dimanche 28 février 2021

Editorial: Qui secouera le cocotier?

 « Où va la Mauritanie ? » : l’essai publié il y a quelques années par Isselmou ould Abdelkader mérite plus que jamais son titre. Une question à laquelle avait répondu feu Habib en son temps : là où va son Président. C’était au plus fort des « visitations » de Maaouya à l’intérieur du pays. Autres temps… Depuis, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts. Le pays s’est tapé onze ans d’une bourrasque sans nom auxquels a succédé une situation tout aussi… innommable. Malgré un vent favorable et tous les ingrédients d’une transition réussie, le pays n’arrive toujours pas à amorcer un virage qui le délesterait, non seulement, des pratiques qui lui ont fait tant de mal mais, aussi, de leurs auteurs. Dont certains s’accrochent encore désespérément à un train qui cheminait apparemment dans les sentiers battus. La faute à qui ? À un pouvoir qui refuse d’aller dans le sens des réformes que tout un peuple attend, qui cherche à ne froisser personne et freine des quatre fers pour ne pas aller au bout d’une procédure enclenchée depuis plus d’une année contre une poignée de prévaricateurs ?  À une opposition, dont les leaders reçus désormais en grande pompe au palais présidentiel n’aspirent qu’à cette reconnaissance, après avoir été tant frappés d’ostracisme ?À une société civile si peu organisée et sans aucune influence, contrairement à ce qui se passe ailleurs ? Quelque chose cloche, en tout cas. Au lendemain du 1erAaoût 2019, on pensait qu’on était à un tournant et qu’on en avait fini avec une décennie de malheurs. Mais, un an et demi plus tard, on a tous l’impression de patiner surplace. Secouer le cocotier, on n’en demande pas plus. Qui ? That is the question.

                                                                           Ahmed ould Cheikh

samedi 20 février 2021

Editorial: Quatrième round?

 La surprenante augmentation des prix des produits de première nécessité et sa persistance, en dépit des mesures prises par le gouvernement, posent des questions. Parmi les diverses hypothèses avancées pour expliquer cette situation, en voici une qui ne manque pas de fond. Des mois durant, Ould Abdel Aziz a multiplié – et perdu… – les stratégies pour conserver le pouvoir ; directement (3ème mandat…) ou indirectement : pression militaire  (mainmise sur le BASEP) puis politique (OPA sur l’UPR). Trois lourdes défaites qui ont permis au dossier de la corruption de prendre de l’ampleur, amplifiant chaque jour la probabilité d’un procès retentissant. De l’ex-Président, bien sûr, incontestable magouilleur en chef, mais aussi des trois cents hauts responsables variablement impliqués dans ses combines… et les leurs personnelles en prime.

Cela fait du monde. Et beaucoup, beaucoup de gros sous recyclés en divers domaines. Notamment l’import-export… Au final, c’est tout un système, où les allers-retours d’ascenseur et dessous-dessus de table auront noirci nombre de bonnets blancs et autant de blancs bonnets, qui se voit ainsi mouillé. Pour ne pas dire trempé jusqu’aux os. Holà donc, Ghazwani et consorts, goûtez donc de notre pouvoir à nous, les tenants du capital et des gros camions qui n’ont cure du moindre code de la route !Ce ne serait pas la première fois – voyez donc la fameuse Révolution française de 1789 et autres bulles financières des temps modernes… – que l’affamement des gens servirait ceux-là même qui l’orchestrent. Quatrième round, donc, entre les « en haut-en haut » des secteurs public et privé ? Avec le peuple aux abois en seul arbitre ? On attendrait la justice : elle paraît bel et bien dans ses petits souliers…Mais, en tous les cas de cette sombre hypothèse où tous les coups sont permis, l’issue du combat paraît imminente. Incha Allah…

                                                  Ahmed ould Cheikh

dimanche 14 février 2021

Editorial: D’Hippocrate à hypocrite ?

 L’insistance avec laquelle la mairie de Nouadhibou, épaulée par certains médecins et le lobby du ministère de la Santé, a demandé – et obtenu – la fermeture de l’hôpital dit « cubain » de Nouadhibou a laissé plus d’un observateur perplexe. Menant une campagne acharnée contre cette structure hospitalière publique, la seule qui propose des soins de qualité, un accompagnement du malade et un peu d’humanisme (sans recevoir un sou du contribuable), ces intérêts ligués ont fini par avoir gain de cause. Malgré les protestations véhémentes des populations locales qui, unanimes, ont reconnu qu’elles pouvaient se faire soigner, enfin et pour la première fois, par des médecins investis à 100% dans leur mission, interdits d’exercer dans le privé, disponibles 24 h sur 24 et sans autres objectifs que les missions pour lesquelles ils ont été choisis. Comparez cette situation avec n’importe quel hôpital national : c’est carrément le jour et la nuit. Dans quel hôpital un médecin travaille-t-il plus d’un ou deux jours par semaine ? Dans quel hôpital un spécialiste peut-il être dérangé à n’importe quelle heure du jour ou de  la nuit pour une intervention d’urgence ? Dans quel hôpital les infirmiers de garde veillent-ils sur les malades toute la nuit sans fermer l’œil comme le font les cubains ? Quel médecin public n’a pas son cabinet privé où il passe plus de temps qu’en son lieu de travail ? Certes nos patriciens sont sous-payés. Mais ils ont choisi ce métier ingrat et ont prêté le serment d’Hippocrate. « Je donnerai mes soins à l’indigent… », promet ainsi tout docteur, à la remise de son diplôme, jurant « d’être fidèle aux lois de l’honneur et de la probité » ; sans jamais « me laisser influencer par la soif du gain ». Hippocrate, compte donc les hypocrites… 

                                                        Ahmed Ould Cheikh

vendredi 5 février 2021

Editorial: Amnésie

 Les écoutes téléphoniques qui ont fuité ces dernières semaines n’en finissent pas de faire des vagues. Un réseau de policiers qui approvisionnait l’ex-président Ould Abdel Aziz en écoutes – illégales, soit dit en passant, puisque non ordonnées par un juge dans le cadre d’une procédure judiciaire – aurait été démantelé. Une reconnaissance implicite que ces pratiques ont toujours cours sous nos latitudes. Malgré leur gravité – ne risquent-elles pas de discréditer le travail de la commission parlementaire ? – elles sont en train de passer par pertes et profits. Ailleurs, de telles fuites allaient donner lieu à enquête, poursuites judiciaires, cascade de démissions. Et levée de boucliers de l’opposition en prime. Ici, aucun parti ne les a fermement condamnées. Tous ont y ont vu la main d’Ould Abdel Aziz. Certes l’homme est connu adepte de ce genre de pratiques qui fleurirent tant sous son magistère mais les vocaux n’ont pas été réalisés par ses soins et ne lui sont pas tombés du ciel. Pourtant primordial, cet aspect semble échapper à notre opposition qui fait preuve, du coup, d’une amnésie troublante. Comment expliquer qu’elle ait subitement cessé de dénoncer le maintien du Bataillon de la sécurité présidentielle, le fameux BASEP, cette garde prétorienne dont elle a toujours demandé la dissolution ? Ayant à son actif deux coups d’État en 2005 et en 2008, aurait-il perdu toute capacité de nuisance depuis le départ d’Ould Abdel Aziz ? 

                                                                                                   Ahmed Ould Cheikh