vendredi 25 mai 2012

Editorial : S’il n’en reste qu’un….

Depuis quelques mois, circulent sur certains sites électroniques, dont au moins un a pignon sur rue, des pamphlets anonymes contre des partis ou des hommes dont le seul point commun est de s’opposer au régime de Mohamed Ould Abdel Aziz. Tout le monde, ou presque, a eu droit à sa volée de bois vert. La COD, Ould Daddah, Ould Maouloud, Biram Ould Abeid, Isselmou Ould Abdelkader, Moulaye El Arbi, Abdelghoudouss Ould Abeidna et d’autres encore. Tous ont été lynchés. Même Bertrand Fessard de Foucault, alias Ould Kaigé, n’a pas été épargné par ces justiciers masqués qui lui reprochent, entre autres, de s’ingérer dans les affaires de la Mauritanie. Alors qu’il est autant, sinon plus, mauritanien que nous tous. Celui qui est venu dans notre pays pour la première fois en 1965, pour y accomplir son service civil national, n’a jamais cessé, depuis, de le pratiquer. A tel point qu’il est en devenu la mémoire vivante. C’est au plus profond de lui qu’il ressent les soubresauts que vit le pays, depuis 2008. Et qu’a-t-il donc fait, pour susciter l’ire des apprentis plumitifs qui n’ont même pas le courage d’évoluer à découvert – lucidité quant à la valeur de leurs glapissements ?- pour défendre leurs « idées » ou, plus probablement, celles de leurs maîtres ? Il a osé écrire une lettre à son propre président, le nouveau, pour lui rappeler qu’il avait promis d’en finir avec la Françafrique et qu’inviter Ould Abdel Aziz, à son investiture, risquait d’être du plus mauvais effet, pour quelqu’un qu’on attend au tournant. Il n’en fallait pas plus pour que ces nouveaux mercenaires de la plume vouent aux gémonies notre Ould Kaigé national. Mais celui-ci n’en a cure. Il a connu pire et cela ne l’a pas, pour autant, départi de positions qu’il défend, d’abord, par principe et ne s’en cache pas. Les chiens aboient… comme dirait, dans un de ses slogans, l’UPR qui sait effectivement, une fois n’est pas coutume, de quoi il jappe… Déjà en 2008-2009, Le Calame, qui refusait de cautionner une prise de pouvoir par les armes, avait été jeté à la vindicte populaire. Une équipe de choc fut, même, constituée, pour apporter la contradiction à notre journal et le traîner dans la boue. Nous avons eu droit, alors, à toutes sortes de qualificatifs bien peu glorieux et d’attaques aussi basses les unes que les autres. Mais nous n’avons rien dit. On ne répond pas à la lâcheté, encore moins aux cloportes sans nom. Magnanimes, nous avons juste supporté, tenu bon et continuons à le faire. Hurlez, charognes, « Le Calame » témoigne. Et s’il n’en reste qu’un, ce sera celui-là, pour paraphraser Victor Hugo, en s’adressant à celui qu’il appelait « Napoléon le petit » et qui l’avait contraint à l’exil. Ahmed Ould Cheikh

samedi 12 mai 2012

Editorial : Feu de paille

La scène politique est entrée en ébullition. Après Biram, qui a brûlé des livres de juristes malékites (un geste dont il aurait bien pu se passer), suscitant le tollé général, la Coordination de l’Opposition Démocratique (COD) tentait, mercredi dernier, de ravir, à nouveau, la Une. En organisant une marche qui devait être suivie d’un sit-in de 48 heures, pour réclamer le départ de Mohamed Ould Abdel Aziz. Et elle allait réussir son pari, n’eût été l’intervention, musclée, des forces de l’ordre, au petit matin du jeudi, pour disperser les militants, à coups de grenades lacrymogènes. Pourtant, pas plus tard qu’il y a deux semaines, Ould Abdel Aziz avait déclaré, dans une interview à certains médias français, que l’opposition avait toute latitude pour manifester, se permettant, même, une pointe d’humour déplacé, en ajoutant qu’il avait demandé, au ministre de l’Intérieur, d’inviter celle-ci à manifester à sa guise. Une façon de banaliser les manifestations d’une opposition qui, si l’on en croit ses éructations, lors du meeting de Nouadhibou, ne le fait pas si sourire que cela. Sinon, pourquoi recourir à la force, quand tout n’est que « gesticulations de vieux croulants qui refusent de voir la réalité en face et que manipulent des aigris, sevrés de l’argent public », pour reprendre sa terminologie ? Ould Boilil n’a peut-être pas compris l’humour présidentiel et, néanmoins, circonstanciel (de temps). Ou ne l’a-t-il compris qu’au premier degré : autoriser l’opposition à manifester comme le lui demande son patron… pour mieux la réprimer ? Surtout qu’il ne peut rien lui refuser. N’est-il pas celui qui l’a fait roi et le maintient encore en vie, après son départ à la retraite ? Toujours est-il que, non content d’empêcher ses contradicteurs de s’exprimer librement, le pouvoir a, également, commandé, à son parti-Etat, une campagne d’explication, de dénigrement et d’affichage. Explication, par les ministres et les responsables du parti, des « réalisations grandioses de la Rectification ». Dénigrement de l’opposition, de ses leaders et de son discours. Et affichage de slogans (aussi ridicules qu’inutiles), à tous les carrefours de Nouakchott. Le tout enrobé dans une littérature digne des pires régimes d’exception. Au fait, comment peut-on qualifier le nôtre, de pouvoir ? Et combien y-a-il encore de régimes issus de la Grande Muette, dans le monde arabe ? Soudan, Syrie et qui encore ? Le cercle se réduit, Ould Abdel Aziz, et la manipulation des rares têtes brûlées comme Biram n’est que feu de paille : elle ne tiendra pas le printemps… P.S. du coq à l'âne : Après Alain Joyandet, le ministre français de la Coopération et Cheikh Tidiane Gadio, celui des Affaires étrangères du Sénégal, renvoyés, comme des malpropres de leur gouvernement ; après Khadafi, chassé du pouvoir par une révolution improbable et exécuté en pleine rue ; après Wade, qui s'est accroché au pouvoir avant d'être défenestré, et Sarkozy qui vient de subir le même sort, tous ceux qui se sont ligués contre Sidi Ould Cheikh Abdallahi semblent comme poursuivis par une malédiction. A qui le tour maintenant ? Ahmed Ould Cheikh

dimanche 6 mai 2012

Editorial : Non, Biram !

Incompréhensible ! Effarant ! Inimaginable ! Les qualificatifs n’ont pas manqué pour qualifier le geste de Biram Ould Abeid. Le président de l’Initiative de Résurgence du mouvement Abolitionniste (IRA) a procédé, vendredi dernier, à l’incinération de plusieurs livres d’érudits musulmans, exégètes du rite malékite, au motif qu’ils consacrent la pratique de l’esclavage. L’autodafé, auquel ont assisté des militants d’IRA survoltés et des sympathisants du mouvement, a suscité une vive émotion dans le pays où tout ce qui touche la religion est entouré d’une certaine sacralité. Pris de court, le pouvoir n’a pas réagi immédiatement. Il a fallu que des milliers de manifestants s’ébranlent, en direction de la Présidence, pour qu’Ould Abdel Aziz prenne la mesure du geste. Et envoie ses brigades de police interpeller le néo-leader haratine, ainsi que trois de ses amis. Mais pourquoi la justice n’est-elle pas intervenue dès les premiers instants ? Attendait-elle le feu vert de l’exécutif ? Son indépendance ne serait-elle qu’un vain mot ? Pourquoi Biram a-t-il choisi ce moment précis, pour commettre son forfait ? Ne savait-il pas que le régime éprouvait les plus grandes difficultés à contenir l’opposition qui commençait, par sa mobilisation, à devenir véritablement inquiétante ? Et que ce geste, détournant l’attention, donnerait, immanquablement, de l’air au pouvoir ? N’a-t-il pas envisagé, notre Zorro des droits humains, que ce geste puisse nuire, gravement, à sa cause et que des hommes politiques, des intellectuels, des jeunes de toutes les communautés, qui partageaient ses valeurs et ses idéaux d’égalité et de justice, allaient, inéluctablement, se démarquer de lui ou, pire, de son combat ? Faire un pied-de-nez à la société, en brûlant des livres toujours respectés, à défaut d’être toujours suivis, se révèle, de fait, totalement irresponsable. Rien qu’à voir l’unanimité des condamnations, on se rend compte que le président d’IRA a commis, là, une fatale erreur. On ne touche pas impunèment à la religion, dans un pays islamique. Par le passé, Biram avait, à plusieurs reprises, déversé sa bile sur les oulémas, coupables, à ses yeux, de cautionner l’esclavage. C’était de l’ordre du débat et admissible, dans les limites du genre. Mais s’en prendre, par le feu, à des livres considérés comme des références du malékisme, c’est franchir un pas inacceptable, ouvrir la boîte de Pandore sur les fondements, non pas de l’esclavage – le problème est dans la tête pas dans les textes – mais de notre société commune. Aujourd’hui, Biram, au nom des droits de l’Homme ; demain, tel halluciné salafiste, au nom de la pureté originelle de l’Islam ? Allons les amis ! L’inquisition, les Savonarole et autre Terry Jones, c’est pas notre culture ! Ahmed Ould Cheikh