mercredi 30 octobre 2013

Editorial : Toujours pas de démocratie en vue…



Le dernier délai, pour le dépôt des listes candidates aux législatives du 23 novembre prochain, étant désormais dépasssé, on sait, à présent, à quoi ressembleront les futures batailles électorales : un duel entre l’UPR et ses mécontents, regroupés dans les partis satellites que sont le Sursaut, le PUD et El Karama. Si les deux premiers sont relativement connus, le dernier est un parti sorti du néant  et qu’aurait racheté un homme d’affaires qu’on dit proche d’Ould Abdel Aziz pour parrainer des candidatures. Comme quoi l’Azizanie, comme le journalisme, mène à tout, à condition d’avoir les bons tuyaux. Ce duel sera arbitré par El Wiam et l’Alliance Progressiste Populaire (APP) de Messaoud Ould Boulkheïr, qui est donc revenu à de meilleurs sentiments, après avoir menacé, à plusieurs reprises, de jeter l’éponge, en s’attaquant violemment à la commission électorale. Ces deux partis, dits dialoguistes ou participationnistes (contrairement à l’opposition boycottiste), surferont sur la vague de mécontentements qu’a soulevée, sur tout le pays, le choix, par la direction du parti-Etat, de ses candidats. Le consensus ne s’est, en effet, dégagé nulle part, diverses tendances et, même, des tribus ont exprimé leur désapprobation – via, parfois, de cinglants communiqués – allant jusqu’à annoncer leur retrait de l’UPR. N’est pas PRDS qui veut et, pour mériter le titre de parti-Etat omnipotent, il faut savoir ménager la chèvre et le chou et, surtout, mettre la main à la poche. La politique n’est-elle pas, avant tout, une question d’intérêts ? C’est du moins ce qu’ont compris les Mauritaniens qui préfèrent, dans leur grande majorité – ou leurs « grands électeurs » – ne pas s’opposer à l’Etat, symbolisé, selon eux, par le parti au pouvoir. Ce n’est pas pour rien qu’ils affluèrent, en masse, vers le PRDS de Maaouya, puis l’Adil de Sidioca, avant de se ruer, comme des morts-de-faim, sur l’UPR.  A une nuance près : ce dernier parti n’est ni craint ni adulé. On n’hésite pas à le braver, contester ses choix et se présenter contre lui. Les mécontents – ils sont légion – se sont cependant abstenus de franchir le Rubicon, en osant rejoindre les partis d’opposition. Frileux et craignant, sans doute, un retour de bâton, ils se sont contentés de la copie, en lieu et place de l’original. Des partis, fondés récemment mais gravitant dans le giron présidentiel – un avantage évidemment substantiel – se sont, subitement, renforcé de contingents massifs de candidats qui ne les connaissent, parfois, ni d’Eve ni d’Adam. C’est à croire qu’Ould Abdel Aziz, en quête d’une nouvelle majorité, ne veut plus être uniquement dépendant de l’UPR. Du « pluralisme éclairé », en somme. C’est ce qui explique que plusieurs de ses soutiens, amis et parents aient été orientés vers ces partis. De gros bonnets de la République et des hauts fonctionnaires ont également participé à ce jeu de chaises musicales entre les partis. S’ils savaient ce jeu réellement dangereux, ils s’en seraient  certainement détournés.
Pauvres Mauritaniens ! Ecartés, humiliés, écrasés,  ils refusent pourtant  de laver l’affront. Au lieu d’aller à la confrontation, les voilà courant aux subterfuges. Oh, il doit bien y avoir une explication sociologique à cette lâcheté, à ce point ancrée dans nos us et coutumes qu’un proverbe maure recommande de « baiser la main que tu ne peux couper »… Devant la force, naguère ouvertement coloniale, aujourd’hui sournoisement militaire, c’est toujours la même attitude de soumission devant les attributs de l’Etat. A quel pouvoir, alors, un peuple de courtisans peut-il prétendre ? La démocratie, celle qui fait, des gens des êtres libres, responsables et égaux en droits et devoirs, n’est, apparemment pas, pour demain. Du moins, pas pour le 24 Novembre…
                                                                                                         Ahmed Ould Cheikh

dimanche 27 octobre 2013

Editorial : Pauvre Irrépublique !



Participera, participera pas ? Après une valse hésitation, qui a duré plus d’une semaine, un dialogue, avec des représentants de la majorité, qui n’en était pas vraiment un et un bégaiement auquel ne nous avait pas habitués l’Union des Forces du progrès (UFP), nous savons, à présent, à quoi nous en tenir. L’opposition, celle qui se prévaut de ce titre, a décidé de ne pas prendre part aux élections municipales et législatives du 23 novembre, si jamais elles ont lieu. Ce qui est loin d’être évident, vu le niveau de préparation, la brièveté du délai, entre le dépôt des listes candidates aux législatives et la confection des bulletins de vote, et l’atmosphère appelée à régner sur un scrutin sans véritable enjeu. On peut, malgré tout, toujours voter, rien que pour démontrer que le pouvoir n’a pas cédé, maintenant son agenda contre vents et marées. Que l’opposition vienne ou non, que l’authenticité du scrutin soit sérieusement diminuée ou que la future représentation parlementaire n’ait pas la même valeur que la précédente, rien n’aura fait plier Ould Abdel Aziz. Qui n’a, en ligne de mire, que sa reconduction personnelle en 2014. Le reste n’est, à ses yeux, que gesticulations d’une classe politique qui se chamaille pour des vétilles et envers laquelle il n’a aucun respect. Il ne manque, d’ailleurs, aucune occasion de le lui démontrer. Et elle le lui rend bien, en refusant de se mesurer à lui, en l’absence de régles claires et précises et d’un juge honnête et impartial, une commission électorale vraiment représentative, en l’occurrence. A-t-elle, pour autant, raison de ne pas aller aux scrutins du 23 novembre, avec les risques que représente la politique de la chaise vide ? Ne craint-elle pas le syndrome de 1992, lorsqu’elle boycotta les élections législatives, s’excluant, du coup, de l’Assemblée nationale, alors qu’elle aurait pu glaner un nombre important de sièges ? Certes, le contexte n’est pas le même et Ould Taya n’est pas Ould Abdel Aziz. En 1992, notre démocratie était encore balbutiante. Cette année, même si elle ne s’est pas encore affranchie de sa tutelle militaro-affairiste, elle ne peut se permettre d’exclure un pan entier, et pas n’importe lequel, de la scène politique. Pour certainement jouable qu’il soit, le coup, porté de part de d’autre, blesse durement une démocratie qui tarde à (re)trouver sa voie, à devenir une pratique assainie. A l’instar du Sénégal voisin où les règles sont claires et où un président en exercice a mordu, par deux fois, la poussière, face à son rival de l’opposition. Il est vrai que ce pays n’a jamais eu la « chance » de goûter aux charmes du Redressement, du Salut ou de la Rectification. Militaires s’entend. Heureux Sénégal et pauvre Mauritanie ! Là-bas, république, ici, « irrépublique », selon le bon et lucide mais bien triste mot de Gourmo Lô…
                                                                                      Ahmed Ould Cheikh

samedi 19 octobre 2013

Editorial : Quel pays, quelle opposition !



Les élections législatives et municipales du 23 novembre auront lieu, finalement, le… 23 novembre. Le petit espoir de report, qui pointait à l’horizon la semaine passée, s’est volatilisé, après l’échec des négociations entre les délégations la Coalition de la Majorité Présidentielle (CMP) et de la Coordination de l’Opposition Démocratique (COD). Certes, personne n’accordait grand crédit à des discussions arrachées au forceps à un pouvoir surtout désireux de ne paraître responsable d’aucun blocage. Mais on pensait, naïvement peut-être, qu’un minimum d’entente était possible, pour des élections enfin apaisées et consensuelles.  Les échos qui nous parvenaient des deux premiers jours de table-ronde laissaient entrevoir la possibilité d’un accord. Avant que les représentants de la majorité ne se rebiffent et ne concèdent qu’un report de deux semaines, pas plus. Il faut les comprendre, les pauvres.  Ils sont aux ordres et ne peuvent dépasser d’un iota ce qu’on leur a remis dans son emballage. La démocratie militaire a ses règles et les enfreindre équivaut à sortir des rangs.  Au moment où la COD a voulu discuter des conditions générales pouvant garantir un scrutin fiable et honnête, elle s’est trouvée confrontée à un mur.  Ou ça ou rien ! La seule issue était donc de déclarer qu’on n’avait abouti à rien. Qu’on avait passé trois jours à jouer à cache-cache avec  des gens qui ne savaient pas pourquoi ils étaient là, si ce n’est faire acte de présence. Un scénario mal ficelé, des figurants mal choisis, un script réchauffé à la sauce de Dakar et le film, au bout du compte, un navet.
Pourtant, malgré tous les coups qu’elle reçoit depuis 2008, le refus du pouvoir de lui concéder la moindre concession (contrairement à ses anciens amis de la CAP), l’échec des dernières  négociations, la COD ne semble pas avoir tiré les leçons pour convenir, unanimement, de rompre avec le régime. Au moment même où ses collègues discutaient avec la majorité, Tawassoul fourbissait ses armes et confectionnait ses listes pour les municipales. Fermement décidé, donc, à se lancer dans la bataille, quels que soient les résultats du dialogue. La participation à tout prix, en quelque sorte. La course aux voix, comme en Tunisie, en Égypte et au Maroc où les partis islamistes ont ravi la vedette.  Même histoire en Mauritanie ? C’est, en tout cas, ce que Jemil et ses amis espèrent. Mais il y a loin de la coupe aux lèvres. Si l’opposition réunie et soudée n’a rien pu arracher au pouvoir, que feront un ou deux partis, face au rouleau compresseur qui utilise tous les moyens matériels et humains, civils et militaires pour arriver à ses fins ? Que peuvent réaliser la formation islamiste et l’UFP, si ce parti s’entête également à vouloir prendre part aux élections, en désavouant son propre président ? Ils auront surtout contribué à fissurer les rangs de l’opposition,  crédibiliser un processus duquel ils avaient pourtant été exclus, avec le risque réel de ramasser gamelle sur gamelle et permettre, au pouvoir d’Ould Abdel Aziz, de sortir vainqueur, comme en 2009,  d’une élection qu’il n’aura pas gagnée mais que ses adversaires auront bel et bien perdue. Et rendez-vous en 2014, pour la présidentielle ! Quel pays,  quelle opposition !
                                                                                                                      Ahmed Ould Cheikh

samedi 5 octobre 2013

Editorial : Sale temps pour les bookmakers…



Le dialogue tant attendu, entre le pouvoir et l’opposition, que tout le monde appelait de ses vœux, a été lancé ce lundi 30 septembre à Nouakchott. Après une série de rencontres, entre le Premier ministre et  divers leaders de partis-membres de la Coordination de l’Opposition Démocratique (COD), il s’agit maintenant de débattre sur un certain nombre de points relatifs aux futures élections législatives et municipales, prévues le 23 novembre prochain. La discussion devait être précédée par une entrevue entre le président  Ould Abdel Aziz et Ahmed Ould Daddah, chef de file de l’opposition, mais ce dernier a décliné, tout aussi poliment que fermement, l’invitation. Avant de s’envoler pour Bamako, pour assister à l’investiture du président IBK, puis New-York où il doit assister à une réunion de l’Internationale Socialiste. Laissant, à ses partenaires, la porte ouverte à des négociations avec un pouvoir qui ne fera des concessions – Ahmed, boycottiste convaincu, en est persuadé –  que si elles servent sa cause.
Que faut-il donc attendre de ce dialogue-bis ? D’après Boydiel Ould Houmeïd qui l’a répété à hue et à dia, il n’aura jamais lieu. Faut-il en déduire que la Coalition pour une Alternance Pacifique (CAP réunissant l’APP, El Wiam et Sawab) est désormais à la touche et que l’Initiative de Messaoud est morte et enterrée ? Que le pouvoir a fini par se rendre compte que des élections sans la COD ne sont pas viables ? Que l’opposition ne privilégie plus l’option de la chaise vide ? Qu’on s’achemine, enfin, vers des élections apaisées ? Ce serait aller trop vite en besogne de l’affirmer, alors que le premier round des négociations vient à peine de commencer. Des négociations qui s’annoncent âpres, tant l’opposition  va jouer serré, pour obtenir un maximum de concessions de la part d’un pouvoir qui a déjà donné le coup d’envoi du match, avant même que ses adversaires n’aient enfilé leurs tenues. Les randonnées ministérielles à l’intérieur du pays, sous forme de missions – en fait, campagne avant l’heure – continuent de plus belle ; distributions d’argent au profit des coopératives féminines, inaugurations de projets et autres promesses de réalisations : autant de cartes déjà copieusement distribuées… Sans oublier l’immixtion flagrante des généraux qui font ouvertement campagne pour le parti/Etat.
Quels résultats peut-on prévoir à l’issue de cette rencontre? Un nouveau report des élections semble, a priori, inévitable. La CENI a fixé le  9 octobre, date à partir de laquelle le dépôt des listes candidates aux élections législatives peut commencer. Une date impossible à tenir, pour une opposition qui n’a même pas encore décidé si elle va participer ou non au scrutin. Une refonte de cette même CENI, pour l’élargir à des représentants de tous les pôles politiques ; la mise en place d’un observatoire des élections, pour faire contrepoids à la puissante Direction générale des élections au ministère de l’Intérieur ; le tout sur fond de « moins d’armée et moins d’Etat » dans le processus, pour y distiller un tant soit peu d’équité entre les partis : tout cela ne se fera pas en huit jours. Certes, il reste utopique de penser qu’un pouvoir putschiste puisse jouer franc-jeu jusqu’au bout mais il est permis d’espérer. Les paris sont donc ouverts : ces négociations ne seront-elles que feu de paille ? Tout ce cinéma juste destiné à disculper ceux qui nous dirigent, une simple opportunité de clamer, une fois que l’opposition en aura claqué la porte, que c’est celle-ci qui sabote la démocratie et patati et patata ? Il n’est pas sûr que les bookmakers fassent fortune, sur ce coup-là… 
                                                                                                              Ahmed Ould Cheikh