lundi 31 mai 2010

Moyen-Orient : Encore une inadmissible attaque terroriste!

Lundi 31 mai 2010, 4 heures 30 du matin, en pleine mer Méditerranée, à 150 kilomètres de Gaza la torturée. A bord de la flottille humanitaire qui apporte des vêtements, des vivres et des médicaments aux Palestiniens parqués dans la ville, tout semble encore dormir, attendant l’aube pour pénétrer dans les eaux territoriales sionistes. Soudain, des lumières s’allument tout autour. «Salut, les gars, on vient faire la fête!» Des centaines de soldats sionistes, en permission dans les eaux internationales, «gais lurons, en short et chemise à fleurs», selon une source autorisée, proche du gouvernement sioniste, sautent de leurs trois patrouilleurs lance-missiles et s’invitent à bord des six bateaux des «pseudo-militants pacifistes», dans l’espoir de terminer la fiesta commencée la veille au soir, dans les discothèques marines installées, complaisamment, par l’Etat hébreu, tout au long des côtes palestiniennes. Hélas, le convoi humanitaire se révèle un nid de dangereux terroristes, «armés de haches et de couteaux», qui, planqués sous leur couverture, s’apprêtaient à attaquer les paisibles discothèques. Nos soldats en goguette ont été «confrontés à des violences à caractère terroriste», s’indigne le porte-parole du gouvernement sioniste. Par chance, certains permissionnaires avaient gardé, dans leur slip de bain, «des moyens anti-émeute» et ont pu sauver leur vie menacée. Dans la confusion généralisée, des bavures non-identifiées auraient causé la mort d’une quinzaine, peut-être vingt, terroristes. Bien fait pour eux ! Mais la Sionie ne compte pas en rester là. Devant ces actes inqualifiables de piraterie, le gouvernement sioniste, «très choqué», s’élève, avec force, «contre ces nouvelles attaques qui entendent saboter le processus de paix dont le monde entier sait à quel point nous sommes attachés, depuis les accords d’Oslo. […] Mais nous ne nous torcherons pas avec la feuille de route», poursuit, très ému, le porte-parole sioniste. La communauté internationale s’apprête à applaudir des deux mains, après une demi-minute de silence à la mémoire des bavurés. Quant aux gazés – les habitants de Gaza – ils attendent toujours, massés contre les barbelés artistiquement décorés par les forces de pacification sionistes, les vêtements rayés adaptés à leur situation.

feylili

jeudi 27 mai 2010

Autour d’un thé au Calame

Ah, ça tourne rond ! Tellement en rond que rien de spécial n’est à mettre sous la langue des buveurs de thé, régulièrement rassemblés dans les locaux de votre journal préféré. Rien que des informations ressassées maintes fois, de l’information «mâchée par les agneaux», comme on dit, en Hassaniya, d’une nouvelle qui a fait le tour des quatre coins du vrig (campement). En Mauritanie, quoiqu’on fasse, les discussions aboutiront, inévitablement, à la politique. Toute autre chose est anodine. Pourtant «beletig», l’art de la politique, fut, un temps, assimilé au mensonge, à la filouterie voire au faux et usage de faux. Tiens, au hasard et en vrac, l’escale de Joyandet. On n’en sait pas grand-chose, à part les déclarations diplomatiques exagérément reprises par les médias officiels. La préparation, intense, du président Ould Abdel Aziz à son premier sommet France-Afrique, programmé début juin, en France. La nomination d’un ancien commissaire des droits de l’Homme, à l’insertion et à la lutte contre la pauvreté, Sid ‘Ahmed Ould Elbou, comme médiateur de la République, en place de Sghair Ould Mbarek, promu, il y a quelques semaines, à la présidence du Conseil constitutionnel. Exemples éloquents du recyclage dont parlait Moussa Fall, dans une interview accordée, récemment, au Calame, d’hommes-clés d’un système dont les travers furent à l’origine du renversement de Maaouya Ould Sid’Ahmed Taya. Finalement, à part quelques-uns, les hommes et les femmes de l’avant 3 août 2005 sont, tous, revenus. Juste quelques redéploiements de forme, retour en liesse de l’homme de Doha, Ould Abdel Aziz au Basep, ajout de deux petites lettres (DS) à la fin de l’UPR, en prenant le soin de supprimer le U. Et hop, nous voilà revenus à une ère que, curieusement, beaucoup de Mauritaniens désenchantés regrettent aujourd’hui. Déjà, lors de la constitution du gouvernement de Waghf 1, un éditorial, fracassant, d’Ahmed Ould Cheikh intitulé: «Mauditanie»; parlait non pas d’un recyclage des anciens mais d’un acharnement thérapeutique. Pauvre Mauritanie. Maudite Mauritanie. De quoi s’agit-il maintenant? Encore une visite de plus à la caserne militaire de Jreida. Elle serait, d’après la TVM, inopinée. En fait, pas si imprévue que cela: selon un caporal qui a pu, malgré tout, subtiliser, à la fin de la visite, une antenne parabolique flambant neuve, les hommes avaient été mobilisés, il y a plus de dix jours, pour installer les moquettes neuves, les fauteuils et autres équipements électroménagers, destinés à faire croire au président que les militaires, ses bien-aimés militaires, sont tenus dans de bonnes conditions. L’occasion était toute rêvée, pour l’intendance militaire, de dépenser, en toute «légalité», des dizaines voire des centaines de millions, pour vingt à trente minutes d’une randonnée présidentielle, pas si importante que cela. Un petit calcul, ne serait-ce que mental, nous apprend que de tels déplacements sont ruineux et en porte-à-faux avec les principes d’assainissement des dépenses publiques. Certainement que l’Armée, pour des raisons évidentes – la sécurité du pays, notamment, et la bonne humeur de ses officiers, surtout – doit être ménagée, avec prudence. Les 30 milliards du ministère de la défense nationale ne sont pas de trop, a contrario de ce que pensent certains civils, peu informés sur les nombreuses missions de l’armée mauritanienne. Ça sert, à peine, à couvrir ses charges: salaires, équipements, voyages de formations, gazras, cheptels, campagnes d’implantation, manœuvres de toutes sortes, excursions extra-conjugales, escapades à l’étranger, caisses noires et, bien sûr, «divers». Chers civils, «Lmahou ve deygue rjil» (littéralement: celui qui n’est pas sur le champ de guerre est un héros). Depuis que le président a reconnu, publiquement il y a quelques mois, que notre armée est «mal formée» – un doux euphémisme – il s’emploie, hystériquement, à la doter de tout, au détriment des civils. Pour ces derniers, plus de voitures, plus de carburant. Entendons-nous bien: «plus» sans prononcer le s, c'est-à-dire rien du tout. Alors que pour l’armée, même si 90% des moyens de l’Etat doit y passer, plus (en prononçant cette fois, le s final) de logistique, d’avantages et d’attention. Instinct sécuritaire d’un général retraité, reconverti en démocrate en début de carrière qui connait tellement l’armée et ses coups fourrés qu’il ne prend aucun risque de susciter les conditions de l’arroseur arrosé. Tourne, tourne, tourne en rond, jusqu’à la fin de la chanson…

lundi 24 mai 2010

Rassure-moi, Joyandet

Imaginez qu’un ministre mauritanien débarque à l’Elysée porteur d’un message à Sarkozy et se pâme, devant micros et caméras, d’avoir été reçu par un président «élu et légitime», vainqueur d’une élection libre. Quelle serait, alors, la réaction des Français? Dans un premier temps, ils feront mine de n’avoir rien entendu. Avant de se demander quelle mouche a piqué ce ministre semblant débarquer de la lune. Quand les choses coulent de source, on n’éprouve pas le besoin de les justifier…
C’est pourtant cette farce que nous a jouée Alain Joyandet, le ministre français de la Coopération, lors de son passage-éclair à Nouakchott, histoire de remettre, à Ould Abdel Aziz, une invitation officielle au sommet France-Afrique. L’homme, un des piliers de la Françafrique, a joué un rôle non négligeable dans la reconnaissance du régime post huit-aoûtard et sait de quoi il parle. Quelques semaines après la fracassante sortie d’André Parant, le «monsieur Afrique» de l’Elysée, sur les élections frauduleuses en Mauritanie, il y avait comme un malaise qu’il fallait dissiper. Et qui peut rassurer, mieux que Joyandet qui, avec Claude Guéant, le secrétaire général de l’Elysée, symbolise la nouvelle politique paternaliste de la France, vis à vis de son pré-carré africain?
Des déclarations qui auraient gagné en crédibilité si ce ministre n’était pas connu pour ses prises de position, particulièrement conciliantes envers des pays très peu démocratiques. Mais qui ont l’incommensurable avantage de préserver, non seulement, les intérêts de la France mais, aussi, ceux de ses «valeureux» représentants…

AOC

mardi 18 mai 2010

Editorial : Discrètes funérailles

La Coordination de l’Opposition démocratique (COD) a organisé samedi dernier un grand meeting à Nouadhibou. Prévu depuis plus de deux semaines, ce rassemblement a été autorisé par l’autorité administrative. Garante du bon déroulement de ce genre de manifestations et soucieuse d’éviter tout trouble de l’ordre public, cette dernière devait, normalement, veiller à ce que rien ne vienne perturber la réunion. Or, qu’a fait notre valeureux wali? Il a autorisé l’UPR, le nouveau parti/Etat, à organiser un meeting le même jour! Même aux pires moments de la démocratie de façade que nous avons vécue jusqu’en 2005 et au plus fort de la répression contre l’opposition, on n’était, jamais, tombé aussi bas. Jamais les lèche-bottes de l’époque – et Dieu sait qu’il y en avait et qu’ils en reculaient devant rien! – n’étaient allés aussi loin dans la flagornerie.

Pire, si l’on en croit la COD, la wilaya et la commune ont mis tous leurs moyens matériels, logistiques (engins de terrassement, camions, véhicules), humains et financiers, à la disposition de l’UPR, pour préparer son meeting. Voilà comment les autorités régionales se sont départies de leur neutralité pour mobiliser les fonctionnaires et leurs familles, au profit du parti-Etat. Et, pour appâter les pauvres citoyens, on a encore usé de la vieille méthode de distribution de poissons, histoire de maintenir le peuple dans une situation de dépendance et lui montrer le «droit» chemin. Décidément, la «Mauritanie nouvelle» vieillit très, très vite…

Car, dans le même temps, les intimidations politiques continuent. L’ancien Premier ministre, Yahya Ould Ahmed El Waghf, a été, à nouveau, convoqué en justice, la semaine passée, et cela ne s’est décommandé qu’à la dernière minute, toujours à propos du fameux «riz avarié» auquel il avait été, déjà et amplement, répondu, sans compter les objections procédurières. Le président Messaoud Ould Boulkheir verrait, quant à lui, les comptes de l’Assemblée nationale «épluchés» – rumeur périodiquement relancée, histoire d’entretenir une pseudo-menace sur l’opiniâtre pourfendeur du régime six-aoûtard. La tentation d'une nouvelle comédie électorale – histoire, cette fois, de ravaler la façade vis-à-vis de la «communauté internationale» – grandit: dissoudre l'Assemblée nationale qui n'est, en principe, pas renouvelable avant un an et demi.

Sur le plan économique, le pays n’est guère mieux loti. Aucun bailleur de fonds parmi ceux qui maintenaient, habituellement, le pays à flot, en finançant ses projets d’investissements, n’a encore mis la main à la poche. La réunion de Bruxelles, qui devait les réunir, sous la bienveillance de l’Espagne et de la France, aura, pour ordre du jour, le «suivi» des engagements de 2007, du temps de… Sidioca. Il faut dire que l’Europe a, en ce moment, d’autres chats à fouetter. La Grèce est en récession, sinon en banqueroute. L’Espagne et le Portugal n’en sont pas loin. L’Euro bat de l’aile, face au dollar. Le décès de la «Mauritanie nouvelle» n’étonnera, donc, personne. Quant à ses funérailles, elles seront, forcément, discrètes, pour un enfant mort en si bas-âge…

Ahmed Ould Cheikh

mercredi 12 mai 2010

Habib, tu resteras toujours incompris

Q'est-ce qui a poussé un gentleman, d'auguste famille, moulu dans l'ambiance feutrée des ambassades, ne souffrant, a priori, d'aucune insuffisance, à se complaire dans un tel amphigourisme à connotation masochiste? On aurait bien préféré que Kemal Ould Mohamedou entamât sa critique du vivant de Habib, à armes égales, opposant, ainsi, deux pamphlétaires aux plumes envoûtantes. Face à l’article post-mortem, prolixe et verbeux, de Kemal, loin de répondre par écholalie: le discours, qui ne relève, pourtant pas, du salmigondis ou du ramassis d'idées, s’affiche, plutôt, en quiproquo émergeant de brumes intellectuelles et pérorant, de l'exorde à l'épitaphe, dans un seul but: faire mal. Au-delà de la logomachie et, surtout, de l'aphorisme coupable à l'égard de l'imputrescible Habib, Kemal, pour triompher de l'unanimisme, devait-il faire preuve d'autant de prosopagnosie? En tirant dans le tas, l'auteur n'a épargné ni les corbillards défilant, «sans tambours ni musique, vers la demeure éternelle», ni les Indiens d'outre-Atlantique, ni les Aborigènes d'Australie, ni les Berbères des Atlas, tous issus de culture «orale donc répugnante», encore moins le million de poètes, «peuple polymorphe», bohémiens soumis aux aléas climatiques, nomadisant «sous quelques mètres de tissu », sans «bibliothèques ni librairies». Kemal en iconoclaste entretient, tout au long de sa tirade, une pantonymie à l'égard des cultures orales et de ceux qui n'ont pas écrit, transgressant, de facto, toutes les normes ontologiques, comme si la civilisation n’avait commencé qu’avec Jean Gutenberg et ses maudites améliorations de l'imprimerie, en 1450 de l'ère chrétienne[1]. Depuis l'époque des troubadours et des trouvères, véritables narrateurs, en passant par le poète-pamphlétaire Ronsard et le critique littéraire Augustin-Charles Sainte-Beuve, l’esprit critique, d’abord analytique, puis synthétique, en tout cas, toujours épris d’objectivité, n’a jamais fait bon ménage avec son alter-ego nihiliste, libertin voire amoral. Entre ces deux pôles, la frontière est poreuse, pointillée de précipices propices au «dérèglement de tous les sens», incitant le poète «maudit» Paul Verlaine à tirer sur son pote Arthur Rimbaud, en partance sur son «bateau ivre» pour une «saison en enfer»…

Devant cette psittacose, doit-on rester à ciseler, impassible, ses «émaux et camées», tel un écrivain parnassien, tandis que «Rome brûle» et que les sicaires, armant la main de Brutus, cherchent à éliminer, non seulement, César mais, aussi, sa mémoire? Pour ne pas se taire, comme un Maure mort, mieux vaut tard que jamais. Alors, je m'insurge contre la lobotomie qu’on tente d’infliger à la pensée de Habib et m'invite au débat, cette fois au plan strictement gnoséologique.

Que reproche-t-on à Habib? De n'avoir pas écrit, comme Ahmadou Kourouma, «Monnè, outrages et défis» ou Sembene Ousmane, «Les bouts de bois de Dieu»? Faut-il, absolument, épouser le conformisme, le plus souvent à caractère lucratif, pour se voir hisser au firmament de la littérature qui est, pourtant et d'abord, un engagement personnel? Selon Charles Augustin Sainte-Beuve, l'art d'un écrivain, a fortiori, donc, d'un éditorialiste, n'est que le reflet de sa vie, l’intentionnisme poétique se conjuguant avec la qualité personnelle ou biographisme. Habib, dans ses «Mauritanides», peignait ses contemporains avec «un miroir» qu'il promenait sur lui-même, afin de mieux appréhender leurs aspirations, leurs tares et leurs conditions de vie, de façon, cette fois, métaphorique ou allégorique. En malmenant la psychanalyse de Freud et ignorant le structuralisme – la langue orale étudiée comme structure – Kemal ramène la philologie de l'anthologie littéraire française à la «filiation qui va de Léon Bloy, Auguste Destouches (Céline), à Alain Zanini, dit Edouard Nabe». Bien que le roi François 1er ait, en 1539, proclamé, par ordonnance, le français langue officielle de l'administration, en place du latin, les dialectes – parfois, de véritables langues «étrangères», comme le breton ou le basque – furent parlés par les 3/4 de la population de l'hexagone jusqu’à l’orée du vingtième siècle. La littérature n'est pas le domaine de prédilection des «trois mousquetaires» cités, elle est, plutôt, l'aboutissement d'un long cheminement, depuis les trouvères, les troubadours, la Renaissance, le classicisme inspiré de l'antiquité gréco-romaine, l’époque de Louis XIV (Corneille, Molière), les philosophes des lumières du 18ème siècle, où la langue française prend, enfin, une dimension planétaire. Au 19ème siècle, la littérature est dominée par le romantisme – cet espèce de lyrisme personnel où s’exalte le moi profond du poète – et le lyrisme social, le poète sortant de son égoïsme étroit, pour communier avec le peuple. Faut-il citer François-René de Chateaubriand, madame de Staël, Hugo – le monument – Lamartine, des romanciers comme Balzac, Flaubert, Stendhal qui ont tant fait aimer, du monde entier, leur siècle et la littérature française, en particulier. Les Parnassiens, las du «pessimisme désabusé» du romantisme, proclament leur mouvement de «l'art pour l'art», avec, pour chef de file, Théophile Gautier, ciselant ses «émaux et camées». Et comment finir avec le 19ème siècle, sans évoquer le symbolisme, incarné par tant de poètes «maudits», Baudelaire, Corbières, Verlaine, Rimbaud, au succès posthume. Que dire, ensuite, de Marcel Proust «A la recherche du temps perdu», l’écrivain le plus traduit au monde? De Paul Valery: «nous autres, civilisations occidentales, savons, désormais, que nous sommes mortelles, après la boucherie de la seconde guerre mondiale»? Des penseurs de l'absurdité comme Sartre, Camus, Beckett, figures canoniques de la culture française?

Léon Bloy, après de médiocres études au lycée, obtint un poste de commis à la compagnie ferroviaire d'Orléans, grâce aux relations de son père. Népotisme à la base, insuccès, à la fin, après la publication du «Désespéré» et du «Salut par les Juifs». Polémique Marc Edouard Nabe, porté sur l'homosexualité, le jazz et le sionisme. Enfin, Louis Ferdinand Céline, médecin, écrivain de talent, apporte sa contribution à l'arbre littéraire français: il reste le plus traduit dans le monde, après Marcel Proust. Nihiliste, prosateur de l'absurdité, «se sentant proche d'Hitler». On constate que ces écrivains ont, souvent en commun, l'évocation du judaïsme. Alors, «appropriation catégorielle» ou débordement de la libido objectale? Entre Kemal et Habib, qui doit rendre visite à Freud, lui qui, d’ailleurs, n'a jamais guéri personne, jusqu'à sa mort en 1939?

Comme on peut le constater, la littérature populaire émane d’une société X, à une époque Y. Habib, dans «Mauritanides», avait su renouer avec les aspects les plus ésotériques de la culture, mauresque, de son Iguidi natal avec ses métaphores, ses tournures idiomatiques et lexicales, en s'inspirant de sa langue arabe, une des plus poétiques au monde. Certes, Habib, comme tout mortel, est critiquable mais fallait-il attendre sa disparition, pour éditer un pamphlet en guise d'oraison funèbre? Et, pourtant, ce qu'il y a d'incompréhensible, c'est que ce monde soit compréhensible, d’après Albert Einstein. Habib, mon voisin du «carrefour», tu demeurera incompris, comme Socrate qui n'a, lui, jamais écrit, mais fut contraint, par l'obscurantisme, de boire la cigüe; incompris, comme Galileo Galilei, condamné, par l'Inquisition, pour avoir soutenu l'héliocentrisme de Copernic. Enfin, Habib, tu es, surtout, semblable au poète «maudit» Baudelaire, tenaillé par le spleen, refusant, comme toi, de jouer les «Rastignac», pour survivre ou cueillir le jour – carpe diem. Incompris, tu le resteras, comme l'albatros dont les «ailes de géant l'empêchaient de marcher».

ELY OULD KROMBELE

ORLEANS, FRANCE

TEL 0033615711628.



[1] Pour la petite histoire, on rappellera, ici, que les premières imprimeries apparurent en Corée, cinq siècles plus tôt.

lundi 10 mai 2010

Vaste programme

La Coordination de l’Opposition Démocratique en Mauritanie (COD) a organisé, vendredi dernier (7 mai), à Nouakchott, un séminaire de sensibilisation au profit de ses cadres, sur sa «vue unifiée» de la situation actuelle du pays et les meilleurs moyens de venir à bout du régime d’Ould Abdel Aziz. Vaste programme auquel la presse, pourtant invitée en bonne et due forme, n’a pas eu accès. On a évoqué, pêle-mêle, l’engagement à ne suivre que les voies «pacifiques et démocratiques», la sensibilisation des bases populaires sur les «erreurs» du pouvoir et la «gravité de la situation». Toujours selon le bouche-à-oreille – le moyen d’information le plus efficace, quand la presse est bannie – l’opposition pourrait même avoir recours aux manifestations de rue, pour faire désordre. Une stratégie qui peut se révéler efficace, à condition d’avoir les hommes et le souffle assez long. Mais elle peut, aussi, s’avérer désastreuse, pour la stabilité du pays. En fait, dans ce genre de situation, tout est dans la (dé)mesure.

Ould Abdel Aziz va-t-il laisser faire ? Persuadé qu’il a la légitimité de son côté, il dispose, accessoirement, d’une impressionnante force de frappe qu’il sait entretenir. L’armée, la garde et la gendarmerie, dont les chefs sévissent sans crainte d’un contrôle civil ou militaire, se transforment en barrages difficilement contournables, quand leur système de rente est menacé par des civils «qui n’ont jamais rien compris». Forts de leur impunité, ils ne montrent, généralement, leurs muscles qu’aux civils désarmés. Avis aux militants de l’opposition. Ne froissez pas trop les militaires et ne tirez, pas trop non plus, sur la ficelle. Si vous ne voulez pas qu’on (vous) tire dessus.

AOC

mardi 4 mai 2010

Editorial : Mouvements de manivelle

L’information, relayée par le journal français «Le Républicain Lorrain», n’a pas encore fini de faire parler d’elle. Les propos, probablement off the record, accordés au journaliste français Philippe Waucampt, par le «Monsieur Afrique » de l’Elysée, André Parant, continuent de faire des vagues, entre la France et certains pays africains. Quoique démenties aussitôt par l’ambassade de France au Sénégal, et mieux encore par l’intéressé lui-même couriellant à notre ami Bertrand Fessard de Foucault : « Cher ami, les propos qui me sont prêtés par la presse sénégalaise -ou une partie d'entre elle- sont évidemment absurdes et n'ont jamais été tenus. Il n'y en a donc, et il ne peut y en avoir, aucune trace. Vous pouvez donc rassurer vos amis. Bien à vous, André Parant »

Mais peut-on parler de révélations ? Petit florilège: «Il existe, au Sénégal, un risque certain d’instabilité» et «un projet de succession monarchique non avoué. […] Gbagbo est de la pire des espèces. Avant, il était boulanger mais, maintenant, c’est un pâtissier. […] Ali Bongo est un bambin à qui l’on a donné une sucette déjà consommée. […] Le général Aziz est un dictateur peint en démocrate. Il a organisé des élections frauduleuses. On a, simplement, fermé les yeux». Et autres aménités du même genre, sur Faure Gnassingbé, président du Togo, et Denis Sassou Nguesso, du Congo.

Mais quelle mouche a piqué Parant pour se répandre, ainsi, dans la presse, brisant la sacro-sainte «retenue diplomatique»? A-t-il parlé pour lui ou exprime-t-il, en off, les craintes de certains diplomates français, inquiets des dérives de la Françafrique, prise en charge, par Claude Guéant, le secrétaire général de l’Elysée, dans des circonstances pas encore claires mais remontant au défi lancé par Sarkozy à Chirac pendant l’agonie politique de celui-ci?

Pour y voir plus clair, il faut, d’abord, cerner le personnage.

Nommé à la tête de la cellule africaine de l’Elysée, en Août 2009, André Parant succède à Bruno Joubert, nommé ambassadeur au Maroc. Ce dernier, tout comme son adjoint d’alors, Romain Serman, qui avait débuté à la représentation française aux Nations Unies et avait eu à traiter d’emblée « l’affaire ivoirienne », étaient favorables à une ligne légaliste, pour la Mauritanie, après le coup d’Etat du 6 août 2008. Les deux diplomates de carrière n’ont pas été associés au changement progressif de la ligne française, durant l’automne 2008. Ils n’en ont pas été pour autant pénalisés et Romain Serman au départ de son patron dans l’une des plus importantes et belles ambassades françaises, a été chargé d’organiser le tout prochain sommet franco-africain pour le cinquantenaire des indépendances. Et ils sont restés, jusqu’au bout, fidèles à leurs principes, avant que la realpolitik les écarte du dossier. Ils attesteront – ce qui peut être utile pour les démentis ou procès français à venir – que Paris a plusieurs doctrines et plusieurs pratiques mais c’est si peu digne d’un grand pays que des propos – tenus ou pas – sonnent vrais et sont répandus comme tels.

André Parant, diplomate de carrière, un homme pondéré et calme, a une expérience certaine de l'Afrique subsaharienne et du Proche-Orient, puisqu’il fut ambassadeur au Sénégal et au Liban et avait débuté en Centrafrique, il y a vingt ans, organisant à Bangui sur fonds français, les premières élections présidentielles vraiment libres et transparents, puisque le président sortant avait été battu ! A-t-il été choisi pour rassurer les partenaires (et compères) traditionnels de la France, inquiets de la rigueur manifestée par ses prédécesseurs? Ou pour ne pas faire de vagues, s’effacer et laisser la France-à-fric gérer le pré-carré africain comme une chasse gardée? Ses déclarations retentissent, en tout cas, comme une révolte contre la mainmise de Claude Guéant sur la politique africaine de la France, au détriment de la Cellule africaine et du Quai d’Orsay. De plus en plus discuté à l’Elysée, surtout depuis la dernière raclée des élections régionales françaises, Guéant voit «sa» politique africaine également contestée par ceux-là mêmes qui sont censés la défendre. Il est fort probable que ces «fuites» soient organisées à dessein. D’ailleurs, s’agit-il d’une politique ? Ou bien de relations d’occasion, en cachette et de fil en aiguille, dont il a même été dit qu’elles pouvaient être mutuellement payantes, à beaucoup d’égards, voire au sens propre !

Que faut-il en déduire, pour nous Mauritaniens?

Que la France ne tient pas en haute estime Ould Abdel Aziz? Qu’elle a sciemment fermé les yeux sur notre dernière élection truquée? Il est avéré que l’élu du 18 Juillet 2009 reste sous surveillance à Paris comme à Bruxelles, sans doute selon des critères différentes. Paris pense sécurité, alliance américaine et investissements pétrolier, gazier, Total et autres. Bruxelles pense chapitre VII des accords de Dakar. En refusant tout dialogue avec l’opposition, le président de la République court le risque d’avoir à partager crédibilité et interlocuteur avec ses opposants de plus en plus entendus ailleurs qu’au palais et faute du palais…

Mais il reste que pendant l’année putschiste, une poignée d’irréductibles ont préféré l’intérêt de la France – et le leur – à celui de la Mauritanie. Que leur pays soit médit, que leur petit calcul d’épicier ne soit rentable qu’à court terme, ils n’en ont cure. Pour eux, seul le profit immédiat compte. Mais attention au retour de manivelle! Chez nous et ailleurs.

Ahmed Ould Cheikh