Alors qu’il devait être, avec ses pairs, à Kinshasa,
pour le sommet de la
Francophonie, lui, le grand amateur de voyages inutiles, Ould
Abdel Aziz s’est fait tirer dessus, samedi dernier, non loin de Nouakchott.
Officiellement, par des éléments de l’Armée stationnées à Tweyla (40 kilomètres au nord
de la capitale) dont il aurait négligé l’ordre de s’arrêter. Touché à
l’abdomen, il a été immédiatement conduit à l’hôpital militaire où une équipe
médicale l’a aussitôt opéré. Dès les premières heures de la soirée, les
nouvelles, y compris les plus fantaisistes, ont commencé à circuler. Alors que
les chaînes de télé et de radio étrangères multipliaient les flashs, la TVM faisait un gros plan sur le
congrès de l’UPR, tandis que le pays tout entier avait les yeux rivés sur
l’hôpital militaire. L’innovation et le courage n’étant pas les vertus
cardinales de nos organes de presse publics, il a fallu tirer du lit le ministre
de la Communication,
le présenter, en boubou, sur le plateau du journal télévisé de 21 heures 30, et
le laisser déclarer que le président n’était que ‘’ légèrement blessé au bras
par un tir de semonces ’’ d’éléments de la gendarmerie. Rien qu’à voir la façon
dont il parlait, on pouvait aisèment se rendre compte qu’il n’était guère
convaincu de ce qu’il disait. Et l’opinion publique ne s’y est pas trompée,
d’ailleurs, en accordant très peu de crédit à une hypothèse tirée par les
cheveux. Au cas où elle s’avèrerait, il y a lieu, tout de même, de poser un tas
de questions. Comment le président de la République pouvait-il circuler dans une voiture
banalisée, en pleine zone militaire, sans prendre les précautions d’usage ?
Pourquoi ne s’est-il pas arrêté aux premiers tirs de sommation ? Il est
imbu de lui-même et entêté, certes, mais tout de même… S’il était, comme on l’a
dit, sur le chemin du retour, il savait donc qu’il y avait des militaires dans
la zone et un danger potentiel, pourquoi n’a-t-il pas fait preuve de prudence,
en demandant une escorte ?
Toujours est-il qu’on s’est retrouvé avec un
président mitraillé, à bout portant, qui ne doit la vie sauve qu’à la piètre
qualité de tireur du lieutenant qui l’a, prétendument, pris en chasse. Evacué
en France après une opération réussie, du moins en apparence, Ould Abdel Aziz a
tenu à parler à la télévision, pour rassurer les Mauritaniens sur son état de
santé. Fatigué, il avait de grandes difficultés à articuler mais la Nature (et le pouvoir)
ayant horreur du vide, il voulait, d’abord, envoyer un message à ceux qui
veulent l’enterrer un peu tôt, pour leur signifier qu’il est encore là. Et
qu’il n’a pas abdiqué. Mais, en attendant, qui va tenir le pays ? La Constitution, faite
sur mesure par Ould Taya, ne prévoyant pas de vacance temporaire du pouvoir, il
y a de fortes chances que le Haut Conseil de Sécurité (HCS), structure issue de
l’ancien HCE, renaisse de ses cendres, pour tirer les ficelles jusqu’au retour
du président. A moins que celui-là ne décide de se passer de celui-ci, comme
l’ont fait les Guinéens avec Dadis Camara. La comparaison est, certes, loin
d’être flatteuse mais le parcours de notre président n’a absolument rien de
normal. Ni la modalité de son accession au pouvoir, en destituant un président
parce que celui-ci l’avait limogé, ni l’élection qu’il a organisée et gagnée, dès
le premier tour, contre toute logique, ni la manière avec laquelle il dirige le
pays et méprise ses habitants, encore moins la façon avec laquelle il a failli
perdre la vie.
A l’issue de sa victoire en France, Hollande s’est
voulu un président ‘’ normal ’’. En Mauritanie, nous avons un président
atypique…
Ahmed Ould Cheikh
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