mercredi 29 décembre 2010

Editorial : Sans décentralisation, pas de développement

L’échec des régimes communistes ou collectivistes l’a prouvé. Les pays dits développés le démontrent chaque jour. Les deux mamelles d’une croissance économique soutenue sont le libéralisme économique et la décentralisation. Or, c’est exactement le contraire qui est en train de se produire en Mauritanie. L’Etat est en train de prendre pied dans le tissu économique après s’en être désengagé, conformément aux directives des institutions de Bretton Woods. Et de revenir, à grands pas, sur la décentralisation, après l’avoir encouragée. Le transport terrestre et aérien, la réalisation et le contrôle des travaux publics, la commercialisation du poisson et, bientôt, le système bancaire, l’Etat étend ses tentacules dans l’économie, au risque d’engendrer des éléphants blancs que la mauvaise gestion transformera, à coup sûr, en gouffres financiers. L’histoire récente regorge d’exemples de sociétés publiques tombées en déshérence, du fait de l’incompétence de leurs dirigeants et du laisser-aller, dans leur administration.
La décentralisation, aussi, n’est pas en reste. Selon l’encyclopédie Wikipédia, ‘’la décentralisation consiste en un transfert de pouvoirs de l'État vers des personnes morales de droit public distinctes de lui. Ces dernières disposent d'une autonomie plus ou moins grande, selon le degré de décentralisation, et d'un budget propre, tout en restant sous la surveillance de l'État, autorité de tutelle’’. A présent, qu’est-ce qui se passe? Après avoir concédé une partie de ses prérogatives aux mairies, l’Etat est en train de faire comme si la loi instituant les communes n’avait jamais existé. L’exemple de la communauté urbaine de Nouakchott est, à ce titre, édifiant. Dirigée par un président, issu du RFD, qu’Ould Abdel Aziz n’a jamais porté dans son cœur – parce qu’il a refusé de le soutenir, comme d’autres maires de l’opposition, parce qu’il n’est pas docile ou les deux à la fois? – la communauté urbaine est, désormais, une coquille vide. Le gouvernement construit des routes sans même demander son avis et utilise, à sa guise, le patrimoine foncier de la ville. L’Agence de Développement Urbain (ADU) et le ministère de l’Habitat font comme si la CUN n’existe pas. Petit exemple, parmi tant d’autres: le contrat de nettoyage de Nouakchott, signé avec la société Pizzorno, qui la concerne, pourtant, au premier chef, est géré par d’autres.
Mais les maires ne sont-ils pas des élus, forts d’une légitimité populaire et constitutionnelle incontestable? Ils n’ont pas eu besoin d’un coup de force pour arriver là où ils sont. Ils ont été choisis par les citoyens, à l’issue d’élections transparentes, pour gérer leur quotidien. Et il n’est pas normal que les pouvoirs publics s’arrogent leurs pouvoirs, empiètent sur leurs compétences et fassent main basse sur leur patrimoine. Mais que peuvent-ils faire ? Baisser les bras, gérer les affaires courantes et attendre la prochaine élection, sans chercher à faire des vagues, dans l’espoir d’être reconduits pour un nouveau mandat qui risque être aussi pauvre que ceux qui l’ont précédé? Ou se battre, pour faire, des communes, de véritables structures décentralisées, dotées de moyens? La majorité de nos élus a choisi la première voie. La minorité reste consciente que, sans décentralisation, il ne peut y avoir ni développement local, ni développement tout court.

PS : Au chapitre de l’interventionnisme abusif de l’Etat, la fondation de MAI, la nouvelle compagnie mauritanienne de transports aériens, risque de sonner le glas de Mauritania Airways (MA). Edifiée grâce à un partenariat mauritano-tunisien, celle-ci nous a rendu, pourtant, de bons et loyaux services, au cours des trois dernières années. Reliant la Mauritanie à l’Afrique noire, à l’Espagne et à la France, elle a investi 350 millions d’UM, pour assurer le handling à l’aéroport de Nouakchott, avant de se voir signifier, par le ministère de tutelle, qu’elle ne pouvait le faire que pour ses propres avions. Durant la dernière campagne électorale, MA a sillonné le ciel du pays, transportant les différents candidats, et, lors de l’attaque mauritanienne contre AQMI, elle a, non seulement, évacué morts et blessés mais, aussi, approvisionné en kérosène les avions militaires, cloués au sol à Tombouctou. Malgré tout, elle n’aura eu droit à aucune reconnaissance et ses factures, impayées, sont perdues dans les dédales de l’administration…

Ahmed Ould Cheikh

mercredi 22 décembre 2010

Editorial : Pourvu que ça dure !

La montagne a accouché d’une souris. Le remaniement ministériel, que la rumeur donnait pour imminent depuis…plusieurs mois et que l’opinion publique demandait de tous ses vœux, tant l’attelage gouvernemental a montré ses limites, est, finalement, intervenu la semaine dernière. Alors qu’on pressentait celui-là suffisamment large pour faire entrer au gouvernement ce nouveau venu dans la majorité présidentielle qu’est ADIL, Ould Abdel Aziz a pris tout son monde à contre-pied. Trois objectifs semblent avoir guidé son action: rassurer ses soutiens de l’UPR dont le secrétaire général hérite, enfin, d’un portefeuille ministériel; démontrer, à ses nouveaux amis, qu’il faut être patient; et sanctionner trois ministres – pourquoi eux, seulement? – dont le bilan est globalement mitigé, pour ne pas dire négatif. Deux d’entre eux sont, néanmoins, parachutés en charge de mission à la Présidence. Conformément à la politique de recyclage chère à Ould Taya. Le troisième se retrouve à la rue. Il faut dire que Camara Seydi Moussa, l’ancien ministre de l’Equipement, a réussi l’exploit de mettre la Mauritanie sur la liste noire des transporteurs aériens interdits en Europe. Malgré les mises en garde répétées de l’OACI, le ministre, plus à l’aise dans son rôle de pitre de la République que dans celui de décideur, n’a rien fait avant que le couperet ne tombe. Pourtant, même au plus fort de l’anarchie et du laisser-aller qu’a connus le pays, jusqu’à une date récente, jamais il ne fut «blacklisté» par l’Union européenne. Au même titre que des Etats en guerre ou des pays de non-droit. Il faut, à présent, tout reprendre à zéro et instaurer d’efficients mécanismes de contrôle, pour que les avions de nos compagnies aériennes puissent, à nouveau, survoler l’Europe. Et dire que tout cela advient par la faute d’un ministre qui n’a jamais compris, du premier au dernier jour à son poste, ce qu’il venait faire dans cette galère.

Si l’on exclut ces trois exclus, qu’a apporté ce remaniement, sinon une injustice? Deux ministres, qui traitaient d’égal à égal avec un de leurs collègues, se sont retrouvés sous ses ordres. Les ministres de l’Enseignement Fondamental et de la Formation Professionnelle sont, désormais, placés sous la tutelle de leur ancien collègue de l’Enseignement Supérieur, devenu ministre d’Etat à l’Education Nationale. Sous d’autres cieux où l’on respecte un semblant de forme, on aurait choisi de nouveaux ministres car personne n’y accepterait de se retrouver dans cette posture, pour le moins inconfortable. Mais, en Mauritanie, nous avons pris l’habitude d’avaler tellement de couleuvres et de s’aplatir, devant le chef du moment, que plus rien ne surprend, désormais. Le président peut faire ce qu’il veut de ses ministres, ces derniers ne placeront pas un mot plus haut que l’autre. Conserver son maroquin, seule lubie du haut cadre: fermement cadré, donc…Et sa seule devise est : Pourvu que ça dure !

Ahmed Ould Cheikh

mercredi 15 décembre 2010

Editorial : Hommage à un Président

Dans le flot d'informations véhiculées par Wikileaks, l'une d'elles n'a pasretenu l'attention. Elle est, pourtant, lourde de significations. Du moins pour nous, Mauritaniens. Lorsque le conseiller de l'ambassade des USA est venu voir Sidi, exilé à Lemden par la junte, pour lui exposer l'idée, défendue par certains de ses soutiens, d'éjecterOuld Abdel Aziz par la force, Sidioca aurait répondu, selon le rapport du diplomate: «Mon combat est démocratique et pacifique». Dans sa situation de l’époque, personne n’aurait, pourtant, crié au scandale s’il n’avait, à tout le moins, pas rejeté l'idée qui lui aurait permis de reprendre son fauteuil ou de rendre, au minimum, le mal qu’on lui avait fait.
C’est dans le même esprit, très certainement, que, recevant, il y a quelques jours, une délégation d'ADIL – le parti qu'il mit sur les fonts baptismaux – venue discuter de la possibilité de rejoindre la majorité présidentielle, l'ancien président rétorqua: «Laposition que vous voulez prendre servira-t-elle le pays et la démocratie? Personnellement, jecrois que non». Un point de vue dont ses interlocuteurs ne semblent pas avoirtenu compte. «Un vieux, couché, peut voir ce que n'apercevra pas un jeune, debout», dit un dicton bien de chez nous.
Parmi les hommages injustement oubliés, lors du cinquantenaire, celui à Sidi Ould Cheikh Abdallahi constitue le plus sûr signe de l’immaturité du pouvoir actuel. A l’instar d’autres grands chefs d’Etat, l’homme n’a jamais accepté de s’effacer devant le coup de force mais il a su le faire devant la nécessité nationale, confiant en l’épanouissement futur de la démocratie. Grande leçon de courage, d’abnégation et de service de la patrie. Témoignage, également, de la confiance en Dieu et dans le peuple mauritanien. Allongé sur son tapis de prières, notre premier président démocratiquement élu contemple, aujourd’hui, un avenir qui nous paraît, à nous les jeunes gambadant dans l’arène, bien incertain. J’ai le sentiment, en ce soir paisible, que celui-là lui donnera, en définitive, amplement raison. Et Dieu, certes, est Le Savant.

AOC

mercredi 8 décembre 2010

Editorial : Le syndrome de Stockholm

Ce qu’on pressentait, depuis quelques temps, est arrivé, la semaine passée. Après plusieurs mois d’atermoiements et de louvoiements, le Pacte National pour la Démocratie et le Développement (PNDD ou ADIL, en arabe) – parti fondé sous la houlette de l’ancien président Sidi Ould Cheikh Abdallahi, pour encadrer «sa» majorité – a, officiellement, rejoint la majorité présidentielle, du moins si l’on en croit son président, Yahya Ould Ahmed El Waghf. Passé l’effet d’annonce, plusieurs questions restent en suspens. Cette décision a-t-elle été prise par le conseil national de ce parti, son bureau politique ou son congrès? A-t-elle fait l’objet d’un vote ou d’un consensus? Qu’a-t-il ou que va-t-il obtenir, en échange? A-t-il signé un document d’entente, avec le parti au pouvoir, prévoyant un raffermissement de la démocratie, une prise en compte de son programme politique ou une participation au gouvernement? Sur quoi s’est basé Ould El Waghf pour amarrer le parti à la majorité, alors que le dernier congrès de celui-ci avait décidé d’inscrire son action dans le cadre de l’opposition démocratique? Visiblement, aucune procédure n’a été respectée et rien de tout cela n’a été obtenu. Ni vote ni consensus encore moins de mémorandum, rien qui justifie qu’on range ses principes au placard, pour un aléatoire morceau d’un gâteau, déjà si peu alléchant.
Pressé d’annoncer la «bonne» nouvelle, Ould El Waghf se serait basé sur les résultats d’une réunion du conseil national au cours de laquelle la majorité des intervenants s’est déclarée en faveur de cette option. Les autres, ceux qui sont contre et qui n’ont pas été bavards ou absents, seraient-ils minoritaires? Le cas échéant, pourquoi ne pas passer au vote, comme le prévoient les textes? La décision serait alors inattaquable et l’on y verra, plus difficilement, la main du pouvoir pour affaiblir l’opposition et démontrer qu’elle est incapable de résister aux appels des sirènes. Mais on a essayé de l’extirper au forceps et cela a ouvert la voie à toutes sortes d’hypothèses.
Certains membres du PNDD, parmi les plus chauds partisans de ce «retour aux sources», seraient-ils atteints du «syndrome de Stockholm»? Qui voit le prisonnier ou l’otage finir par éprouver de la sympathie pour son bourreau. N’ont-ils pas été évincés du pouvoir, jetés en prison, traînés dans la boue, accusés de vol et de détournement, par Ould Abdel Aziz? Celui-là même pour lequel ils ont, à présent, les yeux de Chimène. Et, au rythme où ils vont, sans même respecter les formes, ils ne sont certainement plus loin de lui trouver des qualités supérieures, non seulement à Sidioca – cela va dire – mais aussi à Ould Taya – ce qui serait presqu’un comble, si l’on ne les connaissait pas..
L’opposition est un interminable cheminement qui exige des convictions fortes, un souffle de longue haleine, une capacité à supporter brimades et vexations et un rythme de vie qui exclut l’ostentatoire et le superflu. Les hommes nantis de ces qualités se font, malheureusement, de plus en plus rares, dans le pays. Contrairement à ceux, nombreux, qui sont prêts à applaudir à tout vent, à se tordre de rire, à danser du ventre, à se plier en quatre pour plaire au prince du moment. Lequel éprouve le plus grand plaisir à les voir picorer les quelques grains qu’il consent à leur jeter, de temps à autre. La démocratie à la mauritanienne est ainsi faite. Elle est partie, dès le départ, sur une mauvaise piste. Et gageons que ce ne sont pas les militaires, avec ou sans ADIL, qui la remettront sur les rails.

Ahmed Ould Cheikh

jeudi 2 décembre 2010

Editorial : A grands pas

La Mauritanie a soufflé, ce 28 novembre, sa cinquantième bougie. Nous nous sommes félicités, avons applaudi, défilé, rendu hommage aux fondateurs. Nous aurions dû, pourtant, pleurer, devant tant de gâchis, d’occasions ratées, de dilapidation de nos maigres ressources, de dévoiement de nos volontés. Nous aurions dû passer en revue le chemin parcouru, nous remettre en cause et tirer les leçons du passé. Au lieu de se tresser des lauriers. Un sport national que nous maitrisons parfaitement bien. Certainement le seul. Si l’on exclut la flagornerie.

Cette année encore, nous n’avons pas dérogé à la règle. A écouter nos organes de presse officiels, nous vivons dans le meilleur des mondes, depuis un certain 6 août 2008. Si l’on s’en tient à leur raisonnement, le pays est né le 28 novembre 1960, s’est plus ou moins développé durant 18 ans, avant d’hiberner, en l’attente d’Ould Abdel Aziz. 30 ans de coma profond au cours desquels le «malade» aura tout connu: gaspillages, détournements, mauvaises gestions, népotismes, pillages de ses ressources.

Même Ould Abdel Aziz y est allé de son couplet, dans son discours du 20 novembre: «Nous avons engagé une dynamique […] dans l'espoir de renouer avec l'éthique et la morale dans la vie publique. Mais le changement des mentalités reste un parcours long et difficile […] qui requiert, [au-delà de la punition des] auteurs des crimes de détournement des deniers publics et de pratiques étrangères aux traditions de notre société musulmane, la contribution de tous les citoyens. […] Cette politique de rigueur a permis de réaliser, en un court laps de temps, de nombreux et importants projets de développement, notamment dans le domaine routier, éducatif et sanitaire, en plus de nombreuses autres infrastructures, vitales pour le pays.[…]»

Que faut-il en déduire? Que notre pays avance, à grands pas, vers le progrès? Qu’à ce rythme, Ould Abdel Aziz va, incessamment, hériter du titre de «bâtisseur de la Mauritanie nouvelle»? Que tout ce que dit l’opposition n’est que médisance? Que la gestion des finances publiques n’est pas entourée de la plus grande opacité? Que les contrats de partage de la production minière sont transparents? Que la fondation de sociétés publiques de transport terrestre et aérien, au moment où, partout ailleurs, l’Etat se désengage de l’économie, n’est pas une occasion rêvée de jeter l’argent public par la fenêtre? Que la gabegie n’est plus autorisée qu’à certains, triés sur le volet?

Les lampions sont éteints, la fête est finie. Les grandes avenues redévoilent leur crasse et l’inachèvement de leurs travaux hâtifs. L’autocar, bondé, de la ligne 5 stoppe à un arrêt étrangement désert, malgré, ou, peut-être, à cause de la bonne demi-heure d’attente entre deux bus. C’est qu’à quinze mètres de là, trône le cadavre boursouflé d’un âne… Les passagers se bouchent les narines. «Il paraît que le kilo de sucre à 300UM, c’est pour la fin de l’année», se lamente une ménagère. «Et attendez », renchérit un autre, «vous n’avez pas vu le gasoil… » Mais «la politique de rigueur n’a-t-elle pas permis, en un court laps de temps…», et patati et patata? A grands pas, Ould Abdel Aziz, à grands pas, militaires toujours, tambours et trompettes, parfois… Nous avons applaudi quels lendemains?

Ahmed Ould Cheikh

mardi 23 novembre 2010

Editorial : Gommez, gommez, il en restera toujours quelque chose

Depuis que le pouvoir a décidé de célébrer, en grandes pompes, le cinquantenaire de l’accession de la Mauritanie à l’indépendance – il n’y a pourtant pas de quoi pavoiser, au vu du résultat – la TVM ne cesse de diffuser des spots annonciateurs de l’événement. Rien que du très grand classique mais là où il y a un hic, c’est que l’annonce se limite à deux présidents, feu Moktar Ould Daddah et Ould Abdel Aziz. Le début et la fin de la période. Le milieu, c’est à dire de 1978 à 2008, est complètement zappé. La Mauritanie serait morte, en 1978, pour ressusciter, le 6 août 2008. Ould Mohamed Saleck, Ould Louly, Ould Haidalla, Ould Taya, Ould Mohamed Vall, Sidioca, de qui parlez-vous là? Ont-ils jamais été présidents? De quel pays?

La plus grande falsification de l’histoire de la Mauritanie est en train de s’étaler, sous nos yeux médusés. Les médias officiels veulent gommer, d’un trait, trente ans de la vie d’un pays qui n’en a, pourtant, que cinquante. Il y a quelques années, au plus fort du régime de Maaouya, l’histoire contemporaine de la Mauritanie commençait le 12 décembre 1984, jour de son accession à l’indépendance et nul ne pouvait évoquer ou faire allusion, dans les médias publics, à ceux qui l’avaient précédé. Même le président-fondateur était devenu un sujet tabou.

Serions-nous en train de tomber dans les mêmes travers? Qui a théorisé ce petit jeu malsain? De deux choses l’une. Ou ce sont les responsables de la télévision qui agissent ainsi et, dans ce cas, ils doivent être sévèrement sanctionnés, nul n’ayant le droit de travestir notre histoire et de ne nous en montrer que ce qu’il veut. Ou cela a été décidé en haut lieu et l’on peut, du coup, entretenir quelques appréhensions sur la manière dont nous sommes dirigés. Comment peut-on en vouloir, à ce point, à des gens, qu’on cherche à les rayer, d’un trait, comme pour les effacer de notre mémoire collective? Qu’ont-ils fait de si mal pour qu’on les juge indignes d’être seulement cités comme ayant présidé aux destinées de ce pays, quelques années durant? Ould Taya a dirigé la Mauritanie pendant près de 21 ans. Ely Ould Mohamed Vall est le seul président à avoir remis pacifiquement le pouvoir à son successeur. Sidi Ould Cheikh Abdallahi fut le premier président démocratiquement élu et il a été renversé par un coup d’Etat. Ce sont là des vérités historiques indéniables et rien ne peut plus les effacer. Qu’on tente toutes les acrobaties qu’on veut et tous les montages possibles et imaginables. Les faits sont têtus et l’Histoire a démontré que la vérité d’aujourd’hui n’est pas, nécessairement, celle de demain.

Le 28 novembre 2007, la TVM, à qui il arrive, rarement il est vrai, de réaliser de bonnes choses, avait diffusé un documentaire retraçant les 47 ans de l’indépendance du pays. De feu Moktar à Sidioca, les présidents qui se sont succédé avaient eu, chacun, voix au chapitre. L’émission fut unanimement appréciée et «le ciel n’est pas tombé sur la terre». Il faut dire que Sidi était un civil élu et n’avait de comptes à régler avec personne. Ce qui n’est pas le cas de tout le monde. Notre nouveau guide éclairé ne veut, surtout pas, entendre parler de Sidioca, d’Ely ou de Maaouya. Seul Haidalla entre, un peu, dans ses bonnes grâces. Il n’en sera pas, pour autant, réhabilité officiellement. La Mauritanie, c’était Moktar. Et maintenant c’est «lui». Les autres présidents peuvent aller se rhabiller. Ils n’ont pas leur place dans cette nouvelle Mauritanie. Et ils ont si peu d’atouts, pour rivaliser avec le président des pauvres, l’Astre du désert, le pourfendeur d’AQMI, le constructeur de routes, l’infatigable lutteur contre la prévarication, l’homme qui fait tout, veille sur tout et ne dort que d’un œil pour qu’on dorme des deux, sans rêve, groggy par tant d’effacements de notre mémoire…

Ahmed Ould Cheikh

mercredi 10 novembre 2010

Editorial : Continuez le jeu

Depuis quelques semaines, le pays vit au rythme des meetings dits de «sensibilisation», organisés par l’Union Pour la République (UPR, le nouveau parti/Etat), à Nouakchott et dans plusieurs localités du pays. Tantôt ce sont les dangers du terrorisme qui frappe notre pays et le rôle d’avant-garde de nos vaillantes-forces-armées-et-de-sécurité pour le combattre qui sont mises en relief, par les différents orateurs. Tantôt, c’est l’UFP, qui a osé critiquer cette «guerre par procuration», qui reçoit des volées de bois vert et se voit accusée de tout et, même, de marxisme-léninisme, entre autres coups sous la ceinture. Un militant, pris dans une envolée lyrique, ira jusqu’à proclamer, lors du meeting du Ksar, qu’il n’a jamais «vu, nulle part, une opposition servir à quelque chose». Ça ne s’invente pas et c’est surtout dans l’air du temps de faire feu de tout bois contre ceux qui ont l’outrecuidance de ne pas penser comme vous et de ne pas applaudir une guerre qui ne dit pas son nom. Il faut, certes, reconnaître que le parti d’Ould Maouloud n’a jamais été particulièrement tendre, vis-à-vis du pouvoir issu du coup d’Etat «rectificatif» du 6 août 2008. Que ce soit lors de la contestation anti-putsch, au Parlement, lors de la campagne électorale ou, tout dernièrement, lors du passage de témoin de la présidence de la COD à l’UNAD, la politique menée par le gouvernement a été vouée aux gémonies. Tout le monde a encore en mémoire les sorties, solidement argumentées, des députés de ce parti, notamment Mohamed El Moustapha Ould Bedreddine et Kadiata Diallo, démontant, point par point, les arguments des membres du gouvernement qui se présentaient devant l’Assemblée nationale. Cette haine, tenace, entre les deux camps explique pourquoi Ould Maouloud est, jusqu’à présent, le seul leader de l’opposition qui n’a jamais été reçu au Palais ocre. Et s’explique, aussi, quand on remonte à 2008, lors de la formation du premier gouvernement de Yahya Ould El Waghf, tandis qu’Ould Abdel Aziz embrigadait une cohorte de députés frondeurs, pour protester contre l’entrée de l’UFP et des islamistes de Tawassoul dans cet attelage. Après avoir brandi la menace d’une dissolution de l’Assemblée nationale, Sidioca finira par éjecter ces deux formations du gouvernement Waghf 2. Sous la pression de ses généraux. La spirale, qui conduira au putsch du 6 août 2008, est désormais enclenchée. Depuis, la guerre est ouverte entre ces anciens kadihines et les militaires ; elle ne connaîtra plus de répit. La campagne, menée, ces jours-ci, tambour battant, par l’UPR contre l’UFP, n’est qu’une de ses éruptions périodiques. D’autant plus chaudes qu’à 57 ans, Ould Maouloud constitue un adversaire à bien plus longue échéance qu’Ahmed Ould Daddah ou Messaoud Ould Boulkheir…

Cela dit, au lieu de se chamailler sur des considérations sémantiques – guerre ou pas guerre contre AQMI, Al Qaïda ou bande de trafiquants et criminels – la majorité et l’opposition devraient se retrouver autour d’une table, pour débattre de la situation du pays. A moins d’un an d’élections législatives et municipales, ne vaudrait-il pas mieux débattre des préparatifs du scrutin, du mode d’élection, du choix d’une CENI et autres détails du même genre, pour que la consultation soit entourée de toutes les garanties de transparence? Mais personne ne semble se soucier de ces considérations. Le pouvoir, pour fixer les règles à sa guise, et l’opposition, pour crier au loup. Le peuple, lui, restera le dindon de la farce et le spectateur d’un jeu qui le dépasse…

Ahmed Ould Cheikh

mercredi 3 novembre 2010

Editorial : On en rit encore

Le ministère de la Défense a organisé, la semaine dernière, un débat national sur le terrorisme et l’extrémisme. Des centaines de participants, venus d’horizons divers, ont planché sur ces deux phénomènes et ont tenté de leur trouver des explications. Avec des fortunes diverses. Si certains s’en sont plutôt bien sortis, d’autres ont passé le temps à parler pour ne rien dire. Mais ce qui a retenu le plus l’attention des hommes de médias que nous sommes, c’est la troisième journée consacrée, pêle-mêle, à comment traiter l’information, la responsabilité du journaliste, le nécessaire respect de l’éthique, lorsque la sécurité du pays est menacée. Des vestiges du journalisme, façon monolithisme et parti/Etat, se sont succédé, aux tribunes, pour fustiger l’attitude de certains médias qui ont refusé d’applaudir les opérations menées par l’armée au Mali. D’autres ont appelé au civisme et au patriotisme des journalistes. Certains n’ont pas hésité à appeler le gouvernement à mettre en branle l’arsenal juridique répressif, contre ceux qui «font l’apologie du terrorisme».

Sans verser dans une polémique stérile, il suffit, juste, de rappeler à ces messieurs, dont la plupart ne savent pas ce que liberté d’expression veut dire, que cette presse qu’ils visent, par des tournures alambiquées, sans citer de noms, a atteint un tel degré de maturité qu’il serait illusoire de vouloir lui donner des leçons de morale ou de patriotisme. La presse, comme les partis ou les organisations syndicales, est un acteur de la vie d’un pays et il faut la traiter comme tel. Elle restera sourde aux conseils ou aux injonctions, tant qu’elle ne sera pas considérée comme un partenaire à part entière.

Recevant, il y a quelques jours, une association de journalistes, Ould Abdel Aziz leur déclara, en substance, que l’argent que reçoivent les journaux privés, sous forme d’abonnements, «n’est ni un droit, ni un devoir de la part de l’Etat». Et ce que le Budget verse, annuellement, aux partis politiques, c’est quoi, président ? Comment peut-on prétendre «orienter» quelqu’un et éclairer sa lanterne, quand on a si peu de considération envers lui? Pourquoi parler aux médias, si l’on n’a aucun droit ni devoir, vis-à-vis d’eux?

Certes, de prétendus journaux et journalistes font honte à la profession. Ils l’ont salie, l’ont humiliée et ont nui à sa réputation mais le propre d’un gouvernement est de séparer le bon grain de l’ivraie. Le «bon» journaliste sait ce qu’il écrit et fait la distinction entre ce qui touche à la sécurité de son pays et ce qui n’arrange pas ses gouvernants. Le «bon» journaliste sait être critique, quand il le faut, et n’applaudit, jamais, sur commande. Il existe des laudateurs professionnels qui s’y emploient si bien. Le «bon» journaliste n’a pas besoin d’un forum, d’un débat national ou de conseils de l’armée, fussent-ils éclairés, pour bien faire son métier. Imaginez, un instant, qu’une association de journalistes se mette en tête d’organiser une rencontre, pour apprendre à l’armée comment faire la guerre, en se basant sur la célèbre maxime du président Clémenceau. De doctes penseurs viendraient nous dire que les excursions en territoire malien doivent être mieux préparées; que notre armée doit être aussi bien équipée que celle du Mali, qui dispose de chasseurs Mig et de chars Leclerc; que les chefs militaires, qui n’ont jamais fait la guerre, doivent entreprendre des (re)mises à niveau. Tout le monde rirait bien. Ce que nous avons tous fait, à l’écoute des interventions de la 3ème journée du débat, consacrée à la presse.

Ahmed Ould Cheikh




mardi 19 octobre 2010

Pas de chaîne: pas de maillon, donc…

Le message de l’absence, remarquée, de notre cousin du centre Maghreb, à la réunion de Bamako, organisée par le Groupe d’Action Contre le Terrorisme (GACT), est on ne peut plus clair: géniteur naturel d’AQMI, le pouvoir algérien entend bien, à défaut de reconnaître sa paternité, conserver la main sur les potentialités de son rejeton. C’est compréhensible, après tant d’efforts et de sang versé… Du coup, le président ATT pouvait rappeler, à la mi-octobre, lors de l’ouverture du Forum des Editeurs Africains, hébergé, lui aussi, dans la capitale malienne, que son pays était d’autant moins le maillon faible de la lutte anti-terroriste saharo-sahélienne qu’il n’y avait, même pas, de chaîne… Egratignant, au passage, la politique mauritanienne du «je frappe et je me tire» qui rend à chaque fois, le terrain à un adversaire «où ne se compte aucun malien», remarque sobrement le président de notre pays voisin et ami. Chacun suit sa petite politique, avec l’appui, en sous-main, voire en sous-sous-main, de telle ou telle grande puissance alléchée par la rentabilité, croissante en ces temps d’épuisement des ressources minières mondiales, de l’exploitation du sous-sol saharien… Beaucoup, beaucoup de dessous, donc, et pas forcément très propres, dans ces histoires de terrorisme dont l’islam fait les frais, via de pauvres hères à côté de leurs pompes, broyés par l’inculture de la mondialisation…

AOC

mercredi 13 octobre 2010

Réponse à l’ex-Dspcm : Mensonges, gâtisme et imprudence…

Le désormais ex-DSPCM vient, encore une fois, de se fendre d’un droit de réponse intitulé «A mon ami du Calame» (sic!) et, au lieu de nous l’adresser, l’a publié sur le site CRIDEM. Nous en prenons quand même acte. Comme il ne dispose plus, désormais, du site de la délégation pour régler ses comptes personnels et comme il s’est «civilisé», le voilà qui se lâche sur l’océan des médias. Nous lui souhaitons bon vent et vogue la galère! Mais attention aux courants! Ils ne sont pas toujours favorables. Et ce n’est pas parce qu’il n’est plus aux «affaires» qu’il doit s’attendre à plus d’indulgence de notre part. Nous n’avons pas ménagé le maître – Ould Abdel Aziz, en l’occurrence – je ne vois pas pourquoi nous devrions épargner son basset. A plus forte raison, si tout l’accuse.
Nous aurions préféré ne jamais en arriver là et l’on pensait que le «débat» allait être clos avec le départ du délégué. Mais l’ex-DSPCM est apparemment teigneux, pour ne pas dire maso, et veut continuer à goûter aux plumes du Calame. Qu’il soit content: nous ne serons pas les premiers à baisser les armes, même si écrire sur un sujet aussi peu ragoûtant nous pèse un peu. Mais bon, ce sont les aléas du métier…
Le menteur aime entretenir la confusion. C’est son gagne-pain, à lui. J’aurais donc, «harcelé» monsieur le délégué au téléphone. Je l’ai effectivement, appelé plusieurs fois. En 2009, contrairement à ce qu’il affirme: je le mets au défi de prouver que je l’eusse fait en juin dernier ou, même, une seule fois, au cours de toute l’année 2010. Et je n’ai téléphoné que pour une seule et excellente raison: la Délégation, institution publique abonnée à notre journal, tardait à honorer son dû. Chaque fois que je l’appelais, le délégué se plaignait, invariablement, que le Trésor public traînait, lui, à subventionner la Délégation. Information démentie, tout aussi invariablement, par une source interne à la DSPCM, qui m’a confirmé, à plusieurs reprises, que la situation financière de celle-ci n’avait jamais été aussi florissante mais que l’argent n’était géré que selon l’humeur, généralement mauvaise, et les intérêts dudit délégué, en Mauritanie… et ailleurs.
Cependant, un journal, monsieur l’ex-délégué, ne vit pas de subventions. Le respect des engagements de ses abonnés est une condition impérative de son bon fonctionnement. Je me suis donc déplacé chez vous, comme j’avais eu à le faire, déjà, par le passé, lorsque vous sollicitiez mes conseils et mes services – en communication ou dans le domaine des médias, je ne sais rien faire d’autre et m’applique, ne négligez pas cette information, à bien le faire. Vous m’avez, alors, répété la même rengaine – «Ah, le Trésor public, le Trésor public!» – sans aucune vergogne de vous faire prendre, les yeux dans les yeux, en flagrant délit de mensonge. Aussi ai-je décidé de ne plus jamais vous appeler – cela aussi, Chinguitel peut, évidemment, l’attester – tout en ordonnant, à mes services, d’arrêter la livraison du journal à la DSPCM et de fermer cette parenthèse. Qui n’aurait, d’ailleurs, jamais dû s’ouvrir.
Nous vous aurions traité de fou. Où avez-vous lu cela? «Gâteux», oui: ce n’était qu’énoncer, simplement, les choses comme elle sont. Mais le gâtisme, monsieur l’ex-délégué, c’est le privilège du retraité. Vous avez tout-à-fait le droit de l’étaler sur la place publique. Tout comme votre droit de réponse «tout-en-chiffres» que vous croyez – dur comme fer, apparemment – nous avoir demandé de publier. En rêve, monsieur le retraité, en rêve. On aurait bien aimé, pourtant, le recevoir, ce droit de réponse «tout-en-chiffres». Je n’aurais pas hésité, une seconde, à le publier, tout comme je n’ai pas hésité, lorsqu’un député s’est présenté pour publier un droit de réponse à votre «passage en chambre». Le Calame reste et restera, toujours incha Allahou, un lieu de débat et d’expression de toutes les idées. Il n’est pas dans nos habitudes de censurer, harceler, encore moins faire du chantage. Et si l’envie nous en prenait, nous prendrions grand soin de choisir nos cibles.
Un adage bien de chez nous dit, à juste titre, que l’hyène, pourtant un des animaux les plus niais dans l’imaginaire collectif mauritanien, a assez de discernement pour choisir l’arbre sur lequel il va frotter la partie de son corps que la décence m’empêche de nommer. Un peu de retenue, une bonne éducation, un milieu sain et une absence totale de complexes sont, le plus souvent, du meilleur effet et empêchent de tomber dans bien des travers. Mais évidemment, on ne peut pas tout avoir. Jouissez donc, sans trop faire de bruit, de votre retraite. Ce serait dommage qu’à défaut de plumes – on ne peut pas tout avoir, non plus – vous perdiez, à trop les exhiber, vos derniers poils et révéliez, bêtement, ce qui serait mieux, pour vous, de garder secret: Les inspections post-service de l’I.G.E., ça existe…

Ahmed Ould Cheikh

mercredi 6 octobre 2010

Au colon de la DSPCM: gare au surmenage!

Le site CRIDEM vient de nous informer que la Surveillance se démenait. Un grand S pour désigner la Direction de la Surveillance des Pêches et du Contrôle en Mer (DSPCM) que dirige l’inénarrable colonel Cheikh Ould Ahmed. Ce dernier s’est, en effet, fendu d’une «réponse», en forme de «non-réponse», à une série de trois articles publiés, dans nos colonnes – n° 746, 748 et 755 – par un parlementaire, au nom de l’Assemblée nationale que celui-ci estimait bafouée par un article dudit colonel sur le site de la DSPCM.

Certains s’inquiètent, en Mauritanie, de la qualité des processus de promotion dans l’armée. Le colonel Cheikh se sera, au moins, démené à leur donner raison. On est abasourdi, au Calame, de l’inanité de sa réaction, incapable d’opposer une argumentation ordonnée aux critiques, précises et chiffrées, portées à l’encontre de sa gestion. Inanité mais pas innocuité, puisque le sieur galonné s’est permis d’associer «Le Calame» – qui ne fait qu’accomplir son devoir d’information et d’organisation de débat – à ses insinuations reptiles envers l’honnêteté du parlementaire accusateur. Erreur, mon colonel. Vous parliez de ne plus laisser suffisamment de «plumes» à votre contradicteur au point qu’«il lui en restera, à peine, de quoi confectionner une moustache». Nous avons, nous, au Calame, suffisamment de plumes, trempées au vitriol, si besoin est, pour vous passer jusqu’à l’idée de nous attaquer aussi bassement.

Pour monsieur le délégué, l’analyse du député, sinon complète, du moins fort documentée de la situation, serait «cris de sevrage d’un bébé quinquagénaire», «privé d’un argent facile», suite à la «neutralisation de la corruption au sein de la DSPCM»… Cris «amplifiés par un petit comité composite de rédaction: journalistes, élus et anciens avocats, tonton macout [sic!], comptable renvoyé, etc.» Sinon à supputer un problème très personnel de sevrage – qui veut noyer son chien l’accuse de sa propre rage – on saisit mal le cheminement de pensée du pauvre colonel dont la hiérarchie devrait sérieusement étudier l’anticipation de la retraite – le gagatisme a, hélas, ses contraintes. On sait de quoi le malheureux souffre, depuis sa naissance. On espérait, cependant, qu’il garderait, au moins, assez de raisonnement pour répondre à peu près intelligemment à une critique ordonnée de ses velléités de protection de la ressource halieutique.

Sa défense aura tenu en quelques lignes: «Nul ne peut nier que des objectifs importants ont été atteints […]: restauration de l’autorité de l’Etat dans le secteur des pêches […], «presque» [sic!] protection de la zone interdite […], maîtrise de la migration illégale». Et cependant, «nul ne peut nier» que la richesse de notre littoral s’étiole, inexorablement. «Nul ne peut nier» la très grande baisse des captures de toutes les espèces, observée par tous les bateaux. «Nul ne peut nier» le très faible rendement, en particulier de la pêche de fond (poulpe et espèces valorisées). «Nul ne peut nier» la menace, exponentielle, sur la pérennité de l’activité de pêche, aussi bien artisanale qu’industrielle. «Nul ne peut nier» la faiblesse des exportations (1.000 tonnes par mois de poisson de fond, vers l’Union Européenne)…

Qui donc niera, à présent, la débilité de l’action du colonel Cheikh Ould Ahmed, à la tête de la DSPCM? Et nous ne parlons pas, pour l’instant, de ses probables manquements éthiques… En votre qualité militaire, vous savez, peut-être, ce que c’est, monsieur l’apprenti-pamphlétaire: il faut toujours se réserver, dans le combat, quelques grenades offensives… Mais vous vous démeniez, disiez-vous? Gare, à présent, au surmenage…

Les plumes du Calame

mercredi 29 septembre 2010

Editorial : Dangereuses impatiences

«C'est parce que nous ne sommes plus une grande puissance qu'il nous faut une grande politique, parce que, si nous n'avons pas une grande politique, comme nous ne sommes plus une grande puissance, nous ne serons plus rien.» Cet aphorisme, lourd de sens, du général de Gaulle, sonne, à présent, comme une prémonition. Quand on voit comment le pays de la Révolution de 1789 est dirigé, comment ses politiques, intérieure et extérieure, sont menées, le soutien sans réserve qu’il apporte aux putschs et aux apprentis-dictateurs, la façon avec laquelle il traite les immigrés, dans l’Hexagone, et les demandeurs de visas, dans ses consulats, les débats passionnés que suscite, au sein de sa classe politique, un morceau de tissu sur la tête d’une femme, on se dit que quelque chose ne tourne plus rond dans les territoires de France et de Navarre. Beaucoup d’excitations à la petite semaine…
Sarko et Kouchner ont en commun des ascendances juives. Si cela ne suffit, hélas pas, à pondre une grande politique, cela ravit, en tout cas, les Sionistes qui apprécient, beaucoup, leur «laïcité orientée». A contrario, celle-ci leur vaut de solides inimitiés, particulièrement au Sahara, où l’AQMI, prompte à surfer sur n’importe quelle vague anti-occidentale, n’a pas tardé à enfourcher le cheval de la lutte contre un pays qui interdit le voile intégral et frémit devant barbes et hijabs. Les citoyens français sont devenus, du coup, une denrée très appréciée par les supputés djihadistes, pour punir, d’une part, ce pays qui prête main-forte à d’autres, dans des expéditions punitives contre ses combattants et obtenir, d’autre part, butins de guerre et libération de leurs amis emprisonnés par des pays satellites. Après Pierre Camatte, que la France a réussi à libérer, au prix de laborieuses tractations, Michel Germaneau, qu’on n’a pas pu sauver, c’est au tour de sept employés d’AREVA (dont cinq français) de goûter au charme de l’hospitalité aqmieuse. Sarko, qui se débat dans d’énormes difficultés, sur le front intérieur, ne sait plus où donner de la tête. Le «va-t-en-guerre», prêt à écraser tout sur son passage, s’est fait, subitement, tout doux. Son ministre de la Défense s’est dit prêt à négocier avec l’AQMI dont ils attendent les revendications.
Cela influera-t-il sur la stratégie mauritanienne d’attaques, tous azimuts, contre les bases et les colonnes de l’organisation nébulo-islamisante, au risque de compromettre les négociations pour la libération des otages français? La Mauritanie semble décidée, pourtant, à aller jusqu’au bout de son combat. Après les attaques de la semaine dernière, dont le bilan en pertes humaines et matérielles est entouré de la plus grande opacité, il ne se passe pas un jour sans qu’on parle d’une attaque ou d’un bombardement. Le pays est passé, subitement, d’une situation de paix à un état de guerre qui ne dit pas son nom. Avec toutes les conséquences que cela implique. On ne dit plus investissements, financements, bailleurs de fonds, projets de développement mais équipements militaires, RPG, Land Cruiser, munitions.
Cependant, voyez-vous, Français et Mauritaniens ont, en commun, un même penchant pour les paradoxes. Un exemple tout bête: nos militaires n’aiment pas la guerre. Ils n’ont intégré l’armée que pour avoir la paix. Et n’apprécient que très modérément qu’on trouble leur quiétude, surtout quand ils ne se sentent pas trop concernés… Alors, jusque à quand, mon général, abuserez-vous de leur patience?
Ahmed Ould Cheikh

jeudi 23 septembre 2010

Editorial : Introuvable moindre mal ?

«La meilleure défense, c’est l’attaque», dit-on en football. Ould Abdel Aziz a-t-il fait sienne cette célèbre maxime, chère à certains entraineurs pour qui le tout défensif ne peut pas garantir la victoire et, pire, laisse l’avantage à l’adversaire? En s’attaquant aux combattants d’AQMI dans leur fief, le président a voulu faire d’une pierre plusieurs coups: montrer à ces «fous d’Allah» que la Mauritanie ne se laissera plus faire, qu’elle va anticiper leurs coups, qu’elle a les moyens de les poursuivre là où ils se trouvent et que, désormais, la guerre est ouverte. Avec tous les risques que cela comporte, pour le pays, placé sous les feux de la rampe et sur la liste noire des zones où il ne fait pas bon s’aventurer. Mauvais zrig, pour le tourisme, et surtout pour l’investissement. Mais notre président n’est pas du genre à s’embarrasser de ce genre de détails. Que personne ne vienne fouler notre sol national! Rien ne le départira de sa mission d’exterminer ceux qui osent attaquer notre pays, tuer nos soldats et se faire exploser devant nos casernes. Ce que le Mali ou le Niger ont peur de faire ou que l’Algérie a été incapable de réaliser, nos forces armées et de sécurité l’ont fait ou tentent de le faire.

C’est dans ce contexte – empreint de je ne sais quoi – qu’est intervenue la dernière attaque, déclarée préventive, comme la précédente, d’une unité de l’armée mauritanienne contre une «katiba» d’Al Qaida, non loin de la ville malienne de Tombouctou. Cela s’est passé le vendredi 17 septembre, en fin d’après-midi. Les combats, d’une rare violence, auraient duré toute la nuit et la matinée du lendemain. Bilan officiel: douze tués, dans les rangs d’AQMI, et six, côté mauritanien. Un bilan qui serait beaucoup plus lourd, selon une source sécuritaire algérienne qui, dès la matinée du samedi, évoquait au moins quinze morts parmi nos soldats. Mais d’où les Algériens tiennent-ils cette information? D’Al Qaïda elle-même que beaucoup affirment être largement infiltrée par la sécurité militaire algérienne? On n’a pas oublié l’affaire «Abderrazak El Para», toujours porté «inconnu» des services pénitentiaires de notre puissant voisin… Mais dans quel intérêt celui-ci gonfle-t-il nos pertes? Pourquoi ne nous prête-t-il jamais main forte, alors que l’ennemi est déclaré «commun», préférant cloîtrer ses troupes, à l’intérieur de frontières qui ne devraient pas les protéger, pour autant, des foudroyantes attaques terroristes, si l’on en croit les théoriciens de la «Blitzkrieg»?

A contrario, dans quelle mesure cette stratégie de ligne Maginot pourrait-elle être efficace? Donner des coups, c’est s’exposer à en recevoir. Du coup, la stratégie mauritanienne de mouvement hors des limites du territoire national apparaît bien aventureuse et d’une témérité de mauvais aloi. Ne devrions-nous pas multiplier, plutôt, nos efforts pour assurer des contres décisifs, sitôt que l’ennemi franchit nos frontières et, donc, une meilleure surveillance de notre espace? Sentant le pays plus que jamais dans l’œil du cyclone, l’opinion est divisée. Le sentiment d’insécurité gagne du terrain. Combiné aux incertitudes économiques quotidiennes, il entretient de dangereuses fissures dans la confiance envers le pouvoir en place et, surtout, dans notre hypothétique unité nationale. «De deux maux, il faut choisir le moindre», dit-on communément. Mais, en cette complexe occurrence, quelqu’un détermine-t-il, vraiment, celui-ci? Le cas échéant, selon quelles perspectives?

Ahmed Ould Cheikh

mardi 14 septembre 2010

Editorial : Pauvres de nous!

Comme nous l’annoncions dans notre édition du 24 août, Le Calame a pris ses deux semaines de vacances. En attendant qu’un hypothétique dialogue s’instaure ou que la majorité et l’opposition arrêtent de se chamailler pour des broutilles. Peine perdue, apparemment. Le dialogue, c’est désormais l’Arlésienne. On en parle mais on ne le voit jamais. La faute à qui? A l’opposition qui ne cesse de le réclamer ou au pouvoir pour qui les Accords de Dakar appartiennent au passé? Et que même Said Djinnit, le représentant de l’ONU en Afrique de l’Ouest, qui avait assisté aux difficiles négociations dans la capitale sénégalaise, n’a pas fait fléchir d’un pouce.

Il faut dire qu’Ould Abdel Aziz a d’autres chats à fouetter que de discuter avec une opposition qui refuse de voir les «progrès immenses réalisés, par notre pays, sur la voie du développement». Il veille sur tout et contrôle tout, y compris la moindre dépense et le plus petit marché public. Et ne manque pas une occasion de rappeler, à ses ministres, qu’ils sont, tous, sur un siège éjectable, à tout moment. Ce n’est, pourtant pas, forcément la meilleure manière de penser à l’avenir et de travailler à tête reposée, avec suspendue, au dessus de celle-ci, une telle épée de Damoclès...

Mais bon. Les Mauritaniens ont leur président «Superman», ils peuvent, désormais, dormir tranquilles. Les voleurs de deniers publics savent, à présent, à quoi s’en tenir. Et AQMI doit bien compter ses volailles, avant d’en éparpiller les plumes. Les barbus peuvent toujours courir, envoyer un ou deux commandos prétendre massacrer nos militaires, expédier quelques kamikazes à Nouakchott ou Néma. Leur poulailler se dépeuple. D’autant plus que nos vaillantes-forces-armées-et-de-sécurité veillent au grain et qu’Ould Abdel Aziz l’a dit et répété : «Nous ne libérerons pas les terroristes sous la contrainte». Mais sous la pression «amicale» de nos amis espagnols ou lorsque le «guide éclairé», dans son infinie bonté, décidera d’en gracier à la pelle. Histoire de regarnir le poulailler?

Le gouvernement, lui, n’est pas en reste. Il s’agite sur plusieurs fronts. Il peut se prévaloir d’avoir planté quelques arbres, après en avoir arraché d’autres; d’agrandir deux ou trois avenues, pour les transformer en piscines, à la moindre goutte de pluie; de délivrer un agrément, pour une société de distribution d’hydrocarbures, et un autre, pour une compagnie d’assurances. Mais ne demandez surtout pas à qui. En Mauritanie nouvelle, il n’y a ni népotisme ni favoritisme. Juste un petit coup de main à des proches dans le besoin. Et comme l’écrasante majorité des Mauritaniens est dans cette situation, vaut mieux n’en avoir pas trop, des proches. Faut trier, et, tout ça, sous l’œil attentif du président des pauvres… Particulièrement au lendemain d’un éprouvant Ramadan… Ah, pauvres de nous!

Ahmed Ould Cheikh

mercredi 25 août 2010

Editorial : Cohésion

Parmi les nombreux paramètres susceptibles d’assurer l’efficacité de la lutte contre Al Qaïda Maghreb, la cohésion entre les Etats régionaux concernés n’est pas le moindre. En soutenant que le président malien avait été informé, à temps, du raid anti-AQMI du 22 juillet, le président mauritanien rappelait-il cette évidence ou cherchait-il à lui nuire, lors de son dernier entretien avec « Jeune Afrique » ? Notre confrère malien Adam Thiam, dans son éditorial du 17 août, in « Le Républicain », opte pour la seconde hypothèse. Est-ce bien raisonnable ?

C’est, en tout cas, renforcer la thèse qu’un des maillons faibles – sinon, «le» maillon faible – de la lutte anti-terroriste se situe dans l’ambiguïté des relations mauritano-maliennes. Ce faisant, on conforte la position d’AQMI au Nord-Mali, qui joue, non seulement, sur la carte de la « paix ethnique » malienne mais, aussi, sur celle de la diversité des priorités entre les Etats de la région, notamment le Mali et la Mauritanie.

Ainsi que le soulignait Ian Mansour de Grange, dans notre édition du 04/08/2010 (« Réflexions saharo-musulmanes ») l’implantation d’AQMI au Sahara repose sur, au moins, un demi-siècle de « cécité politique », notamment dans le règlement de « l’affaire touareg ». On ne peut pas dire qu’avant ATT, le Mali se soit distingué par une approche constructive d’un sujet qui, il est vrai, nécessitait et nécessite, toujours, une concertation intelligente et compréhensive entre, au moins, cinq Etats de la région (Algérie, Burkina Faso, Libye, Mali, Niger). Mais ne polémiquons pas. Disons, simplement, que la politique d’ATT nécessite une patience dont profite, conjoncturellement, AQMI.

Les liens qui se sont tissés, entre la cellule saharienne de celle-ci et les résistances touaregs, au Nord-Mali, rendent une opération militaire malienne politiquement périlleuse. Les Mauritaniens peuvent le comprendre mais ne peuvent pas, pour autant, accepter que de nombreux crimes commis sur son territoire depuis quelques années – près d’une quarantaine d’assassinats de militaires mauritaniens ou de civils étrangers, diverses attaques à main armée, des prises d’otages, avec de graves répercussions sur son économie touristique – restent impunis. Il fallait envoyer un message, fort, à l’AQMI. Tout bien considérer, la Mauritanie a fait ce que le Mali ne pouvait, actuellement, pas faire.

On peut ergoter, longtemps, sur l’opportunité choisie, son efficacité et le rôle de la France. Il n’est pas interdit de le faire intelligemment, au service d’une paix sociale pas si simple à établir, sinon à préserver. On notera ici, en passant, qu’on voit mal la France s’être engagée dans une action militaire au Mali sans qu’au moins ATT en fût averti… Mais, bref, une chose est certaine: le Nord-Mali, c’est au Mali. Imaginons que la situation fût inverse, que la cellule d’AQMI s’installât au Nord de la Mauritanie et accomplît un certain nombre de crimes au Mali. Comment réagiriez-vous, cher confrère, à une intervention de votre pays, si le nôtre éprouvait quelque difficulté sociopolitique à extirper le foyer infectieux? Accordons donc, un tant soit peu, nos violons et critiques: c’est la moindre de nos contributions journaleuses à un effort de cohésion qui nous interpelle tous, Maghrébins, Sahariens et Sahéliens.

Ahmed Ould Cheikh

mercredi 18 août 2010

Editorial : A désespérer de ce pays?

Entre le pouvoir et l’opposition, rien ne va plus, à nouveau. Après quelques semaines d’accalmie, ponctuées d’audiences, accordées, par le président, à certains de ses leaders, et de déclarations de bonne intention, de part et d’autre, la dernière conférence de presse d’Ould Abdel Aziz, à l’occasion du premier anniversaire de son investiture, a remis le feu aux poudres. Il faut dire que le président n’y est pas allé de main morte. Ce qui laisse à penser que notre «guide éclairé» est soit mal conseillé soit, pire, pas conseillé du tout. Une bonne préparation, pour une sortie comme celle-là, et un peu de retenue auraient pu l’empêcher de tomber dans des travers qui, au lieu de le servir, jettent, inutilement, de l’huile sur un feu que tout le monde a intérêt à éteindre. On ne peut pas être le garant de la Constitution et dire que deux lois de la République – celle sur la transparence financière et celle des Finances – peuvent être foulées au pied, sans autre forme de procès. Il ne s’agit pas d’être puriste ou opposant, pour s’offusquer d’un tel écart de langage. Dans un Etat qui se veut de droit, la démocratie, c’est, d’abord et avant tout, des formes à respecter.

Extraits choisis des propos, il y a deux semaines, sur les ondes de la radio et de la TVM, du président Ould Abdel Aziz. «Les accords de Dakar appartiennent au passé […] La déclaration de patrimoine n’est pas importante […] Les 50 millions de dollars de l’Arabie Saoudite ont servi à équiper l’Armée [en dehors de tout contrôle budgétaire, précisons «l’info» présidentielle]; Le pouvoir et l’opposition n’ont rien à se dire», [la crise politique n’étant, selon lui, que des] «chimères, dans les esprits de certains». Il n’en fallait pas plus pour faire sortir l’opposition des ses gonds. Dans une déclaration distribuée le jeudi dernier (12 août) lors d’une conférence de presse, la COD a condamné, en vrac: «la désinvolture cavalière avec laquelle le chef de l’Etat, Mohamed Ould Abdel Aziz, a insinué qu’une simple révision de la Constitution est de nature à résoudre tous les problèmes posés au pays; […] son grand mépris du peuple mauritanien et de la Communauté internationale, lorsqu’il déclare qu’il n’est plus lié par les Accords de Dakar»; les violations, répétées, de la Constitution» et exigé «la constitution d’une commission indépendante, pour vérifier les dépenses de la Présidenceen particulier le BASEP – et celles du Premier ministère». Même le RFD, dont le président, chef de file de l’opposition, commençait à mettre de l’eau dans son zrig, en qualifiant, pour la première fois, Ould Abdel Aziz de «président de la République», semble avoir fait machine arrière, en ne se démarquant pas de cette déclaration de la COD.

Résultat de ces deux sorties: retour à la case départ, avec une crise qui couve, deux camps qui s’observent et une perte de confiance mutuelle. Dakar n’étant plus à l’ordre du jour, du moins selon l’une des parties, faut-il à présent aller à Bamako, Rabat ou ailleurs pour trouver un nouveau terrain d’entente?

Il y a des jours où c’est à désespérer de ce pays…

Ahmed Ould Cheikh

mardi 10 août 2010

Editorial : Chassez le naturel…

Le président Ould Abdel Aziz a parlé, pendant près de trois heures d’horloge, en direct à la radio et à la TVM. C’était le mercredi 4 août, à l’occasion du premier anniversaire de son accession à la magistrature suprême par la voie des urnes. A un jour près. Et le deuxième, par la voie des armes. A deux jours près. Pour ceux qui ont tendance à l’oublier un peu vite. Quelques heures avant le début du show, présenté par le chargé de la Communication au bureau exécutif du parti du… président – pour ceux qui l’ignorent – la télévision a mis les petits plats dans les grands. Avec, à la clé, un résultat catastrophique. Inaccessible par satellite, elle n’est pas parvenue à régler, même pour une soirée de cette importance, un récurent problème de son qui l’a empêché d’être audible, pendant plusieurs minutes et à plusieurs reprises. Sans parler des intervenants dont certains criaient, à gorge déployée, pour se faire entendre. Et dont une a été coupée net, lorsqu’elle a prononcé le mot «soldat». Armée tabou dont il ne faut, jamais, parler et à laquelle il faut donner tous les moyens. Tous.

Mais qu’a dit Ould Abdel Aziz, lors de ce qui s’apparente plus à un show médiatique, destiné à frapper les esprits, qu’à une simple conférence de presse? Pour lui, la déclaration de patrimoine, à laquelle, pourtant, tous les hauts responsables sont assignés, «n’est pas importante». Ce qui veut dire qu’on peut venir au pouvoir les mains vides et en sortir les poches pleines. L’inverse étant une hypothèse d’école, difficilement envisageable. Les 50 millions de dollars de l’Arabie Saoudite? Ils ont servi à équiper notre Armée, sous-équipée, sous-entraînée et, donc, incapable de faire face aux dangers qui guettent la Mauritanie. Ce qui, dans un pays comme le nôtre, peut bien justifier quelques entorses aux procédures et la conclusion de marchés douteux. Quitte à froisser un partenaire aussi important que la Saoudie qui a bloqué, à toute fins utiles, les 20 millions de dollars qu’elle destinait à la reconstruction de Tintane, pour éviter qu’ils ne finissent en munitions, mobilières ou immobilières.

Les Accords de Dakar? Finis, enterrés, dépassés. Il les avait, pourtant, signés sous l’égide de la communauté internationale. Et sans eux, la Mauritanie serait, probablement, encore en crise institutionnelle. Mais ça, notre «guide éclairé» n’en a cure. Notre seule et unique référence, c’est désormais, selon lui, la Constitution. Celle qui prévalait encore, un certain 6 août 2008 à 7 heures du matin, ou l’actuelle qu’on doit respecter, les deux n’en faisant plus une et vice-versa? Le dialogue? Quel dialogue? L’opposition doit s’opposer et la majorité gouverner. Point à la ligne. Une autre question?

Résultat de la soirée: un bilan de deux ans, sans chiffres, si l’on excepte les 50 millions de dollars, transformés, plus ou moins, en armes, et les sept morts d’AQMI tués par les Français; plus un retour en arrière, quant à la décrispation de la scène politique. Alors qu’on pensait qu’après l’audience accordée à Ould Daddah, un pas, important, avait été franchi, sur la voie du dialogue, voilà que le président lui-même nous assène que Dakar, c’est fini. Apportant ainsi de l’eau au moulin de ceux des opposants qui sont persuadés que les appels au dialogue du pouvoir ne sont que de la poudre aux yeux. Et qu’en tentant de chasser le naturel, il reviendra, inéluctablement, au galop.

Ahmed Ould Cheikh

mardi 3 août 2010

Editorial : Sept fois dans sa bouche…

Le président du RFD et leader de l’opposition démocratique, Ahmed Ould Daddah, a été reçu, cette semaine, par le président de la République Ould Abdel Aziz. Un geste fort, quand on sait que les deux hommes, qui étaient d’accord sur la nécessité de bouter Sidi Ould Cheikh Abdallahi hors du pouvoir, avaient fait un bout de chemin ensemble, avant de divorcer avec fracas. Et ce, bien avant la présidentielle de 2009. En fait, sitôt qu’Ould Daddah se fut persuadé que les militaires n’avaient pas l’intention de quitter le pouvoir et qu’ils l’avaient berné, une seconde fois. La déchirure atteindra son paroxysme, après l’annonce des résultats de l’élection présidentielle qui, pour le leader du RFD, ne reflètent, en rien, le rapport de forces dans le pays. Ould Daddah refusera, dès lors, de reconnaître l’élection d’Ould Abdel Aziz et s’engagera, avec les autres partis de l’opposition, dans une logique de confrontation avec le pouvoir. Du moment, disaient-ils, que le chef de l’Etat refuse le dialogue prôné par les Accords de Dakar. Ce à quoi Ould Abdel Aziz rétorquait, par soutiens interposés, qu’il faut, d’abord, le reconnaître comme président, pour prétendre dialoguer avec lui. Une logique imparable. Encore que les fameux Accords ne pouvaient préciser, évidemment, s’il s’agissait de dialoguer entre un chef de l’Etat et ses adversaires ou entre un président de la République et ses opposants… Quoiqu’il en soit, et comme pour distiller le doute dans l’esprit de ceux-ci, Ould Abdel Aziz multiplie les gestes de bonne volonté. Il reçoit Ould El Waghf, à deux reprises, puis Boydiel, une fois, et leur exprime toute sa disponibilité à ouvrir un dialogue, sans conditions, avec toute l’opposition. Classé parmi les «durs», au même titre que Messaoud et Ould Maouloud, Ould Daddah, qui s’est, subitement, rappelé que le fait de ne pas avoir reconnu l’élection d’Ould Taya n’avait pas empêché celui-ci de rester treize ans au pouvoir, commence à revoir sa copie, à 68 ans, soit sept ans avant la limite d’âge de tout présidentiable mauritanien. Il se fait recevoir par Ould Abdel Aziz, de 14 ans son cadet – au moins deux, sinon trois, quinquennats, moyennant quelque aménagement constitutionnel – au milieu d’une réunion du bureau exécutif de son parti dont le communiqué final évoque, au détour d’une phrase, «Mohamed Ould Abdel Aziz, président de la République». Le ton est donné et ce n’est plus le même. Ould Daddah, qui considère n’avoir aucune leçon à recevoir de l’opposition, dont des leaders ont déjà été reçus, les uns par Ould Abdel Aziz, d’autres par Ould Taya et d’autres encore, qui l’ont lâché au moment où il avait le plus besoin d’eux, fait sienne la realpolitik. Une position qui peut s’avérer payante, à court terme. Des cadres de son parti se verront, probablement, proposer des postes de responsabilité et l’institution de l’opposition sera, certainement, réhabilitée. Mais le revers de la médaille? Les deux hommes, qui se connaissent trop bien pour ne plus se faire confiance, ne chemineront pas longtemps ensemble. Tout le monde a encore en mémoire les sorties, fracassantes, d’Ould Abdel Aziz qui répétait, au cours de ses meetings et conférences de presse, qu’«Ould Daddah, qui ne pense qu’à accéder au pouvoir, l’a supplié de faire un coup d’Etat contre Sidi». Le président du RFD considère, pour sa part, qu’il a été trahi par Ould Abdel Aziz qui lui a «octroyé» un score humiliant, lors de la dernière présidentielle. Que faut-il en déduire? Qu’Ould Abdel Aziz détient, à présent, toutes les cartes et veut affaiblir l’opposition, en la divisant? Qu’il va utiliser Ould Daddah, pour démontrer aux partenaires étrangers qu’il est disposé au dialogue? Qu’Ould Daddah va se faire avoir, à nouveau? Qu’on va, désormais, avoir une opposition modérée et une autre plus dure, à l’égard du régime?

Le vieil adage ne croyait certainement pas si bien dire en décrétant qu’il faut tourner sept fois sa langue dans sa bouche, avant de parler. Et je ne parle pas de l’autre, pour qui le silence est d’or…

Ahmed Ould Cheikh