samedi 19 décembre 2015

Editorial: Attention danger !


Le jour de la célébration de l’indépendance de son pays le 9 décembre dernier, le président tanzanien, John Magufuli,  a dirigé lui-même une opération de collecte des ordures dans la capitale Dar-Es-Salam. Non seulement, il a interdit toute célébration officielle mais il a considéré qu’il serait honteux de dépenser de l’argent pour fêter l’indépendance au moment où des gens meurent encore de choléra dans son pays, faute de soins. Il n’y a donc eu ni inaugurations officielles, ni déplacement présidentiel et encore moins défilés ou parades militaires. Des milliards ont pu être ainsi économisés et orientés vers quelque chose d’utile au pays et à ses populations. Qu’a fait la Mauritanie, pays pauvre parmi les pauvres s’il en est, pour célébrer son anniversaire le 28 novembre dernier ? Son président a-t-il, comme son homologue tanzanien, fait preuve de sagesse, en refusant un exhibitionnisme aussi coûteux qu’inutile ? A-t-il songé un instant que ces milliards dilapidés en quelques jours, pour organiser, le temps d’une matinée, une parade militaire, auraient pu servir à construire des écoles, des hôpitaux, des barrages ou des routes, mettre en valeur des terres agricoles ou venir en aide aux pauvres ?  A-t-il pris la mesure de cette saignée pour un Trésor public, déjà mis à rude épreuve par la baisse des recettes, et dont l’incapacité à faire face aux engagements de l’Etat devient criante ? Autrement formulé, à quoi sert-il de se pâmer devant un tel étalage de forces et répéter à l’envi que tout danger extérieur est écarté quand on est incapable d’assurer la sécurité de ses propres citoyens ? Une réalité amère que plus personne ne peut nier, devant un tel déferlement de violences que connait Nouakchott depuis quelques mois. En témoigne le meurtre en plein jour d’une commerçante au marché de la capitale qui a fini de démontrer que cette ville est devenue dangereuse. Où il ne se passe pas un jour sans qu’un ou deux meurtres, des multiples braquages, des viols à répétition ne soient signalés. Des quartiers entiers sont devenus des zones de non droit où il serait suicidaire de circuler dès la nuit tombée. Des bandes armées font régulièrement des descentes dans les commerces et parfois chez des paisibles citoyens. Même avec si des moyens faibles, pour ne pas dire dérisoires, la police réussit dans la plupart des cas à arrêter les meurtriers, les grands bandits et parfois même les auteurs de petits larcins, la situation ne cesse d’empirer. Et le problème va crescendo. La faute à qui ? A la société injuste et inégalitaire qui a enfantés ces bandits de grands (et de petits) chemins et ne leur a offert de débouchés que la rue? A une urbanisation galopante et anarchique ? A une école publique devenue synonyme d’échec ? A la justice qui n’a pas souvent la main lourde ?  A un système de sécurité défaillant dans  l’ensemble ?

Quelle que soit la cause, il y a en tout cas danger. A ce rythme, Nouakchott sera bientôt plus dangereuse que Lagos, Johanesburg, le Bronx ou Harlem. Si on ne veut pas assister impuissants à un déferlement de violences urbaines, il est encore temps de réagir. Quelles solutions faut-il alors envisager : Réhabiliter la police et lui offrir les moyens de remplir sa mission? Offrir  à ces personnes, en rupture de ban, autre chose que la prison et travailler à leur intégration dans la société ? Se dire enfin que la ville n’est pas la campagne, qu’elle a ses exigences et ses contraintes auxquelles il faut se soumettre ?
A contrario de ce que disait  Victor Hugo selon lequel celui ‘’qui ouvre une école, ferme une prison’’, on peut légitimement se poser la question : qui vend une école n’ouvre-t-il pas une prison ?

                                                           Ahmed Ould Cheikh

dimanche 13 décembre 2015

Editorial: Raccourcis


Quelque chose ne tourne pas rond dans notre pays. Où plus personne ne se soucie ni des règles, ni des lois, encore moins des règlements. Le président de la République arrête un match de football après 63 minutes parce qu’il s’ennuyait. Une délégation du FNDU rencontre le ministre secrétaire général de la Présidence,  contre l’avis de trois partis du Forum, alors que les décisions de celui-ci sont censées n’être prises qu’à l’unanimité. Un général à la retraite  brigue la présidence de la Fédération des agriculteurs alors qu’il n’y a jamais adhéré par le passé. Un colonel, qui n’est plus sous les drapeaux lui aussi, est arrêté et mis en examen pour s’être exprimé librement. Un ministre est décoré le 28 novembre alors qu’il l’a été il y a deux ans et que la loi prévoit qu’il ne peut de nouveau l’être avant cinq ans sauf pour ‘’à titre exceptionnel’’. Ses collègues ministres se demandent encore quels services ‘’exceptionnels’’ il a bien pu rendre pour mériter pareille distinction. Si ce n’est un excès de zèle.
Aucun de ces événements n’a pourtant eu autant d’impact que l’affaire du match du 28 novembre. Qui a créé un véritable buzz sur les réseaux sociaux et dans la presse du monde entier. Notre guide éclairé, devenu spécialiste des raccourcis, a non seulement écourté la première expérience démocratique qu’a connue notre pays mais aussi une rencontre de football qui, qu’il vente ou qu’il pleuve, est partie pour durer 90 minutes au moins, selon les règlements intangibles de l’instance dirigeante de ce sport-roi. Pas un journal, un site, une radio ou une télé du monde entier n’a raté cette occasion de nous tourner en ridicule. Même après son coup d’état de 2008, Ould Abdel Aziz n’a pas eu droit à autant de publicité, gratuite bien évidemment. C’est qu’un match de football, même ennuyeux, nul et inutile comme celui de la supercoupe de Mauritanie doit arriver à son terme, sauf si les conditions météorologiques exigent son arrêt. Et dans ce cas, la décision revient à l’arbitre et à lui seul. La fédération de football a essayé, maladroitement, de tirer le président de ce mauvais pas, en se lançant dans des explications alambiquées mais le mal est déjà fait. De pays esclavagiste, champion des coups d’état, avec le plus grand nombre d’anciens chefs d’Etat encore en vie, nous sommes devenus la nation où le président décide de tout, même de la durée d’un match de football. Une réputation dont on aurait bien voulu se passer.
En France, malgré un contexte des plus maussades, marqué notamment par les attentats du 13 novembre et la montée du Front National, les humoristes s’en sont donné à cœur joie. Sur France Inter, l’un d’eux s’est fendu d’un sketch  où il affirme, devant une assistance hilare, qu’il est comme ça Ould Abdel Aziz, ‘’quand il s’ennuie, il faut que ça bouge et puis ça sert à quoi d’être président si tu ne peux pas faire ce que tu veux’’ ? Avec lui, dit-il, c’est une coupe du monde en quatre jours. Notre humoriste, qui n’avait apparemment pas beaucoup de sujets pour dérider son public, lui propose carrément à la fin de son mandat de diriger la FIFA. ‘’Un monsieur qui ne respecte rien pour remplacer des escrocs, on reste dans une certaine éthique, non’’ ? se demande–t-il à la fin.
Pour rester dans une certaine logique cette fois, proposons à notre guide éclairé, s’il veut briguer la présidence de cette  institution, beaucoup plus riche que notre pauvre pays, qu’il peut bien écourter son mandat. Un raccourci qui sera, au moins une fois, bénéfique pour son pays.
                                                        Ahmed Ould Cheikh

dimanche 6 décembre 2015

Editorial: Un jour, un destin


La Mauritanie a fêté ce 28 novembre le cinquante-cinquième anniversaire de son accession à l’indépendance avec force inaugurations, défilés militaires, discours enchanteurs et conférences de presse de notre guide éclairé. Cette année, la fête a été délocalisée à Nouadhibou, Ould Abdel Aziz ayant voulu faire participer le reste du pays à la commémoration de cet anniversaire ‘’dans la joie et l’allégresse’’, pour reprendre l’expression galvaudée par nos organes de presse officiels. Nouadhibou s’était parée de ses plus beaux atours, et à prix d’or (on parle de quelques milliards), pour que la fête soit la plus belle possible. Et elle le fut mais pas pour tout le monde. Une partie de nos compatriotes, dont les leurs ont été pendus un certain 28 novembre  1990 de triste mémoire à Inal, a modérément apprécié qu’à quelques encablures de cette lugubre localité, la fête batte son plein un jour devenu pour eux synonyme de douleur et de deuil.  Pour avoir rappelé cette page sombre de notre histoire récente lors d’une conférence, l’ancien colonel Oumar Ould Beibecar a été arrêté par la police politique. Comme si ces événements douloureux devaient rester l’apanage d’une communauté. Qui avait seule le droit de les évoquer. Etrange pays où on met aux arrêts ceux qui dénoncent crimes et délits et on n’inquiète pas les bourreaux, si on ne les honore pas. Où on évoque la mise en péril de l’unité nationale  quand on réclame justice. Où on est accusé de souffler sur des braises alors qu’elles sont encore incandescentes.
 Venant d’un colonel, qui a vécu ces horreurs alors qu’il était sous les drapeaux, l’outrage était grossier et ne pouvait donc rester impuni.  L’omerta qui les entoure ne doit en aucun cas être brisée, par un militaire de surcroit. Oumar fait donc les frais de son courage, de son refus de cautionner l’abject et de son franc parler.  Des qualités plutôt rares par les temps qui courent. En évoquant  ces événements tragiques sur la place publique, Oumar   prend ainsi le taureau par les cornes  et exige que toute la lumière soit faite sur ces événements pour  que le pays puisse tourner définitivement cette page douloureuse de son histoire. On ne lui a apparemment pas pardonné cette ‘’digression’’. Et on fera   tout pour le faire taire mais l’homme n’est pas du genre à se laisser abattre facilement. Il n’est pas de cette graine d’officiers flagorneurs qui ont gravi les échelons parce qu’ils ne savaient pas dire non. Oumar a choisi la voie de l’honneur. Il est sorti des rangs la tête haute. Et il continue son chemin de croix en prenant fait et cause pour les opprimés, comme  à Oualata.
Un homme de cette trempe ne peut qu’être dérangeant pour un système basé sur l’injustice, les passe-droits et si peu de considération pour l’autre. Oumar peut aspirer, à juste titre,  à être un lien entre nos communautés, le trait d’union qui nous permettra de nous entendre, le déclic qui sonnera le glas de l’impunité. 
Ils sont si rares les hommes de cette trempe, qu’il faut s’accrocher à la moindre lueur d’espoir  pour voir enfin émerger une  ‘’vraie’’ Mauritanie nouvelle. Une Mauritanie juste, libre,  égalitaire et démocratique. Une Mauritanie où ce qui unit ses fils est plus fort que ce qui les divise. Un pays où la glace est définitivement brisée entre ses différentes composantes.
C’est ce combat que tous les patriotes  sincères devraient  mener. Forts de la devise du peuple tunisien réclamant l’indépendance : ‘’Si un jour le peuple veut vivre, le Destin, inexorablement, s’accomplira’’, disait le poète  Abou El Ghassem Chaabi.
                                                                          Ahmed Ould Cheikh

dimanche 29 novembre 2015

Editorial: Lettre à Ould Abdel Aziz


Monsieur le président, Depuis quelques mois, pour ne pas dire quelques années, on ne parle plus que de dialogue entre vous et votre opposition. Vous vous êtes toujours déclaré prêt pour un ‘’dialogue franc et sincère’’. Vous l’avez dit et répété lors de vos conférences de presse et lors de vos prises de parole en public. Vous avez même désigné un de vos hommes-liges pour servir d’interface avec cette opposition.  Qui ne vous a pourtant pas cru sur parole. En signe de bonne volonté, elle n’a pourtant pas demandé la lune. Elle a juste exigé  que votre émissaire réponde par écrit à ce qu’elle considère comme des préalables indispensables avant de passer aux choses sérieuses. Un écueil qu’il n’arrive pas à franchir malgré sa simplicité. Vous auriez pu lui dire de répondre à cette requête, si votre souhait était réellement de voir ce ‘’dialogue franc et sincère’’ sortir de l’ornière. Mais cela semble être le cadet de vos préoccupations. Vous avez fini par donner l’impression que vous ne jouez pas le jeu, telle une équipe qui mène au score et attend tranquillement la fin du match. A aucun moment, à part vos déclarations, qui ne dépassent apparemment celui de l’intention, vous n’avez fait un geste de nature à instaurer la confiance avec vos adversaires et à décrisper la scène politique. Vous auriez pu les inviter à s’asseoir avec vous autour d’une table, discuter de la situation du pays, poser ses vrais problèmes et se mettre d’accord sur un processus électoral d’où personne ne sera exclu. Vous ne serez pas moins président qu’avant et le respect qu’on vous devra n’en sera que plus grand. Mais vous avez préféré l’entêtement, refusant la moindre concession ou la moindre déclaration apaisante. Comme lorsque ce journaliste vous demanda, lors d’une rencontre avec la presse, de dire ouvertement aux mauritaniens que vous n’êtes pas candidat à un troisième mandat, vous avez parfaitement éludé la question, passant du coq à l’âne. Comment voulez-vous que l’opposition vous accorde le moindre crédit dans ces conditions et accourt pour prendre part  à un dialogue dont vous-mêmes n’êtes convaincu ni de la pertinence, ni de l’utilité dans un pays pourtant en crise.
Pire,  dans votre souci d’exclure un peu plus ces partis, dont le seul tort est de ne pas être tendre avec votre gestion  chaotique du pays, vous vous êtes choisi une opposition, dite modérée et  sur mesure, avec laquelle vous avez dialogué en 2011. Vous vous êtes mesuré à elle et vous l’avez massacrée en 2013 et 2014. Et c’est ce qui vous convient tout compte fait. Des modérés (dans votre entendement) qui se laissent battre facilement, n’élèvent pas trop la voix  et qu’il n’est pas très difficile de calmer. Mais cette fois la coupe est pleine. La crise vous rattrape après des années d’abondance au cours desquelles vous avez  dormi sur vos lauriers et dilapidé un pactole, dont une partie au moins aurait dû être mise de côté pour les années de vaches maigres comme celle que nous vivons et celles qui nous attendent. Vous avez senti subitement que vous avez besoin de cette opposition que vous méprisez. Va-t-elle se méprendre de nouveau sur votre compte ? Et vous aider à sortir de ce mauvais pas ? Un fort courant au sein d’elle refuse de se prêter à ce jeu et une grande partie de l’opinion lui donne raison. La balle est désormais dans votre camp. Faites un effort !  Si vous vous sentez réellement incapable de vous surpasser  pour reconnaitre que vous faites fausse route et que l’entêtement est toujours mauvais conseiller, achevez votre mandat, comme vous l’avez commencé, sous le signe de la crise et rendez votre tablier. Notre pays a besoin de connaitre enfin une situation apaisée, une élection transparente et une démocratie véritable qui ne sent pas les militaires à mille lieues. Si ce n’est trop vous demander.
Un dernier conseil : Evitez pendant qu’il est encore temps le syndrome Wade. L’ancien président sénégalais, qui s’est trop accroché au pouvoir, est sorti par la petite porte et son fils, dont le goût pour les affaires est un secret de Polichinelle, croupit actuellement en prison, après avoir été condamné à rembourser l’argent amassé indûment et à une forte amende.
Avec mes sentiments distingués.
                                                     Ahmed Ould Cheikh

dimanche 22 novembre 2015

Editorial: Lettre à l’opposition

Messieurs,
Il n’est peut-être pas dans les usages qu’un journaliste s’adresse à l’opposition mais l’heure est grave. Et il ne serait pas superflu que quelqu’un prenne son courage à deux mains pour vous dire tout haut ce qu’on commence à penser de vous tout bas.

Depuis près de six mois, la scène politique vit au rythme de vos réunions marathon, du passage de témoins à votre direction, des états d’âme de vos leaders, de votre incapacité à adopter une position commune pour ou contre le dialogue avec le pouvoir. En six mois, vous n’avez pas avancé d’un pouce, donnant l’impression que vous faites du surplace. Vous devez pourtant être échaudés par les expériences passées pour ne pas perdre tout ce temps dans ces querelles byzantines. Vous avez été floués en 2009 après les Accords de Dakar dont le seul volet relatif à la présidentielle a été respecté et encore. En 2011, vous avez été éliminés au profit d’une ‘’opposition’’ plus conciliante pour donner à l’opinion publique l’image d’un groupe de radicaux qui refuse obstinément  de s’asseoir autour d’une table de négociations. En 2013, le pouvoir a fait un point d’honneur de vous diviser pour vous empêcher de participer à des élections, dont l’issue était certes connue d’avance, mais qui vous auraient permis de siéger à l’Assemblée nationale et aux conseils municipaux. Malgré tous ces coups bas, vous n’avez toujours pas pris conscience que vous êtes en train de devenir les dindons de la farce. Sur quoi vous allez encore dialoguer ? Et avec qui ? Avec celui qui n’a pour vous aucune considération et vous traite de vieillards croulants ? Avec celui qui ne vous prend que pour un refuge de gabegistes recyclés ?  Avec celui qui a été le premier à fouler au pied les accords signés pourtant devant la Communauté internationale ? Avec celui qui vient d’achever la première année de son deuxième mandat, qui  dispose d’une confortable majorité à l’assemblée et peut donc voir venir?
Arrêtez de prendre vos désirs pour de la réalité ! Regardez la réalité en face et posez-vous ces questions : A quoi servira un dialogue dans ces conditions ? Va-t-il sortir le pays de la récession vers laquelle il se dirige tout droit ? Va-t-il l’aider à payer ses dettes ? Va-t-il résorber le chômage qui atteint des proportions catastrophiques ? N’est-il que de la poudre aux yeux pour vous détourner des problèmes essentiels et occuper l’opinion ? A-t-on déjà vu dans une démocratie une opposition consacrer l’essentiel de son temps et de son énergie à discuter de la meilleure façon de répondre aux propositions de dialogue d’un pouvoir quel qu’il soit?
De grâce, cessez ces futilités ! Battez-vous sur un autre terrain. Implantez vos partis et renouvelez leurs instances. Mobilisez vos militants. Critiquez la gestion. Démontrez son danger pour le pays. Faites des propositions concrètes. Organisez des meetings, des marches et des sit in. Dénoncez, preuves à l’appui,  la mainmise sur le pays. Bougez. Faites-vous entendre. Ne restez pas éternellement entre quatre murs à vous chamailler pour des banalités. Vos militants, las d’attendre, ne résisteront plus longtemps à l’appel des sirènes. Même si objectivement le pouvoir travaille pour vous,  et grossit chaque jour un peu plus le rang des mécontents, la nature a horreur du vide. Et, à force de vider les lieux, vous finirez par vider vos propres rangs. Alors de grâce ressaisissez-vous !
Aux dernières nouvelles, votre forum serait au bord de l’implosion, ayant été incapable de faire prévaloir le consensus. Ce serait la pire des choses qui puisse vous arriver. Que serait notre démocratie, déjà balbutiante, sans une opposition forte et soudée ?
A trois ans de la fin de l’actuel mandat, les grandes manœuvres ont déjà commencé et il serait suicidaire de rater encore une fois le train.
A bon entendeur !

                                                                                                      Ahmed ould Cheikh

dimanche 15 novembre 2015

Editorial: Indignez vous...ensemble

Ould Abdel Aziz a-t-il un (plusieurs ?) problème(s) avec les privés mauritaniens ? Ou,  du moins, certains d’entre eux : ceux qui n’entrent pas dans le moule qu’il s’est forgé. Ceux qui ne lui obéissent pas au doigt et à l’œil. Ceux dont les intérêts croisent le fer avec les siens ou avec ceux de ses proches. Il y a, en tout cas, comme un malaise et des hommes d’affaires,  jadis frileux, ne s’en cachent plus. Le président du Patronat, jusqu’alors très prudent, gérant ses relations avec Aziz sans faire de vagues, malgré les coups qu’il a pris, est sorti de sa réserve, la semaine dernière, lors d’une cérémonie à la Chambre de commerce.  Il a fustigé, en termes à peine voilés, l’absence de concertation entre l’Administration et le secteur privé, le harcèlement auquel les services fiscaux exposent les opérateurs économiques et  l’ingérence, inacceptable et grave, de « certaines » autorités, dans les opérations de renouvellement des instances du Patronat national. Ahmed Baba ould Aziz demandera, par la même occasion, la fin de l’immixtion des pouvoirs publics dans les prérogatives des commissions de passation de marchés, la fixation d’une durée, précise (et raisonnable), pour le paiement des créances du secteur privé auprès de l’Etat, et le strict respect de ces délais. La coupe était, donc, suffisamment pleine pour que le Patronat, généralement très soucieux de ses intérêts et évitant, autant que faire se peut, une confrontation avec les pouvoirs publics qu’il se sait incapable de remporter, sorte ainsi de sa réserve et dénonce une situation devenue chaotique.
Ou, vue sous un autre angle, trop exagérément orientée : le président de l’Association des maires de Mauritanie est un ancien colonel, tout comme le président de la Fédération des éleveurs ; un général défroqué est également pressenti, pour la Fédération de l’agriculture dont les instances seront renouvelées sous peu… A ce rythme, toutes les fédérations du Patronat finiront dans l’escarcelle d’anciens militaires. Le patron des patrons a raison de s’indigner et nous avec. Les économistes de tous bords sont d’accord sur un seul point : il ne peut y avoir développement sans un capital national fort, capable de créer des richesses et de susciter la croissance. Avec la mainmise de l’Etat sur certains secteurs (transport aérien et terrestre, BTP, assurances …), la Mauritanie post-2008 va à contre-courant des principes économiques de base et… du bon sens, tout simplement.
Ahmed Baba aurait pu ajouter que cette politique est en train de démontrer ses limites. Les sociétés publiques croulent sous le poids des dettes. L’Etat est en cessation de paiement et n’a plus les moyens d’honorer ses engagements. Serons-nous assez sages pour reconnaître que nous avons fait fausse route  mais qu’il n’est pas trop tard pour faire machine arrière ? « Le bon sens est la chose du monde la mieux partagée », disait Descartes. Mais pas en Mauritanie où l’entêtement tient plutôt de méthode de gouvernance. A ceci près qu’à entêté, entêté et demi : l’indignation des patrons serait-elle compatible, ne serait-ce qu’un temps, avec celle des syndicats, voire de l’opposition ? De fait, si forum et front partagent la même initiale, il n’y a qu’un pas de l’un à l’autre. Et ce serait, alors, beaucoup pour un seul homme… aussi entêté soit-il.  
                                                                                                      Ahmed Ould Cheikh

dimanche 8 novembre 2015

Editorial: Contre vents et marées


Le Calame fête  son millième numéro. Mille numéros ! Mais avec le numéro 0 qui entama la série, un fameux 14 Juillet 1993, c’est bel et bien mille-et-une nuits fiévreuses, mille-et-un exercices hebdomadaires, mille-et-un combats contre l’arbitraire et l’injustice, pour la démocratie, l’égalité, le respect des droits de l’Homme. Mille numéros : que de chemin parcouru, depuis le numéro zéro ! Cinq jeunes, tout aussi insouciants les uns que les autres, avaient décidé de lancer, ensemble, un journal totalement indépendant, avec, pour seuls moyens, la ferme conviction que la liberté d’expression ne se décrète pas mais s’arrache. Ils en firent les frais. Le journal sera saisi une trentaine de fois et fermé sept mois, au total des quatorze années de démocratie de façade, octroyée par Maaouya, pour se maintenir au pouvoir en de nouveaux atours. Quand d’autres, découragés par tant d’injustice, décidaient de jeter l’éponge, jamais, au Calame, nous n’avons songé, ne serait-ce qu’un instant, à rendre nos tabliers.
Combat  de longue haleine… Il fallait avoir le souffle long pour que l’imbécilité n’ait pas raison de l’idéal. Feu Habib nous disait toujours, pour remonter le moral de l’équipe : « Tenez bon ! Ils partiront. Nous, nous resterons ». Il ne croyait pas si bien dire. Maaouya et son régime ont été, finalement, balayés par la première bourrasque et, avec eux, les baillons, la censure, la saisie des journaux. Oui, nous avons tenu bon ! Et nous avons gagné. Mais seulement une bataille. Malgré les sacrifices, les censures et l’ostracisme qui nous avaient si durement frappés, ceux qui ont pris, depuis, possession de notre pays ne nous ont jamais témoigné la moindre gratitude. Nous ne demandons, certes pas, qu’on nous tresse des lauriers – ce n’est pas dans nos habitudes – mais le bon sens aurait voulu qu’on ait droit à un minimum de reconnaissance.
Serait-ce trop demander au dernier (?) avatar du système Maaouya de considérer une presse qu’il ne parvint jamais à amadouer ? Vingt-quatre ans de « démocratie » n’ont pas amélioré notre situation. Si la censure a été abolie, en vertu de la nouvelle loi sur la presse, votre journal est toujours frappé d’exclusion. Il est banni, de fait, de toute activité officielle (voyages présidentiels, conférences de presse, rencontres avec les journalistes etc.) et ce, depuis un certain 6 Août 2008 de triste mémoire. Pourquoi, selon vous ? Parce qu’on a dit non à un coup militaire contre un président civil. Parce qu’on continue à soulever les sujets qui fâchent. Parce qu’on refuse de prendre pour argent comptant un discours populiste qui ne trompe plus personne. Parce qu’on dénonce l’enrichissement d’une petite minorité et l’appauvrissement de tout un peuple. Parce qu’on dit non aux avantages inconsidérés accordés à l’Armée, au détriment du reste du pays. Parce qu’on rejette l’érection, en méthode de gouvernement, du népotisme et du tribalisme. Parce qu’on considère que l’injustice, les inégalités et le communautarisme peuvent menacer jusqu’à notre existence. Parce que nous avons décelé, dans le bradage du foncier, une volonté manifeste de faire main basse sur des zones idéalement placées. On pourrait multiplier les exemples à l’infini, tant il y a d’infamies dont la seule évocation donnerait un haut-le-cœur aux âmes les moins sensibles. C’est pour toutes ces raisons que Le Calame continuera d’exister. Contre vents et marées.
                                                                                   Ahmed Ould Cheikh

dimanche 1 novembre 2015

Editorial: Obligation de paraître


Tam-tam 2 n’a finalement pas eu lieu. Prévue initialement le 20 Octobre, la conférence a été reportée sine die. Faute de combattants ? Face au refus, systématique, de l’opposition de ne plus cautionner une autre mascarade, le pouvoir n’a pas sans doute pas  jugé productif de se donner de nouveau en spectacle, à la limite du ridicule, avec des partis de la majorité, quelques opposants persuadés d’avoir découvert le Saint Graal, des ONG cartables et beaucoup de troubadours écumant les couloirs du Palais des congrès, pendant une semaine, pour un résultat quasi nul.  La déclaration finale de Tam-tam 1 avait, pourtant, fait l’objet d’une large médiatisation et ses participants, chauds comme pas un, s’étaient donné rendez-vous le 20 Octobre, persuadés que l’opposition n’aurait autre solution que de prendre le train en marche. Pourtant, la CUPAD, où Boydiel multiplie les gestes de bonne volonté à l’égard du pouvoir, malgré l’hostilité manifeste de Messaoud,  avait refusé de se prêter au jeu, si toute l’opposition n’y participait pas. Son président a multiplié les rencontres, pour  faire fléchir les uns et les autres, sans aucun résultat apparent. Personne, à part les mêmes, ne s’est manifesté pour prendre part au bal. Du coup, Ould Abdel  Aziz a préféré renvoyer tout le monde dos à dos.
Il a, de fait, bien d’autres chats à fouetter : la situation économique qui lui donne des sueurs froides. Les recettes budgétaires qui se réduisent comme peau de chagrin. Le prix du fer  qui chute vertigineusement. Les sociétés d’Etat au bord de la faillite, si ce n’est déjà fait. L’agonie de la Santé. Le tableau noir de l’Education. Que faire ? Dialoguer ? Mais avec qui ?  Vendre les écoles ?  A qui ? Aux mêmes, qui ne sont jamais loin et qui ont fait main basse sur l’Ecole de police et le Stade olympique, pour des miettes qu’ils ne vont certainement pas payer ? Envoyer des militaires en Arabie saoudite, contre un peu de liquide, et faire taire les Koweïtis, de plus en pressants derrière une dette contractée il y a quelques années et qui, sous l’effet conjugué des agios et de l’irrespect des échéances, s’est transformée en boulet ?
Voyez-vous notre guide éclairé accorder, dans ces conditions, la moindre importance au dialogue ? Sans l’opposition, ce serait, certes, du gâteau mais si fade et coûteux, à défaut d’être goûteux. Avec elle, et en position de si grande faiblesse, du piment à s’arracher le veston, jusqu’aux galons et étoiles, peut-être, que notre défroqué tient précieusement sous sa jaquette civile. On n’est jamais à l’abri d’une mauvaise surprise. Bref, pas question de risquer l’étiquette d’homme fort de Nouakchott. C’est l’atout-maître, aux yeux de beaucoup, notamment de nos partenaires occidentaux, et, à moins d’être assuré du contrôle d’un éventuel chaos, nul doute que l’argument demeure la pierre d’angle du pouvoir actuel. Mais cette quasi-obligation de toujours paraître  ce qu’on n’est déjà plus, si souvent exprimée en intransigeance coupante, n’est-ce pas, en définitive, un aveu de faiblesse ? La vraie et dramatique limite d’une prétendue volonté de dialogue ?  
                                                                                  Ahmed Ould Cheikh

lundi 26 octobre 2015

Editorial: Tonneau des Danaïdes


Le mono-dialogue a redémarré ce 20 Octobre. Après une « accalmie » de  plus d’un mois, au cours de laquelle divers ministres ont sillonné le pays, pour expliquer les vertus de la concertation (avec soi-même ?), voilà la conférence tam-tam qui re-tympanise, mais toujours sans voix discordante. L’opposition rebutant, encore une fois, à se laisser convaincre par la nécessité de s’asseoir, autour d’une même table, avec un pouvoir  qui refuse de la considérer en partenaire à part entière. Et dont elle n’arrive toujours à saisir les motivations pour un dialogue qui aurait dû s’engager dès 2009, juste après la présidentielle, en vertu des fameux accords de Dakar.
Pourquoi  maintenant, alors qu’aucune  élection n’est en vue ? En l’attente de jours meilleurs, Ould Abdel Aziz, qui voit l’horizon s’assombrir de tant de difficultés politiques, sociales et économiques, voudrait-il sortir de ce mauvais pas en occupant l’opinion publique ? Ou pense-t-il que l’opposition, qui s’est auto-exclue de l’Assemblée nationale et des mairies, en boycottant les dernières élections, va se jeter, comme un mort de faim, sur un dialogue prêt-à-porter, histoire de négocier quelque nouvelles consultations électorales ?  Croit-il qu’avec un quarteron d’opposants en rupture de ban, il pourrait susciter des recommandations crédibles, obtenant l’adhésion de l’opinion intérieure et des partenaires extérieurs ?
Peut-être n’a-t-il  pas l’intention de triturer la Constitution, du moins si l’on en croit te ou tel de ses soutiens. Arrêtons donc de lui faire un mauvais procès et attendons la fin du monologue du Palais des congrès pour voir  de quoi il retourne. Mais ce qui est sûr, dans le contexte actuel, marqué par la décote du fer, le déficit des finances publiques, le surendettement, la hausse des prix  le mécontentement généralisé, la mystérieuse épidémie de fièvre, le tout en pleine crise politique et sociale, c’est qu’il serait suicidaire de se lancer dans une nouvelle aventure, en tentant une réforme constitutionnelle. C’est comme si l’on choisissait de rallumer de nouveaux foyers, au risque de tout embraser, plutôt que de tenter de circonscrire l’incendie.
Parions, pour l’heure, que notre stratège présidentiel s’abstienne de recourir à un tel aléatoire pare-feu. Mais le monologue dialoguiste suffira-t-il à éteindre les braises qui se multiplient ? Un arrosage en bonne et due forme alors ? Les milliards que nos « frères » saoudiens seraient prêts à débloquer, en échange de  l’envoi de troupes pour combattre les Houtis, seraient-ils le remède-miracle à tous nos soucis ? Entretenir une telle illusion semble pourtant de mémoire bien courte. Jamais, au cours de ces dernières années, notre pays n’a obtenu autant d’argent : recettes minières, fiscales et douanières, renouvellement des licences de téléphonie mobile, aides et prêts des bailleurs de fonds arabes et autres ; pour un résultat on ne peut plus piètre, une fois le bitume de nos rues nidifié par les poules.  Quelques milliards de plus versés dans le tonneau des Danaïdes dont la chaleur grandissante des problèmes vaporise l’eau à la vitesse grand V… Milliards évaporés ? Pas pour tout le monde, évidemment, mais les petits malins feraient bien d’assurer leurs arrières : ça sent bigrement le roussi, par les temps qui courent…
                                                                                       Ahmed Ould Cheikh

lundi 19 octobre 2015

Editorial: En toute modestie..

L’information est pour le moins insolite. Elle a été relayée, cette semaine, par le journal télévisé de France 2 et témoigne de la modestie légendaire de la Norvège. Modeste mais au top des pays riches de la planète : elle a, notamment, amassé, grâce à ses ressources pétrolières, un pactole de quelque 900 milliards de dollars, lorsque les prix de l’or noir étaient au plus haut… Et France 2 nous apprend que telle ministre norvégienne rentre à son bureau, au sortir d’une émission matinale sur une chaîne locale, à pied, sans aucune escorte. Se met au travail. Puis descend, à la pause, à la cantine du ministère pour déjeuner. A sa table, en face d’elle, l’employée chargée du nettoyage. Vers 17 heures, elle prend les transports en commun, pour retourner chez elle, un appartement de fonction d’à peine cent mètres carrés, sommairement équipé. Son collègue des Affaires étrangères s’était vu offrir, il y a peu, des tapis de la Turquie : il fut obligé de les restituer, lorsque la presse eut vent de l’affaire…
En tout cela, quel lien avec la Mauritanie qui n’est ni riche, ni démocratique encore moins modeste ? Le contraste. Si fort qu’il en devient choquant. Notre président de la République se prend, tout à la fois, pour le ministre des Finances, le directeur du Budget et le Trésorier général ; « son » Premier ministre pour un simple primus inter pares* qui ne cherche pas à faire des vagues; le ministre des Finances, pour un directeur des Impôts ; le ministre de la Santé, pour un homme politique ; le président de l’UPR, (PRDS-version Aziz), pour le ministre de la Santé ; le ministre de l’Energie, pour le directeur de la SOMELEC ; la directrice générale de la TVM, pour la ministre de la Communication et la conseillère de presse du Président ; tout peshmerga qui ne respecte pas plus sa profession que lui-même pour un journaliste sérieux et crédible.
 Rien qu’à voir la façon dont nos ministres se déplacent, en voitures de luxe, vitres teintées et rideaux tirés, chauffeur et policier à l’avant, leurs homologues norvégiens peuvent aller se rhabiller. Nos hauts fonctionnaires se barricadent, tant à domicile qu’au bureau, et le citoyen lambda en souffrance de quelque problème peut facilement passer des années dans les couloirs ministériels, sans jamais ne serait-ce qu’entrevoir l’entre eux. Et que dire des cadeaux que nos dirigeants reçoivent et qu’entoure la plus totale  opacité ? Feu Moktar ould Daddah reversait, automatiquement, au Trésor public, tous les cadeaux, parfois somptueux,  dont ses homologues l’honoraient. C’est un secret de Polichinelle que, depuis, aucun autre de nos présidents n’a déclaré la moindre offrande et Allah sait qu’il y en eut, en trente-sept ans ! Argent liquide, bijoux en  or, tapis, montres de valeur, ils ont tout gardé pour eux et leur variablement douce moitié.
La Norvège, qui ne se targue pourtant pas d’être une république islamique, nous donne ainsi des leçons de probité et de respect de la chose publique. Elle n’a donc pas besoin d’organiser des journées de concertation pour se donner des airs de vertu. En la vivant, banalement, quotidiennement et jusqu’en ses plus hautes instances, elle assure, en toute modestie, la stabilité de ses institutions, la confiance de ses partenaires et, ce qui n’est pas le moindre des  bienfaits, la paix civile…
*Premier parmi ses pairs
                                                                                                      Ahmed Ould Cheikh

dimanche 11 octobre 2015

Editorial: Jusqu’au rideau rongé…


Le pays éprouve des difficultés de toutes sortes. Le prix du fer est au plus bas. Le déficit des finances publiques, abyssal et le service de la dette risque de leur porter un coup fatal. Si jamais l’on se hasardait à le respecter. Les recettes du Trésor ? Au plus bas.  Les sociétés publiques ? Elles agonisent, les unes après les autres. Tasiast ? Dans le viseur du gendarme et de la bourse américaine. MCM ? En passe de mettre la clé sous la porte. Quant au népotisme, il atteint des sommets. Les marchés publics sont l’apanage d’une petite minorité qui n’en fait qu’à sa tête. Toujours omniprésente, la gabegie s’est faite plus sélective. L’éducation est dans un tel degré de déconfiture que le gouvernement a décidé de vendre les écoles au privé, pour en faire des boutiques. Le domaine public est devenu la chasse gardée d’une sorte de goule qui entreprend de dépecer le moindre espace ouvrant sur grande avenue.  Avec un secteur de la Santé sur le point de rendre son dernier souffle, l’épidémie de dengue, Chikunguniya ou fièvre du rift terrasse Nouakchott,  sans que la moindre alerte ne soit donnée. Celui de la Pêche est, depuis de longues années, en sursis. Nouakchott, chaque hivernage, se noie entre eaux usées et pluies. L’assainissement renvoyé aux calendes grecques. Les banques pullulent, sans que cela n’ait le moindre impact positif sur notre économie moribonde. Le FMI donne, lui, des signes d’énervement devant les chiffres qu’on lui avance, fort loin de refléter la réalité économique du pays. Quant à la SOMELEC, elle s’entête à nous fournir l’électricité au compte-gouttes. Et la TVM, à nous désinformer.
La coupe est pleine, certes, mais rien n’est trop rebutant pour notre Super-Guide-Eclairé. Il a trouvé la formule magique pour réduire tous ces problèmes à néant.  Après s’être, enfin, rendu compte que son équipe n’avait rien à faire à Nouakchott, incapable qu’elle est de nous sortir de « ses » mauvais pas,  il l’a envoyée, au grand complet, vadrouiller à l’intérieur du pays, pour y expliquer les « bienfaits » du mono-dialogue entre son parti et les partis satellito-cartables. L’opposition ayant, elle, définitivement tourné la page. Cela n’a pourtant empêché les missionnaires de l’attaquer à tout bout de champ. Pour l’un d’entre eux, « ceux qui boycottent le dialogue ne sont qu’une infime minorité d’opposants ». Pour un autre, « le fait de boycotter le dialogue constitue un danger pour l’unité nationale ».  Insistant tous, cependant, sur un même point : la Mauritanie vit une crise et seul le dialogue pourra la sortir de l’ornière. Quelle crise, quelle ornière ? Ne nous a-t-on pas toujours rabâché que le pays se porte comme un charme et qu’il n’y a de crise que dans l’imaginaire d’opposants aigris ? Un nouvel élément qui s’ajoute à la longue liste de contradictions que nous vivons depuis 2008. On attend le rideau final. Rongé qu’il est par  tant de calamités, il ne devrait pas être très joli à voir…
                                                                                               Ahmed Ould Cheikh

dimanche 4 octobre 2015

Editorial: A la mauritanienne...


Après la « conférence tam-tam », organisée, du 7 au 14 Septembre, au Palais des congrès, où l’UPR – PRDS version Aziz – a discuté avec lui-même de « toutes les questions d’intérêt national », voilà que des ministres et des conseillers sont envoyés à l’intérieur du pays pour expliquer ce qu’a été et ce que sera le futur dialogue. Il est, en effet, prévu un nouveau  monologue à partir du 10 Octobre prochain. C’est, du moins, ce qu’ont recommandé les « rencontres préliminaires au dialogue national », dans leur communiqué final. En prenant cependant soin d’inviter le reste de forces politiques à se joindre à la grande messe qui décidera de notre avenir pour les prochaines années… ou décennies, qui sait.
L’opposition ayant déjà opposé une fin de non-recevoir à tous les appels du pouvoir, échaudée qu’elle est par les expériences précédentes, on voit mal ce qui pourrait l’amener à changer son fusil d’épaule d’ici le 10 Octobre.  A moins d’un revirement, aussi spectaculaire qu’improbable, de la part d’Aziz, les chances sont quasiment nulles de voir l’opposition ‘’faire amende honorable’’ et accepter d’avaler des couleuvres d’au moins aussi grosse taille de celles qu’on lui fit ingurgiter à Dakar, en 2009. Le fossé est à ce point béant qu’il serait illusoire de parier la moindre ouguiya sur une décrispation de la scène politique avant 2019, au moins.
Dans ces conditions, pourquoi Aziz s’acharne-t-il à vouloir imposer « son » dialogue, alors que son deuxième mandat vient à peine de commencer et qu’il dispose d’une confortable majorité au Parlement ? Une Majorité dont la majorité commence à donner des signes d'énervement devant le peu de considération dont elle est l'objet de la part d'un pouvoir qui ne lui concède même pas des miettes. S'il n’a pas d’idées derrière la tête, pourquoi ne se contente-t-il pas d’accomplir posément son mandat, pour se retirer le plus tranquillement possible ? Aurait-il besoin, pour ce faire, d’une bouffée d’oxygène ? Il est vrai que les années d’abondance sont derrière nous : le déficit des finances publiques touche aux abysses, la récession pointe son nez, la politique du tout-Etat a atteint ses limites, les scandales gestionnaires se multiplient, le népotisme devient la norme…
Notre Raïs viserait-il plus loin ? Le peuple burkinabé, qui a chassé un président aspirant à un troisième mandat  et mis en échec un coup d’Etat, devrait cependant donner à réfléchir à tous ceux qui se croient indispensables, supputant qu’après eux, ce serait le déluge… Quelque chose est en marche en Afrique et c’est, de moins en moins,  au pas cadencé – avec tout ce que cela comporte de contretemps, hésitations et embouteillages. Les gens, ceux qui partagent les mêmes soucis triviaux du quotidien, se parlent désormais, réfléchissent, pèsent les discours et les actes de ceux qui prétendent les faire aller à leur botte ou les représenter, dans des dialogues et des non-dialogues à n’en plus finir. Les entendez-vous, messieurs et dames des cénacles politiques ? Cela se passe aujourd’hui, au Burkina Faso. Et dans combien jours, à votre avis, en Mauritanie ? Si ce n’était pas, déjà, ici aussi en route. A la mauritanienne, Aziz et consorts, à la mauritanienne…
                                                                                                      Ahmed Ould Cheikh

dimanche 20 septembre 2015

Editorial: Hors d'oeuvre

Les rencontres consultatives préliminaires au dialogue national, qui se sont déroulées, du 7 au 14 Septembre, au Palais des congrès, ont achevé leurs travaux lundi. Dans le même désordre et le même vacarme. Sans l’opposition radicale ou dialoguiste. Toutes les deux ont préféré bouder une pièce de théâtre conçue et jouée dans un objectif que personne n’est parvenue à élucider. La Mauritanie des profondeurs a été appelée à la rescousse. L’UPR a mobilisé le peu de monde qu’il est encore capable de drainer. Les applaudisseurs, les troubadours, les opposants en rupture de banc, les partis-cartables et sacoches, les syndicats inconnus, les ONGs qui le sont tout autant, tous ont été invités à rappliquer au Palais des congrès, faire acte de présence, intervenir lors des ateliers, bref « remplir la salle », donner l’impression que « la Mauritanie a répondu, dans toute sa diversité,  présente à l’appel du président Ould Abdel Aziz », pour reprendre les termes d’un laudateur auquel la TVM a tendu un micro baladeur qui ne « capte » que les bonnes choses. Une semaine durant donc, les « dialoguistes » (avec eux-mêmes) ont passé en revue tous les aspects de la vie politique, économique et sociale.  Ils ont débattu de tous les sujets possibles et imaginables, du principe du dialogue au renouvellement de la classe politique, en passant par l’Etat de droit, l’indépendance de la justice ou la décentralisation. La déclaration finale, qui récapitule ces différents points, a été lue, en arabe et en français, par deux transfuges de l’opposition, fraichement sortis des rangs. Un « honneur » auquel auraient bien voulu avoir droit chefs de partis et simples militants de la majorité qui ont usé leur fond de culotte à assister à toutes les réunions, applaudir, se déhancher et danser du ventre. C’est à se demander qu’est-ce qu’ils ont de plus que les autres, nos deux rescapés, dont un a déjà quitté la majorité pour l’opposition, avant de faire machine arrière et re-machine arrière, puis, au cours des dernières semaines, re-re-machine arrière. Quand s’arrêtera-t-il ? Réponse dans quelques mois ou quelques années, lorsque le pouvoir changera de main.
En attendant, les questions fusent, de toutes parts, à l’issue du show. Pourquoi le pouvoir s’est-il entêté à l’organiser, sachant pertinemment que l’opposition n’y prendrait pas part ? Comment inviter, au dialogue prévu le 10 Octobre (au plus tard), la moindre personne, a fortiori les plus grands partis d’opposition, à discuter de thèmes convenus sans eux ? Qu’y aurait-il de changé, pour que l’opposition accepte un telle issue ? On n’a pas parlé d’amendements constitutionnels. Cela couperait-il l’herbe sous les pieds de ceux qui pensaient que tout ce cinéma n’était destiné qu’à ça ? Mais les préliminaires restent ce qu’ils sont : des préliminaires. Sans doute peuvent-ils couper l’herbe, la salade, les hors d’œuvre mais les ailes des pigeons, c’est pour le plat de résistance...
                                                                                               Ahmed Ould Cheikh

lundi 14 septembre 2015

Editorial: Tam-tam

Hassan II avait le sens de la formule. « Conférences tam-tam » : c’est ainsi qu’il n’hésita  pas à qualifier, au plus fort de leur vogue, les conférences nationales, devenues mode en Afrique, au début des années 90, en prélude à une démocratisation forcée et imposée par l’ancienne métropole. Il ne croyait pas si bien dire : toutes finirent en fiasco. En Mauritanie, nous n’avons pas eu notre conférence nationale mais ce qui s‘est déroulé, ce dernier lundi, au Palais des congrès, y ressemble étrangement.  Une pièce de mauvais goût, flanquée de troubadours, ça donne quoi, selon vous ? Les « Rencontres consultatives préliminaires au dialogue national inclusif » – ça ne s’invente pas – n’ont été qu’une outrageuse exhibition. En l’absence du FNDU et de la CUPAD, pourtant opposition dite « modérée et participante », et en présence des formations politiques dites de la « Majorité », de quelques dissidents de l’opposition et autres partillons-cartables, la messe ne pouvait être dite. Pour dialoguer, il faut être deux et l’entêtement s’est toujours révélé mauvais conseiller. A quoi serviront des recommandations approuvées par un seul camp ? Où nous mènera cet unilatéralisme ? En quoi de nouvelles élections aideront-elles le pays à sortir de la crise, si l’opposition continue à être exclue du jeu politique ? Ce ne sont pas quelques débauchés, en mal de promotion et juste avides de soupe, qui donneront de la crédibilité à des rencontres sur lesquelles personnne ne pariera un ouguiya.
Pour leur donner un cachet populaire – méthode Kagamé ? – l’UPR, PRDS version Aziz, a battu le rappel de ses troupes. Des cars ont été loués, pour transporter des militants ; une tente dressée, devant le Palais des Congrès, pour les abriter. Des centaines d’entre eux ont même eu droit à des cartons d’invitation, pour meubler la salle et combler le vide – béant – laissé par les boycottistes. Sachant pertinemment que l’opposition n’acceptera jamais de participer à un dialogue sans garanties écrites, le pouvoir s’est pourtant entêté à tenir ces assises, coûte que coûte. Pour un résultat nul. Citoyens et partenaires au développement restent persuadés qu’un dialogue inclusif ne peut se tenir sans la participation de tous.
Un autre tam-tam, autrement plus conséquent et lourd de significations, nous parvient de l’autre côté de l’Océan. Du Guatemala, plus précisément, dont le président de la République dort, depuis quatre jours, en prison, suite à un énorme scandale de corruption. Sous la pression de centaines de milliers de citoyens descendus dans la rue, à l’appel de la Société civile, le Parlement a dû lever l’immunité du chef de l’Etat et le procureur signer son ordre d’écrou, tandis qu’était avancée, dans la hâte, la date de l’élection présidentielle.
C’est un humoriste célèbre, version Dieudonné guatémaltèque, qui se retrouve largement en tête du premier tour organisé dimanche. Les citoyens sud-américains ont donc compris qu’il valait mieux en rire qu’en pleurer. Un fol espoir que les soutiens militaires dudit comique se chargeront, peut-être, de réduire à néant. Mais, tout de même, un sacré tam-tam dont nous ferions bien, Mauritaniens, de méditer le sens. Tant qu’il nous reste une bouche, pour dénoncer ou rire, avant de n’avoir plus que nos yeux, pour pleurer…     
                                                                                 Ahmed ould Cheikh

lundi 7 septembre 2015

Editorial: Suivez mon regard!

On se demande, à présent, comment un dialogue pourrait s’initier, entre deux pôles qui ont atteint un tel degré dans l’invective. Et qui, depuis 2009, se regardent en chiens de faïence, dans un spectacle où la confiance semble perdue pour de bon. Comment dialoguer dans ces conditions ? Que va-t-on se dire qui n’ait été déjà dit ? Après avoir tenté, vainement, d’allécher l’opposition par une élévation de la limite d’âge des candidats à la présidentielle – ce qui permettrait à Ould Daddah et Messaoud de se présenter à la prochaine – le pouvoir s’est retrouvé fort contrit et grise mine, lorsqu’on lui a répondu que cette question n’avait jamais été posée, du moins par les intéressés eux-mêmes. Et le voilà, pour tenter de relancer la sauce, à faire, de nouveau, miroiter les idées de supprimer le Sénat, dissoudre les assemblées, organiser des élections législatives et municipales anticipées… Des « fuites » savamment orchestrées sur certains sites. Une façon d’appâter des partis que la non-représentation au Parlement prive de subventions. Chou blanc là aussi. Personne n’a accouru. Le FNDU campe sur ses positions.
Est-ce avec l’illusion de l‘en déloger que le ministre secrétaire de la Présidence, décrété monsieur Dialogue du pouvoir, a fixé, unilatéralement, dans son courrier au Front, la date du 7 Septembre, en date-butoir pour l’ouverture officielle des discussions ? Si le ridicule ne tue pas, c’est aussi qu’il peut, parfois, cacher anguille sous roche. Ce pourrait être : vous voilà, FNDU, devant l’alternative de baisser culotte ou de nous laisser les mains libres pour dialoguer avec qui nous voulons dialoguer. 2019, ça se prépare dès maintenant. Si vous ne voulez pas en discuter, dites-le, une fois pour toutes, on trouvera bien, moyennant arrangements, une bonne petite dose de partis et autres partillons pour nous faire savoir la volonté du peuple souverain. La constitution, comme les Accords de Dakar, ce n’est pas le Coran. Comme toute œuvre humaine, elle est donc perfectible. Suivez mon regard!
                                                                          Ahmed Ould Cheikh

dimanche 30 août 2015

Editorial: Le temps des Fondations

Le temps des Fondations

26 August, 2015 - 01:29

La nouvelle n’a eu droit qu’à des entrefilets en quelques sites et journaux. Elle est pourtant d’importance : la Première dame aurait désormais sa Fondation : Rahma (clémence). Qui a déjà commencé déjà à pourvoir le ministère de la Santé en matériel médical. Son président (ou directeur exécutif, on ne sait toujours pas), qui n’est autre que le fils du couple présidentiel, a même rencontré des représentants des rapatriés du Sénégal. Une politique des petits pas qui n’a pas encore dévoilé tous ses secrets. Pourquoi cette annonce, en ce moment précis ? Quels objectifs, derrière ? Avec quoi sera-t-elle financée ? Senoussi ? Wartsila ? La vente de concessions rurales en plein Nouakchott ? Les « dons » d’hommes d’affaires et autres banquiers obligés de mettre la main à la poche ? On n’en sait pas plus pour le moment. Le financement des Fondations présidentielles est un des secrets les mieux gardés de la République. Toujours est-il que leur vocation est rarement humanitaire. Des desseins inavoués (ou inavouables) se cachent toujours derrière. Sous couvert de soutien aux pauvres et nécessiteux, elles servent, généralement, de pompes à fric à moindres frais. A moins qu’elles ne pourvoient à des fins politiques et autres. Tout est bon, dans la Fondation ! Celle de notre Première dame ne dérogera pas à la règle.
De quoi rafraîchir, parmi les nombreux griefs du président actuel à l’encontre de son prédécesseur, les hurlements autour de la Fondation Khattou (du nom de l’épouse de ce dernier). Sa présidente fut même traînée, de force, devant une commission sénatoriale, pour s’expliquer sur l’origine de ses financements. Et un thuriféraire du nouveau régime s’est fait inviter, sur le plateau de la TVM, pour présenter les attributions de terrains, un peu partout dans Nouakchott, au profit de ladite Fondation. Nos rectificateurs de l’An 8 nous croient peut-être tous de mémoire assez courte pour avoir oublié les misères infligées à Khattou. Oubliant, eux-mêmes, que celui qui a tué par l’épée périra par l’épée ? Et de quelle autre position que celle, naguère, de Khattou, l’épouse d’Aziz bénéficie-t-elle, pour lancer sa Fondation ? Même cause, mêmes effets ?
La différence, sans doute, tient à la différence d’environnement. Une « petite » Fondation, dans un océan de gabegie, ce n’est pas la même chose qu’une faveur matrimoniale ouvertement accordée en début de règne. Ça fait beaucoup moins tache, à côté du népotisme, du favoritisme et du tribalisme qui minent désormais les fondements de l’Etat. Parlons plutôt des espaces publics et des écoles qu’on brade, des marchés de complaisance, des agréments bancaires distribués sans aucun discernement, de la loi des Finances qu’on viole, des devises cédées à perte, des nominations imméritées, de l’incurie et de l’improvisation érigées en méthode de gouvernement… Une fondation, alors que les fondations mêmes de la Nation sont liquéfiées ? La seule question pertinente sera, probablement, de savoir combien de temps restera-t-elle à flots…
                                                                            Ahmed Ould Cheikh