lundi 16 décembre 2013

Editorial: L’art de la survie…

Le premier tour des élections législatives et municipales du 23 novembre a vécu. Dans un désordre absolu, une absence totale de transparence et une organisation qui frise l’amateurisme. Que n’a-t-on pas dit, pour accabler une pauvre commission électorale à qui l’on avait confié la mission quasi-impossible d’organiser quatre scrutins en un seul et un temps record ? Il ne s’agit nullement de défendre une CENI victime de son propre zèle qui pensait, naïvement peut-être, qu’avec les maigres moyens dont elle disposait, elle pouvait parvenir à ses objectifs. Avec, à la clé, de l’argent parti à vau-l’eau et un scrutin que tout le monde, même ceux qui l’ont gagné, voue aux gémonies. Une sorte d’entente illicite entre les politiques en course à qui gagnera le plus de députés et de maires, tout en fustigeant la structure qui l’organisé, de A à Z. Chacun y est allé de son couplet. Jemil Mansour a affirmé que la Mauritanie n’avait jamais connu une élection aussi désatreuse. Boydiel s’est dit outré par les manquements de la CENI qui auraient, surtout, porté préjudice à son parti. Messaoud a réitéré ses griefs contre une structure qu’il ne porte pas spécialement dans son cœur. Les trois ont même menacé de boycotter le second tour. Mais, rassurez-vous, seulement du bout des lèvres. On ne crache pas sur une dizaine de députés, quelques maires, un statut d’opposant et une subvention publique qui bouchera les trous laissés vacants par le tarissement de certaines sources. Une façon, aussi, de se refaire une virginité politique à moindre frais. On ne s’engage pas dans telle aventure, contre l’avis de ses amis de l’opposition, pour s’arrêter au milieu du gué et reconnaître qu’on a fait fausse route. Continuer, donc, au risque de se noyer ? Ou faire amende honorable et ne plus cautionner ce que tous qualifient de mascarade ? De toute évidence, ceux qui ont participé au scrutin du 23 novembre n’en ont, apparemment pas, compris l’enjeu véritable, pour le pouvoir. Qui ne se serait jamais aventuré à organiser une élection sans suffisamment de partis de l’opposition pour lui donner un semblant de crédibilité. Et se serait, alors, retrouvé dans l’obligation de lâcher du lest et de négocier. Tous ces messieurs-dames seraient ainsi, avec les partis de la COD, en position de force pour arracher, au pouvoir, un maximum de concessions. Ont-ils cru pouvoir privilégier leurs intérêts et ceux de leurs partis, au détriment de celui de l’opposition et, au-delà, du pays ?
De telles lézardes, dans le mur de l’opposition, ont toujours profité au pouvoir qui ne se prive pas de les exploiter au maximum. Comme en 2007, lorsqu’il obtient le soutien de Messaoud au candidat soutenu par la junte militaire. Ou 2008, quand Ould Daddah convint que le coup d’Etat d’Ould Abdel Aziz n’était qu’une « rectification ». 2013 et nous voilà sous le joug d’une énième incurie de notre opposition, fidèle miroir de celle du pouvoir. Les peuples, dit-on, n’ont que les dirigeants qu’ils méritent. Etant entendu que le vocable «dirigeants» englobe pouvoir et opposition, il va sans dire que nous sommes très mal lotis. Une certaine majorité d’électeurs – 75% d’entre eux, selon la CENI – continuera, donc, à parer au plus pressé. Flairer l’odeur de la soupe et suivre la direction du vent. Gens du désert, ne sommes-nous pas passés maîtres en l’art de la survie ? Chacun pour soi et Dieu pour tous, une nation de bric et de broc, tout en micmac et compagnie, et cahin-caha, tieb-tieb démocratie pour de tieb-tieb démocrates...
                                                                                             Ahmed Ould Cheikh

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