dimanche 9 décembre 2012

Editorial : Pourvu que ça dure !

Après quarante jours de convalescence en France, Ould Abdel Aziz est, finalement, rentré le 24 novembre à Nouakchott… avant de repartir, moins d’une semaine après, reprendre ses soins dans la capitale française. Comme s’il mettait un point d’honneur à être présent le jour de la fête de l’Indépendance. Pour faire taire l’opposition qui criait à la vacance du pouvoir et rassurer des partisans qui ne vendaient pas chère de sa peau. Leur chef de file, l’UPR, le parti qu’il a pourtant fondé de rien, multipliait, certes, les communiqués et les réunions, pour tenter d’entretenir la flamme, mais, en l’absence du chef, le ressort semblait cassé. Ce n’était pas la grande affluence, dans les commissions chargées de maintenir les populations en haleine d’un accueil toujours annoncé comme incessamment  et invariablement reporté. Certains se faisaient porter pâles, pour ne pas assister aux réunions. Ce n’est qu’après l’apparition du président avec son médecin, puis à l’Elysée, que tout le monde a rappliqué, dare-dare, pour ne pas être en reste. Ce fut alors la classique effusion de sentiments, de slogans et de banderoles, pour souhaiter la bienvenue au Rectificateur enfin rectifié, remercier Allah pour sa guérison, lui souhaiter bonne santé et longue vie, le tout sur fond de photos géantes. On se serait cru aisément en Irak ou en Syrie, au plus fort des régimes de Saddam ou d’Assad, lorsque le culte de la personnalité était poussé à son paroxysme. Notre président, imbu de lui-même et croyant fermement en sa mission de sauveur, devait se délecter, en son for intérieur, de tant de « sincérité » exhibée par ceux-là mêmes qu’il fustige à la moindre occasion. La secousse qu’il vient de subir l’aurait-elle changé au point qu’il se prenne, désormais, pour le guide sans lequel son  peuple bédouin reviendrait au temps des ténèbres ? A l’écouter, lors de la mini-conférence de presse qu’il a animée, jeudi soir, on n’en serait pas loin. Sans la Rectification d’août 2008, le pays ne serait plus là. Pfuitt ! Parti en fumée, sous l’effet conjuguée des prédateurs et des terroristes ! Avec lui, les voleurs sont sevrés et les islamistes boutés hors du territoire. Le tout enrobé dans l’éternelle litanie : la situation économique n’a jamais été aussi bonne, les réserves en devises atteignent des records, les frontières sont sécurisées. Mais pas un mot sur le chômage qui fait des ravages, sur le népotisme érigé en système, sur les institutions frappées de forclusion. Pire, il a évoqué les attaques contre un homme politique et un journaliste sans les condamner ouvertement, se contentant de dire qu’il est, lui-même, l’objet de quotidiennes attaques verbales. Il a, peut-être, oublié qu’il est président d’un pays prétendu démocratique et peut, de ce fait, être attaqué de partout. Tout comme il a oublié que l’ITS (Impôt sur les Traitements et Salaires) ne peut pas être supprimé, que le bac de physique-chimie n’existe pas et que le parti Al Moustaghbel a été reconnu, de fait.
Mais ce serait trop demander, à un convalescent, de tout retenir. Surtout que, dans une vie antérieure, il était militaire. Laissons-le se rétablir le temps qu’il faut. Et plus, affinités obligent : il a déjà passé quarante jours hors du pays et celui-ci ne s’en est porté que mieux. Au moins, le prix du gasoil n’a pas augmenté, durant cette période. Pourvu que ça dure !
                                                                                                                        Ahmed Ould Cheikh

dimanche 2 décembre 2012

Editorial : Fais-toi rare, on t’aimera !



Ould Abdel Aziz est enfin rentré à Nouakchott. Quarante  jours après son évacuation vers la capitale française, pour y subir des soins,  après avoir reçu une balle ‘’amie’’, le président  a foulé le sol national ce samedi 24 novembre. Une foule immense est venue l’acueillir à sa descente d’avion  et tout au long du parcours menant à la Présidence. Un accueil pas aussi spontané qu’on s’est efforcé de nous faire croire et que n’ont cessé de marteler les commentateurs de Radio-Mauritanie et de la TVM. Les ministères, les directions, les établissements publics et, même, certains privés ont obligé leurs employés à être présents en ce jour de repos, pour participer à l’accueil, et chaque département avait un emplacement bien réservé, sur le chemin de la Présidence. Aucun ministre ou  directeur ne voulait être en reste. L’UPR  a, lui aussi, battu le rappel de ses troupes. Les hommes d’affaires proches du pouvoir se  sont également joints à la fête.  Ils ont mobilisé d’énormes moyens pour  louer des bus et assurer le transport des populations des quatre coins de la capitale. Pour l’oligarchie politico-militaro-affairiste, qui tient ce pays en otage depuis 1978, il fallait, à tout prix, réussir le challenge. Trois jours après l’imposant meeting de l’opposition, les ténors du pouvoir tenaient à montrer au président que l’Azizanie se porte toujours bien et que ni la bévue du boss ni son absence n’ont en rien altéré le soutien des Mauritaniens à sa politique ‘’éclairée’’. Quitte à employer des méthodes dignes des structures d’éducation des masses dans leur plus vile expression. Feignent-ils d’ignorer que la présence massive des foules n’est un baromètre pour rien du tout ? Ont-ils oublié que Maaouya drainait autant de monde ? Et que, le 3 août 2005, cette même foule qui acclamait celui-ci  s’est retournée, comme un seul homme, pour dénoncer son pouvoir et applaudir ses tombeurs ? Personne ne semble s’en soucier. Les mêmes visages ont débité les mêmes insanités. Comme frappés d’amnésie. Sans se poser la moindre question. Il y a pourtant de quoi s’interroger.
Quarante jours sont passés. On ne sait toujours rien sur les circonstances exactes de la blessure du président, pas grand-chose sur sa santé,  ni sur les éventuelles séquelles du dol.  Après deux apparitions, furtives, avec le ministre français de la Défense et le médecin qui le soignait, et, alors qu’on glosait sur une probable rechute, le voilà qui surprend tout le monde, en se faisant recevoir par Hollande. Le président français qui l’évitait, pourtant, comme la peste et ne lui avait envoyé ni son Premier ministre, ni son ministre des Affaires étrangères, durant sa convalescence, lui a offert, ainsi, un cadeau inespéré. A 24 heures d’un meeting de l’opposition, qui devait dénoncer la vacance du pouvoir, l’intrusion de la France, dans le jeu politique national, ne peut être fortuite. A-t-elle reçu des garanties, quant à l’implication de la Mauritanie dans la guerre au Mali, alors qu’Ould Abdel Aziz s’y refusait  jusque là ? Hollande n’a-t-il pas déclaré, à leur sortie d’audience, que « le dialogue est impossible avec les terroristes » ? Autrement dit, « nous sommes tous les deux d’accord : la guerre est la seule issue pour libérer le Nord-Mali ». Aziz a, aussitôt, opiné du chef, avant de se dédire, quelques heures après,  lors d’une interview à France 24, où il a dit et répété que le dialogue doit être privilégié. Un revirement que les Français n’ont certainement pas manqué de relever.  Et qui n’est pourtant pas surprenant, de la part d’un homme habitué à toutes sortes de pirouettes pour arriver à ses fins. Mais, tôt ou tard, il faut faire face à la réalité. Et la nôtre s’appelle : pouvoir personnel, forclusion des institutions, échéances électorales à préciser, gestion opaque des deniers publics, incapacité gouvernementale, omnipotence de l’Armée. La liste n’est pas exhaustive. Trouvons d’abord des solutions à ces maux. Il y va de notre survie.
Ahmed Ould Cheikh

dimanche 25 novembre 2012

Editorial : Game over ?



Depuis qu’il est sorti, il y a près de trois semaines, de l’hôpital Percy de Clamart, dans la région parisienne, et devant les rumeurs, insistantes, qualifiant son état de « critique », Ould Abdel Aziz n’arrête plus de téléphoner. Messaoud, Boydiel, Ould Horma de Sawab, Ould Cheikh Belmaali, le président de l’UPR et d’autres encore ont eu droit à un coup de fil présidentiel, pour les rassurer sur l’évolution, positive, de son état de santé. Discrimination parmi tant d’autres dont notre pays a le secret, aucun  négro-mauritanien n’a été coopté, pour parler  avec le Président. Comme s’ils n’étaient pas concernés par les ravages de la balle « amie » sur l’illustre bedaine et par le sort de leur pays. Au même titre que tous les autres Mauritaniens.  Inquiets, et à juste titre, des suites d’une tragi-comédie que nous vivons depuis ce fameux 13 octobre dernier. Et dont personne ne sait sur quoi elle débouchera, si, contrairement à ce qu’on nous chante à satiété, Ould Abdel Aziz ne viendra pas d’ici quelques jours. Pour étayer leur argumentaire sur la santé retrouvée du chef, les communicateurs officiels n’ont lésiné sur aucun moyen. Des coups de fil par ci, des messages à ses homologues par là, et une audience de vingt minutes, avec le président nigérien en visite en France. Un événement passé totalement inaperçu, aussi bien dans la presse nigérienne que sur le site même de la présidence de ce pays qui a passé, pourtant, en revue les moindres autres activités du président Issoufou dans la capitale française. Même pas un petit mot sur cette visite au cours de laquelle, selon nos médias officiels, les différents aspects de la coopération entre les deux pays ont été évoqués. Elle n’avait, donc, aucun caractère privé. Alors pourquoi ce black-out, de la part des médias nigériens ? Auraient-ils reçu consigne de ne pas évoquer la visite ? Une hypothèse difficilement envisageable, quand on connaît la longue tradition de liberté cultivée par les médias de ce pays, très peu enclins à recevoir des directives sans se poser de questions.
Toujours est-il que, de report en report, la rue mauritanienne commence à en avoir assez et veut, maintenant, être édifiée sur ce qui s’est réellement passé et sur l’état réel du président, loin des acrobaties et des faux-fuyants. Car, avec cette absence prolongée, tout est désormais envisageable. Le meilleur pour certains, le pire pour d’autres. Certes le chef d’état-major de l’Armée, l’alter ego du président malade, tient les commandes et réunion sur réunion. Tantôt ce sont des ambassadeurs accrédités dans notre pays, tantôt des hommes politiques avec lesquels il fait, officiellement, un tour d’horizon de la situation. Avec ses nouveaux habits de chef par procuration, son appétit ne risque-t-il pas de s’aiguiser, comme tant d’autres avant lui ?  Même les soutiens du Premier ministre découvrent à ce dernier un subit destin national. Et,  sous couvert d’un soutien à Ould Abdel Aziz, tentent de le mettre sur orbite, au cas où les choses tourneraient mal. L’opposition, elle aussi, s’organise. Elle s’apprête à descendre dans la rue, le 21 courant, pour n’en ressortir qu’à satisfaction de ses doléances : le bulletin de santé du président et la déclaration de vacance du pouvoir.
C’est dire que les prochaines journées seront décisives. Ou le président revient, dans des délais raisonnables, en bonne santé et apte à exercer ses fonctions. La balle « amie » ne sera, alors, qu’un mauvais souvenir. Ou son absence se prolonge, pour une raison ou une autre. En ce cas, plus personne ne peut jurer de rien et ce sera la porte ouverte à toutes les incertitudes. A moins d’un sursaut national à la mesure des défis auxquels le pays fait face. Fin de partie ?
                                                                                                                            Ahmed Ould Cheikh

dimanche 18 novembre 2012

Editorial : Un seul être vous manque….



 Depuis un certain samedi 13 octobre, la Mauritanie a le regard tourné vers la France où son président a été évacué suite à une blessure provoquée, officiellement, par une balle « amie ». Le pays  vit au rythme des apparitions, déclarations, coups de fil d’un président qui a désormais tout l’air de la fameuse Arlésienne. Celle dont on parle toujours et qu’on ne voit jamais. Si l’on exclut deux apparitions, pour le moins furtives, avec le ministre français de la Défense et avec le général qui l’a opéré. La première n’a, certes, laissé aucun doute sur son authenticité, tant l’homme paraissait fatigué et les traits tirés, suite à la délicate opération qu’il a subie, la seconde a donné lieu à toutes sortes d’interprétations. Chacun y est allé de son commentaire et des petits malins se sont même permis de l’analyser techniquement, pour démontrer qu’il s’agit d’un montage grossier. Ils en veulent pour preuves qu’aucun organe officiel n’a publié quoi que ce soit sur le président, depuis son évacuation, hormis un discours sans son et sans image, à l’occasion de la fête d’El Adha. On pourrait, d’ailleurs, se demander quelles sont les raisons de ce black-out. Pourquoi  les images du président, qu’on a livrées, clé en mains, à la presse privée, n’ont-elles pas été reprises par la TVM ou le quotidien national ? Ces organes, si prompts à verser dans la flagornerie la plus vile, devaient avoir des consignes strictes, pour ne pas se faire l’écho de telles informations, pourtant vitales dans la campagne menée, actuellement, par les tenants du régime sur l’absence de vacance du pouvoir. Alors qu’il n’est « qu’en vacances », dixit Ould Brahim Khlil, l’inénarrable ambassadeur à Paris qui pilote, désormais, toute la com gouvernementale, du moins celle relative  à la situation sanitaire de l’illustre pensionnaire de l’hôpital Percy. Ce qui ne lui pas a valu que des succès, loin de là.  De bout en bout, la communication s’est révélée un véritable désastre, produisant l’effet inverse et ajoutant à la confusion. Depuis la sortie, le premier soir, du ministre de la Communication, en passant par le passage du lieutenant auteur du tir « ami » et jusqu’à la dernière image, rafistolée, avec le médecin français, tout n’était qu’enfantillage et amateurisme poussé à l’extrême. On ne s’improvise pas communicateur. Ce n’est pas pour rien que les présidents des plus grands pays du monde font appel à des conseillers spécialisés en ce domaine pointu. Pour ne pas paraître ridicule et ramer à contre-courant. Mais ne jasons pas trop sur l’incompétence de ceux qui président à nos destinées. Elle est structurelle. Ce qui nous importe, actuellement, c’est que notre pays traverse une passe difficile, en l’absence de celui qui prétendait régenter toute notre vie. De la plus petite dépense du Trésor public au plus gros marché du BTP, rien n’échappait à celui qui ne dormait que d’un œil. En son absence, c’est le vide sidéral. Un seul être vous manque et tout est dépeuplé. Jusqu’à quand ? Jusqu’où ira cette aberration constitutionnelle ? La nature a horreur du vide : quand se décidera-t-elle, en Mauritanie, à reprendre, enfin, ses droits ?
Ahmed Ould Cheikh

dimanche 11 novembre 2012

Editorial : Rassurés, les Mauritaniens ?



Messaoud a parlé. Alors qu’on s’attendait à ce qu’il nous présente sa proposition pour une sortie de crise, devenue, depuis un certain samedi 13 octobre, plus que jamais d’actualité, le voilà convoquant la presse, pour lui dire… qu’il a parlé au téléphone avec Ould Abdel Aziz ! Lequel est, selon lui, certes affaibli mais en voie de guérison. A vingt-quatre heures d’un meeting que l’opposition compte organiser pour réclamer la lumière sur les circonstances de la blessure présidentielle et la durée d’invalidité du président, on peut se poser des questions sur le timing de cette conférence de presse. Et sur le choix de Messaoud. N’est-il pas président  de l’Assemblée nationale, donc d’un pouvoir législatif, censé être indépendant de l’exécutif ? Pourquoi s’est-il transformé en porte-voix de la majorité ? Ould Abdel Aziz n’a-t-il pas d’autres canaux pour faire savoir, à des Mauritaniens de plus en plus inquiets, qu’il est en voie de rétablissement ? Certes le vieux leader est une personnalité respectable et sa voix porte encore mais, à trop flirter avec le pouvoir, il risque d’y laisser des plumes. D’ailleurs, il s’en est aisément rendu compte. Le peu d’empressement, manifesté par les journalistes et, au-delà, par l’opinion publique, à prendre, pour argent comptant, ses déclarations rassurantes sur l’état de santé d’Aziz,  lui est monté rapidement à la tête. Il n’a pas hésité à s’en prendre, ouvertement et en termes pour le moins peu amènes, à un de nos confrères qui le titillait sur les circonstances et le timing de l’appel. Il n’en fallait pas plus pour que Messaoud sorte de ses gonds. Et déverse sa bile sur la presse en général. Même s’il s’est excusé quelques jours après, le mal était déjà fait. Quand l’argument de la force prend le pas sur la force de l’argument, le résultat n’est pas nécessairement ce à quoi on s’attendait.
Dans ce cas précis, l’intervention de Messaoud n’aura fait qu’ajouter à la confusion d’une situation déjà bien confuse. On ne sait toujours pas grand chose sur les circonstances dans lesquelles le président a reçu une balle « amie », ni combien de temps il restera en convalescence, ni qui préside, actuellement, à nos destinées, ni comment les choses vont évoluer, en l’absence prolongée d’un chef omnipotent et omniscient. Les généraux en profiteront-ils pour se retourner contre celui qui les a faits rois ? Ou faut-il avoir peur de jeunes loups qui commencent à en avoir assez de l’hégémonie de leurs chefs ? Dans l’un et l’autre cas, ce serait une catastrophe  et un retour en arrière assuré. Mais ce que nous vivons est tellement aberrant qu’aucune hypothèse ne peut être exclue. Si notre Constitution avait prévu tous les cas de figure, si notre président n’était pas un putschiste reconverti en démocrate très peu convaincu, si nos institutions n’étaient pas périmées,  si les pouvoirs étaient réellement séparés ; bref, si nous vivions une démocratie normale ; non seulement Messaoud n’aurait pas parlé et l’on n’aurait, de surcroît, aucune crainte pour notre avenir.
L’inconvénient d’une présence, un peu trop marquée, de certains militaires, dans le jeu politique a l’énorme inconvénient d’aiguiser l’appétit d’autres collègues, privés de leur part de gâteau. Un cercle vicieux dont on ne sort pas facilement. Nous en vivons l’amère expérience depuis 1978. Pour combien de temps encore ? Quoiqu’il advienne, à quelque chose malheur est bon. La blessure d’Aziz nous aura, au moins, permis d’ouvrir les yeux sur l’absurdité de ce que nous vivons. Espérons qu’on en sortira sans trop de casse !
                                                                                                                                  Ahmed Ould Cheikh

dimanche 4 novembre 2012

Editorial : Stop à l’incertitude !

Y a-t-il un pilote dans l’avion ? Qui tient le gouvernail du bateau Mauritanie ? Des questions que tout le monde se pose désormais, tant notre avenir parait incertain, depuis cette soirée fatidique du 13 octobre où notre président s’est fait tirer (??) dessus, si bien que, durant toute la journée du samedi 27, des rumeurs, persistantes, ont évoqué la possibilité d’un coup d’Etat en instance d’exécution. Et chacun y est allé de sa version : « Le Premier ministre a été arrêté », « Un communiqué sera radiodiffusé tout à l’heure », « la page Aziz est tournée », « Les généraux sont en conclave depuis quelques heures », tout, ou presque, a été colporté ce jour. Avant que la rumeur ne se dégonfle, comme une baudruche. Certains partisans d’Aziz, prenant les devants, descendent dans les rues le soir même, avec des photos de notre malade le plus célèbre. Les abords du Palais des congrès se sont transformés, pour l’occasion, en un véritable rodéo où des enfants de riches manifestaient leur soutien au « président des pauvres ». Le pouvoir ne supportant pas le vide, particulièrement dans un pays ayant le plus fort taux de coups d’Etat à l’année, des appétits ne manqueront pas de s’aiguiser. Entre militaires, on ne se fait ordinairement pas de cadeaux. Et, comme à la chasse, qui s’absente perd sa place. Ould Haïdalla et Maaouya en ont fait les frais. Qui a dit « jamais deux sans trois » ?
Plus sérieusement, jamais situation n’a paru aussi préoccupante que celle que nous vivons depuis deux semaines. Les informations sur la santé du président, rassurantes au début, ne parviennent plus qu’au compte-gouttes et n’augurent pas d’un rétablissement aussi rapide qu’on a voulu nous le faire croire. Un black-out total entoure son lieu de séjour en France et il n’est plus accompagné d’aucun membre de son staff. Depuis sa sortie avec le ministre français de la Défense, avec une mine défraîchie et l’air fatigué, on ne l’a toujours pas revu. Il s’est, juste, contenté d’un message écrit, à l’occasion de la fête d’El Adha. L’UPR, le parti/Etat qu’il a fondé, a mis un bémol à sa campagne de sensibilisation pour l’accueil populaire qui devait lui être réservé à son arrivée, tant le doute plane sur la date de celle-ci, si tant  est qu’elle devait avoir lieu de sitôt. Que faire alors ? La Constitution ne prévoyant pas de vacance temporaire du pouvoir, qui tiendra les rênes du pays, en attendant que la situation s’éclaircisse ? Au cas où Aziz serait hors jeu, qui prendra les devants ? Les militaires qui n’ont jamais quitté le pouvoir? Une nouvelle transition ? De combien de temps et avec qui à sa tête ? Si l’on devait s’en tenir à la Constitution, ce serait Ba Mbaré mais il est, lui aussi, malade et séjourne actuellement en France pour des soins.
Notre pays est, en tout état de cause, trop fragile pour supporter, longtemps, de tels atermoiements. La guerre, qui se prépare au Nord Mali, ne peut nous laisser indifférents et ne manquera pas d’avoir des répercussions sur notre stabilité. Nous avons besoin d’être édifiés sur notre sort. Si Ould Abdel Aziz est malade qu’on nous le dise ! Qu’on nous précise la durée de son invalidité et qu’on cesse de nous prendre des enfants !

                                                                                          Ahmed Ould Cheikh

lundi 29 octobre 2012

Editorial : Du plomb dans la tête


Tir ami, legère blessure au bras, balle perdue dans le ventre présidentiel, opération chirurgicale de quelques heures puis évacuation en France le lendemain. La virée nocturne du président s’est transformée, en moins d’une heure, en affaire d’Etat. Où tout et son contraire ont été dits. Officiellement et avant même qu’on sache de quoi il en retourne, on nous a servi, sur un plateau, la version d’un tir de sommation d’éléments de l’Armée dont la voiture présidentielle avait forcé le barrage. On dit souvent que plus le mensonge est gros, plus il a de chances de passer. Mais là, on a  eu du mal à le gober. Et on s’est posé, à juste titre, quelques questions basiques. Pourquoi le lieutenant n’a-t-il pas tiré sur les pneus, au lieu de viser le chauffeur ? Et pourquoi seulement celui-ci et non les autres passagers, a priori aussi potentiellement dangereux ? Pourquoi une voiture n’appartenant pas à l’armée, avec, à son bord, un officier et un sous-officier, tous deux en tenue civile, loin de leur base, prendrait-elle en chasse une voiture, comme ça, au pif ? Si Ould Abdel Aziz a été réellement blessé à quarante kilomètres de Nouakchott, comment pouvait-il arriver à l’hôpital, en état de marcher, alors qu’il était censé avoir perdu  beaucoup de sang, vu la nature de sa blessure? Il y a encore beaucoup de zones d’ombre autour de cette affaire. Et ce n’est pas la calamiteuse sortie au journal télévisé du dimanche soir du lieutenant, auteur présumé des tirs, qui convaincra les sceptiques. Du coup, il y a fort à parier qu’on n’en saura pas davantage, avant quelques années ou quelques décennies. Les secrets d’Etat, comme ceux d’alcôve, sont, d’ordinaire, très  jalousement gardés.
Toujours est-il que les organes officiels de presse, les médias proches du pouvoir et une rumeur qui s’est propagée comme une traînée de poudre, ont fini, à force de nous mentir, par nous faire croire à cette version. Même Le Calame y est allé de son couplet, en titrant, à la Une : ‘’ Une imprudence majeure ’’. Imprudence certes, majeure aussi : il s’agissait, quand même, du premier citoyen du pays. Mais où, avec qui et qu’est-ce qui l’a provoquée? On ne saura, probablement jamais, la vérité, cette page ayant été tournée, du moins provisoirement, permettant, à la machine de propagande, d’exploiter le filon dans un tout autre sens. La santé du président, le peu de gravité de ses blessures, ses audiences à l’hôpital, ses coups de fil, son arrivée (très) prochaine à Nouakchott, pour assister à la prière de l’Aïd… Comme pour démontrer, à ceux qui en doutent encore, que son ombre plane bien sur le pays et que, même  diminué, il continue à régenter notre vie. Mais il y a un fait contre lequel tous les propagandistes réunis ne peuvent  pas grand-chose : rien ne sera plus comme avant. Notre président, qui a fait, du tout sécuritaire, sa priorité numéro un, a failli se faire avoir comme le premier venu. Va-t-il, pour autant, relativiser les choses et se dire que nul n’est pas plus infaillible qu’invulnérable, quelle que soit la force dont il dispose ? Va-t-il poser les pieds sur cette terre éphémère où la frontière, entre la vie et la mort, est ténue ? Espérons, pour lui, qu’il tirera les leçons de cette mésaventure. Pour son bien. Et le nôtre. Car à quelque chose malheur est bon.
Après avoir frôlé la catastrophe, à un tournant de son histoire, au moment où la menace de guerre, au Nord-Mali, fait peser les plus graves dangers, notre pays a besoin d’un sursaut patriotique, d’une gestion concertée – et non plus unilatérale – dirigée par une tête bien pensante, bien plombée et moins casse-cou. C’est un impératif, pour traverser, à moindre frais, cette étape cruciale. Faute de quoi, la balle, perdue ou non, risque de n’être qu’un épiphénomène, à l’échelle du big-bang en instance d’explosion…
Ahmed Ould Cheikh

samedi 20 octobre 2012

Editorial : Atypique…


Alors qu’il devait être, avec ses pairs, à Kinshasa, pour le sommet de la Francophonie, lui, le grand amateur de voyages inutiles, Ould Abdel Aziz s’est fait tirer dessus, samedi dernier, non loin de Nouakchott. Officiellement, par des éléments de l’Armée stationnées à Tweyla (40 kilomètres au nord de la capitale) dont il aurait négligé l’ordre de s’arrêter. Touché à l’abdomen, il a été immédiatement conduit à l’hôpital militaire où une équipe médicale l’a aussitôt opéré. Dès les premières heures de la soirée, les nouvelles, y compris les plus fantaisistes, ont commencé à circuler. Alors que les chaînes de télé et de radio étrangères multipliaient les flashs, la TVM faisait un gros plan sur le congrès de l’UPR, tandis que le pays tout entier avait les yeux rivés sur l’hôpital militaire. L’innovation et le courage n’étant pas les vertus cardinales de nos organes de presse publics, il a fallu tirer du lit le ministre de la Communication, le présenter, en boubou, sur le plateau du journal télévisé de 21 heures 30, et le laisser déclarer que le président n’était que ‘’ légèrement blessé au bras par un tir de semonces ’’ d’éléments de la gendarmerie. Rien qu’à voir la façon dont il parlait, on pouvait aisèment se rendre compte qu’il n’était guère convaincu de ce qu’il disait. Et l’opinion publique ne s’y est pas trompée, d’ailleurs, en accordant très peu de crédit à une hypothèse tirée par les cheveux. Au cas où elle s’avèrerait, il y a lieu, tout de même, de poser un tas de questions. Comment le président de la République pouvait-il circuler dans une voiture banalisée, en pleine zone militaire, sans prendre les précautions d’usage ? Pourquoi ne s’est-il pas arrêté aux premiers tirs de sommation ? Il est imbu de lui-même et entêté, certes, mais tout de même… S’il était, comme on l’a dit, sur le chemin du retour, il savait donc qu’il y avait des militaires dans la zone et un danger potentiel, pourquoi n’a-t-il pas fait preuve de prudence, en demandant une escorte ?
Toujours est-il qu’on s’est retrouvé avec un président mitraillé, à bout portant, qui ne doit la vie sauve qu’à la piètre qualité de tireur du lieutenant qui l’a, prétendument, pris en chasse. Evacué en France après une opération réussie, du moins en apparence, Ould Abdel Aziz a tenu à parler à la télévision, pour rassurer les Mauritaniens sur son état de santé. Fatigué, il avait de grandes difficultés à articuler mais la Nature (et le pouvoir) ayant horreur du vide, il voulait, d’abord, envoyer un message à ceux qui veulent l’enterrer un peu tôt, pour leur signifier qu’il est encore là. Et qu’il n’a pas abdiqué. Mais, en attendant, qui va tenir le pays ? La Constitution, faite sur mesure par Ould Taya, ne prévoyant pas de vacance temporaire du pouvoir, il y a de fortes chances que le Haut Conseil de Sécurité (HCS), structure issue de l’ancien HCE, renaisse de ses cendres, pour tirer les ficelles jusqu’au retour du président. A moins que celui-là ne décide de se passer de celui-ci, comme l’ont fait les Guinéens avec Dadis Camara. La comparaison est, certes, loin d’être flatteuse mais le parcours de notre président n’a absolument rien de normal. Ni la modalité de son accession au pouvoir, en destituant un président parce que celui-ci l’avait limogé, ni l’élection qu’il a organisée et gagnée, dès le premier tour, contre toute logique, ni la manière avec laquelle il dirige le pays et méprise ses habitants, encore moins la façon avec laquelle il a failli perdre la vie.
A l’issue de sa victoire en France, Hollande s’est voulu un président ‘’ normal ’’. En Mauritanie, nous avons un président atypique…
                                                                                                                          Ahmed Ould Cheikh

dimanche 14 octobre 2012

Editorial : Chassez le naturel…


Selon diverses sources et confidences recueillies auprès de la délégation, la mission dirigée par le commissaire aux droits de l’Homme, à l’action humanitaire  et aux relations avec la société civile aurait connu un cuisant échec à Genève, contrairement à la thèse que certains membres de la délégation mauritanienne ont tenté d’accréditer, une fois revenus à Nouakchott. La réunion, organisée, en marge de la réunion des ministres de divers pays, entendait exposer les progrès réalisés en matière des droits de l’Homme en Mauritanie. L’affaire agiterait le sommet de l’Etat et des têtes pourraient bien tomber, au retour du ministre des Affaires étrangères à Nouakchott. En ligne de mire, le premier conseiller de l’ambassade de Mauritanie  en Suisse, accusé  d’avoir fait avorter ladite réunion. Dans quel intérêt ? Notre diplomate serait-il assez puissant pour faire infléchir RSF, l’ONU, la FIDH et autres organismes des droits de l’Homme ? Le directeur de cabinet de la présidence de la République aurait, en tout cas, été saisi pour le vider. Un bouc émissaire ?
Pour la petite histoire, seule une trentaine de personnes, dont quelque trois ambassadeurs de la sous-région, ont répondu à l’invitation des responsables mauritaniens. Cet échec serait dû, semble-t-il, à l’improvisation des organisateurs, notamment l’ambassadeur de Mauritanie en Suisse ; au choix du timing et au contenu de la journée. Les mêmes sources notent que l’ambassadeur, qui n’aurait pris part à aucune réunion avec ses pairs, a piloté en solo la préparation de l’évènement, ne traitant qu’avec des ONGs  africaines qui auraient « produit des factures ».  
Néanmoins, on se demande comment l’évènement aurait pu coûter « les yeux et la tête » à l’ambassade : salles gratuites, quelques sandwiches en guise de cocktail, service plus que minimal pour la petite trentaine de participants…  Selon toujours les mêmes sources, il s’agirait, en fait, d’une vulgaire opération de « blanchiment » au moment où le gouvernement mauritanien dit combattre la gabegie. Cela fait désordre et il serait temps qu’une mission de contrôle tire au clair cette affaire.
Rappelons qu’il y a quelques années, une affaire de gros sous avait déjà éclaboussé notre représentation diplomatique en France. Des missions fictives et autres combines du même genre avaient été pointées du doigt. Redondance ? En tout cas, affaire à suivre…
                                                                                                                                                   AOC