Deux semaines après la conférence de presse du Président,
dont le moins qu’on puisse dire est qu’elle n’a rien apporté de nouveau, le
dialogue peine toujours à se nouer, entre le pouvoir et l’opposition. En
déclarant qu’on ne peut avoir les résultats du dialogue avant de dialoguer,
allusion à peine voilée aux préalables posés par l’opposition, Ould Abdel Aziz
a, en quelque sorte, planté le décor. On ne devrait, du coup, plus s’attendre à
une avancée significative de ce côté-là. Le mince espoir qu’on fondait sur la
décrispation – enfin ! – de la scène politique part ainsi à vau-l’eau. Et
d’autant plus vite que la toute première rencontre, entre les deux camps, prévue
jeudi dernier a été reportée, sur demande de la Majorité qui ne serait, dit-on,
pas très satisfaite du niveau de représentation de l’opposition. Le prétexte de
l’hyène, dit-on dans la mythologie populaire maure. L’hyène, ce sot animal qui a
fait sienne la devise « Ne sois sûr que de ce qui est déjà dans ton
ventre », devrait pourtant inspirer le pouvoir qui doit en avoir assez sur
la panse, pour ne plus continuer à nous tourmenter avec un dialogue dont on ne
voit que poudre aux yeux. Une façon d’occuper l’opposition et le petit peuple
et les détourner de l’essentiel. Les fortunes qui s’accumulent en un clin
d’œil, les marchés qu’on s’attribue illégalement, les hommes d’affaires qu’on fabrique
ex nihilo, les agréments bancaires qu’on distribue, les terrains qu’on
morcelle, les milliards qu’on ramasse, sans reçu ni quittance…
Six ans, par exemple, que l'Agence Nationale du
Registre des Populations et des Titres Sécurisés (ANRPTS) n’a reçu la visite du
moindre contrôleur ou vérificateur. Chaque année, elle génère, pourtant, des
milliards : 30 et 100 000 UM pour un passeport, 1000 UM pour une
carte d’identité, 200 UM pour un acte de naissance et 120 euros pour un visa
d’entrée. Mais seul le paiement du passeport oblige à quittance du Trésor
public. Le reste est encaissé directement. Avec un million de cartes d’identité
délivrées, cela fait, quand même, un beau pactole : un milliard
d’ouguiyas. Où est allé cet argent ? Où vont les devises récoltées,
quotidiennement, aux entrées du territoire national ? Le Président nous a
déclaré, lors de sa conférence de presse, que cette agence a bien été contrôlée
en… 2009. Depuis, elle sévit donc en toute impunité et fait ses propres comptes
qu’elle ne rend à personne. Sauf à… heu… je n’ai rien dit.
Autre exemple : à qui ont été attribués les
abords méridionaux de l’école de police ? Apparemment, les heureux élus ne
font qu’un, puisqu’on y construit, d’un trait, une même rangée de boutiques. A
combien ce terrain, d’une valeur inestimable, lui a été cédé et dans quelles
formes ? Ou, encore, pourquoi a-t-on morcelé le côté nord du Stade
olympique ? Pourquoi n’y a-t-on pas construit une salle omnisports, des
courts de tennis, des piscines municipales ? Dans un pays dépourvu du minimum
d’infrastructures sportives, dépecer le seul stade dont il dispose, pour en
faire des immeubles est un crime impardonnable et imprescriptible. La boulimie
de ce pouvoir est sans limites.
Pourquoi – pour qui ? – c’est un même et seul
groupe qui importe, depuis quelques années, plus de 90% des besoins du pays en
denrées de première nécessité, alors qu’en 2005, on comptait cinquante-deux
importateurs ? Quelqu’un peut-il nous dire qu’a-t-elle de plus que les
autres, cette hydre à plusieurs têtes, mais, probablement, un seul
cerveau ? Des liens de parenté opportuns ? Des facilités
douanières ? Un accès aux devises à des conditions plus avantageuses ?
Les travaux d’Ould Abdel Aziz ne sont, donc, manifestement pas ceux d’Hercule.
On le comprend : la mort de l’Hydre de Lerne ne fut-elle pas, en
définitive, fatale au héros ? Mais le poison ne finira-t-il pas, en
définitive, par accomplir tout de même son œuvre ? Avec la gloire en
moins, hélas, pour notre si pauvre président des pauvres…
Ahmed Ould Cheikh
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