Initialement prévu
le 7 décembre, le deuxième tour des élections législatives et municipales n’a
finalement eu lieu que le 21. Notre pays est, probablement, le seul au monde où
les élections sont organisées et reportées avec autant de légèreté. Il suffit
d’un rien, pour qu’on dise qu’il n’est jamais trop pour (ne pas) bien faire.
Censées avoir lieu en octobre 2011, elles n’ont eu de cesse d’être reportées,
pour cause d’état-civil non encore fonctionnel,
d’absence de consensus, de dialogue national, de commission électorale
non encore à pied d’œuvre et tutti quanti. Que n’a-t-on pas entendu, pour
justifier la forclusion de l’Assemblée nationale et de deux tiers du Sénat qui
continuent pourtant à légiférer, alors que leur date de péremption est dépassée
depuis plus de deux ans ? Que n’a-t-on pas avancé comme arguments, pour
expliquer que les élections n’auraient lieu qu’une fois toutes les conditions
réunies ?
Elles ont, pourtant,
eu lieu, alors que pas même deux conditions n’étaient « réunies », si
tant est qu’une seule fut jamais présente.
La Coordination de l’opposition, n’ayant obtenu aucune garantie quant à
la transparence du scrutin, a décidé de ne pas y prendre part. La CENI était tout, sauf opérationnelle, les
faits l’ont largement démontré lors du premier tour. La « neutralité »
des hauts gradés de l’Armée et de l’administration a prouvé qu’il est vain de
chercher à s’opposer à un parti au pouvoir qui ne respecte pas les
règles du jeu, habitué qu’il est à tout rafler sur son passage. Les partis qui se sont mesurés à cet éléphant
(blanc ?) au pied d’argile qu’est l’UPR lui ont, cependant, fait subir de sérieux
revers, à Rosso, Wad Naga, Guérou,
Kankossa, Tintane, Djiguenni, Kobenni,
Néma et dans quatre moughataas de Nouakchott. Jadis bastion imprenable du parti
au pouvoir, quel qu’il soit, l’Est serait-il en train de s’affranchir de ses
« grands » électeurs, chefs de tribus et autres notabilités si
peu notables ? Le fait que quatre
grandes villes – et pas des moindres – dont l’emblématique Kobenni, basculent,
d’un coup, dans le camp de l’opposition est assez révélateur. Une mutation
serait-elle en train de s’opérer en douce dans le grand Est ? Après plus de
vingt-deux ans d’exercice de la démocratie, les Mauritaniens ont-ils enfin
ouvert les yeux, au point de ne plus craindre un parti/Etat qui a risqué, pour
la première fois, de ne pas obtenir, à l’Assemblée nationale, une majorité à
lui seul ?
Au vu de ce qui
s’est passé, est-il permis d’avoir des regrets, quant à la non-participation de
l’opposition à ces scrutins ? Aurait-elle pu avoir plus de députés et de maires qu’elle n’en avait ? La
donne aurait-elle changé ? Même si le nombre d’inscrits est faible (qui peut
s’expliquer par le mot d’ordre de boycott), rapporté à la proportion de
personnes en âge de voter, c’est surtout l’UPR qui en a profité, inscrivant,
massivement, ses électeurs et sympathisants sur les listes électorales.
Qu’allait-il se passer, si l’opposition avait décidé de participer et demandé à ses militants de se faire
inscrire ? L’UPR aurait eu, sans doute, beaucoup plus de difficultés,
particulièrement à Nouakchott, ville frondeuse par excellence. Mais, comme dit le proverbe, quand le chat n’est
pas là…
Les souris ont certes dansé mais la fête avait,
parfois, un goût amer.
Ahmed Ould Cheikh