dimanche 29 juillet 2012

Editorial : Le bon sens de l’or


Depuis quelques années, nos forces de sécurité ne font pas dans la dentelle. Elles ont désormais la gâchette et la matraque faciles. Après Lamine Mangane, mort d’une balle, tirée à bout portant, à Maghama, et Cheikh Ould Moualla, décédé à Nouakchott, après avoir inhalé de grandes quantités de gaz lacrymogènes, Mohamed Ould Mechdouvi est tombé, la semaine dernière, à Akjoujt, victime d’un passage à tabac en règle, commis par des éléments de la Garde nationale, alors qu’il observait, avec d’autres employés de la MCM, un droit garanti par la Constitution : celui d’aller en grève contre l’arbitraire. En grève contre une entreprise étrangère qui a fait main basse sur une partie de nos ressources, dans une opacité totale, dont les chefs se comportent en véritables colons, dont les camions, chargés de minerais, détériorent, chaque jour un peu plus, la route. Une entreprise dont la politique environnementale se limite à verser, à ciel ouvert, du cyanure et autres produits toxiques, dont on n’a aucune idée des quantités d’or et de cuivre qu’elle produit, ni à quel prix elle les vend, dont l’impact sur le pays est quasi nul -avec à peine 3,5% de la production versés au Trésor public-, dont les employés sont exploités et sous-payés, et qui n’observe aucune politique sociale, menaçant de fermer boutique, si on la titille un peu.  Tenez, pas plus tard qu’hier, leur service « communication », qu’on n’a jamais entendu auparavant, malgré la gravité de la situation, se fend d’un communiqué : « la MCM est disposée à reprendre les opérations, dès que les conditions de sécurité le permettront et que nos employés seront de retour au travail ». Eurêka ! On savait MCM experte dans la recherche des filons mais on ne la pensait pas capable d’un raisonnement aussi imparable. Conditions de sécurité ? Elles n’ont jamais été autant mieux assurées. Les sociétés de gardiennage et la Garde nationale, devenue en un tour de main, un terrible instrument de répression, veillent au grain. Le retour des employés, lui, se fera lorsqu’un minimum de considération et de droits leur sera concédé.
A moins que l’Etat ne continue à privilégier la manière forte, en tentant de brimer le droit de grève, en brisant les dos des grévistes. Qui ne pourront plus, du coup, ni reprendre le travail, encore moins s’asseoir autour d’une table pour discuter. Bêtise, donc, que cette intervention musclée de la Garde. Rechercherait-on le raidissement des positions qu’on ne s’y prendrait pas autrement. A croire que ceux qui ont décidé de privilégier la manière forte ne veulent pas que le travail reprenne de sitôt. D’où des interrogations légitimes : Qui a pris la décision d’attaquer les grévistes, au petit matin ? Qui a ordonné qu’on les violente, au risque d’en tuer quelques uns ?  Pourquoi ne fait-on pas plutôt pression sur la société, afin qu’elle lâche du lest, au lieu de s’attaquer aux plus faibles ? Que donne MCM, pour avoir toujours une oreille aussi attentive auprès des pouvoirs publics ?
L’or est, certes, une denrée rare et très précieuse, par les temps qui courent, et notre pauvre pays ne peut se permettre le luxe de ne pas tirer un maximum de profits de toutes ses ressources.  Mais de là à s’aplatir pour qu’en échange de quelques dividendes, une entreprise, étrangère de surcroît, nous suce jusqu’à la moelle, pollue notre environnement, maltraite nos compatriotes et menace de fermer son usine, si l’on ne se plie pas à ses exigences ! Un geste que tout pouvoir, ayant un minimum de bon sens, ne saurait accomplir. Ce bon sens dont le proverbe disait qu’il est la qualité la mieux partagée. En Mauritanie, certainement pas !
                                                                                                                          Ahmed Ould Cheikh





















dimanche 22 juillet 2012

Editorial : La gabegie ? On en meurt !


Hamdi Ould Iyahi, sous-lieutenant dans l’armée de l’air, a été emporté dans la fleur de l’âge – 22ans ! – ainsi que deux autres militaires et quatre civils, par un avion assassin, jeudi 11 juillet, à l’aéroport de Nouakchott. Le jeune homme avait l’aviation dans le sang et se savait en éternel danger. Ainsi, lorsqu’une de ses tantes implorait le Tout-Puissant de lui donner longue vie, il répondait invariablement : « Comment pourrais-je vivre longtemps, alors que je pilote un tacot ? ». Il faisait allusion à l’état pitoyable des avions qui composent la flotte de la DIRAIR (DIRection de l’AIR de l’armée). Et, souriant à son cousin, inquiet, qui lui demandait pourquoi acceptait-il de voler dans des avions à problèmes : « Si l’on attend que tout soit OK, on ne volera jamais ». Des paroles prémonitoires, immédiatement remémorées, lorsque sa famille a appris la terrible nouvelle. La dernière d’une longue série de crashs.
Les avions chinois, achetés au milieu des années 90 – ou plutôt échangés, contre des licences de pêche – ont provoqué une véritable hécatombe, dans notre armée de l’air. Les accidents de Nouadhibou, 1996 ; Néma, 1998 ; Chinguitty, 2011, et Nouakchott, cette année, l’ont décimée, la privant d’hommes de grande valeur et bien formés. Mais le plus grave, en cette affaire, est qu’au moins deux des quatre missions mortelles n’avaient rien à voir avec l’armée. Celle de 1996 devait ramener du matériel de Las Palmas, pour équiper des villas au Palais des Congrès, et celle de jeudi dernier était au service de Kinross, pour ramener de l’or de Tasiast, avant son acheminement vers l’Europe. Un contrat imposé à cette société. Pour que l’armée ait sa part dans tout ce qui bouge. N’y a-t-il pas d’entreprises privées capables d’assurer ces rotations ? Pourquoi la société ne se dote pas, elle-même, d’un aéronef, pour s’acquitter de cette besogne inhérente à son commerce ? Que fait l’armée de l’air dans cette galère ?
D’autres questions restent en suspens : comment nos militaires se font-ils payer  et où va l’argent ? L’opinion publique doit être informée. On ne peut pas continuer à voir ses enfants envoyés au casse-pipe, sans piper mot, au motif qu’ils se sont enrôlés dans l’armée. Pourquoi cet argent n’a pas servi à la maintenance des avions, véritables cercueils volants, faute d’entretien ? Pourquoi notre aviation militaire reste si mal en point ? Comment peut-on laisser des avions voler, connaissant pertinemment les risques démesurés qu’ils font courir aux pilotes et aux passagers ? Pourquoi ne tirons-nous jamais des leçons du passé ?
Il est grand temps d’en finir avec l’improvisation. L’aviation est un domaine trop dangereux et pointu pour y autoriser le moindre laisser-aller. Il en va de la vie d’êtres humains. Jouons carte sur table : ou l’on a les moyens de voler ou l’on ne les a pas. Et, de façon plus générale, si l’on n’est pas certain de pouvoir assurer, soi-même, la maintenance d’un quelconque matériel, il faut, ou y renoncer, ou inclure, dans l’achat, un service après-vente. Il faut des avions pour exporter notre or ? Que celui-ci les finance, tout au long de leur usage ! Une licence de pêche d’x années pour les Chinois ? Qu’ils signent, en contrepartie, une licence d’entretien de leurs avions, pour la même durée ! La gabegie, ça suffit : on en meurt.

                                                                                                                                    Ahmed Ould Cheikh

jeudi 5 juillet 2012

DROIT DE REPONSE DE MONSIEUR MOHAMED ALY OULD SIDI MOHAMED, ancien ministre, actuel chargé de mission à la Présidence de la République


Nouakchott, le 30 juin 2012,

A Monsieur le Directeur de publication du journal le Calame

Monsieur le Directeur,

J’ai lu l’éditorial que vous m’avez consacré dans le n° 839 de votre journal en date du 26 juin 2012 sous le titre « retournement de boubou ».
 Aussi et en réaction à ce que vous avez écrit, ai-je le plaisir de vous demander de publier dans les mêmes formes et sous les mêmes conditions (1ère page du journal) que pour l’éditorial précité, ce droit de réponse et ce, afin de permettre au public qui lit votre journal d’être informé objectivement sur le sujet évoqué.
1.     Mes propos que vous avez repris datent d’il y a plus de deux ans  et bien des choses ont changé depuis cette époque.
2.     Le Président de la république, en véritable démocrate, n’en a pas tenu rigueur et quelques mois plus tard, et à ma demande, il m’a reçu en audience et m’a expliqué son projet pour la Mauritanie. J’ai effectivement adhéré à ce projet parce que j’ai toujours placé les intérêts de mon pays au-dessus de toute autre considération et parce que je suis convaincu que le projet de société du Président de la république pour la Mauritanie va dans ce sens.
3.     Je sais que l’intérêt  de notre Mauritanie réside dans :
·       la conservation des acquis,
·       le renforcement de la sécurité et de la stabilité du pays,
·       l’instauration d’un climat de démocratie et de liberté,
·       une économie forte pour endiguer la pauvreté et accélérer le développement du pays,
·       une école capable de jouer son rôle et d’accompagner la société…
Sur tous ces fronts le Président de la république est entrain de se battre et il a bien gagné des batailles (état-civil, routes, énergie, santé, hydraulique, modernisation de l’armée, urbanisme, zone franche de Nouadhibou, etc.).
Comme je ne veux pas que l’Histoire retienne qu’à ce moment précis de l’évolution de mon pays, j’étais absent, j’ai décidé de soutenir le programme du Président de la république, Monsieur Mohamed Ould Abdel Aziz, avec la ferme volonté de participer à la construction de ma patrie, avec responsabilité et fidélité.
Veuillez recevoir, Monsieur le Directeur, l’expression de mes meilleurs sentiments.

MOHAMED ALY OULD SIDI MOHAMED




Mise au point du journal


Monsieur le ministre,
Vos propos que nous avons rapportés datent, il est vrai, de deux ans. Ce qui n’empêche pas beaucoup de mauritaniens de les trouver plus que jamais d’actualité. Vous avez changé d’avis entretemps ? Ou vous ne croyiez pas ce que vous disiez à ce moment-là ? C’est votre droit, dans l’un et l’autre cas. Les faits que vous avez cités, à l’époque, étaient pourtant suffisamment graves et solidement étayés pour ne pas passer par pertes et profits, même si vous avez été reçu, quelque temps plus tard, par celui-là même que vous accusiez de tous les maux .
Si, comme vous le disiez alors, Ould Abdel Aziz a nommé des prédateurs à la tête de la SOMELEC et s’est opposé à leur limogeage, vous apportez de l’eau au moulin de ceux qui pensent que la lutte contre la gabegie, qu’on nous chante depuis 2008, n’est  qu’un slogan creux. Même s’il s’agit d’un secret de Polichinelle. Le reste n’est que littérature destinée à justifier le retournement de boubou auquel nous ont habitués les Mauritaniens, depuis la nuit des temps. Il faut bien trouver des qualités au camp où l’on va, désormais, évoluer. Nous n’avons jamais entendu quelqu’un dire : « Je soutiens le président parce qu’il n’a rien fait et parce que la situation économique est désastreuse… »
Un proverbe empreint de sagesse dit, à juste titre, qu’il faut tourner sept fois sa langue dans sa bouche avant de parler. Pour éviter de se renier. Et même sept fois son stylo avant d’écrire. Pour éviter de se trahir. Vous nous honorez, Ould Abdel Aziz et moi-même, de majuscules : « Monsieur le Président, Monsieur le Directeur… » Guère présomptueux, je conçois tout-à-fait qu’elles n’aient, objectivement, pas la même valeur. Mais je suis navré, vraiment, du traitement que vous réservez à la République qui ne vous paraît pouvoir prétendre qu’à une vulgaire minuscule. Voilà ce qui sépare votre conception de la démocratie de la mienne : vous dites « Président de la république », lorsque je tiens, moi, à « président de la République ». On comprend, dès lors, que vous applaudissiez l’autocrate et que je déplore le déni de « pouvoir du peuple », c’est-à-dire de démocratie, au sens strict de son étymologie. Peut-être, en effet, n’avez-vous jamais retourné votre boubou : vous en avez, seulement, révélé la vraie texture…
AOC






lundi 2 juillet 2012

Retournement de boubou


Mohamed Ali Ould Sidi Mohamed, ministre du Pétrole au cours de la Transition 2005/2007, vient d’être nommé chargé de mission à la présidence de la République. C’est lui qui déclarait, dans une interview publiée par Le Calame, dans son 740 du 26 mai 2010 :
« En ce qui concerne ce que j’ai dit de la SOMELEC, à l’adresse d’Ould Abdel Aziz, lors du dernier meeting de la COD, à Nouadhibou, j’ai, tout simplement, voulu lui rappeler, puisqu’il semble devenu amnésique, un certain nombre de faits qu’il connaît, que je connais et que le petit chacal qui se trouve à l’ouest de Walata connaît. Ould Abdel Aziz déclarait, il y a quelques jours, lors de sa visite à la SOMELEC, que cette dernière est victime de mauvaise gestion. Je suis d’accord avec lui sur ce constat. Mais il a oublié d’en nommer les responsables. Je lui ai, donc, seulement, rappelé des choses qu’il savait : c’est lui qui a nommé les mauvais gestionnaires dont il parle, c’est lui qui s’est opposé à leur limogeage, c’est lui, encore, qui a continué à les protéger et c’est encore lui qui les a nommés, plus tard, à la tête des plus grandes entreprises nationales. »
Il ya lieu de se poser quelques questions. Qu’est-ce qui a changé depuis ? Les mauvais gestionnaires dont il parlait ont-ils été renvoyés ? Ould Abdel Aziz serait-il devenu un parangon de vertu ? Aurait-il décidé de s’offrir un chargé de souvenirs, voire de tenir compte des rappels de Mohamed Ali ? A moins que la mission de celui-ci ne soit, tout au contraire, de faire preuve, lui aussi, d’une amnésie de bon aloi et qu’il se soit convaincu à s’autoriser d’opportuns trous de mémoire ? Ce n’est pas très seyant, un boubou retourné mais, bon, quand, ce faisant, on peut s’en payer dix nouveaux, tout beaux, tout neufs, cela vaut bien quelques oublis…

                                                                                                                                             AOC