lundi 27 juillet 2020

Editorial: Utile distinguo

Le professeur de Droit, Mohamed Mahmoud ould Mohamed Saleh l’a expliqué de long en large dans une tribune publiée la semaine dernière sur notre site Internet (lecalame.info). Lô Gourmo est revenu, lui aussi, longuement sur la question sur sa page Facebook : le débat en cours n’a pas lieu d’être. Il n’est nul besoin d’une Haute Cour de Justice pour juger l’ex-président Ould Abdel Aziz. Une juridiction ordinaire suffit amplement. Selon deux de nos brillants juristes, « le président de la République est bien individuellement responsable pour les actes accomplis au cours de son mandat lorsqu’il s’agit d’actes détachables de la fonction présidentielle. C’est-à-dire accomplis à l’occasion de l’exercice de celle-ci mais dans un but autre que la conduite des affaires publiques ». En conséquence et à l’exception de ceux relevant de la haute trahison, tous ses actes engagent « sa responsabilité pénale [qui] relève de la compétence des juridictions ordinaires », écrivent ces spécialistes du droit. Forte de ces avis juridiques imparables, la Commission d’enquête parlementaire sait à présent à quoi s’en tenir. Les marchés de gré-à-gré, la mauvaise gestion, le détournement des deniers publics, la violation des procédures pourraient être autant d’actes détachables de la fonction présidentielle et accomplis à l’occasion de l’exercice de celle-ci. Établir et pénaliser, via une juridiction ordinaire, le caractère délictueux de tels actes ne compromet cependant en rien l’éventuel examen ultérieur de la probable haute trahison. Bien au contraire : cela l’argumente…La Commission s’en est largement rendue compte dans tous les dossiers sulfureux sur lesquels elle a planché. L’exemple de l’Angola, où la justice vient d’arracher à la fille de l’ancien président Dos Santos la rondelette somme de 850 millions de dollars, conforte l’idée que rien n’est définitivement acquis. Et que, comme disent « nos » ancêtres les gaulois, « bien mal acquis ne profite jamais ». Surtout celui, spolié, d’un peuple pauvre, sous –développé et sous –alimenté et quia vu ses ressources s’évaporer, en une décennie, sous le feu d’un clan avide et cupide.

                                                                                                                                                                                                                                                                                                AOC

dimanche 19 juillet 2020

Editorial: Une rature de plus

Samedi 11 Juillet, les Mauritaniens se sont réveillés avec une énorme gueule de bois. La Haute Cour de Justice qui devait juger l’ex-Président Ould Abdel Aziz, dont le processus de mise en place était déjà lancé et sur laquelle l’Assemblée nationale devait statuer le 13 courant, a été subitement bloquée. Vous savez par qui ? Par la commission Justice et Intérieur de ladite Assemblée qui a trouvé, tenez-vous bien, le délai insuffisant pour « bien préparer » le texte. Ça ne s’invente pas. Alors qu’on croyait la machine bien lancée, tout s’effondre en quelques heures. La désillusion est à la mesure de l’espoir qu’avait suscité la mise en place de la CEP. Les groupes parlementaires de l’opposition qui l’avaient initiée et restaient en contact permanent avec la Majorité tombent des nues. La mesure a été prise sans les concerter, après une réunion du groupe parlementaire l’UPR dont est issue l’écrasante majorité des membres de la Commission. Un geste pour le moins inamical et l’opposition n’a pas manqué de le faire savoir.
Jusqu’où va continuer cette mascarade ? C’est la question sur toutes les lèvres. Le gouvernement va-t-il revenir sur cette décision dont l’impopularité est la moins contestable des qualités ? Ould Abdel Aziz sera-t-il jugé par une juridiction ordinaire, étant redevenu un justiciable (très) ordinaire ? La pression combinée de l’opposition et de l’opinion publique fera-t-elle revenir le processus sur les rails ? Il y a urgence à tourner une page dont les ratures continuent d’empêtrer le quotidien des gens.
                                                                                                                                                                                                                                                                                                 AOC

Editorial: Haute trahison

L’étau se resserre autour de l’ex-président Ould Abdel Aziz. Convoqué cette semaine par la Commission d’enquête parlementaire qui a déjà entendu ses trois Premiers ministres et plusieurs membres de son gouvernement, il aura fort à faire pour se justifier, ses anciens collaborateurs l’ayant tous accablé. Ils ont reconnu unanimement que dans tous les dossiers sulfureux pour lesquels ils ont été convoqués, les ordres venaient directement de lui. ¨Pour ces crimes économiques, il risque donc, au bas mot, une Haute cour de justice dont le processus de fondation vient d’être enclenché par l’Assemblée nationale. S’ils sont assimilés à une haute trahison… et il y a de fortes chances qu’ils le soient, tant leur gravité dépasse l’entendement. Sinon, une autre affaire pourrait constituer pain béni pour les parlementaires. Haute trahison signifiant, en vertu de l’article 93 de la Constitution, notamment “ abandon total ou partiel de la souveraineté ”, la proposition de cession, à l’émir du Qatar, d’une île à côté du banc d’Arguin, à environ cent kilomètres au Nord de Nouakchott, pose en effet problème. Avancée directement par l’ex-Président lui-même lors d’une entrevue accordée à l’ambassadeur du Qatar à Nouakchott, l’offre fut automatiquement répercutée à Doha. Prudent, l‘émir du Qatar la déclina poliment, en ne donnant aucune suite au courrier du diplomate. Mais l’initiative du Président mauritanien alors en exercice constitue-t-elle ou non un abandon de souveraineté ? La commission serait bien inspirée de poser la question à celui qui s’engagea à donner quelque chose qui ne lui appartenait pas, sans même chercher à obtenir l’aval des représentants attitrés (les parlementaires) du propriétaire (le peuple souverain du territoire mauritanien).    
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                  AOC

dimanche 5 juillet 2020

Editorial: Imminents règlements de compte

L’image a fait le tour du Monde. Elle est révélatrice à plus d’un titre : Ahmed Ouyahya, deux fois Premier ministre d’Algérie, ancien président du parti au pouvoir et apparatchik du régime des généraux, arrive, menottes aux poignets et encadré par plusieurs policiers, à l’enterrement de son frère. Depuis quelques mois, la « grande lessive » menée par le pouvoir algérien a envoyé derrière les barreaux plusieurs  (anciens) responsables et hommes d’affaires accusés d’avoir pillé sans vergogne les ressources de leur pays. L’opération, une des principales revendications du « hirak » qui a secoué la rue plusieurs mois durant, a été favorablement accueillie par une opinion publique lassée de voir un État riche se faire dépecer quotidiennement par ceux-là mêmes qui devaient servir et non se servir. Tout comme la Mauritanie au cours de la dernière décennie. Mais nous n’en sommes encore, chez nous, qu’aux premiers balbutiements d’un tel assainissement. Contrairement aux Algériens qui ont pris le taureau par les cornes, sans s’embarrasser d’une commission d’enquête parlementaire. Ici comme ailleurs, ceux qui étaient aux affaires et qui ont pillé le pays sont connus, tout comme les hommes et les femmes qui gravitaient autour d’eux. Il suffisait juste de les interpeller et de leur demander des comptes. Quoi qu’il en soit, l’heure des comptes a sonné. L’enquête a atteint un point de non-retour. Le pays ne peut plus se permettre de faire l’économie d’une opération « mains propres » que tout un chacun appelle de ses vœux. Il est temps que la page de l’impunité soit tournée pour de bon. Et les comptes apurés.
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                    AOC