samedi 19 novembre 2022

Editorial: En vaine quête d’un saint

 Depuis la fin de son contrôle judiciaire et son départ pour la France, l’ex-président Ould Abdel Aziz fait feu de tout bois. Après deux rencontres avec la diaspora, dont la première a fini en queue de poisson et la seconde n’a eu aucun succès, deux interviews, l’un à Jeune Afrique et l’autre à France 24, notre ancien guide éclairé vient de pondre un communiqué qui en dit long sur ses intentions. Épaulé par quelques éléments des FLAM-canal historique et soutiens éparpillés en Europe, il a lancé un mouvement dénommé « Ensemble pour une Mauritanie Unie » dont le communiqué introductif dresse un tableau sombre de la situation de notre pays. On y évoque, entre autres,« les restrictions aux libertés de presse et d’association, la mauvaise gestion, la gabegie, la corruption, l’inflation galopante et la paupérisation accrue… ». L’homme sait de quoi il parle.

Poursuivi pour dix chefs d’accusation – enrichissement illicite, corruption et mauvaise gestion, notamment – il refuse donc de s’avouer vaincu et veut s’ériger en opposant au régime pour donner à son affaire un cachet politique. Après s’être allié avec un parti miniature en Mauritanie, il vient de sceller une nouvelle alliance avec des membres du FLAM dont la mouvance vient d’annoncer qu’ils ne représentent qu’eux-mêmes. Bref, on le sent comme perdu dans ses gesticulations. Ne saurait-il, déplumé de son immense fortune, plus à quel saint se vouer ? Mais après s’être tant gargarisé devant sa seule image, déformée qu’elle était par l’obséquiosité de ses adulateurs, a-t-il même encore une idée de ce qu’est un saint ?

                                                                       Ahmed ould Cheikh

samedi 12 novembre 2022

Editorial: Un choix à justifier dans les faits…

 Elle a été enfin mise en place. Après un accouchement au forceps et à la dernière minute.  Jamais une CENI n’aura fait l’objet d’autant de conciliabules. Devait-elle être l’émanation des partis politiques ou composée de personnalités indépendantes ? Les avis ont divergé jusqu’à la dernière minute. Finalement les partis, aussi bien ceux de la majorité que de l’opposition qui privilégiaient le premier choix, ont eu gain de cause. Cela peut-il avoir des conséquences sur son indépendance ? La question mérite d’être posée quand on sait que, par le passé, chacun avait tendance à prêcher pour sa chapelle… à moins que nos « sages » ne se départissent complètement de toute appartenance partisane et s’engagent sur le chemin de l’impartialité, conformément au serment qu’ils ont prêté. C’est en tout cas le souhait de tout un chacun pour que des élections soient organisées dans un cadre consensuel et dont les résultats seront reconnus par tous les participants. Un challenge à sa portée. Dirigée par un homme d’une grande expérience qui fut longtemps ministre de l’Intérieur et organisa à ce titre de nombreuses consultations électorales, elle peut réussir son pari. Faute de quoi, on aura hérité d’une CENI politique à crédibilité douteuse qui donnera raison à ceux qui défendaient le principe d’une commission composée de personnalités indépendantes. Elle posera de surcroît le problème de la présidentielle prévue en 2024. Prions pour ne pas en arriver là ! La balle est en tout état de cause dans son camp et c’est à elle de décider de réussir… ou non.

                                                             Ahmed Ould Cheikh

samedi 5 novembre 2022

Editorial: Chapeau bas! Ahmed ould Cheikh

 Après un accord entre le ministère de l’Intérieur et les partis politiques en vue de l’organisation en 2023 d’élections législatives, municipales et régionales consensuelles, on pensait que le plus dur était fait. Jamais en effet, dans l’histoire des élections, un consensus ne fut obtenu avec autant de facilité. Le respect et la considération manifestés par le président Ghazwani à cette opposition depuis son arrivée au pouvoir ont sans doute facilité la tâche à son bras droit envoyé à l’Intérieur pour gérer ce dossier délicat. Fort de son expérience lors de la Transition 2005-2007 qui s’est déroulée relativement bien, au moins en son aspect formel, Ould Mohamed Lemine a rassuré tout son monde. Mais un écueil demeure : la composition de la CENI. Si la tendance était, au départ, à une Commission composée uniquement de personnalités indépendantes, certains partis de la majorité et de l’opposition ont élevé la voix pour demander qu’elle soit représentative des formations politiques. Il faut dire que les postes sont alléchants et les indépendants ne sont pas toujours maîtrisables… Invitée à donner les noms de ses représentants, l’opposition a, encore une fois, fait à ce point étalage de ses divergences  que le ministère de l’Intérieur était sur le point de choisir pour elle, la date fatidique du 31 octobre approchant à grands pas. La majorité, elle, n’a pas mis beaucoup de temps pour s’entendre sur une liste de 11 noms dont seront issus ses six représentants.

À une certaine époque guère lointaine, c’était la France qui disposait de la plus bête opposition du Monde. Aurait-on envié, en Mauritanie réputée indépendante, cette distinction à notre ex-colonisateur ?  On n’est, en tout cas, plus loin de la lui ravir. Et apparemment, nullement décidé de la céder à quiconque... Chapeau bas, messieurs et dames !

                                                                                    Ahmed ould Cheikh

Editorial: De ligne dure en louvoiements…

 Mais quelle mouche a donc piqué ould Abdel Aziz ? Libéré de son contrôle judiciaire en attendant son procès, il s’est évertué à garder le silence avant de s’envoler en France pour « raisons médicales ». De fait, apparemment juste un leurre. Pris d’une soudaine diarrhée verbale dès qu’il a foulé le sol français, il est d’abord intervenu lors d’une rencontre avec une partie de la diaspora à Bordeaux lors d’un colloque sur les perspectives économiques de la Mauritanie. Une rencontre qui fut loin d’être un succès. Sans l’intervention de la police et son exfiltration, l’Ex n’était pas loin de subir les foudres d’une partie de l’assistance frustrée de le voir se présenter en parangon de vertu. Alors qu’il traîne des casseroles qui peuvent s’entendre à mille lieues. Il accordera ensuite une interview à Jeune Afrique et un entretien à France 24.

Se présentant en victime d’un règlement de comptes ourdi par des membres de l’entourage du président Ghazwani, il se dit prêt à être jugé mais il est persuadé que la justice ne suivra pas son cours normal, inféodée qu’elle est à l’Exécutif. L’homme sait de quoi il parle, lui qui asservit, une décennie entière, cette justice à son seul profit, se permettant même de limoger le président de la Cour suprême et ordonnant qu’on empêche celui-ci d’accéder à son bureau.

Autre thème majeur évoqué lors des deux entretiens : la lutte contre le terrorisme. Un danger qui guette, selon lui, tout le Sahel et même une partie de l’Afrique de l’Ouest. Adressant une critique à peine voilée à la France qui « a certes fait du bon boulot en 2013 au Mali lorsqu’elle a repoussé les jihadistes qui marchaient sur Bamako mais négocié ensuite avec les terroristes », il prône la méthode forte qu’il a appliquée et qui a donné de bons résultats. Sans préciser à quels prix ? Tout comme il a louvoyé chaque fois qu’on évoque la fortune qu’il prétend(ait) détenir et dont il ne semble plus trop sûr de l’immensité :remonter au vent contraire implique effectivement des détours…

                                                                Ahmed ould Cheikh