samedi 24 juin 2017

Editorial: Honni soit qui mal y pense!

Il a renversé un président civil, tenu son pays en laisse pendant plus de vingt ans, pillé ses maigres ressources, avec la complicité de son épouse et de son entourage, organisé des élections pour les gagner haut la main, avant d’être obligé de céder le pouvoir, après avoir reconnu sa défaite, lors de la seule élection où il y eut un semblant de transparence. Il, vous l’avez sans doute reconnu, c’est Yaya Jammeh, le fantasque dictateur gambien qui, comme tout bon militaire, s’est accroché, jusqu’au bout, à son pouvoir, avant de le lâcher, lorsque les bruits d’autres bottes atteignirent les portes de Banjul. Défait par un candidat qui n’était ni le principal leader de l’opposition (qui se trouvait, à ce moment, en prison), encore moins une lumière, Jammeh est en train de connaitre les affres de l’exil et, bientôt, de la solitude.
Sa fortune en Gambie a été saisie par les nouvelles autorités. Quatre-vingt-six comptes bancaires et cent trente-et-un biens immobiliers et autres entreprises sont venus renflouer un Trésor public que sa gestion calamiteuse avait rendu exsangue. Dernier épisode en date, dans cette descente aux enfers : sa femme Zeynab vient de demander le divorce. Sentant l’étau se resserrer autour d’elle, celle que les Gambiens appelaient la « pilleuse d’or » ou la « diablesse a préféré jeter l’éponge. Elle en a apparemment assez des frasques de celui qui sera bientôt son ex-mari. N’ayant plus le pouvoir, il n’a plus, comme tous les dictateurs de son acabit, aucun attrait.
Un belle leçon de vie pour ceux qui ont démis et renversé des présidents, s’incrustent au pouvoir, en font leur chasse gardée, méprisent leur opposition, organisent des élections entachées de fraude, piétinent le texte fondamental et les lois de leur république, comme bon leur semble, confondent biens publics et propriétés privées, font, de l’attribution des marchés de gré à gré au profit de leur clan, leur sport favori, négocient comme s’ils étaient des hommes d’affaires, construisent hôtels et marchés, prennent des participations dans les banques et les sociétés, au vu et au su de tout le monde ; bref, s’enrichissent ostensiblement, alors que l’écrasante majorité ploie sous le fardeau d’une vie de plus en plus impitoyable. Pensant, à tort, que ce qui est arrivé à Jammeh n’arrive qu’aux autres, ils dorment sur leurs lauriers, jusqu’au jour où tout s’écroule sur leur tête, comme un château de cartes. Ni l’armée, ni les forteresses, ni, encore moins, la fortune amassée avec boulimie ne peuvent alors endiguer le flot. Quand la roue de l’Histoire tourne, elle écrase tout son passage. Kadhafi, Moubarak, Ben Ali, Compaoré et, plus récemment, Jammeh, en savent quelque chose.
Toute ressemblance avec notre pays est évidemment fortuite. Depuis 2008, la Mauritanie est devenue un paradis sur terre. Sa démocratie marche à merveille et son Président, très peu intéressé par les biens matériels de ce bas-monde, n’a d’autre souci que le bien-être de ses concitoyens. Il fera ses deux mandats et se retirera en douceur. Les amendements constitutionnels qu’il propose ne sont destinés qu’à corriger des imperfections. Et honni soit qui mal y pense !
                                                                                           Ahmed ould Cheikh

dimanche 18 juin 2017

Editorial: Ecrire l'Histoire

Dans une précipitation pour le moins douteuse, la Mauritanie a décidé, subitement la semaine dernière, de rompre ses relations diplomatiques avec le Qatar, celui qu’elle appelait, il y a peu encore,  un  « pays frère et ami ». Savez-vous pourquoi ? Ce « pays frère et ami » nous a-t-il agressé ? A-t-il financé une rébellion ou un mouvement armé pour nous déstabiliser ? Un de ses dirigeants nous a-t-il attaqués verbalement ? Al Jazeera, qu’il finance, a-t-elle mené campagne contre nous ? A-t-il été le premier à  rompre nos relations, pour qu’on fasse jouer la réciprocité ? Que nenni ! Nous l’avons fait, tout simplement, parce que l’Arabie saoudite nous a demandé de la suivre, dans une escalade dangereuse pour la stabilité de cette région du monde. Nous avons, du coup, mis le doigt dans un engrenage dont les conséquences nous échappent, un jeu de grands où nous n’avons rien à faire, une querelle de leadership où nous n’avons rien à voir. Si l’Arabie saoudite, les Emirats et Bahreïn accusent le Qatar de chercher à normaliser ses relations avec l’Iran, de financer le terrorisme (le Hamas devient, du coup, une organisation terroriste) et de chercher à déstabiliser le monde arabe, par la voix d’Al Jazeera, de quoi se mêle la Mauritanie ? Notre guide, sûrement pas éclairé cette fois, obéit, au doigt et à l’œil désormais, au royaume wahhabite et ne s’est  pas fait prier pour rompre avec le Qatar, dont l’émir, accueilli, en grandes pompes, l’été dernier, pour le Sommet arabe, n’était pas aussi infréquentable que ça. Il avait tenu à rehausser ce Sommet de sa présence, contrairement à d’autres derrière lesquels on court à présent.
N’était-il pas plus juste et sage de marquer un temps d’arrêt, avant de prendre une décision aussi radicale ? De petits pays plus pauvres que nous, la Somalie et l’Erythrée, sollicités par l’Arabie saoudite et les Emirats, pour rompre avec le Qatar, contre un pont d’or, ont poliment décliné l’offre. Les deux Etats ont exprimé leur inquiétude, devant une situation qui divise, un peu plus, le monde arabe. Ils ont demandé, à ces Etats frères, de  privilégier la voie du dialogue et de la concertation, pour régler le différend. Le Maroc, allié stratégique de l’Arabie saoudite qui y investit des milliards de dollars, ne devrait, normalement, rien lui refuser. Il a pourtant décidé de « ne pas verser dans les déclarations publiques et les prises de position hâtives qui ne font que renforcer la discorde et approfondir les divergences », selon un communiqué de son ministère des Affaires étrangères. Une position pleine de bon sens qui aurait dû être adoptée par tout Etat doté d’un peu de… bon sens.
Il est vraiment loin le temps où notre diplomatie, sous la férule de feus Mokhtar ould Daddah et Hamdi ould Mouknass, réussissait à exclure Israël de l’Afrique, jouait les intermédiaires, entre l’Egypte de Nasser et la Chine, faisait réunir le Conseil de sécurité à Addis Abéba, pour discuter du problème de l’Apartheid. Mokhtar, symbole du désintéressement, n’avait qu’une seule chose en ligne de mire : l’intérêt de son pays et sa grandeur. Et il a réussi, au-delà de toute espérance, sans jamais négocier ou vendre une position qui allait porter préjudice à un pays auquel il a fait don de sa personne.
Que retiendra l’Histoire du règne azizien ? Les coups de tête et les fanfaronnades ou les coups bas et les trahisons ? Chacun écrit, certes, l’histoire qu’il peut. Mais quand on s’est hissé à la prétention d’écrire celle d’une nation, il faut, pour atteindre à la majuscule – celle de l’Histoire – une réelle élévation de cœur, d’intelligence et d’esprit ou, du moins, la volonté d’y parvenir. Ould Abdel Aziz a-t-il seulement celle-ci ?
                                                                          Ahmed Ould Cheikh

lundi 12 juin 2017

Editorial: Avis de coup de vent

Coup de tonnerre ! Lundi dernier, 29 Mai, la nouvelle tombe, très tôt le matin ; un mini-remaniement du gouvernement vient d’être opéré. Un seul fait majeur: le départ de Moulaye ould Mohamed Lagdhaf, ministre secrétaire général de  la Présidence. Celui qui fut, pendant près de six ans, Premier ministre et qu’on considérait proche parmi les plus proches du général-président a été débarqué aux premières heures de la matinée, juste avant le Conseil des ministres, comme s’il était surtout question d’éviter qu’il y participât. Cité parmi les probables dauphins du guide illuminé qu’il accompagna dans les moments difficiles, lorsque la Rectification en était encore à ses premiers balbutiements, il était considéré comme une colombe, comparé au Premier ministre et au président de l’UPR actuels. Qui – coïncidence ? – s’étaient tous deux fendus, la semaine dernière, de déclarations confirmant ce que beaucoup craignaient : pas question de céder le pouvoir en 2019, le pays a encore besoin d’Ould Abel Aziz. Le genre de propos qui sonnent bien à l’oreille d’un général persuadé qu’après lui, ce sera le déluge. Ils auraient pu ajouter, nos  deux « lumières », qu’il a besoin aussi d’eux, dans l’exaltante mission qu’ils se sont donnée : couler leurs adversaires par tous les moyens,  promouvoir les leurs et mener le pays à la dérive in fine. Sont-ils en train de réussir ? Rien qu’à relever certains indicateurs, on se rend compte de l’immensité du gâchis : taux d’endettement qui approche les 100% du PIB, malgré d’énormes ressources engrangées au cours des dernières années, suite à la hausse des prix des matières premières ; à peine 28% de la population totale pourvus en électricité (contre 55% au Sénégal), 47% en zone urbaine et 2% en zone rurale (contre 90 et 28% au Sénégal) ; 12%, seulement, buvant à leur soif ; 63%  des nouveaux diplômés sans emplois et seulement 15% du budget consacrés au développement. Et l’on vous dira, malgré tout, à la première occasion, que le pays a fait de « grands pas dans la lutte contre la gabegie » (où sont donc passées ces milliards ?) ; que la production d’électricité a été multipliée par dix (pourquoi ne pas la fournir aux populations, alors ?) ; que le chômage a reculé et que le taux de croissance est en constante progression. Lancez ces chiffres à la tête des populations miséreuses qui peuplent, désormais, les rues de Nouakchott ou celles de l’intérieur et leur vie s’en trouvera complètement changée. Elles auront où loger, de quoi se nourrir, boire une eau de qualité, obtenir du travail pour leurs enfants, et de l’électricité à bas prix. Elles sauront se reconnaître dans un pays qui ne les exclut plus, où tous auront les mêmes droits, fréquenteront les mêmes hôpitaux et les mêmes écoles, où le Président et son gouvernement, irréprochables, n’ont d’autre souci que le bien-être, le bonheur et la quiétude de leurs concitoyens.
C’est à ce prix – à ce prix seulement – qu’on pourra dire qu’un président a bien rempli son contrat. Certes, toute œuvre humaine est imparfaite. Mais, quand rien de tout cela n’a été fait, pas même la moindre once, aller jusqu’à clamer que tel ou tel est indispensable relève de l’insolence ; pire, de la vulgarité. Où sont passés Ould Daddah, Ould Mohamed Saleck, Ould Haidalla ou Maaouya, pour ne citer qu’eux ? Comment ont fini Kadhafi, Moubarak ou Ben Ali ?
                                                                  Ahmed Ould Cheikh

lundi 5 juin 2017

Editorial: Discours

Tout le monde ou presque connaît le discours de la Méthode cher à Descartes, le fameux discours du général de Gaulle à Londres, demandant, au peuple français, de ne pas baisser les bras et de lutter contre l’occupant allemand, le discours de JFK à Berlin, en pleine Guerre froide, le discours de Mitterrand à La Baule, point de départ des processus démocratiques en Afrique, ou, plus de près de nous, le discours qu’Ould Taya débita, en Avril 1986 à Néma et en français, svp, sur les dangers de l’analphabétisme, devant des citoyens qui n’en comprirent pas un traître mot. Nous avons, à présent, le discours de Tintane de notre inénarrable Premier ministre, envoyé, à l’Est, prêcher la « bonne » parole et défendre les amendements constitutionnels. Dans une région généralement très réceptive aux discours officiels mais dont les élus et les notables commencent à montrer des signes d’énervement, face à un pouvoir dont la prodigalité n’est pas la qualité première, loin s’en faut. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard que les meneurs de la fronde au Sénat soient, justement, des élus du grand Est. C’est donc en toute conscience de ce que le feu couve qu’Ould Abdel Aziz a envoyé son Premier ministre-pyromane jouer au pompier.
Mais, au lieu de chercher à arrondir les angles et élargir sa base, Iznogoud, celui qui veut devenir vizir à la place du vizir, est resté fidèle à lui-même. Il n’a visité que les quatre localités où il croit tenir un semblant de base populaire, pour y tenir un discours tranchant, nettement, avec celui de son mentor. « Ce régime ne quittera pas le pouvoir en 2019. Nous avons un programme que nous continuerons à appliquer au-delà de cette date. Qu’on se le tienne pour dit ! », a-t-il martelé, sautant du coq à l’âne. La vidéo a fait le buzz, sur les réseaux sociaux pendant plusieurs jours, suscitant une levée de boucliers de l’opposition qui y voit une volonté du système de tenter, par tous les moyens, de s’incruster au pouvoir. De fait, cette déclaration est tout, sauf innocente. Personne, même un Premier ministre, ne peut se hasarder à une sortie d’une telle gravité, s’il n’en a pas le feu vert. D’où un certain nombre d’interrogations. Ould Abdel Aziz, qui déclara, un peu tôt, qu’il ne se présentera pas en 2019, a-t-il senti sa base se déliter ? Craint-il, au rythme où vont les choses, de se retrouvera bientôt « nu » ? Pense-t-il que ce baroud d’honneur aura de l’effet sur une majorité qui finira par se dire que rien n’est perdu ? Ou croit-il, sincèrement, qu’après la réforme constitutionnelle et la suppression d’un Sénat frondeur, il pourra déverrouiller, en toute impunité, les articles relatifs aux mandats ? Va-t-il finir par tenter le tout pour le tout, au risque de susciter une situation d’instabilité qui finira par l’emporter ?
Il est normal qu’un système qui perdure depuis 1978 fasse tout pour ne pas se faire évincer d’un pouvoir auquel il  a pris goût. Qu’il fasse tout ce qu’il peut pour arrêter la roue de l’Histoire. Qu’il s’accroche de toutes ses forces  aux lambris dorés d’un Etat qu’il a sucé jusqu’à la moelle. Mais une donnée leur échappe : ce peuple mauritanien de 2017 n’est plus celui d’hier, a fortiori avant-hier : les discours, il en a bu et rebu, jusqu’à la lie, et celui de notre Iznogoud national paraît bien être, sinon le goût, du moins l’avant-goût de celle-ci.
                                                                                    Ahmed Ould Cheikh

jeudi 1 juin 2017

Editorial: Au sens plein et entier de la démocratie....

Vendredi 12 Mai dernier, alors qu’il roulait, sur la route de Rosso, vers Nouakchott, Mohamed ould Ghadde, le sénateur frondeur est victime d’un accident de la route. Voulant éviter un chameau en divagation, il perd le contrôle de son véhicule et quitte la route. Voyant la voiture foncer sur eux, les habitants d’une baraque au bord de la route s’éparpillent aux quatre vents. Une femme et son bébé sont fauchés et décèdent. Une autre est grièvement blessée. Alertée, la gendarmerie se présente rapidement sur les lieux. Elle entame la procédure habituelle en pareilles circonstances. Mais au bout de quelques minutes, la nouvelle remonte en haut lieu et, soudain, changement complet de décor : la voiture du sénateur est fouillée de fond en comble, ses téléphones confisqués et il est mis aux arrêts, malgré son immunité parlementaire qui devrait, dans un Etat normalement constitué, le prémunir d’une arrestation intempestive. Commence alors une longue série de vexations pour faire payer, au sénateur, son « insolence ». Le voilà mis au secret et privé de visite. Même son avocat, accouru de Nouakchott, est empêché de le voir, pendant trois jours. La presse aux ordres est mise à contribution, pour distiller des informations tout aussi erronées les unes que les autres : la voiture n’aurait pas de police d’assurance en cours de validité, le sénateur a été arrêté en flagrant délit, ce qui lève, de fait, son immunité, fait-on ainsi savoir. Renseignements pris, il n’en est strictement rien. Sinon, l’occasion, rêvée, de faire payer, à ce bouillant sénateur, son opposition, non seulement, aux amendements constitutionnels mais, aussi, à toutes les dérives du pouvoir actuel qu’il ne cesse de fustiger.
Après trois jours de garde à vue, Ould Ghadde est présenté à un juge et son dossier programmé pour une sentence expéditive. Le Sénat monte alors au créneau. Ses pairs, qui ne se sentent désormais plus en sécurité, décident d’activer l’article 50 de la Constitution stipulant que « la détention ou la poursuite d’un membre du Parlement est suspendue, si l’assemblée dont il fait partie le requiert ». Une injonction en bonne et due forme, adressée au Parquet et, au-delà, au ministre de la Justice et à tout l’exécutif dont le chef n’appréciera que modérément cette nouvelle fronde du Sénat. Faisant contre mauvaise fortune bon cœur, la justice n’a, cependant, plus d’autre choix que de libérer le sénateur.
Au-delà de cet épisode malheureux,  voilà que toute personne ayant exprimé un avis divergent ou manifesté son opposition au pouvoir se retrouve en sursis. A la moindre incartade, c’est à la case prison qu’on est illico envoyé. Mais ne baissons pas, pour autant, les bras ! Qui ne dénonce pas une injustice en devient le complice. En cette occurrence, la presse, ce « quatrième pouvoir », a une responsabilité énorme. Tout comme la société civile. L’une et l’autre doivent, elles aussi, monter aux créneaux. Citoyens, dénoncez les agissements illégaux du pouvoir, indexez, par la publication de leur nom et photo, les fonctionnaires qui se prêtent à son jeu : agents des impôts, juges, policiers, gendarmes, tous ceux, gradés, troufions ou dégradés, qui tendent leurs mains pour exécuter un quelconque acte illégal... Intimidez-les ! Mettez-les devant leurs responsabilités : un policier qui m'arrête, me retire mon téléphone ou commet tout autre acte que je juge dégradant, illégal ou anti-civique, c'est lui nommément qu’il me faut dénoncer, avec sa photo, nom et corps d'origine (police, gendarmerie, justice, etc.). Qu’on se le répète, citoyens, dans les khaîmas et les cases ! C’est, à chacun, au quotidien, à chaque instant, de vivre et faire vivre le pouvoir du peuple, c’est-à-dire la démocratie, au sens plein et entier du terme.
                                                                           Ahmed Ould Cheikh

Eitorial: Le souffle d'Ely

Le militaire qui a conduit le changement de régime, en 2005, dans les conditions que tout le monde connaît, celui qui a dirigé une transition de deux ans, avant de remettre le pouvoir, de son plein gré, à un président civil, l’homme qui se battait, depuis 2008, seul ou avec l’opposition, contre le dévoiement d’une démocratie qu’il avait mise sur les rails en 2007, a subitement disparu, un vendredi 5 Mai. Laissant un vide immense. On dit souvent, à juste titre, qu’on ne se rend compte de la valeur des hommes qu’après leur disparition. Et Ely ne déroge pas à la règle. Il était un opposant véritable, craint et respecté. Il avait un nom et une aura. Il avait surtout un courage à ce point hors pair que le pouvoir actuel le craignait par-dessus tout. Il assistait aux meetings et marches de l’opposition, n’hésitant pas à prendre la parole et à porter, haut, les espoirs de tout un pays. Que ce soit dans la presse nationale ou internationale, Ely n’a cessé de dévoiler, au grand jour, les malheurs d’un peuple pris en otage par une junte militaro-affairiste.
A présent qu’il est disparu, sur qui fonder espoir ? Ahmed ould Daddah, l’opposant historique, blanchi sous le harnais, n’a plus la possibilité de briguer les suffrages des électeurs… Sur qui miser ? Ould Abdel Aziz n’est plus candidat, le système va, obligatoirement, générer un dauphin issu de ses rangs, pour éviter que le pays ne leur échappe. Une tentative désespérée, si l’opposition réussit à s’entendre et à ressouder les rangs. La Gambie vient d’en donner un exemple éclatant, il y a quelques mois. Les leaders de l’opposition en prison, le trésorier du principal parti anti-Jammeh a été investi et a battu le dictateur, à plate couture et surprise générale. Pourquoi ce qui s’est passé en Gambie ne serait pas applicable à la Mauritanie ? Ne sommes-nous pas capables de prendre notre destin en main ? Jusqu’à quand resterons-nous conditionnés par un système, ses généraux, notables et autres chefs de tribus ? Certes, on s’habitue à tout et Dieu sait combien les habitudes sont tenaces ! Mais la leçon, en fin de compte, des morts subites est qu’elles nous révèlent suffisamment de vide, de sentiment de manque, pour nous pousser à resserrer les rangs. Ce n’est pas seulement à Dieu qu’Ely a rendu son souffle, il nous l’a transmis, à tous, pour nous donner l’inspiration de gonfler, ensemble, nos poumons.      
                                                                                Ahmed Ould Cheikh