dimanche 28 juillet 2013

Editorial : On va où là ?



La mise en demeure adressée, par l’Inspection Générale d’Etat, à Ahmed Ould Hamza, le président de la Communauté urbaine de Nouakchott, de rembourser 350 millions d’ouguiyas, prête à sourire. Il n’y a pourtant pas de quoi. Quand les organes de l’Etat – la BCM et les Impôts, pas plus tard qu’hier, dans l’affaire de la GBM, et l’IGE, aujourd’hui – sont instrumentalisés par l’Exécutif, pour régler ses comptes, on est tous en droit de se demander où va notre pays. Un pays où l’on ne se sent plus à l’abri. Où chacun, sitôt qu’il n’est pas du « bon » côté, peut être accusé de n’importe quoi, traîné dans la boue, jeté en prison et obligé, pour ne pas y moisir, de payer une forte rançon. Un pays où les institutions de contrôle, censées être indépendantes, travaillent selon les désirs du Prince, ne sont envoyées que chez des clients triés sur le volet et leurs conclusions  suivies d’effet que dans des cas bien précis. Sinon, comment expliquer que des  (ir)responsables, dont la gestion a été épinglée, soient récompensés par des promotions ? Le Calame avait, en son temps, fait état de rapports, accablants, de l’IGE, à l’encontre d’un ministre de la Santé et du directeur général de la Société Mauritanienne des Hydrocarbures (SMH). Le premier a été nommé président de Sahel Bunkering et le second, à la tête de l’AMEXTIPE. De la discrimination positive, peut-être, dont bénéficient, en premier lieu, les soutiens du régime. Ceux qui ont assimilé rapidement le sens et la portée de la Rectification. Ce qui n’a pas été le cas, il faut le reconnaître, d’Ahmed Ould Hamza. Le président de la CUN, élu sous les couleurs du RFD, a toujours rejeté les appels du pied que lui faisait Ould Abdel Aziz. En continuant à soutenir son parti et son président. Ce qui, d’ailleurs, ne cesse de lui valoir des misères. Ses milliards de recettes sont bloqués au Trésor et il n’arrive pas à en faire usage au profit de la ville. Tout comme le patrimoine foncier de celle-ci, que l’Etat utilise ou distribue à sa guise. Pire, le fidèle d’Ould Daddah est accusé de dilapider le buget de la Comunauté urbaine. 350 millions d’ouguiyas partis en fumée, selon l’IGE. Une fumée pourtant bien concrète. Cet argent a été certes dépensé mais pour venir en aide aux nécessiteux, soutenir les ONGs, financer les associations sportives, aider des ministères, qui en ont tant besoin, en cette période de disette, à célébrer  tel ou tel évènement de portée nationale ou internationale. Le tout dans le cadre d’un buget approuvé par le conseil de la Communauté urbaine et validé par la tutelle. Peut-on reprocher à Ould Hamza d’avoir  respecté la nomenclature budgétaire ? Ou d’être, conformément à la vocation de son institution, un peu trop philantrope ? Notre guide éclairé a, apparemment, une vision un peu spéciale de la dépense. Pour lui, l’argent, même budgétisé, ne doit servir qu’à être thésaurisé. Ould Hamza aurait dû lui demander conseil…
                                                                                                                              Ahmed Ould Cheikh

dimanche 21 juillet 2013

Editorial : Sans peur et sans reproche



14 juillet 2013 : Le Calame fête ses vingt ans. Vingt ans de combat acharné pour la liberté d’expression, la démocratie, la justice sociale. Vingt ans de lutte contre l’arbitraire, les inégalités, le racisme.  Vingt ans d’engagement pour une Mauritanie juste, équitable et respectueuse des droits de ses citoyens.  Avons-nous réussi ce challenge particulièrement difficile ? C’est à vous-mêmes, chers lecteurs d’en juger. Lorsque nous avons lancé le journal, en 1993, nous étions un groupe de jeunes idéalistes, croyant fermement que la liberté d’expression ne peut s’octroyer et qu’il faut l’arracher, au prix de lourds sacrifices, s’il le faut. C’est fort de ce paradigme que nous nous sommes lancés dans cette aventure, avec nos stylos pour seules armes. Face à un système qui balayait tout sur son passage et faisait peu cas de voix discordantes, notre canard a, pourtant, tenu bon. Les censures, les saisies, les interdictions, sans parler des menaces en tout genre ne nous ont pas déviés, d’un pouce, de la voie qu’on avait choisie. Dans une mer déchaînée, le navire a tenu bon et maintenu son cap. Jusqu’à la délivrance. Jusqu’à ce jour de 2006 où la profession s’est vue pourvue d’une loi  bannissant la censure. Le Calame est resté debout, les censeurs sont partis. Sans regrets mais, aussi, sans rancune. Nous avons gagné une première manche contre la bêtise humaine. Faut-il pour autant crier victoire ? Prétendre qu’avec le départ de la dictature, le ciel s’est dégagé pour de bon serait bel et bien se leurrer. Certes, il n’y a plus de censure mais notre vie de tous les jours est loin d’être une panacée. Comme au « bon » vieux temps, le pouvoir nous considère toujours comme un adversaire et non un partenaire. Nous sommes encore frappés d’ostracisme et exclus de tout. La presse aux ordres, comme au temps de la Vérité/Al Bouchra, ne rate pas une occasion de s’en prendre à nous. Le Président nous ignore, lors de ses conférences de presse et ses (rares) rencontres avec les media. Nous n’avons pourtant rempli – ne remplissons et ne remplirons toujours, incha Allahou –  que notre devoir d’informer. Et nous n’avons fait qu’user – non abuser – d’un ton critique pour dénoncer les travers des régimes qui se sont succédé. L’objectivité, disait Hubert Beuve-Méry, le fondateur du journal « Le Monde », n’existe pas. Il n’y a que de la bonne foi. S’il nous arrive de ne pas être objectifs – peut-on d’ailleurs l’être, quand l’intérêt suprême de notre pays est en jeu ? – rien, par contre, n’a pu ébranler notre (bonne) foi. Ni les brimades, ni les censures, ni les problèmes de tout ordre ne nous ont fait douter, un instant, de notre mission. Nous n’avons, jamais, cédé au découragement. Si certains ont quitté la barque, pour une raison ou une autre, le reste de l’équipage a réussi à la maintenir à flots.Le Calame a été. Le Calame est et Le Calame restera. Au grand bonheur  de ceux qui l’accompagnent depuis vingt ans maintenant. Sans peur et sans reproche.

                                                                                                                       Ahmed Ould Cheikh


jeudi 11 juillet 2013

Editorial : Impossible n’est pas mauritanien




La façon, pour le moins désinvolte et peu galante, avec laquelle la ministre de la Culture a été virée, la semaine dernière, en dit long sur les méthodes cavalières de ceux qui nous gouvernent. A commencer par le premier d’entre eux, capable des pires colères, pour un oui ou un non. Deux jours avant ce limogeage intempestif, le mari de ladite dame, le président de la commission des marchés de son ministère, et deux hommes d’affaires avaient été arrêtés, par la gendarmerie, dans le cadre d’une enquête sur l’attribution du  marché du stade de Nouadhibou. Alors que la construction d’un stade dépend du ministère de l’Urbanisme et que son attribution échoit à une commission sectorielle indépendante, une rumeur savamment entretenue – par qui et dans quel but ? – a fait porter, à madame la ministre, l’entière responsabilité du cafouillage qui a sanctionné l’attribution puis l’annulation du marché. Alors que, dans les faits, elle n’a rien à voir dans ce processus, ni au début ni à la fin. On a évoqué, pêle-mêle, promesses de commissions, marchandages, tractations, faux documents, enregistrements et tabassage. « Qui veut tuer son chien l’accuse de rage », dit le célèbre dicton. A quelques mois d’une nouvelle campagne électorale, Oud Abdel  Aziz entend enfourcher son cheval de bataille, celui de la lutte contre la gabegie. Largement mise à l’épreuve par les agissements de sa parentèle, il espère, probablement, lui donner un nouveau souffle, en limogeant une des plus anciennes ministres de son gouvernement. Quitte à invoquer de farfelus motifs, avant même que l’enquête, diligentée par la gendarmerie, n’aboutisse. En Mauritanie nouvelle, la présomption d’innocence reste une notion inconnue.
Au cours du Conseil des ministres qui a suivi le limogeage de Mint Boïdé – celui de jeudi dernier, donc – Ould Abdel Aziz est sorti de ses gonds, vilipendant ses subordonnés qui n’ont pas compris, selon lui, le sens de son combat contre les prévaricateurs. Nos vaillants ministres, tremblant à qui mieux mieux, étaient dans leurs petits souliers.  Si l’un d’eux avait pris son courage à deux mains, il aurait pu répondre que la lutte contre la gabegie est très sélective. Sinon, comment comprendre que des individus, partis de rien, arrivent, en quelques années, à  fonder des sociétés d’assurances, d’hydrocarbures ou de BTP et à devenir actionnaires dans des banques, alors qu’ils n’ont hérité de rien, sauf, peut-être, de liens de parenté opportuns ?  Que les enregistrements ne peuvent être cause d’emprisonnement. Suivez mon regard. Et que le tabassage n’est que peccadille, comparé aux balles réelles. Mais plus personne n’est capable d’élever la voix, dans ce pays. La flagornerie, la politique du ventre, l’appât du gain, les bassesses en tout genre ont fini par avoir raison de toute dignité. Il est vrai que celle-ci n’a pas de prix et qu’elle n’est donc pas négociable. Pas très intéressant pour nos esprits boutiquiers… Il n’y a qu’à voir comment les gens accourent à l’accueil du Président, lors de ses déplacements, pour se rendre compte du cloaque où l’on est tombé.
Mais il faut dire, à la décharge des souteneurs professionnels, que le Guide éclairé qu’ils ne cessent d’applaudir n’a pas, ordinairement, la haine tenace. Tous ceux qu’il a relevés de leurs fonctions ont fini par être rappelés aux affaires. Sans qu’on sache vraiment à quoi s’en tenir. Coupables, rien ne justifierait leur retour en grâce. Innocents, ils seraient en droit d’exiger des excuses officielles d’un pouvoir qui a les traînés dans la boue. Or, il n’est pas plus question de culpabilité que d’excuses. Juste le calme après la tempête. Madame Cissé peut donc dormir tranquille. Sa réhabilitation n’est qu’une question de semaines ; de mois, tout au plus. Et l’on passera à la prochaine victime… avant qu’elle ne revienne à son tour. Au pays des coups foireux, tout est possible. Même l’impossible.
Ahmed Ould Cheikh