dimanche 10 mai 2020

Editorial:Calomniez, calomniez.............

Depuis quelques mois circulent sur le net des vidéos anonymes d’une rare violence verbale. Ni le président de la République, ni le Premier ministre, ni celui de l’Intérieur ni même des députés n’échappent à la vindicte de ces nouveaux mercenaires, lâches et anonymes. Que leur reproche-t-on en filigrane ? D’avoir « lâché » Ould Abdel Aziz ? De s’être engagé résolument sur une nouvelle voie où l’ex-Président, qui n’a pas laissé un souvenir impérissable, n’a plus de raison d’être ? D’avoir refusé d’occulter un passé très récent où le pays fut mis à genoux par un clan prévaricateur ? Probablement un peu de tout de cela, Ould Abdel Aziz n’ayant toujours pas digéré d’être évincé d’un pouvoir qu’il avait pris l’habitude soit d’exercer soit d’y interférer ouvertement depuis près de 15 ans. Mais la réalité est plus prosaïque encore. Depuis que la commission d’enquête parlementaire a été mise sur pied, certains ténors du régime déchu font des pieds et des mains pour que tout le monde soit placé dans le même panier. Laissant entendre que tout un chacun allait à la soupe. Que nul n’est irréprochable. Comment distiller tels propos ? Par l’utilisation abusive de réseaux sociaux qui, comme disait Umberto Eco, « ont donné le droit de parole à des légions d’imbéciles […] ainsi nantis aujourd’hui du même droit de parole qu’un prix Nobel. » Un combat d’arrière-garde perdu d’avance. Non seulement la Commission d’enquête est assez avancée dans son travail mais elle a même élargi ses compétences à d’autres dossiers tout aussi sulfureux que les sept sur lesquels elle planchait et la voilà à recruter des experts et autres bureaux d’études spécialisés pour l’aider dans une mission qui s’annonce apparemment plus périlleuse que prévu. Croient-ils, ces revanchards, que la roue de l’Histoire va s’arrêter de tourner ? Que leur champion dont on découvre jour après jour les immenses dégâts laissés derrière lui s’en tirera à si bon compte ? Qu’on nous répétera à l’envi, comme à chaque changement de régime : « Tournons la page ! » ? Que nenni ! La politique de la terre brûlée n’est en tout certainement pas la meilleure formule pour se disculper. Pire, elle peut valoir de grandes inimitiés. Et n’empêchera pas l’inéluctable grand déballage. Il  faut s’armer de patience et de courage pour affronter son destin. Les biens de ce pauvre pays ont été tellement pillés pendant onze ans qu’il serait criminel de tout laisser passer par pertes et profits. Ce que certains zélateurs n’ont malheureusement pas encore compris. Publiez vos diatribes commandées, diffusez vos vocaux et vidéos sur le Net, diffamez à longueur de journée, insultez ouvertement, rien n’y fera : la machine est enclenchée et à ce rythme, elle broiera tout sur son passage. Et, certes, si « calomniez, calomniez, il en restera toujours quelque chose », comme disait Francis Bacon, l’addition n’en sera pas moins salée à payer pour les commanditaires de la calomnie… et peut-être même plus, en ce que les calomniés peuvent se révéler fort peu indulgents.
                                                                                    CalominAhmed ould Cheikh

dimanche 3 mai 2020

Editorial: Dernier écurie d'Augias

Le site Al Akhbar l’a révélé la semaine dernière mais c’était, en fait, un secret de Polichinelle. Au cours de sa dernière année au pouvoir, Ould Abdel Aziz fit feu de tout bois. Comme s’il voulait engranger le maximum avant le passage de témoin à son successeur. Rien n’a échappé à la boulimie dévastatrice du clan. Même les terrains, dont il avait pourtant fait le plein en onze ans de pouvoir, n’ont été épargnés. La zone couvrant l’entrée nord de la ville jusqu’au nouvel aéroport est ainsi devenue un immense titre foncier détenu par « la »famille. 3,5 millions de mètres carrés ont été ainsi attribués à dix-huit sociétés fictives. Convertis en lots, cela fait 8700 de 400 mètres carrés chacun. Alors que des centaines de milliers de familles n’ont jamais bénéficié du moindre terrain, une – une seule ! – faisait main basse sur autant d’espace. C’est pourquoi la commission d’enquête parlementaire a demandé et obtenu – à juste titre – que le foncier de Nouakchott fasse partie des dossiers sur lesquels elle va enquêter. Personne, en effet, ne peut rester les bras croisés devant un accaparement aussi odieux du domaine public. Après les écoles primaires, le Stade olympique, l’école de police à Nouakchott, la base marine, les cabanons, le centre Mamadou Touré à Nouadhibou… – et la liste est loin d’être exhaustive ! – Ould Abdel Aziz peut se vanter d’être le plus grand propriétaire foncier du pays. Et probablement l’un de ses plus riches citoyens, si l’on y adjoint les centaines de marchés en tout genre dont il fit son sport favori. La construction du nouveau Palais des Congrès, dont il chargea un de ses anciens bras droits – 16 milliards d’anciennes ouguiyas ! – le canal de Keur Macène, le barrage de Seguellil, la route de Benichab et le casier-pilote de Boghé, attribués pour près de 25 milliards d’ouguiyas à la société STAM dont tout monde connait les liens avec « la » famille, les lignes haute tension qui relieront Nouakchott à Nouadhibou, Zouérate et jusqu’à la frontière avec le Sénégal, cédés sans appels d’offres à la société indienne Kalpataru – en échange de quoi ? –, les permis de recherche miniers, les quotas de poulpe, la vente du fer de la SNIM via des intermédiaires, la construction de routes… et quoi d’autres ? Il faut bien plus qu’une page d’un journal pour lister tous les méfaits d’un régime fort d’une seule devise : « la thune à tout prix ! » À telle enseigne que la moindre mission de contrôle n’a pas besoin de fouiner : la prévarication affleure partout en surface. La commission d’enquête parlementaire a sans doute déjà une idée du gâchis, après les témoignages des responsables qu’elle a interrogés. Tous ont reconnu les faits et accablé un seul homme. Cela les disculpe-t-il pour autant ? A-t-on le droit de violer la loi, les règlements et les procédures pour obéir à un ordre venu « d’en haut » ? Jusqu’à quand va-t-on se cacher derrière l’obéissance au chef pour accomplir des actes répréhensibles ? En telle condition, peut-on se prévaloir de circonstances atténuantes ? Certainement pas. La demande populaire de changement est si forte qu’elle ne se contentera pas de subterfuges. Ceux qui ont perpétré de tels forfaits doivent répondre de leurs actes. Ould Abdel Aziz est certes parti mais nombre de ceux qui l’aidèrent à éventrer le pays à ciel ouvert sont encore en place. Si la paresse est la mère de tous les vices, c’est bien par l’impunité promue en hauts lieux qu’ils prospèrent jusqu’aux bas-fonds. Dernière écurie d’Augias en date, la Mauritanie attend toujours son Hercule…
                                                                                                  Ahmed Ould Cheikh

Editorial: Règlement de comptes

Comme on s’y attendait, l’ex-Président Ould Abdel Aziz ne s’est pas présenté devant la commission d’enquête parlementaire. Non pas qu’il ait fait faux bond. Il n’était tout simplement pas à Nouakchott et il n’y avait pas urgence. L’Assemblée nationale a élargi entretemps les domaines de compétence de ladite commission à d’autres dossiers tout aussi sulfureux. On peut donc un peu plus « charger la mule ». Surtout que tous ceux qu’elle a appelés pour témoigner (trois anciens Premiers ministres, des ministres en activité ou en rupture de ban et divers autres hauts fonctionnaires), ont reconnu qu’ils n’étaient que de simples exécutants. Que tout se décidait en « haut lieu ». Cela ne surprend personne, tant le pouvoir était concentré entre les mains d’un seul homme. Et lorsqu’il s’agissait d’affaires juteuses, l’intérêt du clan primait sur tout le reste. Ould Abdel Aziz va donc devoir assumer. Lâché de tous côtés et voyant ses flancs se dégarnir, va-t-il attaquer ? Ou plutôt se battre sur le plan juridique ? Il aurait, dit-on, commis un avocat français pour éclairer sa lanterne. Répondre ou non à la convocation de la commission ? Est-il toujours « protégé » par la Constitution après son départ du pouvoir ? Moins circonspects, certains « constitutionnalistes » nationaux, à qui personne n’a rien demandé, se permettent depuis quelque temps d’affirmer qu’il ne peut comparaître devant la commission parlementaire puisque protégé par la Constitution… De quoi je me mêle ? Ou étaient-ils, ces héros, lorsque ce même Ould Abdel Aziz qu’ils défendent urbi et orbi renversa notre premier président civil démocratiquement élu ? Ou étaient-ils quand il brada notre ressource halieutique au profit de Polyhone Dong? Quand il fit détruire les plus vieilles écoles de Nouakchott, vendit leur terrain à ses proches et s’y employa de même avec le Stade olympique et l’école de police ? Ou étaient-ils quand il imposa au peuple un référendum illégal et supprimé tout aussi illégalement le Sénat, la chambre basse que la Constitution lui interdisait de dissoudre ? Quand il liquida l’Ener, la Sonimex, l’Agence d’accès universel et mis à genoux la Snim et la Somelec ? Quand il bradé le port et l’aéroport de Nouakchott au profit de ses fils et beaux-fils ?
Ces « honorables » juristes auraient mieux fait de se faire tout petits et oublier, tout comme les fonctionnaires qui acceptèrent de se compromettre avec un prédateur. Ou, pire, de l’aider à accomplir ses forfaits. Au lieu de crier haut et fort leur désaveu, taper du poing sur la table et rendre, à temps, dignement leur tablier, ceux-ci en sont aujourd’hui réduits à se cacher derrière l’argument de n’avoir fait qu’exécuter des ordres. Ils n’en sortiront pas grandis et la dimension plurielle, partageable, de la responsabilité non plus. Un président des États-Unis, Harry S. Truman, eut, en son temps, la lucidité d’introduire dans le jargon politique la maxime « The Buck stops here», autrement dit, la responsabilité s’arrête ici, c’est à dire à son niveau. Président et chef de l’État, OuldAdel Aziz était de fait et en dernier ressort, le seul responsable de tout ce qui se faisait dans son administration. Il l’assumait. Il doit l’assumer à l’heure des comptes. Ceux-ci n’en seront pas pour autant réglés.
                                                                                                       Ahmed Ould cheikh