dimanche 29 décembre 2013

Editorial : Du nouveau à l’Est



Initialement prévu le 7 décembre, le deuxième tour des élections législatives et municipales n’a finalement eu lieu que le 21. Notre pays est, probablement, le seul au monde où les élections sont organisées et reportées avec autant de légèreté. Il suffit d’un rien, pour qu’on dise qu’il n’est jamais trop pour (ne pas) bien faire. Censées avoir lieu en octobre 2011, elles n’ont eu de cesse d’être reportées, pour cause d’état-civil non encore fonctionnel,  d’absence de consensus, de dialogue national, de commission électorale non encore à pied d’œuvre et tutti quanti. Que n’a-t-on pas entendu, pour justifier la forclusion de l’Assemblée nationale et de deux tiers du Sénat qui continuent pourtant à légiférer, alors que leur date de péremption est dépassée depuis plus de deux ans ? Que n’a-t-on pas avancé comme arguments, pour expliquer que les élections n’auraient lieu qu’une fois toutes les conditions réunies ?
Elles ont, pourtant, eu lieu, alors que pas même deux conditions n’étaient « réunies », si tant est qu’une seule fut jamais présente.  La Coordination de l’opposition, n’ayant obtenu aucune garantie quant à la transparence du scrutin, a décidé de ne pas y prendre part.  La CENI était tout, sauf opérationnelle, les faits l’ont largement démontré lors du premier tour. La « neutralité » des hauts gradés de l’Armée et de l’administration a prouvé qu’il  est vain de  chercher à s’opposer à un parti au pouvoir qui ne respecte pas les règles du jeu, habitué qu’il est à tout rafler sur son passage.  Les partis qui se sont mesurés à cet éléphant (blanc ?) au pied d’argile qu’est l’UPR  lui ont, cependant, fait subir de sérieux revers, à Rosso, Wad Naga,  Guérou, Kankossa, Tintane, Djiguenni,  Kobenni, Néma et dans quatre moughataas de Nouakchott. Jadis bastion imprenable du parti au pouvoir, quel qu’il soit, l’Est serait-il en train de s’affranchir de ses « grands » électeurs, chefs de tribus et autres notabilités si peu  notables ? Le fait que quatre grandes villes – et pas des moindres – dont l’emblématique Kobenni, basculent, d’un coup, dans le camp de l’opposition est assez révélateur. Une mutation serait-elle en train de s’opérer en douce dans le grand Est ? Après plus de vingt-deux ans d’exercice de la démocratie, les Mauritaniens ont-ils enfin ouvert les yeux, au point de ne plus craindre un parti/Etat qui a risqué, pour la première fois, de ne pas obtenir, à l’Assemblée nationale, une majorité à lui seul ? 
Au vu de ce qui s’est passé, est-il permis d’avoir des regrets, quant à la non-participation de l’opposition à ces scrutins ? Aurait-elle pu avoir plus de députés  et de maires qu’elle n’en avait ? La donne aurait-elle changé ? Même si le nombre d’inscrits est faible (qui peut s’expliquer par le mot d’ordre de boycott), rapporté à la proportion de personnes en âge de voter, c’est surtout l’UPR qui en a profité, inscrivant, massivement, ses électeurs et sympathisants sur les listes électorales. Qu’allait-il se passer, si l’opposition avait décidé de participer et  demandé à ses militants de se faire inscrire ? L’UPR aurait eu, sans doute, beaucoup plus de difficultés, particulièrement à Nouakchott, ville frondeuse par excellence. Mais,  comme dit le proverbe, quand le chat n’est pas là…
 Les souris ont certes dansé mais la fête avait, parfois, un goût amer.
Ahmed Ould Cheikh

dimanche 22 décembre 2013

Editorial: Pourquoi pas nous ?

Que n’a-t-on pas dit de Mandela ? L’homme par qui le miracle est arrivé. Celui qui a brisé les chaînes de l’Apartheid, qui s’est sacrifié pour son pays et qui, après vingt-sept ans de prison, a toujours refusé de prôner la violence. Pardon, réconciliation, paix des cœurs étaient ses leitmotivs. Et il a réussi le pari – ô combien insensé, à l’époque ! –  de faire passer l’Afrique du Sud d’un Etat raciste  à une république multiraciale. S’inspirant du Mahatma Gandhi, l’apôtre de la non-violence, il a pardonné aux bourreaux qui lui ont fait tant de mal, ainsi qu’à son pays, faisant, de Frederik De Klerk, le président de l’époque, son premier vice-président. Une sorte de passage de témoin, de transition en douceur, preuve de l’infinie sagesse de cet homme hors du commun. Et l’Histoire lui a donné raison. L’Afrique du Sud a enterré son passé douloureux, en douceur, sans haine ni rancune, et caracole en tête des pays africains, en matière de développement. Il en sera toujours ainsi, lorsque les pays, face aux difficultés de tous ordres, rejettent les méthodes expéditives, privilégient le consensus, et que leurs peuples, réellement libres de choisir, préfèrent des dirigeants véritablement éclairés, au détriment  de sombres démagogues, jouant aux apprentis démocrates.
Après le départ d’Ould Taya, en 2005, nous avons hérité, au lieu d’un Mandela dont nous avions tant besoin, non pas un, mais plusieurs présidents militaires qui gouvernaient en même temps. Deux années durant, les années de braise que le pays avait vécues, entre 1989 et 1991, sont passées par pertes et profits. Ni le passif humanitaire ni la question, lancinante, de l’esclavage ne furent effleurés par  ces militaires qui ne voulaient, surtout pas, ouvrir la boîte de Pandore qui risquait de les éclabousser. Il a fallu attendre l’arrivée de Sidioca, en 2007, pour que ces dossiers soient ouverts mais on ne lui laissera pas le temps d’achever les chantiers et on lui mettra suffisamment de bâtons dans les roues pour qu’il n’aille pas très loin dans leurs règlements. Depuis, c’est à doses homéopathiques et au jour le jour que les problèmes sont abordés. Au lieu d’une vision d’ensemble qui nous permettrait de panser,  une fois pour toutes, ces plaies encore béantes. Certes, n’est pas Mandela qui veut.  Pourtant, il nous en faut un. Pour nous retrouver.  Pour discuter entre nous. Pour  nous insuffler le courage de pardonner.  Pour se dire que, finalement, tout peut se régler par le dialogue. Que nous n’avons pas d’autre pays que la Mauritanie. Que nous sommes tous les mêmes. Que chacun de nous a besoin de l’autre. Le passif humanitaire et l’esclavage ne sont pas plus abjects que l’apartheid. Les sud-africains se sont pourtant retrouvés autour d’une table et ont tourné la page, sans haine ni passion. Pourquoi pas nous ?
                                                                                                    Ahmed Ould Cheikh

lundi 16 décembre 2013

Editorial: L’art de la survie…

Le premier tour des élections législatives et municipales du 23 novembre a vécu. Dans un désordre absolu, une absence totale de transparence et une organisation qui frise l’amateurisme. Que n’a-t-on pas dit, pour accabler une pauvre commission électorale à qui l’on avait confié la mission quasi-impossible d’organiser quatre scrutins en un seul et un temps record ? Il ne s’agit nullement de défendre une CENI victime de son propre zèle qui pensait, naïvement peut-être, qu’avec les maigres moyens dont elle disposait, elle pouvait parvenir à ses objectifs. Avec, à la clé, de l’argent parti à vau-l’eau et un scrutin que tout le monde, même ceux qui l’ont gagné, voue aux gémonies. Une sorte d’entente illicite entre les politiques en course à qui gagnera le plus de députés et de maires, tout en fustigeant la structure qui l’organisé, de A à Z. Chacun y est allé de son couplet. Jemil Mansour a affirmé que la Mauritanie n’avait jamais connu une élection aussi désatreuse. Boydiel s’est dit outré par les manquements de la CENI qui auraient, surtout, porté préjudice à son parti. Messaoud a réitéré ses griefs contre une structure qu’il ne porte pas spécialement dans son cœur. Les trois ont même menacé de boycotter le second tour. Mais, rassurez-vous, seulement du bout des lèvres. On ne crache pas sur une dizaine de députés, quelques maires, un statut d’opposant et une subvention publique qui bouchera les trous laissés vacants par le tarissement de certaines sources. Une façon, aussi, de se refaire une virginité politique à moindre frais. On ne s’engage pas dans telle aventure, contre l’avis de ses amis de l’opposition, pour s’arrêter au milieu du gué et reconnaître qu’on a fait fausse route. Continuer, donc, au risque de se noyer ? Ou faire amende honorable et ne plus cautionner ce que tous qualifient de mascarade ? De toute évidence, ceux qui ont participé au scrutin du 23 novembre n’en ont, apparemment pas, compris l’enjeu véritable, pour le pouvoir. Qui ne se serait jamais aventuré à organiser une élection sans suffisamment de partis de l’opposition pour lui donner un semblant de crédibilité. Et se serait, alors, retrouvé dans l’obligation de lâcher du lest et de négocier. Tous ces messieurs-dames seraient ainsi, avec les partis de la COD, en position de force pour arracher, au pouvoir, un maximum de concessions. Ont-ils cru pouvoir privilégier leurs intérêts et ceux de leurs partis, au détriment de celui de l’opposition et, au-delà, du pays ?
De telles lézardes, dans le mur de l’opposition, ont toujours profité au pouvoir qui ne se prive pas de les exploiter au maximum. Comme en 2007, lorsqu’il obtient le soutien de Messaoud au candidat soutenu par la junte militaire. Ou 2008, quand Ould Daddah convint que le coup d’Etat d’Ould Abdel Aziz n’était qu’une « rectification ». 2013 et nous voilà sous le joug d’une énième incurie de notre opposition, fidèle miroir de celle du pouvoir. Les peuples, dit-on, n’ont que les dirigeants qu’ils méritent. Etant entendu que le vocable «dirigeants» englobe pouvoir et opposition, il va sans dire que nous sommes très mal lotis. Une certaine majorité d’électeurs – 75% d’entre eux, selon la CENI – continuera, donc, à parer au plus pressé. Flairer l’odeur de la soupe et suivre la direction du vent. Gens du désert, ne sommes-nous pas passés maîtres en l’art de la survie ? Chacun pour soi et Dieu pour tous, une nation de bric et de broc, tout en micmac et compagnie, et cahin-caha, tieb-tieb démocratie pour de tieb-tieb démocrates...
                                                                                             Ahmed Ould Cheikh

dimanche 8 décembre 2013

Editorial : L’hiver, à défaut de printemps…



La Mauritanie a enfin voté. Les élections législatives et municipales, prévues en octobre 2011, se sont, finalement, déroulées le 23 novembre… 2013. Sans la Coordination de l’opposition démocratique, qui avait conditionné sa participation à un minimum de transparence et de sérieux, dans l’organisation du scrutin. Mais avec une majorité plus que jamais divisée et une opposition dite dialoguiste qui en train de regretter d’avoir pris part à ce qu’elle a, elle-même, qualifié de « mascarade ». On n’a, en effet, jamais vu une élection dont les résultats officiels ne soient toujours pas connus, sept jours après le dépouillement des bulletins.  Une situation qui tourne, parfois, au cocasse, lorsque, dans une même circonscription, chaque liste se prévaut d’avoir gagné, sur la base des résultats qui lui ont été communiqués par ses représentants dans les bureaux de vote. Tantôt, c’est un parti qui gagne au premier tour, avant de revenir sur terre et de se voir obligé d’aller à un nouveau round, après l’annonce des résultats par les organes de presse officiels. Il a, pourtant, tout pour prouver qu’il a bien coiffé ses adversaires au poteau mais les calculs de la CENI ont fait perdre le Nord à bien des candidats et pas des moindres.
On pouvait ne pas en arriver, là si la loi avait été appliquée. Celle-ci stipule que les procès-verbaux du dépouillement de chaque bureau de vote sont remis à tous les représentants de listes et affichés à l’entrée dudit bureau. L’irrespect de cette clause fonde, à lui seul, la nullité du scrutin. L a CENI a justifié cette entorse au réglement par la multiplicité des listes candidates. « Cela prendrait un temps fou et retarderait, encore plus, la proclamation des résultats », dit-on, pince-sans-rire. C’est, toutes proportions gardées, un chauffeur qui viole le code de la route, en brûlant un feu, pour ne pas être en retard. On se demande, d’ailleurs, pourquoi les partis de l’opposition qui ont participé à l’élection ne se sont pas engouffrés dans cette brèche, en déposant un recours auprès du Conseil constitutionnel ? Pourquoi l’APP, qui a fait monter les enchères, à Nouadhibou et Zouérate, en manifestant, s’est, subitement, ravisée et a demandé, à ses candidats et militants, de « revenir à la raison »? Et pourquoi El Wiam a crié au vol, à Wadane, Rosso et Méderdra, avant de faire prévaloir la « sagesse » ?  Nos deux leaders haratines seraient-ils à c epoint conciliants avec Ould Abbdel Aziz ? Craignent-ils qu’on leur dise, à la fin, qu’ils ont été pris à leur propre piège, en participant à cette partie de poker menteur où l’UPR ne leur laissera que des miettes ? Rien qu’à voir la machine de guerre qu’il est en train de mettre en branle, à grands renforts de hauts fonctionnaires, généraux et hommes d’affaires appelés à la rescousse, pour ne pas se faire battre à Nouakchott, Guérou et Tintane, on se dit que l’UPR est atteint d’incurable boulimie. Son chef aurait pu faire preuve d’un peu de discernement, en évitant de tout écraser sur son passage et en laissant, à ceux qui ont avalé bien des couleuvres, la possibilité d’une représentation honorable à l’Assemblée. A moins qu’il ne veuille laisser, aux islamistes, la possibilité de devenir la principale force d’opposition et de gagner la Communauté urbaine de Nouakchott. Ce qui serait du plus mauvais effet, vis-à-vis des partenaires étrangers, toujours très frileux face à l’islam politique. De toute manière, les islamistes ayant la fâcheuse habitude de tisser leur toile sans se presser, ils risquent fort de se retrouver, dans quelques années, la principale force politique du pays. Et le pouvoir leur aura grandement facilité la tâche, cette fois, en fermant la porte du dialogue avec les forces progressistes. Une aubaine que le parti Tawasssoul n’a pas ratée et qu’il exploitera le plus possible, surtout à Nouakchott où l’opposition a toujours été majoritaire. Ould Abdel Aziz n’a jamais voulu d’Ahmed Ould Hamza, parce qu’il était RFD. Avec un vrai barbu comme nouveau challenger, sa glabre rectification parviendraIt-elle, enfin, à paraître démocrate ?  L’hiver égyptien a le vent en poupe…  
                                                                                                    Ahmed Ould Cheikh