samedi 28 août 2021

Editorial: Calculs...

 Dialogue, concertations, pourparlers, contacts directs… : la classe politique se chamaille autour de mots tendant fort probablement tous, au final, à la même chose. Une querelle sémantique à la limite de l’absurde. Du moment que le pouvoir tend la main, fait preuve de bonne volonté et accepte de discuter, le reste viendra. Le timing, la procédure et les sujets à débattre peuvent être définis d’un commun accord. Après avoir été toute la décennie passée – sauf ceux qui acceptèrent de jouer le jeu d’Ould Abdel Aziz –vilipendée, traitée de tous les noms et écartée de tous les dialogues initiés par celui-ci, l’opposition voit désormais le bout du tunnel. Mais, comme à chaque fois, ce sont ses propres démons qui la desservent. Et l’empêchent, conformément à une habitude bien ancrée, de parler d’une seule voix et de présenter un front uni lors des (futures) discussions avec le pouvoir. Pas plus tard que la semaine dernière, sa façade s’est de nouveau lézardée. Quelques partis ont subitement élevé – et très fort – la voix, en déclarant ne pas vouloir participer auxdits pourparlers. Malgré l’invitation adressée par l’UPR, au lendemain de leur conférence de presse, d’assister à une entrevue avec le président de la République, ils ont poliment décliné l’offre. Mais ça coûtait quoi, de venir présenter leurs arguments et défendre leur conception du dialogue ? S’ils ont peut-être d’autres objectifs, celui de diviser l’opposition paraît en tout cas bien réussi. Quelqu’un s’en réjouirait-il ? Qui donc ?

                                                                          Ahmed ould Cheikh

jeudi 19 août 2021

Editorial: Moitié plein, moitié vide ?

 Suite au deuxième anniversaire de l’investiture du président Mohamed ould Cheikh El Ghazwani, Le Calame avait donné, la semaine dernière, la parole à un échantillon représentatif de la majorité au pouvoir et de l’opposition, pour dresser le bilan des deux premières années du mandat. Si tous s’accordent sur un point : la pacification de la scène politique où les acteurs étaient à couteaux tirés durant la dernière décennie ; leurs avis divergent, parfois profondément, sur l’évaluation dudit bilan. Pour les représentants du camp présidentiel, la situation n’a jamais été aussi bonne, malgré le Covid-19, l’état catastrophique dans lequel ils ont trouvé le pays et la crise économique mondiale. Et de citer un certain nombre de réalisations« fondatrices », comme la mise en place d’une Commission d’enquête parlementaire ou l’octroi de l’assurance-maladie à cent mille familles démunies. Pour l’autre camp, rien n’a fondamentalement changé :le même système persiste ;les sujets qui fâchent, comme l’esclavage et ses séquelles, le passif humanitaire, la question nationale ou les inégalités sociales, sont toujours sur la table. Pire, l’opposition a perdu la voix, comme anesthésiée par les promesses du nouveau pouvoir qui continue pourtant à recycler nombre symboles de la décennie tant décriée.

Verre à moitié plein ou à moitié vide ? Incontestablement, Ghazwani a imprimé sa marque : humilité et pondération dans l’exercice du pouvoir, construction pas-à-pas de son projet, écoute relative de l’opinion…. ; mais que de laissés-pour-compte, oublis criants et autres zones d’ombre, pour ne pas dire entretien de pourritures ! La permanence de l’État justifie-t-elle de s’acharner à prétendre faire du propre avec du gâté ? Des situations – plus encore que des personnes – douteuses, voire carrément délétères, perdurent ; le danger d’explosions sociales demeure… Grandit ? Ce n’est pas jouer à Cassandre que d’en examiner l’hypothèse : la chose publique est réellement malade et si l’on peut s’accorder sur une médecine plus douce que chevaline, encore faut-il d’abord s’entendre sur un diagnostic lucide…

                                                                   Ahmed Ould Cheikh

jeudi 12 août 2021

Editorial: Sortis de l'auberge?

 

Sortis de l’auberge ?

10 August, 2021 - 21:15

1er Août 2019-1er Août 2021 : voici deux ans que nous avons tourné une page sombre de notre histoire récente. Après onze longues années de galère, piétinements de l’État, prévarications en tout genre, détournement de deniers publics par un clan mafieux, notre pays respiraitenfin. La passation de pouvoir se passa sans anicroche. Un nouveau président élu – avec certes l’appui déclaré de son prédécesseur… – prit les rênes du pouvoir dans une atmosphère empreinte de cordialité, tant Ould Abel Aziz avait cristallisé les mécontentements de ses ennemis et… de ses amis. Tous ont poussé un immense ouf de soulagement quand le despote que tout le monde pensait s’acheminer vers un inéluctable troisième mandatavait accepté de lâcher le pouvoir, sans doute contraint et forcé. Laissant derrière lui un héritage catastrophique, il se savait menacé et ne pouvait céder la bride qu’à un ami en qui il avait une totale confiance. Mais la pilule était trop grosse. Même « de quarante ans », son « ami » ne pouvait passer par pertes et profits ce qui s’apparente ni plus ni moins qu’à un désossement de l’État en bonne et due forme : caisses vides, dette extérieure à des sommets vertigineux, tous les marchés publics aux mains d’une poignée d’individus gravitant dans le giron présidentiel... 

L’opposition ne voulait en aucun cas rater l’occasion de tailler des croupières à celui qui l’avait tant vilipendée. Elle demanda la mise en place d’unecommission d’enquête parlementaire sur divers dossiers de la décennie écoulée. La suite, on la connaît. Sommes-nous pour autant sortis de l’auberge ? Le sort réservé à Ould Abdel Aziz et à douze de ses anciens collaborateurs et hommes d’affaires sera-t-il suffisant pour décourager d’éventuels nouveaux prévaricateurs ? On connaîtra la suite lorsque la Cour des comptes et l’IGE auront toute latitude pour travailler à leur convenance et publier leurs rapports. Notre peuple a trop souffertpour qu’on continue à protéger ceux qui confondent trop souvent servir et sévir.

 

                                                                                 Ahmed ould Cheikh

dimanche 8 août 2021

Editorial: Peut mieux faire

 Après une interview à Jeune Afrique, le 29 Juillet dernier, la première depuis son accession à la magistrature suprême, le président de la République vient d’enchaîner deux entretiens successifs avec France 24/RFI en français et France 24 en arabe. Une opération de communication tous azimuts qui n’a pas encore dévoilé tous ses secrets. Alors qu’il s’était contenté, jusqu’à cet été, d’une seule conférence de presse avec la presse nationale, en Janvier 2020, Ghazwani retrouve subitement la voix. C’est de bonne guerre. Un président doit affronter la presse, se défendre et défendre son programme. Sans anicroches ni animosité, a contrario de ce que l’on vit lors de la décennie écoulée. Mais il ne s’agit surtout pas de parler pour parler. Une conférence de presse ne s’improvise pas. Outre le choix du canal, le timing et le public-cible, elle est censée annoncer une actualité importante ou une information sensible et demande une préparation minutieuse. Pour peu qu’ils soient sérieux et professionnels, les journalistes ne sont pas enclins à faire des cadeaux. Ils vous pousseront dans vos derniers retranchements. C’est leur boulot. Aussi tous les thèmes doivent-ils être préalablement passés en revue par l’équipe de communication du Palais… ainsi que les questions à éluder, les réponses « diplomatiques » à apporter à certains sujets sensibles et les chausse-trappes qui ne manqueront pas de jalonner l’entretien. La conférence de presse est un art tout aussi difficile quevsimple… si l’on s’y prépare avec sérieux. Les prochaines rencontres avec la presse seront sans doute meilleures : la vie, dit-on, est un apprentissage qui ne finit jamais…

                                                                Ahmed Ould Cheikh

dimanche 1 août 2021

Editorial: Obscur Flambeau

 D’une rare violence et dégoulinant de mauvaise foi, un pamphlet attaquant frontalement le ministre du Pétrole, Abdessalam ould Mohamed Saleh, a été publié la semaine dernière par un site de la place… avant d’être retiré quelques instants plus tard.  Juste le temps de permettre à des individus malintentionnés de s’en emparer et de le rediffuser sur les réseaux sociaux. Au-delà de l’attaque contre un ministre connu pour sa probité et qui a sacrifié, au service de son pays, un poste haut placé dans une institution internationale, ceux qui tirent les ficelles de ce genre de pratiques visent à ternir l’image d’un pouvoir dont le principal tort est de s’employer à mettre hors d’état de nuire un système mafieux qui a mis à genoux le pays. Mais s’ils n’en sont pas à leur premier coup d’essai, ce n’en sera, pas plus que les précédents, un coup de maître. Les avocats du ministre se sont en effet saisis de l’affaire et le ou les auteurs et instigateurs de ces basses œuvres finiront bien par être démasqués. Appliquée dans toute sa rigueur, la loi sur la cybercriminalité devrait alors donner à réfléchir par deux fois avant de s’attaquer à des responsables ou à des citoyens sans preuve.

Oui, il est grand temps de sévir. Les réseaux  sociaux sont devenus une véritable jungle où règne la loi du plus…. volubile.  N’importe qui peut se retrouver jeté, du jour au lendemain, en pâture à l’opinion. Certains en appellent même à la violence. D’autres n’hésitent pas à vilipender l’État et ses symboles. En toute impunité. « Les réseaux sociaux ont donné la parole à des légions qui ne parlaient, avant, qu’au bar », a fait remarquer Umberto Eco, « ils ne causaient aucun tort à la collectivité : on les faisait taire tout de suite. Aujourd’hui ils ont le même droit de parole qu’un prix Nobel. […] Internet a repris le flambeau du mauvais journalisme. »

                                                                            Ahmed Ould Cheikh