jeudi 15 décembre 2022

EDitorial: Guichet débiteur

 Depuis quelques semaines, des partisans de l’ex-président Ould Abdel Aziz et d’autres citoyens peu suspects de sympathie pour lui – du moins en apparence… – sont revenus de long en large sur ses prétendues réalisations et de citer, pêle-mêle, les hôpitaux de cardiologie, oncologie et celui des spécialités... Comme pour suggérer en filigrane que le pouvoir actuel n’a pas beaucoup, sinon très peu, de réalisations à son actif. Ridicule, vous en conviendrez. Quand, en onze années d’exercice, vous n’avez réalisé qu’un ou deux hôpitaux dont la construction était déjà prévue par le pouvoir que vous aviez renversé et quelques kilomètres de goudron, on peut avancer sans risque que vous avez lamentablement échoué.

Surtout quand on jette un coup d’œil sur le coût de ces « grandioses » réalisations. À l’arrivée au pouvoir de MOAA, la Mauritanie était endettée à hauteur d’un milliard de dollars ; à son départ, la note s’était élevée au quintuple ! 100% du PIB ! Le comble pour un pays pauvre comme le nôtre qui ne pourra même pas faire aux intérêts de ce passif… Si l’on y ajoute le budget de l’État parti à vau-l’eau, on se rend compte que cette décennie nous aura coûté fort cher. Prenez le temps de calculer le rapport entre ce qui a été fait et son coût, vous aurez une idée de l’ampleur du gâchis. La Commission d’enquête parlementaire ne s’y est d’ailleurs pas trompée. Et si celle-ci a pu déterrer un bon nombre de dossiers tout aussi pourris les uns que les autres, la décennie est encore loin d’avoir dévoilé tous ses secrets.

Chercheraient-ils donc, ces laudateurs tardifs, sinon nostalgiques, à raviver le zèle des enquêteurs ? L’approche d’élections rend certes les acteurs politiques gourmands mais la prudence n’en reste pas moins la mère de la sûreté. Moins de vacarme, messieurs-dames ! Et même si vous n’aviez que le désir – intention à tout le moins louable, à défaut d’être appropriée au cas de MOAA – de remercier l’ex- chef de l’État d’avoir œuvré pour le pays, prenez tout même le temps, avant d’en rajouter une couche, de méditer la célèbre sentence de Robert Mugabe : « Si tu remercies un président d’avoir réalisé quelque chose, c’est comme si tu remerciais un guichet automatique de t’avoir donné de l’argent ». Des louanges d’autant moins indiquées, en l’occurrence du président en question, qu’il ne nous a pas donné de l’argent… mais nous en a pris ! Beaucoup.

 

                                                            Ahmed ould Cheikh

vendredi 9 décembre 2022

Editorial: Vitalité républicaine

 « Légèreté dans les accusations », « interférence dans la mission des magistrats », « violation de l’indépendance de la Justice », « outrage », c’est ainsi que certains ont qualifié  le rapport de la CNDH rendu public le 14 Octobre dernier. Il a en tout cas assez bien tapé dans le mille pour émouvoir le troisième pouvoir de notre république. Et donner un peu de vigueur au débat qu’elle est censée entretenir. Comme toutes les institutions de celle-ci, la Justice doit travailler au bien commun et ses actes, comme ceux de l’Exécutif, du Législatif et de la Presse restent soumis à la critique publique. Indépendance ne signifie pas tour d’ivoire. Ce ne sont certainement pas les observations adressées à notre Justice par des personnes compétentes – maître Bouhoubeyni sait très bien de quoi il parle – qui pourraient « ébranler la confiance des citoyens » mais bien plutôt l’incapacité de celle-là à les prendre en compte et corriger ses lacunes.

On ne le répètera jamais assez : la vitalité d’une république repose sur l’intensité, la largeur et la profondeur du débat. Du moindre taxi aux plus hautes instances de l’État, en passant par toutes les structures privées ou publiques réunissant un nombre variable de citoyens de notre Nation commune, nous avons à discuter sur tout ce qui nous touche collectivement, nous rapproche ou nous éloigne du bien et du mieux. Certes, nous n’avons pas tous les mêmes compétences ni les mêmes points de vue et, si cela nous demande une certaine dose d’humilité et, surtout, de respect, ce sont ces différences et leur libre expression qui fondent la richesse et le progrès de notre communauté nationale. Merci à maître Bouhoubeyni de nous l’avoir rappelé à la veille du soixante-deuxième anniversaire de notre indépendance et merci à nos juristes d’en tirer profit pour tous ! Longue et heureuse vie à notre Mauritanie !

 

                                                                                                             Ahmed ould Cheikh

jeudi 1 décembre 2022

EDitorial: Notre Nation enfin en chantier ?

 Depuis la rentrée scolaire et même avant, on ne parle plus que de ça: l’école républicaine. Le gouvernement a en effet décidé que tous les enfants en âge d’être scolarisés iront à l’école publique. Exit donc les écoles privées à qui il est interdit d’ouvrir la première année du Primaire, la deuxième l’année suivante et ainsi de suite jusqu’à ce que le Fondamental soit entièrement public. Un challenge de taille ! La majorité des écoles publiques est dans un état déplorable malgré les efforts consentis ces dernières années. Les enseignants – du moins ceux qui savent encore enseigner – ont jeté leur dévolu sur les écoles privées dont les salaires sont autrement plus alléchants. Le ministère a reçu des consignes fermes pour que cette rentrée soit une réussite et a tout fait en ce sens. Malgré l’enjeu et le scepticisme des uns et des autres. Parachuté à la tête du département quelques semaines avant le début de l’année scolaire, Brahim Vall ould Mohamed Lemine a réussi à tirer son épingle du jeu. Présent tous les jours sur le terrain, il a jusqu’à présent relevé le défi. À tel point que ceux qui pensaient la mission impossible commencent à se rendre à l’évidence. Creuset de la Nation qui forma nos élites jusqu’à l’introduction de réformes de malheur, l’école républicaine commence à reprendre corps. Petit à petit. Espérons qu’elle ne s’arrêtera pas en si bon chemin et que le pouvoir politique tiendra jusqu’au bout.  Il y va de notre salut.

                                                          Ahmed ould Cheikh