Mauritanie. Une sorte de rage autour des journées de concertation sur l’enseignement lancées simultanément dans toutes les capitales régionales par le ministère de l’Éducation. Entre ceux qui prônent l’arabisation à outrance et l’exclusion de la langue française du cursus scolaire et ceux qui pensent qu’une telle orientation les laisserait au bord de la route, le torchon ne cesse de brûler. Un (faux) vocal attribué à Samba Thiam a mis le feu aux poudres sur Facebook et Whatsapp. Même si l’intéressé l’a formellement démenti, la tension n’a pas baissé d’un cran. Les manipulateurs derrière cet enregistrement ont atteint leur objectif : diaboliser un peu plus le personnage et démontrer que nos frères négro- africains font tout pour barrer la route à l’arabe, lui préférant la langue du colon. Il n’y a pas pourtant pas de quoi fouetter un chat. Notre système éducatif ne peut être monolingue. Il y a de la place pour l’arabe, le français et, pourquoi pas, l’anglais. Jusqu’à la réforme de 1979, l’enseignement marchait très bien. On y apprenait l’arabe et le français. Plusieurs générations de toutes les composantes nationales sont le fruit de ce système et les meilleurs cadres du pays, à ce jour, y ont été formés. Les idéologies importées qu’on veut nous imposer ont démontré ailleurs leur échec. Et même ici, lorsqu’on voit le nombre d’enfants ayant accompli leur scolarité dans un système hybride en sortir pratiquement illettrés. Il y a de quoi se poser des questions. Voulons-nous continuer à sacrifier des générations entières ou imposer un système parfaitement bilingue (ou trilingue) faisant réellement de l’école un creuset pour tous les fils de ce pays, comme il le fut toujours jusqu’à ces réformes de malheur ? Va-t-on enfin prendre le taureau par les cornes et dire à tous ces pêcheurs en eaux troubles : basta ! Paraphrasant Clémenceau, il est grand temps de se convaincre que l’école est une affaire trop sérieuse pour être confiée à des militaires.

                                                                      Ahmed ould Cheikh

Editorial: D'Abidine en Trabelsi

La presse en a fait ses choux gras il y a quelques jours. Ce n’est pourtant qu’un cas parmi tant d’autres. Une société appartenant au patron des patrons (BIS TP) s’est vu attribuer le marché d’adduction en eau potable de la ville de Oualata à partir de la nappe du Dhar, d’une valeur de près d’1,3 milliard MRO. Qualifiée techniquement, elle n’est arrivée qu’en cinquième position lors de l’ouverture des plis financiers. Et le marché lui a été attribué ! Comme par miracle… Bénéficiant apparemment de complicités à tous les niveaux, Zeïn El Abidine ould Mohamed Mahmoud continue à rafler les marchés publics. Une « tradition » léguée par l’ex-Président qui le porta sur les fonts baptismaux,  lui offrant des marchés à la pelle pour en faire un associé qui ne dit pas son nom. Il l’a même propulsé, contre toute attente, à la tête de l’Union du patronat. On se demande d’ailleurs par quel autre miracle échappa-t-il à la commission d’enquête parlementaire qui a envoyé pour beaucoup moins que ça des hommes d’affaires à la nasse. Mais l’homme a plus d’un tour dans son sac. Comme pour démonter qu’il est  – encore ? Pour combien de temps ? – incontournable, il est en train de préparer sa réélection à la tête du patronat, en imposant des hommes à lui à la présidence de fédérations grandes pourvoyeuses de voix à l’heure de la consultation.

Il ya quelques jours, Belhassen Trabelsi, le frère de la tristement célèbre Leïla du même nom, a été, lui, arrêté en France. Celui qui faisait la pluie et le beau temps du temps de son beau-frère, raflant des milliards en marchés publics, ne sait plus où donner de la tête. Il a vadrouillé pendant dix ans avant de se faire alpaguer. Argent mal acquis ne profite jamais, dit le célèbre adage. Et quand le vent tourne, mieux vaut ne pas être un Trabelsi…. Plutôt un Abidine, donc ?

 

                                                       Ahmed Ould Cheikh