dimanche 26 février 2023

Editorial: Faux fuyant sans lendemain

 «Plus de cinquante millions de dollars auraient été généreusement offerts par un chef d’État arabe au président Mohamed ould Abdel Aziz»: la rumeur, très probablement lancée à titre préventif, il y a des mois par l’entourage de l’ex-Président va-t-elle devenir l’argument central de sa défense après avoir été corroborée par son avocate libanaise qui a écrit sur Facebook qu’Aziz lui a affirmé que sa fortune a pour origine un chef d’Etat arabe? Après l’effondrement de sa barricade «Article 93 de la Constitution» et la très faible chance de voir déclarée inconstitutionnelle la loi anti-corruption – qu’il avait lui-même fait voter lors de son règne – que pourrait donc espérer MOAA  de cette nouvelle stratégie ? Admettons que la rumeur se voit corroborée par ledit supputé donateur. Un aveu, soit dit en passant, qui mettrait celui-ci en piètre posture devant la Communauté internationale désormais officiellement attachée à la lutte contre la corruption… 

Cela dit, cette somme resterait plus du double inférieure aux quarante-sept milliards d’ouguiyas déjà saisies par l’État mauritanien, sans compter les placements et investissements à l’étranger qu’il reste encore à tracer, ainsi que les acquisitions foncières et immobilières vraisemblablement obtenues via des marchés publics truqués. À ce dernier égard, les témoignages de ses anciens ministres et collaborateurs ne tarderont pas à l’accabler. Et l’on ne manquera certainement pas de surligner en rouge la soudaine fortune de ses proches et autres principaux bras droits. Tout aussi généreusement dotés par ce même mystérieux chef d’État arabe, je présume ?

Mais sur quels critères ces éventuels cadeaux et dons d’un gouvernement étranger à un président de la République en exercice pourraient-ils être soustraits des comptes publics ? De tradition en Mauritanie – cf. l’exemple de Moctar ould Daddah et même de son épouse Mariem qui remettaient au Trésor public tout ce qu’on leur offrait lors de leurs missions à l’étranger – et tout aussi systématique ailleurs, notamment à l’ONU, aux USA ou en France où n’est considéré « personnel » qu’un cadeau valant moins de cent dollars, ces largesses étrangères sont bien évidemment portées au compte du peuple, c’est-à-dire à l’État lui-même. 

Il faudra donc, aux avocats d’Ould Abdel Aziz, beaucoup de contorsions, d’effets de manche et, surtout, de clameurs médiatiques – encore et toujours… – pour seulement espérer semer le trouble et duper ainsi l’opinion de notre bon peuple. Mais il est très improbable que cela soit suffisant pour convaincre les juges, beaucoup plus attentifs, eux, à l’examen des faits… Bref, un faux-fuyant sans lendemain pour une défense aux abois ?

                                                                                   Ahmed ould Cheikh

dimanche 19 février 2023

Editorial: Trop c'est trop!

 L’affaire fait grand bruit depuis quelques jours. Suite à des tortures infligées dans un commissariat de police, la mort de l’activiste Souvi ould Cheïne a fini de convaincre que l’État de Droit s’arrête à la porte des commissariats. Pourtant – et espérons qu’enfin une fois devienne coutume – cette affaire, a contrario de tant d’autres qui l’ont précédée, ne passera pas par pertes et profits. Dès que les policiers ont déposé le corps sans vie de Souvi à l’hôpital Cheikh Zayed, la machine de l’État s’est mise en branle. Le président de la République a ordonné au ministre de la Santé la constitution dans les plus brefs délais d’une équipe de médecins pour procéder à l’autopsie du corps. Le procureur de Nouakchott-Nord s’est déplacé à l’hôpital pour en attendre les résultats et le directeur de la Sûreté – que certains malintentionnés voulaient associer à un évènement auquel il est totalement étranger – a mis aux arrêts tous les agents présents ce jour-là audit commissariat, ainsi que son commissaire. Fait nouveau : la TVM a suivi l’affaire de bout en bout, évoquant ses différentes péripéties dans ses journaux télévisés. Il y a réellement de quoi se féliciter quand on sait que jusqu’à tout récemment, les – excusez du peu -« bavures » policières étaient soit passées sous silence, soit réglées à l’amiable avec les familles des victimes. 

Cette fois, les autorités ont pris les devants : plus rien ne sera comme avant. Comme l’a claironné le procureur, l’enquête suivra son cours et les responsables répondront de leur acte devant les tribunaux. L’opinion publique est pour une fois unanime et suit de près l’évolution de l’affaire. Espérons qu’après un si bon début, elle ne finira pas en eau de boudin. Quoiqu’il advienne, toute la rédaction du Calame s’associe à présenter nos condoléances attristées à la famille du regretté martyr. Inna lillahi oua inna ileyhi raji’oune.

                                                                                                    Ahmed ould Cheikh

samedi 11 février 2023

Editorial: Au travail, messieurs les juges!

 Depuis l’ouverture de son procès le 25 Janvier dernier, Ould Abdel Aziz doit se faire du mouron. Il n’imaginait sans doute pas que le processus engagé avec la mise en place d’une commission d’enquête parlementaire, allait, deux ans plus tard, le voir assis sur le banc des accusés comme un vulgaire chef de bande pris la main dans le sac. Confiant en ce que les informations qu’il détient seraient de nature à le protéger contre toute poursuite, il était même persuadé que le pouvoir n’ira pas jusqu’à le juger. Je te tiens, tu me tiens par la barbichette… C’est pourquoi le retour sur terre fut rude pour celui qui se disait invincible et « ne connaissait pas l’échec », selon ses propres termes. Pour essayer de le tirer de ce mauvais pas, ses avocats ont multiplié les manœuvres et invoqué à n’en plus finir l’article 93 de la Constitution stipulant qu’un président de la République ne peut être jugé que par une Haute cour de justice. Un argument rejeté par le tribunal de première instance, la Cour d’appel et la Cour suprême. Faisant contre mauvaise fortune bon cœur, il s’est alors attaché, en plus de ses conseils locaux, les services de trois avocats étrangers : une libanaise, un français et un sénégalais. De quoi faire un sacré boucan au tribunal ! Surtout lorsqu’ils croiseront le fer avec leurs homologues de la partie civile et avec un procureur particulièrement au fait de ses dossiers. Les joutes oratoires ont d’ailleurs déjà commencé et ne s’arrêteront pas de sitôt. Un long procès en perspective nous attend, quoique son issue ne fasse aucun doute, tant les charges qui pèsent sur Ould Abdel Aziz et ses co-accusés sont flagrantes. Et les peines devraient être lourdes, très lourdes même, si notre Droit pénal en permettait le cumul. Seront-elles assez bien choisies, au final, pour dégoûter une fois pour toutes les aspirants à – aspirateurs de ? – nos richesses publiques ? Au travail, messieurs les juges !

                                                                                          Ahmed ould Cheikh

EDitorial: Place au Droit

 Le mercredi 25 Janvier s’est enfin ouvert le procès tant attendu. Celui d’Aziz et douze de ses compagnons d’in(fortune). Longtemps attendu par l’opinion nationale, il devrait sceller pour de bon le sort de l’ex-Président qui n’a cessé de narguer le pouvoir et la justice incapables, selon lui, de lui faire un procès. Ses avocats n’ont d’ailleurs pas cessé de multiplier les manœuvres dilatoires, en usant de tous les recours possibles et imaginables, allant jusqu’à la Cour Suprême pour éviter que le procès n’ait lieu. Sans doute savaient-ils que leur client serait dans une des positions les plus inconfortables qui soit au cas où il aurait à justifier les milliards qu’il a amassés. Et dont une (petite ?) partie est déjà entre les mains de la Justice. Il est en effet écrit noir sur blanc, dans la nouvelle loi sur la corruption, que c’est à la personne inculpée de prouver l’origine de sa fortune. Que dira donc Ould Abdel Aziz en cette occurrence ? Lui à qui il était interdit de s’adonner au commerce et aux affaires durant l’exercice de ses fonctions. Et qui devait, de surcroît, verser toutes les donations de quelque nature qu’elles soient au Trésor public.

On a donc à entendre le Droit. Non pas les arguties subtiles autour d’éventuels vices de forme ou de procédure qui permettraient à l’un ou l’autre des accusés, voire tous, de se voir, non pas blanchis, mais très salement exemptés des suites pénales de leurs forfaits. Non, le Droit dans toute sa noblesse, au service de la vérité. Il ne s’agit pourtant pas ici d’idéalisme ni même d’éthique. C’est très concrètement notre avenir qui est en jeu. Rien de plus pragmatique donc. Car en plus d’être un test pour le pouvoir actuel, qui laissera – ou non… – la justice suivre son cours normal, il servira de leçon pour nos futurs dirigeants convaincus– ou non… – à ne plus se hasarder, comme s’y complut notre ancien guide éclairé, à faire preuve de boulimie.

                                                                                                  Ahmed ould Cheikh