mercredi 21 mars 2012

Editorial : Ely et son cousin, acte III, scène 1…

Enfin, serait-on tenté de dire, tant l’épisode fut reporté : le président de la République est arrivé, la semaine dernière, à Nouadhibou. Mardi, précisément. Soit moins de 24 heures après la gigantesque marche organisée par l’opposition, qui ne demandait, ni plus ni moins, que son départ. Pour corser l’addition, l’ancien chef de l’Etat, Ely Ould Mohamed Vall, cousin et néanmoins ennemi juré de l’ex-général, est sorti de sa réserve, vieille de plus de deux ans et demi, en se joignant à la marche. Jusqu’à, même, sortir, également, de son mutisme, en prenant la parole au cours du meeting qui l’a suivie. Et de qualifier, en termes peu amènes, le coup d’Etat du 6 août 2008 : une vulgaire « rébellion » ; et la situation générale que vit le pays : ca-tas-tro-phique. Il n’en fallait pas plus pour qu’Ould Abdel Aziz sorte de ses gonds à Nouadhibou. Furieux, il a fait entendre, à ses opposants, des vertes et des pas mûres : ‘’ vieillards incapables de se tenir debout, entourés de gabegistes, […] malfrats qui ont pillé et sevré ce pays, […] aigris qui refusent de voir les progrès réalisés, […] personnes impliquées dans le passif humanitaire », j’en passe et, peut-être, de plus savoureuses encore. Comme si « l’autre camp », celui des « bons rectifiés », ne comprenait ni vieillards, ni gabegistes, ni militaires impliqués dans les évenements de 89/91. Notre guide éclairé – mais la lumière, ça aveugle, parfois – serait-il adepte de Sartre et de son célèbre « l’enfer, c’est les autres » ?
Apparemment hors de lui, Ould Abdel Aziz a, semble-t-il, très mal encaissé le subit retour d’Ely sur la scène politique. Sinon, comment expliquer que notre rebelle emprésidentié ait consacré, lors d’un rassemblement populaire prévu depuis plus de trois mois, au moins 80 % de son discours à fustiger une marche de juste la veille ? Si l’opposition n’avait pas marché, n’aurait-il eu que des platitudes à débiter ? On vous le disait la semaine dernière : cette marche était bien l’évènement politique de ce début d’année et le président de la République s’est ingénié, lui aussi, à nous en persuader. De fait, l’ancien chef du CMJD, qui dispose d’un solide réseau de relations à l’extérieur, ne parle pas dans le vide. Briser son silence au moment précis où le pays accumule des difficultés en tous genres, c’était la goutte d’eau apte à faire disjoncter la pile de nerfs Ould Abdel Aziz. Hautain et notoirement dédaigneux de l’opposition civile, l’ex-général nous rappelle sa capacité de fulmination, quand un ancien colonel accepte de se joindre à celle-là. Y flairerait-il un danger potentiel ? Y souffrirait-il le réveil d’une vieille plaie d’ego envers son brillant cousin ? Le voilà, en tout cas, à ce point énervé qu’il s’emmêle les pédales.
On s’interroge, du coup, et c’est bien légitime. Ely aurait-il affermi son réseau de relations ? En dehors du pays, particulièrement en France, l’ancienne puissance coloniale et faiseuse, à gogo, de présidents… Voire, en notre Armée nationale où tout ne va, peut-être pas, non plus, pour le mieux ? Détiendrait-il, notre ancien chef de la Sûreté, des secrets compromettants ? Quels risques fait-il peser sur le pouvoir actuel ? On doit, en tout cas, tenir pour certain qu’Ely a mûrement choisi l’heure et le lieu de son come-back. Roulé, comme les autres, dans la farine du 18 juillet 2009, il n’est pas homme à répéter deux fois la même erreur et aura, n’en doutons pas, très soigneusement préparé son affaire. Ould Abdel Aziz le sait et c’est probablement cela qui le perturbe autant…

Ahmed Ould Cheikh

jeudi 15 mars 2012

Editorial: marche arrière, toute!

Tout le monde a tendance à l’oublier : voici cinq ans, jour pour jour, l’élection présidentielle portait Sidioca au pouvoir. Sans le coup d’Etat du 6 août 2008, nous serions,aujourd’hui, en pleine campagne électorale pour élire un nouveau président. Sans son arraisonnement par les militaires, notre démocratie, citée en exemple unique dans le monde arabe, se serait affirmée et consolidée. Les bailleurs de fonds, qui nous ont témoigné leur confiance, à Paris, lors de la réunion du Groupe consultatif sur la Mauritanie, allaient nous doter d’énormes financements pour des projets et infrastructures tous azimuts. Les télévisions et les radios libres allaient élever notre liberté d’expression au rang des plus vieilles démocraties. Bref, on allait être un pays normal, gouverné par un président normalement élu, qui n’avait jamais touché une arme, chef respecté d’un Etat où les militaires s’occupent de ce pourquoi ils ont été enrôlés, où les députés sont bien élus et ne s’organisent pas en bataillon pour se vendre au premier venu, où les membres du gouvernement sont choisis sur des critères de compétence et non d’appartenance à tel ou tel ensemble, où les proches du président, loin des Trabelsi tunisiens, n’usent pas de cette proximité pour obtenir des faveurs indues et des promotions imméritées, où la moindre boutique-témoin vendeuse d’un kilo de riz n’est pas considérée comme une grandiose réalisation, où l’activité économique et les gros marchés ne sont pas aux mains d’une poignée de courtisans, où les pauvres ne s’appauvrissent pas, jour après jour, où la famine ne frappe pas à nos portes, où les relations avec les voisins sont empreintes de respect, où la justice est véritablement indépendante et où l’on n’envoie pas, arbitrairement, des gens en prison pour de fallacieux motifs.
Et dire que ce n’est qu’un bref aperçu de ce qu’on a raté, en stoppant notre marche vers la démocratie. Mais voilà : le train s’est arrêté, brutalement, un certain 6 août 2008. Nos militaires ne voulaient pas qu’on continue à rêver plus longtemps. Quinze mois, pas un jour de plus. La récréation est finie! Passons aux choses sérieuses. Nous n’avons pas dégommé notre frère d’armes pour vous laisser croire que nous allions rentrer dans les casernes. Ce que suggérait, en fait, Clémenceau, c’est que le pouvoir est une affaire trop sérieuse pour être confiée à des civils. La politique n’est-elle pas la continuation de la guerre, par d’autres moyens ? Et, ne sachant pas faire la guerre, gouvernons donc le pays ! On ne peut pas être mauvais en tout. Si ? Ah, mauvaises langues que ces civils ! Faudrait la leur couper, tiens, même si l’on sera, bientôt, l’exception, dans le monde arabe. Après avoir été l’exception démocratique. A croire, en effet, que nos militaires ne savent parader… qu’en marche arrière.
Ahmed Ould Cheikh

vendredi 2 mars 2012

Editorial : Du mouron, en veux-tu, en voilà…

« Confidence » d’Ould Abdel Aziz aux sénateurs de son parti, qu’il a rencontrés la semaine dernière, en leur demandant de la taire, pour le moment : Il ne se présentera pas à la présidentielle de 2014. Chut ! Surtout ne le dites pas aux ennemis de la Rectification, aux gabegistes – ceux de l’autre camp, bien sûr ! – et à l’opposition : ils sauteraient de joie à l’idée que le Trésor public n’aura plus de gardien.
Il n’en fallait pas plus pour que la rumeur s’empare de l’info, la gonfle, l’étire, la tourne et la retourne en tous sens. Elle était à la Une de toutes les discussions de salon, des journaux et des sites d’information. Avant qu’elle ne se dégonfle, le lendemain, Ould Abdel Aziz n’ayant jamais songé, ne serait-ce qu’un instant, à quitter, de son plein gré, le palais gris qu’il squatte depuis 2005. En fait, le Président, dans le style alternant sérieux et dérision dont il a le secret, avait demandé, aux sénateurs, de travailler, dorénavant, pour faire de l’UPR un véritable parti, capable de survivre à toute éventualité, comme, par exemple, s’il décidait, lui, le Grand Manitou, de ne pas briguer un second mandat en 2014. Une simple hypothèse d’école dont la conclusion ne lui a jamais traversé l’esprit. Exactement comme a survécu le PRDS, après le départ de Maaouya, en 2005, serait-on tenté de lui répondre. Les deux partis ont, en effet, plusieurs points communs : fondation par président en exercice, recrutement parmi les laudateurs de la République et fâcheuse tendance à l’évaporation, dès lors qu’ils ne sont plus aux affaires.
En fait, tout est dit à dessein. L’homme accumule, depuis quelques temps, les mauvais points. L’affaire de son fils l’a, paraît-il, beaucoup affecté. Les conséquences de la sécheresse qui s’abat sur le pays risquent d’être désastreuses. AQMI n’est toujours pas vaincue et menace d’exécuter le gendarme qu’elle a enlevé à Adel Bagrou. Les troubles, au Mali, qu’on a contribué à attiser, pourraient avoir un effet bomerang sur notre pays. L’opposition gagne des points et s’enhardit, de plus en plus. La rue gronde, pour cause de problèmes d’Université et d’enrôlement. La vie se renchérit, de jour en jour. Une partie de l’Armée est mécontente. Le gouvernement a, largement, prouvé son incompétence. Le dialogue politique n’a pas produit les résultats escomptés. Les élections sont renvoyées aux calendes grecques. Et aucun espoir ne pointe à l’horizon. Sauf celui, déjà fort émoussé, puisqu’il n’aura tenu qu’à peine vingt-quatre heures, de voir, enfin, les militaires rentrer dans leurs casernes.
Et l’on va devoir se taper ce régime encore un mandat et demi ? Y a, vraiment, de quoi se faire du mouron…
Ahmed Ould Cheikh