samedi 21 janvier 2023

EDitorial: Enjeux réels d'un procès exceptionnel

 Mohamed ould Abdel Aziz, encore et toujours à truster le devant de la scène… Mais pour combien de temps encore ? Le lancement enfin de son procès sonne-t-il le glas de sa disparition des radars ? Probablement. Surtout s’il s’en tient à son actuel dispositif de défense articulé autour de deux grandes lignes : « Je suis visé parce que je suis perçu comme une menace politique » et « le régime actuel n’a aucune preuve de ce que j’aurais détourné de l’argent public ». Les deux arguments sont pourtant apparemment de poids : il est effectivement visé pour des raisons politiques et il n’existe, à ce jour, aucune preuve de ce qu’il se soit personnellement servi dans la caisse publique. Ses avocats vont certainement se barricader derrière cette ligne de défense. Mais, ce faisant, l’ex-Président et ses conseils éludent la bonne question qu’ils n’essaient même pas de (se) poser : comment Ould Abd El Aziz est-il devenu riche ?

Et c’est à cette question de l’enrichissement sans cause que les avocats doivent pourtant répondre. L’examen d’un enrichissement sans cause est une évolution significative dans la lutte contre la corruption et la criminalité économique. À une certaine époque, on se limitait à chercher si des biens publics avaient été détournés ou pas. Aujourd’hui, détourner directement de l’argent public est considéré comme la préhistoire de la corruption. En effet la corruption moderne, ce n’est jamais piquer directement dans la caisse publique, nul ne s’y risque, sauf les idiots, pour reprendre les termes de Mohamed El Mounir.

Aussi a-t-on mis au point le concept d’enrichissement sans cause. Un attrape-tout qui couvre potentiellement tout ce qui est illégal : trafic d’influence, par exemple, recours parcimonieux ou excessifs à la planche à billets, ventes manipulées du domaine public de l’État, attributions intéressées de marchés publics, etc. Le plus important avec ce concept est que la charge de la preuve de son inadéquation incombe à la personne présumée coupable. C’est à elle de démontrer que ce qu’elle a acquis l’a été de manière légale. Comme Ould Abd El Aziz ne peut pas et ne voudra pas dévoiler l’origine des quarante-sept milliards saisis en dehors de ses propriétés immobilières, il va persister à répéter qu’il est visé par un procès politique et que la justice n’est pas capable d’apporter la preuve qu’il ait détourné l’argent public.

Petit atout : il sait que la compréhension de la corruption chez le citoyen de base se réduit à piquer dans la caisse et cela explique ses manœuvres populistes. Mais peut-il négliger que ses juges ont évidemment une vision autrement plus affutée des réalités ?  Ses avocats ne pourront longtemps continuer à chercher à inverser la charge de la preuve. Alors, les vices de procédures, voire de l’enquête, jusqu’à obtenir la relaxe de leur client après maints recours ? Le dol est cependant assez conséquent et connu –voire implicitement avoué par l’accusé, dans l’ampleur de son enrichissement sans cause – pour qu’une telle vicieuse fin soit seulement envisageable. D’autant moins, d’ailleurs, qu’elle retomberait immanquablement sur le pouvoir ou, plus exactement, le système qui prétend nous gouverner. Oui, c’est bien leur crédibilité qui est en jeu, au final de toute cette affaire. Et les chances de notre nation multi-ethnique à trouver un modus vivendi acceptable par tout un chacun…

 

                                                                                                      Ahmed ould Cheikh

samedi 14 janvier 2023

EDitorial: L'heure des comptes

 Il est vraiment inénarrable, notre ancien guide éclairé ! Voulant filer à l’anglaise, alors que l’ouverture de son procès est imminente, il en a été empêché par la police de l’aéroport qui lui a confisqué au passage son passeport, histoire sans doute de lui passer l’envie de changer d’air. Contrarié, l’Ex s’est soudainement pris de diarrhée verbale. Avant même de rentrer chez lui, le voilà en direct sur Facebook pour s’attaquer, comme à son habitude, au pouvoir en place. Et rebelote le lendemain, beaucoup plus longuement cette fois, à discourir surtout autour de sa fortune personnelle. « Si les responsables mauritaniens arrivent à justifier 50% de leurs biens, moi, ce sera à 100% ! », a-t-il martelé. 

Sans le vouloir, il s’est ainsi mis le doigt dans l’œil. Ayant reconnu être arrivé pauvre au pouvoir, comment parviendrait-il à justifier une fortune qu’il dit colossale ? Les obligations d’un président de la République sont à cet égard sans équivoque : ne s’adonner ni au commerce ni aux affaires dans l’exercice de ses fonctions, reverser au Trésor public toutes les donations, en natures ou en espèces, reçues dans le cadre de celles-ci. Il est donc censé sortir comme il est entré. Soit, en ce qui concerne Ould Abdel Aziz, les mains vides. Dans le cas contraire, sa position serait des plus inconfortables. Du pain béni pour la Justice qui n’aura qu’à lui poser la question qui tue : « Quelle est l’origine de ta fortune ? »

Mais, bon, on s’attend à tout avec cet acrobate voltigeant de branche en branche. Pas vraiment Tarzan, tout de même : n’en déplaise à sa perruque de président des pauvres, passablement ébouriffée par ses aveux de richesse, il aura bien du mal à se présenter en sauveteur du peuple qui subit, pour sa part et de plus en plus chaque jour que Dieu fait, les conséquences des filouteries de la Décennie.  Ceux qui s’y trompent – il en resterait encore, semble-t-il – auraient-ils oublié qu’aujourd’hui naît toujours d’hier ? Quant aux moins dupes, ils attendent effectivement des comptes. Pas des grimaces.

 

                                                                                      Ahmed ould Cheikh

mardi 3 janvier 2023

Editorial: Chant du cygne?

 Après une longue période de grâce accordée au président Ghazwani, une partie de l’opposition (RFD, UFP ET UNAD) sort enfin de sa torpeur. Déçue par l’annulation du dialogue sur lequel elle fondait beaucoup d’espoirs, elle a accepté finalement de participer aux réunions préparatoires pour les prochaines élections initiées par le ministère de l’Intérieur. Mais l’absence de dialogue lui est restée apparemment en travers de la gorge. En témoigne le communiqué qu’elle vient de publier sous le titre : « Appel pour une politique de large entente nationale au service de l’unité, de la démocratie et de la stabilité de notre pays ».

« À la veille des élections législatives, régionales et municipales », nous font ainsi savoir les trois partis susdits réunis en une significative Coalition des Forces du Changement Démocratique, « la scène politique est caractérisée par la persistance et l’accélération de facteurs de risques graves sur la stabilité et la paix, [suite] en grande partie à la crise politique, économique et sociale qui perdure depuis des années, dans un contexte mondial et régional particulièrement instable et dangereux. » Puis, après avoir rappelé les difficultés de l’opposition durant « la décennie de la gabegie », le communiqué souligne «la justesse [depuis l’accession de Ghazwani au pouvoir] de la politique d’apaisement du président de la République et de l’opposition démocratique, malgré certaines faiblesses et inconséquences. » 

Mais « alors que la classe politique, dans sa grande majorité, cherchait à approfondir et à renforcer ce climat d’apaisement pour aboutir à des réformes consensuelles, certains milieux extérieurs à l'opposition ont manœuvré pour susciter une nouvelle polarisation politique, articulée autour de l'alternative entre le choix de la confrontation et du retour à la décennie de braises et son bilan catastrophique et le choix du changement pacifique dans un climat apaisé. […] D’ores et déjà, le paysage politique est marqué par cette ligne de fracture profonde et dangereuse. Dangereuse aussi serait l’organisation d’élections dans ce climat délétère. »

Et d’appeler en conséquence « toutes les forces politiques patriotiques, de tous bords, [à] anticiper sur les menaces qui pèsent sur notre pays, dépasser nos contradictions secondaires et nous engager dans la voie salutaire d’une large entente nationale, quelle qu’en soit la forme, seule à même […] de faire face aux dangers qui nous guettent. » Il y a sans doute beaucoup (trop ?) à lire entre les lignes. Inquiétude ou aveu d’impuissance devant la montée des populismes identitaires, exacerbés par l’inflation galopante des prix et la mollesse du pouvoir à corriger les hiatus sociaux – notamment ethnico-tribaux – cette mobilisation a-t-elle une chance d’être suivie de réels effets ? Elle semble en tout cas avoir tout du chant du cygne… Et la menace croissante d’une nouvelle récession mondiale – programmée de longue date en l’espoir de compenser les folies des produits financiers dérivés ? – n’est certes pas de nature à y entendre plutôt un hymne à la résurrection du sphinx…

                                                                       Ahmed ould Cheikh

Editorial: La Mauritanie est en deuil

 La Mauritanie vient de perdre un de ses illustres acteurs économiques mais également politiques en la personne d'Ahmed Hamza. Les condoléances affluent de toutes parts. Patriote ouvert et avenant, Hamza était le symbole de l'unité nationale de la Mauritanie. Apparenté à chacun, ami de tout le monde. Toutes les composantes du pays lui vouaient estiment et respect. À chaque interview qu'il acceptait avec plaisir d'accorder au Calame, nous découvrions un homme d'une toujours plus grande humanité. Immense.

Très dynamique, il a marqué Nouakchott de son empreinte indélébile, donnant une mémoire et une lisibilité à la Communauté urbaine, grâce aux infrastructures qu'il fit bâtir. À plusieurs reprises, beaucoup de patriotes virent en lui un potentiel candidat de l’opposition à la présidentielle. Le projet ne s'est hélas pas concrétisé mais l'homme avait de réelles ambitions pour son pays. Rendons-lui tous un hommage appuyé ! Le Calame envers lequel il témoignait respect et surtout fidélité prie Allah de l'accueillir en son Saint Paradis. Amine.

                                                                                                                 Toute la rédaction du Calame

Brutal et triste réveil ! Je viens d'apprendre avec grande tristesse le rappel à Dieu de mon cher frère et ami Ahmed Hamza, ancien maire de Nouakchott, décès survenu ce samedi 17 Décembre à Las Palmas des Canaries. Hamza était un homme juste, honnête et surtout très attaché à la diversité et à l'unité nationale.  Militant de première heure de l'opposition démocratique, il en fut, sous couleurs de l’UFD, le premier leader élu à la tête de notre capitale. Cette disparition est une immense perte pour la Mauritanie et pour tous les progressistes et démocrates du pays. Nos condoléances les plus attristées à sa famille, au peuple mauritanien dans son ensemble et à toute l'Afrique. Qu'Allah le Tout Puissant l'accueille en Son saint paradis et que la terre lui soit légère ! Nous venons de Dieu et c’est à Lui que nous retournons. Adieu, monsieur le maire ! Adieu mon frère Hamza!

                                                                                                                            Ahmed ould Cheikh