lundi 20 mai 2019

Editorial: Par évidence...

La brillante sortie, il y a quelques jours, sur une télévision privée, de l’ingénieur Mohamed Saleck ould Heyine, à propos de la situation économique du pays, en général, et celle de  la SNIM, en particulier, en dit long sur le gâchis, les mauvais choix, les investissements inopportuns, l’absence totale de vision et l’incohérence érigée en modèle de gouvernance que le pays subit depuis une décennie. Centrales électriques tournant à vide, lignes haute tension reliant des villes autosuffisantes en énergie, l’usine de sucre de Foum Gleita qui a englouti des milliards, sans produire le moindre kilogramme, celle du lait de Néma ajoutée à la longue liste d’éléphants blancs, l’usine d’assemblage d’avions sans le moindre début d’exécution, malgré les millions de dollars partis en fumée, jusqu’à l’usine des Gulebs 2 qui a coûté plus d’un milliard de dollars et produit moins du quart de ses objectifs initiaux. Mohamed Saleck ould Heyine fut, pendant près de vingt ans, administrateur directeur général de la SNIM et a réussi à la maintenir à flots, loin des contingences politiques : il sait de quoi il parle. Alors que, de son temps, le prix du fer atteignait à peine les 20 dollars, la société faisait face à toutes ses obligations et battait des records de production. A titre de comparaison, la tonne de fer se négociait sur le marché international, entre 2010 et 2014,  autour de 170 dollars, ce qui a permis, à la SNIM, d’engranger des milliards. Mais, telle une cigale si peu prévoyante, elle a tout dilapidé, sur ordre d’un pouvoir boulimique. Une caverne d’Ali Baba où le clan s’est servi sans vergogne, jusqu’à plus soif. Un crime économique qui ne doit pas rester impuni. Ould Heyine n’avait pas de mots pour dénoncer la prédatrice opération qui a fait, de ce fleuron de notre économie, un boulet  risquant, à tout moment, de mettre la clé sous la porte.  Cela fait deux ans que la SNIM n’a pas contribué, d’une seule ouguiya, au budget de l’Etat. Ses créances, auprès des organismes internationaux, commencent à tomber et elle ne peut y faire face. Ses employés, à qui l’on demande sans cesse des sacrifices et qui n’ont pas profité de l’embellie des années fastes (contrairement à d’autres qui n’ont pourtant jamais vu la couleur de la mine), commencent à râler. En grève la semaine passée, ils comptent y retourner, jusqu’à la satisfaction de leurs doléances.
Mais l’OPA sur la SNIM n’est pas le seul crime économique imputable au régime actuel. Une liste de plomb dont trois exemples suffiront à entrevoir le démentiel tonnage : le contrat avec la société chinoise Polyhone Dong, un blanc-seing pour piller impunément nos côtes,  pendant vingt-cinq ans, sans la moindre contrepartie pour le budget de l’Etat ; la cession de l’aéroport de Nouakchott à Afroport, une obscure société émiratie, qui lui permettra d’empocher, rien qu’en handling, plus d’un milliard et demi d’ouguiyas par an, alors qu’elle n’a pas investi le moindre sou. Ce montant devait revenir à la Mauritania Airlines qui risque de voir, du coup, ses difficultés augmenter ; un quai du port de Nouakchott cédé à une société singapourienne, sans appel d’offres, pour y construire un terminal à conteneurs…  A qui profitent ces crimes ? Nul besoin de se prétendre fin limier pour avancer réponse : à ceux qui se sont juré, dix ans durant, de ne jamais rien laisser au… hasard, ce « maladroit qui s’occupe de tout ce qui ne le regarde pas », si l’on en croit Alexandre Dumas… mais qui s’arrange, si bien, au final, pour démonter, preuves à l’appui, ceux qui l’ont trop méprisé.  Ce ne sera donc pas par hasard mais par évidence que s’écroulera le cirque.
                                                                   Ahmed Ould Cheikh

dimanche 5 mai 2019

Editorial; Vols et envols

L’excellent et très approfondi travail d’investigations, mené par le professeur Mohameden ould Meyne, sur les voyages entrepris par Ould Abdel Aziz, de son arrivée au pouvoir au 24 Avril dernier, a de quoi donner le tournis. Celui qui, pour justifier son coup d’Etat de 2008, avait reproché, au président Sidioca, de « voyager beaucoup », se retrouve tout nu devant une telle argumentation : la date des voyages, leur destination, la distance parcourue, la durée des vols, la consommation de kérosène et, même, les émissions de CO². Soit 168 déplacements (annoncés, précise l’auteur)  à l’étranger, 16,8 voyages par an et 1,4 voyage par mois. Soit, environ, 1.400.000 km  (35 fois le tour de la Terre et deux fois la distance entre la lune et notre planète bleue, aller-retour !). A quel coût pour le contribuable ? Plus de six milliards d’anciennes ouguiyas, rien qu’en kérosène ! Sans compter les autres frais : coût d’achat des avions et leur maintenance, frais de mission du personnel, frais d’hôtel,  taxes aéroportuaires et autres « petits détails » inhérents à tout déplacement présidentiel. Résultat des vols : un président qui coûte cher, pollue beaucoup et se déplace, le plus souvent, inutilement. Qui peut bien nous expliquer, par exemple, à quoi  servit le dernier voyage de notre guide éclairé au Swaziland, un pays avec lequel nous n’entretenons aucune relation, de quelque nature que ce soit ? Et en Afrique du Sud, Tanzanie, Azerbaïdjan ou Ouganda,  il y a quelques années, pour ne citer que ceux-là? Par quel miracle tient-il encore la route, alors que la compagnie aérienne nationale (dont il a fait une compagnie privée) est au bord du gouffre et que les caisses de l’Etat sont vides ? Comment peut-on se permettre de dilapider, dans un pays aussi pauvre que le nôtre, autant de ressources en voyages aussi inutiles que coûteux ? Dès son accession au pouvoir en 2015, le président tanzanien John Magufuli interdit, systématiquement, aux ministres et hauts fonctionnaires, de voyager en première classe. Lui-même ne se déplace qu’en avion de ligne, pour ses voyages à l’étranger. Considérant, à juste titre, que les ressources du pays doivent être orientées vers quelque chose de plus utile, il donne l’exemple. Feu Mokhtar ould Daddah, qui ne voyageait qu’en cas de nécessité, avait son propre avion, offert par le président gabonais, et versait automatiquement, au Trésor Public, tous les dons qui lui étaient généreusement attribués par ses pairs. On est très loin de l’actuel président tanzanien et du père de notre Nation que Mohamed Ali Chérif, un de ses plus proches collaborateurs, n’hésita pas à comparer à Oumar ibn Abdel Aziz, le khalife le plus honnête que le monde musulman ait connu, depuis la disparition du Prophète (PBL). Ould Abdel Aziz ne rate, lui, aucune occasion, s’il ne la fabrique pas, de prendre le premier avion de la MAI (quitte à laisser des passagers en rade en tel ou tel aéroport étranger), pour aller inaugurer des chrysanthèmes, assister à une fête nationale ou un anniversaire, voire négocier une dette qui, finalement, n’aura pas été allégée d’un dollar.
N’aurait-il pas été plus rentable, économiquement parlant, de lui acheter ou lui louer, en permanence, un petit avion, pour ses déplacements, normaux et intempestifs ? Ou, plus efficacement encore, de lui rappeler que toute élévation commence, d’abord, par bien garder les pieds sur terre ? Il y aurait, probablement, gagné une estime populaire qu’il se croit, dans les nuages, bien à tort acquise, comme l’après 22 Juin se chargera de le lui démontrer. Il y aurait, en tout cas et plus certainement, soulagé beaucoup de misères de son peuple, en investissant, au ras des dunes et des marigots, tous ces milliards envolés en pure perte…
                                                                                                               Ahmed ould Cheikh