samedi 27 mai 2023

Editorial: Foutoirs et déconfitures

 Des bureaux de vote avec plus de votants que d’inscrits ; des présidents de bureaux qui refusent de remettre les procès-verbaux aux représentants des partis ; un candidat qui a voté avec sa famille dans un bureau et se retrouve avec zéro voix ; un informaticien qui prend ses aises en améliorant les scores d’un parti et qui a été pris la main dans le sac ; les résultats faussés en plusieurs localités par l’inscription à distance sur les listes électorales… Comme tous les scrutins qui l’ont précédé, celui du 13 Mai a eu son lot d’irrégularités ; certaines étaient flagrantes. Faussent-elles pour autant les résultats globaux ? « Sans aucun doute ! », affirme l’opposition qui crie à la fraude et demande l’annulation des votes à Nouakchott et Boutilimitt. Pour la première fois dans l’histoire de notre démocratie, le parti du pouvoir rafle les neuf communes de la capitale au premier tour. La faute à la proportionnelle qui permet au parti arrivé en tête de diriger la mairie. Un mode d’élection que seul Boydiel ould Houmeïd, pourtant membre de la majorité, avait récemment décrié dans une interview au Calame, tandis que l’opposition le validait. Ila été pourtant fatal à tous ses partis, nouveaux et anciens (RFD, UFP et APP). S’y ajoute la raclée que ceux-ci ont reçue, incapables qu’ils se sont révélés de glaner le moindre siège de député. Alors que des partis de rien auront plusieurs représentants dans l’Hémicycle. Une nouvelle configuration politique dont les contours sont en train de se dessiner sous nos yeux…

                                                                           Ahmed ould Cheikh

samedi 20 mai 2023

Editorial: Faute absolvable

 Pour la première fois depuis l’avènement de la démocratie, sur pression de la France et sous le contrôle de nos vaillants militaires, les Mauritaniens se sont rendus aux urnes dans un climat politique apaisé. Près de vingt-cinq partis se sont lancés dans un scrutin à valeur de test pour le président de la République, quatre années après son élection et donc à un an de la fin de son mandat. Il doit être déçu par au moins un point : la façon avec laquelle « son » parti a géré les candidatures, selon des critères que personne n’est arrivé à expliquer. Et le résultat de l’improvisation ne s’est pas fait attendre. Si l’INSAF est assuré d’obtenir une majorité confortable à l’Assemblée nationale, le « parti du pouvoir » aura quand beaucoup souffert. Plusieurs de ses bastions au Nord et à l’Est, jadis imprenables, sont tombés en d’autres mains. Témoignages[p1] , s’il était besoin, de la prise de conscience des populations qui n’acceptent plus d’être conduites comme moutons de Panurge à l’abattoir électoral, sans qu’elles aient leur mot à dire. Bassiknou, Tamchekett, Guérou, Kiffa, Atar, Nouadhibou, Aoujeft, Ouadane, Bir Moghreïn, la liste est longue des villes qui ont vomi ceux qui leur ont été imposés sans qu’on leur demande leurs avis. Un vote-sanction comme on n’en voit pas souvent sous nos cieux. Mais, à quelques mois de la présidentielle, le Raïs a encore le temps de rectifier le tir. Les présentes élections devraient lui servir de vide-grenier, en mettant à la porte ceux qui ne lui apportent rien, ceux qui se sont mouillés lors de la décennie azizienne et qui tentent de se refaire une virginité, ceux qui brillent par leur incompétence et, enfin, restructurer son parti, en privilégiant les politiques sur les technocrates. « En politique, toute faute est un crime », disait Eugène Chatelain. Pas chez nous, en tout cas : sinon, les prisons seraient déjà gorgées de monde.

                                                                      Ahmed ould Cheikh

dimanche 14 mai 2023

Editorial: Rien de nouveau sous le soleil?

 Lancée il y a une dizaine de jours, la campagne électorale bat son plein de bruits et de tintamarres pour ceux qui peuvent se les payer.  Il existe en effet un hiatus évident entre les tentes, leurs équipements et animation, selon la moughataa où l’on se trouve. D’un côté, ceux qui ne lésinent pas sur les moyens, dressant des lieux de rencontres superbement équipés et animés par des groupes musicaux dont les cachets ne sont pas à la portée de toutes les bourses ; de l’autre, ceux qui n’en ont pas ou si peu mais essayant tant bien que mal d’assurer l’essentiel. Rien que du classique dans un pays où le fossé ne cesse de se creuser entre les riches et les pauvres. 

Outre le fait qu’elle nous a, une fois de plus, rappelé cette dichotomie, la campagne a fait passer au second plan le procès de la décennie. Après s’être accroché à l’article 93 de la Constitution stipulant qu’un président ne peut être jugé que par une haute Cour de Justice, Ould Abdel Aziz a fini par prendre la parole la semaine dernière. Accablé par les témoins appelés à la barre, aussi bien les hauts fonctionnaires ayant travaillé sous ses ordres que les hommes d’affaires, à qui il confiait des sommes énormes, Aziz a essayé de se défendre tant mal que bien. Mais les faits sont têtus, dit-on, et il sera difficile voire impossible pour cet ex-Président qui se croyait intouchable de justifier les milliards trouvés en sa possession. Une équation à plusieurs inconnues que ses conseils devront résoudre au plus vite, s’ils ne veulent pas voir leur client finir ses jours en prison. Une hypothèse lourde de conséquences pour le fossé susdit ? Il n’est peut-être pas vain d’espérer quelque chose de nouveau sous le soleil…

                                                                            Ahmed ould Cheikh

dimanche 7 mai 2023

Editorial: Eternelle, l'attente du peuple?

 De passage en Mauritanie il y a quelques années, feu Michel Guignard, un fin connaisseur de la musique maure à laquelle il consacra une thèse de doctorat au cours des années 50, répondit à un journaliste qui lui demandait comment il voyait la musique actuelle : « on doit parler plutôt de vacarme ». Une réponse cinglante qui peut s’appliquer aussi à nos campagnes électorales. En effet, depuis que les militaires ont décidé de nous octroyer une démocratie sous contrôle et sur pression de la France, les campagnes électorales qui se suivent ne donnent lieu qu’à un tapage assourdissant. Avant même leur lancement, le décor est planté. Et c’est la course aux places les mieux exposées le long des axes urbains. Des tentes poussent comme des champignons aux couleurs des différents partis, avec les photos grandeur nature des candidats. Des baffles distillent jour et nuit une musique stridente et cela durera jusqu’à la fin de la campagne. Pas de débat d’idées, ni de confrontation entre candidats, ni vulgarisation de programmes qui se limitent généralement à « des promesses qui n’engagent que ceux qui y croient », comme disait Jacques Chirac. Une fois élus à la tête des mairies ou à l’Assemblée nationale, nos vaillants politiciens qui avaient promis le changement ne se l’appliquent qu’à eux-mêmes. Le peuple, lui, peut attendre… la prochaine campagne. On viendra de nouveau l’endormir avec de nouvelles promesses. Heureusement pour eux qu’il a jusqu’à présent la mémoire courte. Mais le jour où il prendra son destin en main… Songez-y messieurs, mesdames : tant va la cruche à l’eau qu’à la fin elle se brise.

 

                                                                Ahmed ould Cheikh