dimanche 21 octobre 2018

Editorial; Pitié!

Finies, les élections. Pliées. Comme on s’y attendait : au profit du parti au pouvoir. Avec, dans son escarcelle, une majorité écrasante à l’Assemblée nationale, dans les mairies et la totalité des conseils régionaux. Rien que des miettes à l’opposition qui a fini par regretter d’avoir participé à la mascarade. Et qui risque de se voir ravir les communes d’El Mina et d’Arafat, où elle a pourtant gagné, haut la main, à l’issue d’un troisième tour décidé, contre toute logique, par une Cour Suprême dont la célérité devient douteuse, chaque fois que l’UPR introduit un recours. Le recomptage des voix, dans ces deux mairies, ayant donné la coalition de l’opposition gagnante, on se demande bien qu’est-ce qui pourrait justifier un nouveau vote. Si ce n’est la volonté du pouvoir qui a tout fait pour arracher ce bastion qu’est devenu Arafat ; et qui a lamentablement échoué, malgré une débauche de généraux, de colonels et de moyens. Il ne lui reste plus, à présent, qu’à organiser une autre mascarade, contre l’avis de la Commission électorale (dont le président a dénoncé, ouvertement, cette procédure, considérant que les résultats étaient plus que fiables) et décréter ses candidats vainqueurs. Ce vers quoi l’on s’achemine, le 27 Octobre prochain. La guerre enclenchée contre Tawassoul, depuis l’annonce des résultats des élections législatives (qui en font le premier parti d’opposition), n’a toujours pas dit son dernier mot. Après la fermeture du Centre de formation des Oulémas et de l’université Ibn Yacine, place aux coups sous la ceinture ! Quitte à discréditer tout un processus, remettre en cause des résultats certifiés, mettre hors-jeu, et la CENI et le Conseil Constitutionnel, impliquer une Cour suprême qui doit rester indépendante, au-dessus de la mêlée, et annuler une élection qui reflète la volonté populaire. Ne soyez pas surpris si, demain, des unités de l’Armée sont appelées en renfort, non pour assurer la sécurité mais pour voter et faire pencher la balance en faveur de l’UPR. Même si leurs noms ne figurent nullement sur les listes électorales. Comme cela s’est vu en certaines localités « importantes » où l’opposition était sur le point de gagner. Il n’y a donc plus de honte, dans cette Mauritanie nouvelle où l’on peut avoir recours, si l’on n’a pas la possibilité de gagner loyalement, à toutes les méthodes y compris la reconvocation des électeurs, non pas dans un ou deux bureaux litigieux, mais toute une circonscription. Du jamais vu, même au temps où l’élection signifiait fraude, où les résultats étaient proclamés alors que le dépouillement était encore en cours. Elle est atypique cette Mauritanie, vous dis-je. Un pays bizarre où l’on n’organise pas une élection pour la perdre, où les (anciens) militaires ont droit de vie et de mort sur nous, où tout le monde scrute le moindre fait et geste du Président, pour savoir s’il va, anomalie suprême, respecter un serment déclaré devant Allah, la Communauté nationale et internationale. Où des élus invitent, ouvertement, à violer la Constitution, où le parti aux commandes ne reste superpuissant que jusqu’au jour où son fondateur disparaît, où le gouvernement détient la palme d’or de l’incompétence et de l’inconsistance… Pitié, n’en jetez plus, la cour est pleine...
                                                                                                       Ahmed Ould Cheikh 

lundi 8 octobre 2018

Editorial: Et pourtant elle tourne...

« Je soutiendrai un candidat en 2019 » ; « je ne modifierai pas la Constitution » ; « les députés peuvent voter des amendements constitutionnels mais pas nécessairement relatifs au mandat » ; « si vous voulez un troisième, un quatrième mandat ou, même, un royaume, donnez une majorité écrasante à l’UPR » ; « je ne laisserai pas la Mauritanie retomber entre les mains de ceux qui lui ont déjà fait tant de mal, par le passé » : le moins qu’on puisse dire est qu’en quelques mois et quelques mots, Ould Abdel Aziz nous a donné le tournis. A six mois d’une élection majeure, décisive pour l’avenir du pays, personne ne sait à quoi s’en tenir. Le Président le sait-il d’ailleurs lui-même ? Entre hésitations, atermoiements et déclarations contradictoires, il n’a apparemment pas encore fait le deuil de la Présidence. Son désarroi est visible, lorsqu’il évoque la question des mandats. Malgré deux conférences de presse en moins d’un mois, il n’a toujours pas convaincu. Ni ceux qui lui demandent, ouvertement, de fouler au pied la Constitution et de « continuer son œuvre de construction nationale », encore moins ceux qui gardent encore un faible espoir de le voir raison garder et de ne pas s’aventurer sur un chemin si dangereux, pour lui et pour le pays. Il maintient visiblement le flou… en attendant une éclaircie qui permettrait de faire avaler cette couleuvre ? La caution de la France ou le feu vert de l’Armée ? Deux impondérables qui lui tiennent à cœur. L’avis de la population ? Il n’en a que faire. Il tient en si petite estime ce pays, son peuple et sa classe politique qu’il n’a pas hésité à renverser un président élu, changer son hymne national et sa monnaie, piétiner ses symboles, falsifier son histoire  et l’appauvrir encore plus. Dans un contexte où, il est vrai, tout lui a souri mais jusqu’à quand ? La roue tourne et l’on ne peut rester éternellement du bon côté.
« Le pouvoir », disait feu Moktar ould Daddah, « a un goût ». Il faisait allusion, dans un style qui lui est propre, aux tentations et à l’impossibilité de s’en défaire volontairement. Jamais cette formule n’a trouvé autant de sens qu’avec Ould Abdel Aziz. L’homme, qui a pris le pouvoir parce qu’un président de la République, chef suprême des forces armées, a usé de ses pouvoirs régaliens, ne veut plus rien lâcher. Il se considère, désormais, comme notre tuteur sans lequel ce pays serait parti, depuis longtemps, à vau-l’eau. Rappelons-lui, s’il l’a oublié, que c’est à partir de rien qu’Ould Daddah mit en place les fondements de l’Etat, dirigea celui-ci pendant dix-huit ans, Maaouya vingt-et-un. Ils sont partis, la Terre n’a pas arrêté de tourner et la Mauritanie avec, à son rythme…
                                                                                Ahmed Ould Cheikh