dimanche 26 avril 2015

Editorial: Rides et crevasses

Après les deux Hodhs et le Tiris Zemmour, Ould Abdel Aziz a entamé, lundi, une nouvelle visite en Assaba et au Gorgol. Si la visite à Zouérate, une ville ouvrière plus ou moins détribalisée, a été surtout marquée par le conflit social à la SNIM, qui vient de connaitre son épilogue, après une grève de plus de deux mois, celles des Hodhs, de l’Assaba et, dans une moindre mesure, du Gorgol ont été (ou seront) placées sous le signe de la tribu. Cette entité abstraite, réputée antinomique avec la notion d’Etat, est en train de faire un retour en force. Pas plus tard que le week-end dernier à Kiffa, les media rapportaient un meeting de telle tribu, un défilé de telle autre, un rassemblement présidé par tel chef, sans que les autorités ne lèvent le petit doigt. Pire, les emplacements de chaque entité sont désormais connus, dans la longue procession de ceux qui auront l’honneur de toucher l’auguste main présidentielle. Et personne ne semble s’offusquer d’une situation qui risque d’avoir des conséquences désastreuses, si l’on n’y prend garde. Il est, en effet, prouvé que le communautarisme, qui connaît, lui aussi, une flambée sans précédent, et le tribalisme sont les mamelles de l’ethnicisme, du racisme et du rejet de l’autre. Au moment où tous les efforts devraient s’orienter vers la consolidation de l’Etat/Nation, loin de tous les particularismes, voilà que nos gouvernants encouragent, ou, du moins, ne combattent pas des archaïsmes qui ne devraient plus avoir cours au 21ème siècle. En ont-ils d’ailleurs l’intention ?
Depuis ses premiers discours où il était monté sur ses grands chevaux, pour dénoncer le tribalisme et la gabegie, notre guide éclairé a mis beaucoup d’eau dans son zrig. Les chefs de tribus sont, désormais, reçus à bras ouverts, au palais gris et les réunions de tribus, plus que tolérées. Ould Abdel Aziz cherchait des voix et qu’importe le flacon, pourvu qu’on ait l’ivresse. Le malheur, dans cette situation, est que la jeunesse, qui doit être à l’avant-garde du combat pour un pays égalitaire, est en train de se fondre dans le même moule de ceux qui l’ont précédée. Ceux qui, abreuvés à la culture du Parti du Peuple, des Structures d’éducation des masses, du PRDS, d’Adil et de l’UPR, freinent, des quatre fers, pour le maintien d’un statu quo leur garantissant des privilèges indus. « Les années rident la peau, la perte d’idéal ride l’âme », disait le général Mac Arthur. De quel idéal sont porteuses nos tribus ? Admettons que chacune en fut, naguère, porteuse d’un, spécifique. Qui s’en souvient ? Et, surtout, qui est prêt à en construire un plus grand, national, en respect et considération de tous ? C’est quand il ne reste plus que des intérêts que s’ouvrent les crevasses des conflits …
                                                                                      Ahmed Ould Cheikh

lundi 20 avril 2015

Editorial: La cuillère d'Aziz

Notre guide éclairé est parti, la semaine dernière, « se refaire une santé » en Saoudie. Pour les media officiels, jamais à court d’idées lorsqu’il s’agit de dire du bien de ceux qui nous dirigent, de vanter telle ou telle action ou de magnifier un acte, c’était l’occasion rêvée de gloser (glousser ?), à l’infini, sur un accueil que « personne n’a jamais reçu » ; qui « confirme, si besoin est, l’excellence des relations qui ont toujours lié ces deux pays-frères ». Pourtant quelques jours auparavant, les présidents Macky Sall, du Sénégal, et Béchir, du Soudan, ont eu droit à des accueils similaires, au détail près.
Celui qui avait à peine serré la main de notre Aziz national, lors des funérailles du roi Abdallah, l’accueille, à présent, avec un large sourire, au bas de la passerelle de l’avion qu’il a dépêché lui-même à Nouakchott, pour les besoins du voyage. Pourquoi ce royal empressement ? Serions-nous devenus si importants, sur l’échiquier politique arabe et africain, pour faire l’objet de tant de sollicitudes ? L’Arabie saoudite a-t-elle besoin de notre soutien et/ou de nos soldats, dans sa guerre contre les chiites au Yémen ? En échange de quoi les énormes promesses de financement ont été faites ? Ne nous leurrons pas. Les Etats, dit-on, n’ont pas d’amis, ils n’ont que des intérêts. Il faudra donc s’attendre, au cours des prochains jours, à des décisions de grande importance. La rupture des relations diplomatiques avec l’Iran, un pays que l’Arabie saoudite a toujours vu d’un (très) mauvais œil ? L’envoi de soldats mauritaniens au Yémen, une fois l’offensive terrestre lancée ?
Depuis que le parlement pakistanais a décidé de ne pas autoriser le déploiement de ses soldats, parce que les Lieux saints ne sont pas directement menacés et pour ne pas froisser l’Iran qui soutient les Houtistes au Yémen et lui assure la majeure, sinon la totalité, de son approvisionnement en gaz naturel, l’Arabie Saoudite multiplie les opérations de charme vis à vis de pays que l’odeur des pétrodollars pourrait allécher. Et, en l’occurrence, les difficultés budgétaires de l’année en cours ont probablement fort mis l’eau à la bouche de notre raïs… Suffisamment pour convenir, qu’en matière de chair à canon, la vie des soldats saoudiens est infiniment plus importante que celle des Nous-Z’autres, pauvres et sans ressources ? A moins qu’on ne se contente de cantonner nos troupes à la frontière avec le Yémen, pour éviter quelque intrusion houtiste. En bref, dîner avec le diable peut se révéler nécessaire, voire impératif. Mais quelle est la longueur de la cuillère d’Ould Abdel Aziz ? Les mamans de nos soldats s’interrogent…

                                                                                                          Ahmed Ould Cheikh

dimanche 12 avril 2015

Editorial : Gare au poison !



Deux semaines après la conférence de presse du Président, dont le moins qu’on puisse dire est qu’elle n’a rien apporté de nouveau, le dialogue peine toujours à se nouer, entre le pouvoir et l’opposition. En déclarant qu’on ne peut avoir les résultats du dialogue avant de dialoguer, allusion à peine voilée aux préalables posés par l’opposition, Ould Abdel Aziz a, en quelque sorte, planté le décor. On ne devrait, du coup, plus s’attendre à une avancée significative de ce côté-là. Le mince espoir qu’on fondait sur la décrispation – enfin ! – de la scène politique part ainsi à vau-l’eau. Et d’autant plus vite que la toute première rencontre, entre les deux camps, prévue jeudi dernier a été reportée, sur demande de la Majorité qui ne serait, dit-on, pas très satisfaite du niveau de représentation de l’opposition. Le prétexte de l’hyène, dit-on dans la mythologie populaire maure. L’hyène, ce sot animal qui a fait sienne la devise « Ne sois sûr que de ce qui est déjà dans ton ventre », devrait pourtant inspirer le pouvoir qui doit en avoir assez sur la panse, pour ne plus continuer à nous tourmenter avec un dialogue dont on ne voit que poudre aux yeux. Une façon d’occuper l’opposition et le petit peuple et les détourner de l’essentiel. Les fortunes qui s’accumulent en un clin d’œil, les marchés qu’on s’attribue illégalement, les hommes d’affaires qu’on fabrique ex nihilo, les agréments bancaires qu’on distribue, les terrains qu’on morcelle, les milliards qu’on ramasse, sans reçu ni quittance…
Six ans, par exemple, que l'Agence Nationale du Registre des Populations et des Titres Sécurisés (ANRPTS) n’a reçu la visite du moindre contrôleur ou vérificateur. Chaque année, elle génère, pourtant, des milliards : 30 et 100 000 UM pour un passeport, 1000 UM pour une carte d’identité, 200 UM pour un acte de naissance et 120 euros pour un visa d’entrée. Mais seul le paiement du passeport oblige à quittance du Trésor public. Le reste est encaissé directement. Avec un million de cartes d’identité délivrées, cela fait, quand même, un beau pactole : un milliard d’ouguiyas. Où est allé cet argent ? Où vont les devises récoltées, quotidiennement, aux entrées du territoire national ? Le Président nous a déclaré, lors de sa conférence de presse, que cette agence a bien été contrôlée en… 2009. Depuis, elle sévit donc en toute impunité et fait ses propres comptes qu’elle ne rend à personne. Sauf à… heu… je n’ai rien dit.
Autre exemple : à qui ont été attribués les abords méridionaux de l’école de police ? Apparemment, les heureux élus ne font qu’un, puisqu’on y construit, d’un trait, une même rangée de boutiques. A combien ce terrain, d’une valeur inestimable, lui a été cédé et dans quelles formes ? Ou, encore, pourquoi a-t-on morcelé le côté nord du Stade olympique ? Pourquoi n’y a-t-on pas construit une salle omnisports, des courts de tennis, des piscines municipales ? Dans un pays dépourvu du minimum d’infrastructures sportives, dépecer le seul stade dont il dispose, pour en faire des immeubles est un crime impardonnable et imprescriptible. La boulimie de ce pouvoir est sans limites.
Pourquoi – pour qui ? – c’est un même et seul groupe qui importe, depuis quelques années, plus de 90% des besoins du pays en denrées de première nécessité, alors qu’en 2005, on comptait cinquante-deux importateurs ? Quelqu’un peut-il nous dire qu’a-t-elle de plus que les autres, cette hydre à plusieurs têtes, mais, probablement, un seul cerveau ? Des liens de parenté opportuns ? Des facilités douanières ? Un accès aux devises à des conditions plus avantageuses ? Les travaux d’Ould Abdel Aziz ne sont, donc, manifestement pas ceux d’Hercule. On le comprend : la mort de l’Hydre de Lerne ne fut-elle pas, en définitive, fatale au héros ? Mais le poison ne finira-t-il pas, en définitive, par accomplir tout de même son œuvre ? Avec la gloire en moins, hélas, pour notre si pauvre président des pauvres…
                                                                                          Ahmed Ould Cheikh

dimanche 5 avril 2015

Editorial: Fadeurs de campagne

Jamais une conférence de presse n’a autant marqué les esprits que celle à laquelle s’est prêté, jeudi dernier, Ould Abdel Aziz. Non pas pour ce qui y a été annoncé, loin s’en faut. Mais pour un incident qui a failli la faire capoter, avant même qu’elle ne démarre. L’animateur de la conférence annonce que chaque journaliste posera une seule question. L’un d’eux, Ahmedou ould Wediaa, du site Essirage, lui rappelle alors qu’ils avaient convenu que chacun en poserait trois. Le Président intervient, s’énerve, tape sur la table, menace de renvoyer tout le monde et ordonne qu’on coupe le signal. Ce n’est que dix minutes après que la rencontre débutera mais le mal est fait. Ould Abdel Aziz donnera l’impression, dès les premières réponses, qu’il a perdu contenance. Pourquoi donc avoir programmé un tel rendez-vous en un tel moment ? Son conseiller en communication doit être, soit d’une nullité absolue, soit complètement largué, dans un domaine qui devrait, pourtant, le concerner au premier chef. Revenant d’un périple de dix jours, particulièrement harassant, aux Hodhs, le Président s’apprêtait à reprendre l’avion le lendemain, pour l’Egypte. Il n’y avait donc absolument pas urgence. A moins que… Notre guide éclairé allait-il nous annoncer qu’il acceptait les préalables de l’opposition pour le dialogue ? Qu’il avait ordonné de régler le problème de la SNIM ? Qu’il ne toucherait jamais à la Constitution ? Qu’il comptait apporter des réformes, substantielles, aux secteurs de l’éducation ou de la santé ?
Ben non. Rien de tout cela. Très loin de ses dernières sorties où il était apparu beaucoup plus décontracté, sans cependant véritablement convaincre, le Président est, cette fois, passé complètement à côté de la plaque. On n’improvise pas une conférence de presse, si l’on n’est pas doué d’un sens élevé de la communication et si l’on ne maîtrise pas parfaitement ses dossiers. Tout le contraire de notre rectificateur en chef qui s’est empêtré dans les chiffres, a balbutié ses réponses et est apparu très peu sûr de lui, se tournant, parfois, vers ses ministres pour se faire confirmer tel ou tel chiffre mais ne recevant, pour toute réponse, qu’un regard hagard. Depuis l’accroc qui avait marqué les prémisses de la conférence de presse, les ministres, transis d’effroi, étaient comme pétrifiés. Et ne lui furent d’aucun secours.
Que retenir, donc, de cette piètre sortie ? L’allusion aux préalables de l’opposition – ‘’ On ne peut avoir les résultats du dialogue avant d’avoir dialogué » – sonne comme une mise à mort du dialogue, avant même qu’il ne commence. Les grévistes de la SNIM ? Ils ont tort, la situation de l’entreprise ne lui permet pas de satisfaire leurs revendications. La modification de la Constitution ? Des ragots, sans plus. Le taux de chômage ? Le budget de l’état-civil ? L’aide à la presse ? Les prix des hydrocarbures ? L’assainissement de Nouakchott ? L’argent de la CDD ? Tout est y passé… sans aucune réponse réellement convaincante. Les déclarations de Cheikh ould Baya sur sa fortune ? Des bla-bla de campagne. L’électorale, bien sûr. Vous savez, celle, permanente, qu’on subit depuis 2008… C’est peut-être là le problème : à bouffer tous les jours le même plat, il en devient vite fadasse… Alors, si l’on oublie, en plus, d’y mettre le sel…
                                                                                                               Ahmed Ould Cheikh