lundi 30 septembre 2013

Editorial: Re-manie-ment

Au moment où Nouakchott se débat dans d’inextricables difficultés suites aux pluies diluviennes qui ont fait de la ville une mare géante à ciel ouvert ; où la capitale est menacée dans son existence même, faute de réseau d’assainissement ; où des quartiers entiers ne sont plus accessibles ni aux voitures encore moins aux piétons ; où le pouvoir et la COD n’arrivent toujours pas à s’entendre sur le minimum syndical, pour des élections apaisées et transparentes ; voilà que notre guide éclairé nous sort, d’un de ces tours de passe-passe dont il a le secret, un remaniement ministériel, le plus vaste que le pays ait connu depuis le coup d’Etat du 6 août 2008. On peut désormais l’appeler ainsi, depuis que son principal auteur l’a reconnu à Néma. A la trappe, donc, la vieille rectification ! Un remaniement marqué par le renvoi de cinq ministres, remplacés, évidemment, par cinq nouveaux et la permutation d’autres. Un communiqué laconique et la messe était dite. Les recalés peuvent aller se rhabiller pour l’hiver. Ils ne sauront jamais pourquoi ils ont été révoqués. Pas plus qu’ils ne connurent les raisons qui présidèrent à leur promotion. En Mauritanie, le poste de ministre est, sans doute, le plus courtisé mais, aussi, le plus ingrat. Sous Maaouya, il ne se passait pratiquement pas un mois sans qu’un remaniement ne soit jeté en pâture à l’opinion, pour amuser la galerie. Après quelques mois d’accalmie, son ex-fidèle lieutenant est en train de reprendre les mêmes vieilles habitudes. En quatre ans, nous avons eu droit à quatre ministres des Finances, quatre autres au Pétrole et à la Santé, trois à l’Equipement, sans compter les éternels changements à l’Education où quatre ministres peinent à réunir les résultats qu’une femme seule, Nebgouha Mint Mohamed Vall, obtint en un peu plus d’un an.
Enfin, bref : y a-t-il quelque chose d’analysable en ce chambardement gouvernemental ? Essayons-nous à cet exercice périlleux. Si Ould Abboye, l’ex-ministre de l’Hydraulique, semble bien avoir été emporté par le déluge, son collègue des pêches, lui, n’est jamais entré dans la peau d’un ministre. Sous son magistère, le ministère s’est transformé en coquille vide. C’était un de ses conseillers, colonel dans une autre vie, qui en a pris les commandes, négociant avec les Chinois et les Européens, mettant son nez dans toutes les sauces. L’ancien ministre du Pétrole et des Mines était, dit-on, un peu trop proche des miniers. Ce qui pouvait altérer sa vision. Les deux ministres de souveraineté (Intérieur et Justice), débarqués eux aussi, ont grillé leurs cartouches pour un résultat nul. Ils n’ont pas pu mobiliser la communauté haratine pour Ould Abdel Aziz, pas plus qu’ils n’ont pu contrer le président d’IRA dans sa campagne de diabolisation du pouvoir.
Mais, bon, tout ceci n’est que conjectures. Une grille de lecture parmi d’autres et ne prétendant nullement à l’exactitude. L’inexplicable rôde, avec la vanité de s’enhardir à l’expliquer. De tenter de déchiffrer ce qui se passe dans la tête d’un homme, seul maître à bord après Dieu. D’ailleurs, que s’explique-t-il, lui-même ? Le pays n’est, pour lui, qu’un immense jeu de cartes. Il les bat, en tire ce qu’il veut, bluffant même, parfois. C’est probablement ce qu’il maîtrise le mieux.
                                                                                                                                                                          Ahmed Ould Cheikh

lundi 23 septembre 2013

Editorial: Jusqu’à quand, politiciens

Oui ou non, va-t-on voter le 23 novembre prochain ? Dites-le nous, messieurs les politiciens de la majorité et de l’opposition. Dites-le moi, messieurs les tenants du pouvoir, messieurs les ni-ni, ni opposition, ni majorité. Dites-le nous, bon sang ! Vous nous avez donné une première date, le 12 octobre, puis une autre le 23 novembre, sans qu’on sache, exactement, à quoi elles correspondent ni de quel haouli vous les sortiez. Pourtant, on est loin de voir le bout du tunnel. Sur quelle base avez-vous décrété le 12 octobre ? Que signifie ce report de six semaines ? Êtes-vous, oui ou non, en train de discuter ? Et de quoi ? Le cas échéant, sur quels points êtes-vous d’accord et en quoi divergez-vous ? Dites-nous sur quoi ont débouché vos réunions marathon. Que vous dites-vous ? Gardez en mémoire – c’est terrible, tout de même, on ne sait plus comment vous la rafraîchir – que ce n’est pas de vous-mêmes que vous parlez mais de NOUS. D’élections impossibles à tenir sans NOUS. De ceux qui vont NOUS représenter, légiférer pour NOUS et défendre NOS intérêts. Nous avons le droit de savoir ce qui se trame derrière notre dos. Nous en avons assez d’être les éternels dindons d’une farce de mauvais goût que vous nous jouez, messieurs les politiciens de tous bords. Nous pataugeons dans la boue et les odeurs pestilentielles. Nos rues et nos maisons sont inondées. Nos routes sont impraticables. Des quartiers entiers sont sinistrés. Les épidémies frappent à nos portes. Notre écrasante majorité n’arrive plus à joindre les deux bouts, tant le coût de la vie est devenu un casse-tête quotidien. Et le pays, désormais géré comme une boutique, a démissionné de ses deux vocations essentielles : assurer l’éducation et la santé de ses citoyens. Sans parler du problème de l’heure, l’assainissement. Notre guide éclairé a décrété que c’était cher. Une gestion boutiquière, vous dis-je, où l’on raisonne en termes de recettes et de bénéfices.
Avec tout ça, notre classe politique trouve le moyen de se chamailler pour des vétilles. Qui ira aux élections, à quelles conditions, que faire de la CENI, faut-il un nouveau report, qu’a dit le premier ministre à la délégation de la COD ? Depuis plus d’un mois, on ne parle que de ça. Comme si tous s’étaient mis d’accord pour surtout ne pas avancer d’un pouce et laisser la « plèbe » guetter le moindre de leurs faits et gestes. Ainsi font, font, font, les petites marionnettes et les enfants applaudissent. La manœuvre a marché mais jusqu’à quand ? Jusqu’à quand, politiciens, abuserez-vous de notre patience ? Il fallut moins d’un mois à Cicéron, pour abattre, par un tel discours, un tel ennemi du peuple. Evidemment, je ne suis pas Cicéron et les Mauritaniens ne sont pas des Romains, mais tout de même : ça commence vraiment à bien faire…
                                                                                                                             Ahmed Ould Cheikh

lundi 16 septembre 2013

Editorial: Relation de cause à effet...

Sy Mamoudou, le président du Rassemblement de la Presse Mauritanienne (RPM), l’association qui regroupe ce que le pays compte de journaux et sites réguliers et crédibles, a rendu son tablier la semaine passée. Il s’est dit désormais dans l’incapacité de travailler avec un ministère de la Communication qui fait tout pour marginaliser l’organisation qu’il dirige.
Fondé en 2007 par les ténors de la presse nationale, ceux qui ont porté les journaux sur les fonts baptismaux avant que le champ ne soit infesté de peshmergas, le RPM s’est d’abord voulu un défenseur des intérêts matériels et moraux du secteur, loin de toute tendance, partisane ou autre. Le pouvoir de l’époque, celui de Sidi Ould Cheikh Abdallahi, avait nourri, au départ, quelques appréhensions, face à ce ‘’machin’’qui regroupait tous les grands journaux et bénéficiait, grande première, d’une unanimité qui avait toujours fait défaut aux associations antérieures. Mais il finit par se rendre à l’évidence et fit, du RPM, son unique interlocuteur pour les problèmes du secteur. Le coup d’Etat de 2008 mit brutalement fin à cette collaboration. Le ministère de la Communication ne traitera plus avec personne en particulier, naviguant, comme le pays, à vue, et Ould Abdel Aziz n’en fit qu’à sa tête, choisissant lui-même les journalistes qui l’interrogeraient ou l’accompagneraient en ses visitations. Le Calame, peu suspect de sympathies putschistes, ne fera jamais partie de ces fournées, composées hors de toute objectivité.
Les choses en seraient sans doute restées ainsi si maître Hamdi Ould Mahjoub n’avait été nommé à la tête du ministère, en 2010. On le savait progressiste et il s’y emploie, en recevant, sans tarder, le RPM à qui il exprime son entière disponibilté à travailler avec lui, dans l’intérêt de la profession. Il se bat sur tous les fronts : mise en place d’un fonds d’aide à la presse où ne siègeront que les vrais représentants du secteur ; promulgation de la loi sur l’audiovisuel ; dépénalisation des délits de presse. Jamais, de mémoire de journaliste, on n’avait vu un ministre de la Communication aussi tranchant et aussi catégorique dans sa volonté de faire bouger les lignes et de traiter uniquement avec les professionnels.
Mais le voilà déplacé, il y a quelques mois, vers d’autres horizons. Son remplaçant, n’est autre que le vice-président du parti au pouvoir et le moins qu’on puisse dire est qu’il ne porte pas particulièrement la presse privée dans son cœur, du moins celle qui ne ménage ni son parti ni son chef. Relation de cause à effet ou incompétence, toujours est-il qu’il est en train de dilapider l’héritage de son prédécesseur. Le fonds d’aide 2013 n’est toujours pas mis en place, alors que l’année touche à sa fin et bien que ses nouveaux membres aient été désignés. Le RPM et le Syndicat des Journalistes Mauritaniens (SJM), dont les représentants ont été exclus de ce fonds, sont frappés d’ostracisme et les portes du ministère leur sont désormais fermées.
Sy et ses amis se sont évertués à tenter de ramener le ministre-vice-président de l’UPR à la raison. Peine perdue. De fait, il semble bien qu’Ould Horma n’ait été investi au ministère qu’avec une seule mission : déconstruire ce que Hamdi a bâti en trois ans. Mais aurait-il oublié que nous avons connu pire et résisté à quatorze années de Maaouya ? Ce ne sont pas les mesures arbitraires et quelques millions jetés en pâture qui nous feront dévier de notre route. Faut-il également lui rappeler qu’il partira, un jour, comme sont partis ceux qui l’ont précédé, et que l’Histoire est sans pitié avec ceux qui essaient de l’écrire sans en avoir les moyens, encore moins les capacités.
                                                                                                                     Ahmed Ould Cheikh

dimanche 8 septembre 2013

Editorial : Donner (encore !) du temps au temps ?



Après une réunion de plusieurs heures, dimanche 1er septembre, le conseil des présidents de la Coordination de l’Opposition Démocratique (COD)  a, finalement, décidé de… ne rien décider. Rendez-vous est pris jeudi prochain, pour un nouveau round de discussions autour de la participation ou non de la COD aux élections législatives et municipales, prévues le 23 novembre prochain. Même si la tendance dominante ne fait aucn doute, le RFD et l’UFP ayant déjà annoncé qu’ils boycottaient les futures consultations électorales, l’opposition veut maintenir un semblant d’unité, pour ne pas se faire piéger par un pouvoir qui lui déjà joué un sale tour, à Dakar et Nouakchott.  Si l’on en croit certaines sources, le parti Tawassoul, qui penchait sérieusement, avant cette réunion, pour une participation aux élections, semble avoir mis de l’eau dans son vin, euh, astafiroullah, son zrig. Ils ne seraient plus aussi participationnistes que voudrait le faire croire la rumeur  et opteraient, plutôt, pour une position commune de la COD. Peut-être se sont-ils rendu compte que jouer en solo, face à une majorité qui ne lésine devant aucun moyen de l’Etat, pour arriver à ses fins, équivaudrait à un suicide politique. Sans compter la lourde responsabilité d’avoir lézardé les murs de l’opposition. Avec un résultat très aléatoire. Comme nous le faisions déjà remarquer la semaine dernière, la situation actuelle de l’Egypte doit donner à réfléchir…
Même si le régime feint tenir à la date des élections, plusieurs indices tendent à prouver le contraire. On le voit multiplier les appels du pied à l’opposition. Ould Abdel Aziz veut rencontrer Ould Daddah ; le Premier ministre, Ould Maouloud. Une fin de non-recevoir a accueili les deux demandes.  Messaoud Ould Boulkheïr, qui  a pris langue, depuis quelques temps, avec Ould Abdel Aziz et ravalé son initiative, se démène, d’ailleurs, pour que la rupture ne soit pas définitive. Il a rencontré, samedi 31 août, trois leaders de la Coordination pour leur signifier qu’il peut encore arracher quelques concessions au pouvoir. Il suffit, juste, de lui donner un peu de temps. C’est ce qui explique, peut-être, le report de la réunion de la COD à jeudi. Tant Messaoud qu’Ould Abdel Aziz  ont vu qu’une élection sans la COD serait sans enjeu et de nul effet. 
Rien qu’à voir le peu d’empressement manifesté, par les électeurs, à se faire inscrire sur les listes électorales, on comprend le risque d’une participation insignifiante. Autre raison, interne, celle-là, au parti/Etat : les tiraillements. Quasiment partout où les commissions de l’UPR se sont rendues, afin de recueillir les propositions des militants pour les futurs députés et maires, ce fut une véritable guerre de tranchées.  Aucun consensus ne s’est dégagé. D’où le danger, pour ce parti, d’avoir à désigner, lui-même, les candidats, avec ses corollaires de candidatures parallèles et de vote-sanction qui lui porteraient de durs coups. Un peu plus de temps, pour aplanir les divergences et arrondir les angles, ne serait pas de trop.
Tous ces facteurs feront-ils reculer le pouvoir ? Ne pas donner du temps au temps paraît, aujourd’hui, la pire des attitudes, une sorte d’emplâtre sur une jambe de bois, qui augurerait fort mal du prochain quinquennat, objectif central de notre général défroqué. Côté COD, va-t-on assister à un approfondissement du sens de leur opposition au pouvoir, renforçant les liens entre les islamistes et les démocrates plus « laïcs », au-delà des strictes nécessités tactiques ? Et s’il sortait, de tout cela, enfin un modèle intelligent et viable, pour gouverner correctement notre pays musulman, bien dans sa peau et son environnement contemporain ?

                                                                                                                            Ahmed Ould Cheikh

lundi 2 septembre 2013

Editorial : Les sirènes du report…




Ira-t-on aux urnes, le 23 novembre prochain ? Plusieurs fois annoncées et toujours reportées, les consultations électorales ont un air d’Arlésienne, celle dont on parle toujours et qu’on ne voit jamais. Déjà en 2011, Ould Abdelaziz himself avait déclaré, à TV5, qu’elles seraient organisées, dans tous les cas, avant la fin de l’année en cours, parce que, selon son expression, il fallait « combler le vide créé par la fin des mandats des députés et des conseils municipaux ». Deux ans après cette déclaration, on ne voit toujours rien venir.  On était pourtant bien partis pour un premier tour le 12 octobre mais, à la dernière minute, la machine s’est à nouveau grippée. Le pouvoir s’est rendu compte que la Coordination de l’opposition ne badinait pas avec son mot d’ordre de boycott et qu’une élection sans elle ne serait que poudre aux yeux. D’où la mise en scène à laquelle nous avons assisté, lors du show  de Néma. Précédée, deux jours avant, par un long entretien, entre Aziz et Messaoud. Ils y avaient convenu qu’il fallait annoncer des concessions, comme l’élargissement de la CENI, la fondation d’un Observatoire des élections ou le report, de quelques semaines, de la consultation, pour couper l’herbe sous les pieds de la COD. Une annonce que l’APP s’était empressée de saluer, dans un communiqué qui en dit long sur les intentions de ce parti d’aller, coûte que coûte, au vote.
Le deuxième acte pouvait commencer. Les partis dits dialoguistes tiennent réunion avec la CENI, pour dater le report des élections au 23 novembre.  Sans rien annoncer d’autre, sur les points évoqués, par le Président, à Néma. Comme si le report était une fin en soi. La COD ne s’y est, d’ailleurs, pas trompée, en annonçant que tout cela ne la concernait en rien. Que le problème est plus profond et qu’il faut tout revoir, de fond en comble, pour poser les conditions d’élections transparentes et apaisées. Ce qui est, selon elle, loin d’être le cas actuellement, avec un parti-Etat qui ressemble, comme deux gouttes d’eau, au défunt PRDS ; des généraux qui battent campagne, ouvertement, pour  lui ; et tous les démembrements de l’Etat au service d’une même cause, celle de l’Azizanie.  Participer, dans ces conditions, serait donner à son adversaire (qui est, en même temps, juge), le bâton pour se faire battre. Mais choisir la politique de la chaise vide risque de susciter des remous et laisser le champ libre à l’opposition dite modérée, à laquelle le pouvoir consentira quelques sièges, ça et là, pour la faire valoir et légitimer, ainsi, la nouvelle mascarade.  A moins que Tawassoul ne se décide, comme on le pressent, à briser les rangs de la COD, pour se jeter dans la gueule du loup.  Nouveau coup dur, alors, porté à l’opposition, après celui de Messaoud, en 2007, lorsque celui-ci avait soutenu le candidat des militaires contre Ould Daddah ou la sortie, malheureuse, de ce dernier acceptant de qualifier le coup d’Etat de 2008 de « rectification ». Le parti islamiste a pourtant signé une charte, avec les autres partis de la Coordination. Va-t-il s’en défaire, à la première tentation ? Ce serait une responsabilité énorme, vis-à-vis de l’Histoire. Quelque affolant soit l’appel des sirènes, l’odyssée de notre démocratie n’aboutira à bon port – l’exclusion définitive des militaires du pouvoir politique – qu’à condition d’une opposition soudée sur l’objectif. Le triste exemple de l’Egypte devrait donner à réfléchir…
                                                                                                                     Ahmed Ould Cheikh