dimanche 6 mai 2012

Editorial : Non, Biram !

Incompréhensible ! Effarant ! Inimaginable ! Les qualificatifs n’ont pas manqué pour qualifier le geste de Biram Ould Abeid. Le président de l’Initiative de Résurgence du mouvement Abolitionniste (IRA) a procédé, vendredi dernier, à l’incinération de plusieurs livres d’érudits musulmans, exégètes du rite malékite, au motif qu’ils consacrent la pratique de l’esclavage. L’autodafé, auquel ont assisté des militants d’IRA survoltés et des sympathisants du mouvement, a suscité une vive émotion dans le pays où tout ce qui touche la religion est entouré d’une certaine sacralité. Pris de court, le pouvoir n’a pas réagi immédiatement. Il a fallu que des milliers de manifestants s’ébranlent, en direction de la Présidence, pour qu’Ould Abdel Aziz prenne la mesure du geste. Et envoie ses brigades de police interpeller le néo-leader haratine, ainsi que trois de ses amis. Mais pourquoi la justice n’est-elle pas intervenue dès les premiers instants ? Attendait-elle le feu vert de l’exécutif ? Son indépendance ne serait-elle qu’un vain mot ? Pourquoi Biram a-t-il choisi ce moment précis, pour commettre son forfait ? Ne savait-il pas que le régime éprouvait les plus grandes difficultés à contenir l’opposition qui commençait, par sa mobilisation, à devenir véritablement inquiétante ? Et que ce geste, détournant l’attention, donnerait, immanquablement, de l’air au pouvoir ? N’a-t-il pas envisagé, notre Zorro des droits humains, que ce geste puisse nuire, gravement, à sa cause et que des hommes politiques, des intellectuels, des jeunes de toutes les communautés, qui partageaient ses valeurs et ses idéaux d’égalité et de justice, allaient, inéluctablement, se démarquer de lui ou, pire, de son combat ? Faire un pied-de-nez à la société, en brûlant des livres toujours respectés, à défaut d’être toujours suivis, se révèle, de fait, totalement irresponsable. Rien qu’à voir l’unanimité des condamnations, on se rend compte que le président d’IRA a commis, là, une fatale erreur. On ne touche pas impunèment à la religion, dans un pays islamique. Par le passé, Biram avait, à plusieurs reprises, déversé sa bile sur les oulémas, coupables, à ses yeux, de cautionner l’esclavage. C’était de l’ordre du débat et admissible, dans les limites du genre. Mais s’en prendre, par le feu, à des livres considérés comme des références du malékisme, c’est franchir un pas inacceptable, ouvrir la boîte de Pandore sur les fondements, non pas de l’esclavage – le problème est dans la tête pas dans les textes – mais de notre société commune. Aujourd’hui, Biram, au nom des droits de l’Homme ; demain, tel halluciné salafiste, au nom de la pureté originelle de l’Islam ? Allons les amis ! L’inquisition, les Savonarole et autre Terry Jones, c’est pas notre culture ! Ahmed Ould Cheikh

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