vendredi 25 juin 2021

Editorial: Double nationalité?

 Désormais, les détenteurs de la double nationalité ne pourraient plus briguer aucun poste électif : président de la République, député, conseiller régional ou municipal ; ni même devenir membre du gouvernement ? Fallait-il vraiment faire appel au ministre de la « Justice » pour annoncer une telle iniquité ? Et Mohamed Mahmoud ould Boyé de prétendre qu’avec cette modification du Code de la nationalité, « le pays va mieux bénéficier des compétences de sa diaspora ». En leur interdisant l’accès à la fonction publique ? On va où, là ? 

L’article 23  de la précédente loi 2010-019 d’Ould Abdel Aziz avait au moins ce bémol de réserver un délai de cinq ans à telle liberté civique et à celle régalienne de l’État de le lever. Injuste, le nouveau projet de loi n’est ni honorable ni fraternel. Après l’hymne et le drapeau, c’est à notre triptyque national que les militaires ont donc décidé de s’attaquer ? En ses aspects discriminatoires, cette nouvelle mouture est de fait anticonstitutionnelle en plusieurs de ses articles et contrevient brutalement aux multiples conventions et traités internationaux que la Mauritanie a ratifiés.  

Au final, les errements des articles 30 et 31 de la loi initiale 1961-112 sont à peine nuancés par l’abandon de la voie décrétale pour conserver la nationalité mauritanienne. La question demeure bel et bien de réguler, non pas d’abord la perte, mais avant tout l’exercice de celle-là, dans le cas où l’onen a acquis une ou plusieurs autres. On pourrait ainsi facilement entendre qu’il ne soit pas possible  de briguer le moindre poste électif ni même devenir membre de l’administration de deux différentes nations. Nonobstant, il n’est pas vain de le rappeler, le droit régalien de tout État d’employer qui il veut, quand il veut, au gré d’exceptions qu’il s’octroie. Faudrait-il donc ajouter « Lucidité » à notre devise triangulaire pour lui éviter les affreux contresens d’ambiguïtés manifestement plus diplomatiques que prétendument nationalistes ?

                                                                                                                        Ahmed ould Cheikh

dimanche 20 juin 2021

Editorial: Usés jusqu'à la corde

 Les nominations et permutations de  secrétaires généraux en divers ministères, ainsi que d’autres hautes fonctions, opérées lors du dernier conseil des ministres, n’ont laissé indifférents ni les internautes, ni la classe politique, encore moins les simples citoyens. Si certains y ont vu un juste retour des choses pour des hommes et des femmes qui ont soutenu le candidat Ghazwani et s’attendaient à être récompensés en conséquence, d’autres les ont considérées comme un éternel recyclage ou, pour être méchant, un acharnement thérapeutique. Il n’est en effet guère normal que les mêmes continuent à occuper le devant de la scène, comme si le pays ne pouvait plus s’en passer. La Mauritanie regorge de cadres compétents et honnêtes qui ne demandent qu’à être mis à l’épreuve. Plusieurs de nos cadres expatriés sont eux aussi prêts à se mettre au service de la Nation. Tout le monde se dit enclin à mettre la main à la pâte. Mais, comme l’a si bien dit Mohamed El Mounir, à condition de ne pas  « privilégier, dans les nominations aux plus hautes responsabilités publiques, les considérations personnelles, relationnelles et clientélistes à l’impératif de l’efficacité ». Une recette qui  « constitue à l’évidence », précise ce juriste, « un passeport pour l’échec et même un échec programmé ».

Le Président avait promis une rupture avec les (mauvaises) pratiques courant sous son prédécesseur. Il a manifestement encore du chemin à parcourir pour honorer ses engagements. Le peuple  qui l’a soutenu et pris au mot attend toujours que les promesses se concrétisent. Pas seulement celles relatives aux nominations. On ferait bien cependant de rappeler  aux rêveurs que « les promesses n’engagent que ceux qui croient. » Et, aux résignés, qu’il y a certainement beaucoup mieux à faire qu’à relooker un ex usé jusqu’à la corde…

                                                                                             Ahmed ould Cheikh

vendredi 11 juin 2021

Editorial: Pourquoi?

 Comme à son habitude tous les soirs, il est sorti de chez lui vers 21 heures pour aller prier à la mosquée du quartier où les fidèles l’apprécient à sa juste valeur. Sur le chemin du retour, il achète du couscous pour le diner de sa famille et, tenant le sachet dans une main, égrenant son chapelet dans l’autre, le voici à marcher d’un pas lent, tranquille. Probablement à mille milles de seulement imaginer qu’il puisse rencontrer, sur son chemin, trois lascars empiffrés de substances psychotropes… qui abrégeront sa vie pour quelques centaines d’ouguiyas et un petit téléphone.

Le meurtre, perpétré de sang froid à Toujounine dans la soirée du jeudi 3 Juin dernier, du professeur Mohamed Salem ould Elouma, par une bande de jeunes voyous repose encore une fois le problème de l’insécurité à Nouakchott. Depuis quelques semaines, il ne se passe pratiquement aucun jour sans que des agressions à main armée, viols et/ou meurtres ne soient déplorés dans les différents quartiers de notre capitale. Malgré la multiplication des commissariats de police, les rondes des gardes et des gendarmes, la situation n’a cessé d’empirer. Inquiets, les citoyens exigent plus de rigueur dans la traque des bandits et une application beaucoup plus stricte des sentences judiciaires. C’est en effet secret de Polichinelle que la justice fait parfois preuve de laxisme et que nos prisons, au lieu d’être des centres de réhabilitation comme on en voit partout dans le monde, sont devenues des lieux d’endurcissement criminel où, confronté à une réalité sans pitié, le délinquant s’aguerrit, pour devenir plus dangereux encore une fois dehors. D’autres n’hésitent plus à réclamer ouvertement le retour à la peine de mort, conformément à la Chari’a. Oui, il y a quelque chose de pourri en notre république islamique. Mais ce n’est pas en éliminant l’effet qu’on supprime la cause. Il va nous falloir critiquer en profondeur et très lucidement nos schémas d’intégration dans la modernité…

                                                                                             Ahmed ould Cheikh

samedi 5 juin 2021

Editorial: Cohérence?

 Après plusieurs semaines d’attente, le remaniement ministériel a été enfin annoncé en fin de semaine dernière. Depuis que le Président a claqué la porte lors d’un conseil des ministres, mécontent qu’il serait des prestations d’une équipe qu’il s’est pourtant librement choisie, la rumeur n’a cessé d’enfler. On disait partante la majorité de l’attelage gouvernemental, pour insuffler un sang nouveau et dégager des ministres dont le moins qu’on puisse dire est qu’ils n’ont pas donné satisfaction. Au final, seuls trois sont éjectés. En attendant d’autres remaniements qui ne manqueront pas d’intervenir, probablement sous peu. Il est en effet devenu une habitude que ces mouvements soient à chaque fois jetés en pâture à l’opinion pour la distraire. Et, comme à l’accoutumée, elle s’en est délectée jusqu’à plus soif. Tout le monde y est allé de sa petite analyse : les dosages tribalo-régionaux ont été encore une fois respectés ; l’expérience n’a pas été nécessairement primée et des considérations pas toujours objectives ont été prises en compte... Certes il faut de tout pour faire un monde mais on aurait pu mieux faire. En procédant de la sorte, Ghazwani veut peut-être imposer sa touche par... petites retouches. En gardant quelque temps des ministres de son prédécesseur, avant de les écarter jusqu’au dernier, il se donne le temps de former son équipe. Cette fois sera-t-elle la bonne ? À quand la fin de cette instabilité gouvernementale ? Nous en sommes tout de même presque à mi-parcours du présent mandat de Ghazwani, il semble grand temps d’en saisir la cohérence…

                                                                                                      AOC