mardi 10 août 2010

Editorial : Chassez le naturel…

Le président Ould Abdel Aziz a parlé, pendant près de trois heures d’horloge, en direct à la radio et à la TVM. C’était le mercredi 4 août, à l’occasion du premier anniversaire de son accession à la magistrature suprême par la voie des urnes. A un jour près. Et le deuxième, par la voie des armes. A deux jours près. Pour ceux qui ont tendance à l’oublier un peu vite. Quelques heures avant le début du show, présenté par le chargé de la Communication au bureau exécutif du parti du… président – pour ceux qui l’ignorent – la télévision a mis les petits plats dans les grands. Avec, à la clé, un résultat catastrophique. Inaccessible par satellite, elle n’est pas parvenue à régler, même pour une soirée de cette importance, un récurent problème de son qui l’a empêché d’être audible, pendant plusieurs minutes et à plusieurs reprises. Sans parler des intervenants dont certains criaient, à gorge déployée, pour se faire entendre. Et dont une a été coupée net, lorsqu’elle a prononcé le mot «soldat». Armée tabou dont il ne faut, jamais, parler et à laquelle il faut donner tous les moyens. Tous.

Mais qu’a dit Ould Abdel Aziz, lors de ce qui s’apparente plus à un show médiatique, destiné à frapper les esprits, qu’à une simple conférence de presse? Pour lui, la déclaration de patrimoine, à laquelle, pourtant, tous les hauts responsables sont assignés, «n’est pas importante». Ce qui veut dire qu’on peut venir au pouvoir les mains vides et en sortir les poches pleines. L’inverse étant une hypothèse d’école, difficilement envisageable. Les 50 millions de dollars de l’Arabie Saoudite? Ils ont servi à équiper notre Armée, sous-équipée, sous-entraînée et, donc, incapable de faire face aux dangers qui guettent la Mauritanie. Ce qui, dans un pays comme le nôtre, peut bien justifier quelques entorses aux procédures et la conclusion de marchés douteux. Quitte à froisser un partenaire aussi important que la Saoudie qui a bloqué, à toute fins utiles, les 20 millions de dollars qu’elle destinait à la reconstruction de Tintane, pour éviter qu’ils ne finissent en munitions, mobilières ou immobilières.

Les Accords de Dakar? Finis, enterrés, dépassés. Il les avait, pourtant, signés sous l’égide de la communauté internationale. Et sans eux, la Mauritanie serait, probablement, encore en crise institutionnelle. Mais ça, notre «guide éclairé» n’en a cure. Notre seule et unique référence, c’est désormais, selon lui, la Constitution. Celle qui prévalait encore, un certain 6 août 2008 à 7 heures du matin, ou l’actuelle qu’on doit respecter, les deux n’en faisant plus une et vice-versa? Le dialogue? Quel dialogue? L’opposition doit s’opposer et la majorité gouverner. Point à la ligne. Une autre question?

Résultat de la soirée: un bilan de deux ans, sans chiffres, si l’on excepte les 50 millions de dollars, transformés, plus ou moins, en armes, et les sept morts d’AQMI tués par les Français; plus un retour en arrière, quant à la décrispation de la scène politique. Alors qu’on pensait qu’après l’audience accordée à Ould Daddah, un pas, important, avait été franchi, sur la voie du dialogue, voilà que le président lui-même nous assène que Dakar, c’est fini. Apportant ainsi de l’eau au moulin de ceux des opposants qui sont persuadés que les appels au dialogue du pouvoir ne sont que de la poudre aux yeux. Et qu’en tentant de chasser le naturel, il reviendra, inéluctablement, au galop.

Ahmed Ould Cheikh

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