dimanche 25 novembre 2012

Editorial : Game over ?



Depuis qu’il est sorti, il y a près de trois semaines, de l’hôpital Percy de Clamart, dans la région parisienne, et devant les rumeurs, insistantes, qualifiant son état de « critique », Ould Abdel Aziz n’arrête plus de téléphoner. Messaoud, Boydiel, Ould Horma de Sawab, Ould Cheikh Belmaali, le président de l’UPR et d’autres encore ont eu droit à un coup de fil présidentiel, pour les rassurer sur l’évolution, positive, de son état de santé. Discrimination parmi tant d’autres dont notre pays a le secret, aucun  négro-mauritanien n’a été coopté, pour parler  avec le Président. Comme s’ils n’étaient pas concernés par les ravages de la balle « amie » sur l’illustre bedaine et par le sort de leur pays. Au même titre que tous les autres Mauritaniens.  Inquiets, et à juste titre, des suites d’une tragi-comédie que nous vivons depuis ce fameux 13 octobre dernier. Et dont personne ne sait sur quoi elle débouchera, si, contrairement à ce qu’on nous chante à satiété, Ould Abdel Aziz ne viendra pas d’ici quelques jours. Pour étayer leur argumentaire sur la santé retrouvée du chef, les communicateurs officiels n’ont lésiné sur aucun moyen. Des coups de fil par ci, des messages à ses homologues par là, et une audience de vingt minutes, avec le président nigérien en visite en France. Un événement passé totalement inaperçu, aussi bien dans la presse nigérienne que sur le site même de la présidence de ce pays qui a passé, pourtant, en revue les moindres autres activités du président Issoufou dans la capitale française. Même pas un petit mot sur cette visite au cours de laquelle, selon nos médias officiels, les différents aspects de la coopération entre les deux pays ont été évoqués. Elle n’avait, donc, aucun caractère privé. Alors pourquoi ce black-out, de la part des médias nigériens ? Auraient-ils reçu consigne de ne pas évoquer la visite ? Une hypothèse difficilement envisageable, quand on connaît la longue tradition de liberté cultivée par les médias de ce pays, très peu enclins à recevoir des directives sans se poser de questions.
Toujours est-il que, de report en report, la rue mauritanienne commence à en avoir assez et veut, maintenant, être édifiée sur ce qui s’est réellement passé et sur l’état réel du président, loin des acrobaties et des faux-fuyants. Car, avec cette absence prolongée, tout est désormais envisageable. Le meilleur pour certains, le pire pour d’autres. Certes le chef d’état-major de l’Armée, l’alter ego du président malade, tient les commandes et réunion sur réunion. Tantôt ce sont des ambassadeurs accrédités dans notre pays, tantôt des hommes politiques avec lesquels il fait, officiellement, un tour d’horizon de la situation. Avec ses nouveaux habits de chef par procuration, son appétit ne risque-t-il pas de s’aiguiser, comme tant d’autres avant lui ?  Même les soutiens du Premier ministre découvrent à ce dernier un subit destin national. Et,  sous couvert d’un soutien à Ould Abdel Aziz, tentent de le mettre sur orbite, au cas où les choses tourneraient mal. L’opposition, elle aussi, s’organise. Elle s’apprête à descendre dans la rue, le 21 courant, pour n’en ressortir qu’à satisfaction de ses doléances : le bulletin de santé du président et la déclaration de vacance du pouvoir.
C’est dire que les prochaines journées seront décisives. Ou le président revient, dans des délais raisonnables, en bonne santé et apte à exercer ses fonctions. La balle « amie » ne sera, alors, qu’un mauvais souvenir. Ou son absence se prolonge, pour une raison ou une autre. En ce cas, plus personne ne peut jurer de rien et ce sera la porte ouverte à toutes les incertitudes. A moins d’un sursaut national à la mesure des défis auxquels le pays fait face. Fin de partie ?
                                                                                                                            Ahmed Ould Cheikh

dimanche 18 novembre 2012

Editorial : Un seul être vous manque….



 Depuis un certain samedi 13 octobre, la Mauritanie a le regard tourné vers la France où son président a été évacué suite à une blessure provoquée, officiellement, par une balle « amie ». Le pays  vit au rythme des apparitions, déclarations, coups de fil d’un président qui a désormais tout l’air de la fameuse Arlésienne. Celle dont on parle toujours et qu’on ne voit jamais. Si l’on exclut deux apparitions, pour le moins furtives, avec le ministre français de la Défense et avec le général qui l’a opéré. La première n’a, certes, laissé aucun doute sur son authenticité, tant l’homme paraissait fatigué et les traits tirés, suite à la délicate opération qu’il a subie, la seconde a donné lieu à toutes sortes d’interprétations. Chacun y est allé de son commentaire et des petits malins se sont même permis de l’analyser techniquement, pour démontrer qu’il s’agit d’un montage grossier. Ils en veulent pour preuves qu’aucun organe officiel n’a publié quoi que ce soit sur le président, depuis son évacuation, hormis un discours sans son et sans image, à l’occasion de la fête d’El Adha. On pourrait, d’ailleurs, se demander quelles sont les raisons de ce black-out. Pourquoi  les images du président, qu’on a livrées, clé en mains, à la presse privée, n’ont-elles pas été reprises par la TVM ou le quotidien national ? Ces organes, si prompts à verser dans la flagornerie la plus vile, devaient avoir des consignes strictes, pour ne pas se faire l’écho de telles informations, pourtant vitales dans la campagne menée, actuellement, par les tenants du régime sur l’absence de vacance du pouvoir. Alors qu’il n’est « qu’en vacances », dixit Ould Brahim Khlil, l’inénarrable ambassadeur à Paris qui pilote, désormais, toute la com gouvernementale, du moins celle relative  à la situation sanitaire de l’illustre pensionnaire de l’hôpital Percy. Ce qui ne lui pas a valu que des succès, loin de là.  De bout en bout, la communication s’est révélée un véritable désastre, produisant l’effet inverse et ajoutant à la confusion. Depuis la sortie, le premier soir, du ministre de la Communication, en passant par le passage du lieutenant auteur du tir « ami » et jusqu’à la dernière image, rafistolée, avec le médecin français, tout n’était qu’enfantillage et amateurisme poussé à l’extrême. On ne s’improvise pas communicateur. Ce n’est pas pour rien que les présidents des plus grands pays du monde font appel à des conseillers spécialisés en ce domaine pointu. Pour ne pas paraître ridicule et ramer à contre-courant. Mais ne jasons pas trop sur l’incompétence de ceux qui président à nos destinées. Elle est structurelle. Ce qui nous importe, actuellement, c’est que notre pays traverse une passe difficile, en l’absence de celui qui prétendait régenter toute notre vie. De la plus petite dépense du Trésor public au plus gros marché du BTP, rien n’échappait à celui qui ne dormait que d’un œil. En son absence, c’est le vide sidéral. Un seul être vous manque et tout est dépeuplé. Jusqu’à quand ? Jusqu’où ira cette aberration constitutionnelle ? La nature a horreur du vide : quand se décidera-t-elle, en Mauritanie, à reprendre, enfin, ses droits ?
Ahmed Ould Cheikh

dimanche 11 novembre 2012

Editorial : Rassurés, les Mauritaniens ?



Messaoud a parlé. Alors qu’on s’attendait à ce qu’il nous présente sa proposition pour une sortie de crise, devenue, depuis un certain samedi 13 octobre, plus que jamais d’actualité, le voilà convoquant la presse, pour lui dire… qu’il a parlé au téléphone avec Ould Abdel Aziz ! Lequel est, selon lui, certes affaibli mais en voie de guérison. A vingt-quatre heures d’un meeting que l’opposition compte organiser pour réclamer la lumière sur les circonstances de la blessure présidentielle et la durée d’invalidité du président, on peut se poser des questions sur le timing de cette conférence de presse. Et sur le choix de Messaoud. N’est-il pas président  de l’Assemblée nationale, donc d’un pouvoir législatif, censé être indépendant de l’exécutif ? Pourquoi s’est-il transformé en porte-voix de la majorité ? Ould Abdel Aziz n’a-t-il pas d’autres canaux pour faire savoir, à des Mauritaniens de plus en plus inquiets, qu’il est en voie de rétablissement ? Certes le vieux leader est une personnalité respectable et sa voix porte encore mais, à trop flirter avec le pouvoir, il risque d’y laisser des plumes. D’ailleurs, il s’en est aisément rendu compte. Le peu d’empressement, manifesté par les journalistes et, au-delà, par l’opinion publique, à prendre, pour argent comptant, ses déclarations rassurantes sur l’état de santé d’Aziz,  lui est monté rapidement à la tête. Il n’a pas hésité à s’en prendre, ouvertement et en termes pour le moins peu amènes, à un de nos confrères qui le titillait sur les circonstances et le timing de l’appel. Il n’en fallait pas plus pour que Messaoud sorte de ses gonds. Et déverse sa bile sur la presse en général. Même s’il s’est excusé quelques jours après, le mal était déjà fait. Quand l’argument de la force prend le pas sur la force de l’argument, le résultat n’est pas nécessairement ce à quoi on s’attendait.
Dans ce cas précis, l’intervention de Messaoud n’aura fait qu’ajouter à la confusion d’une situation déjà bien confuse. On ne sait toujours pas grand chose sur les circonstances dans lesquelles le président a reçu une balle « amie », ni combien de temps il restera en convalescence, ni qui préside, actuellement, à nos destinées, ni comment les choses vont évoluer, en l’absence prolongée d’un chef omnipotent et omniscient. Les généraux en profiteront-ils pour se retourner contre celui qui les a faits rois ? Ou faut-il avoir peur de jeunes loups qui commencent à en avoir assez de l’hégémonie de leurs chefs ? Dans l’un et l’autre cas, ce serait une catastrophe  et un retour en arrière assuré. Mais ce que nous vivons est tellement aberrant qu’aucune hypothèse ne peut être exclue. Si notre Constitution avait prévu tous les cas de figure, si notre président n’était pas un putschiste reconverti en démocrate très peu convaincu, si nos institutions n’étaient pas périmées,  si les pouvoirs étaient réellement séparés ; bref, si nous vivions une démocratie normale ; non seulement Messaoud n’aurait pas parlé et l’on n’aurait, de surcroît, aucune crainte pour notre avenir.
L’inconvénient d’une présence, un peu trop marquée, de certains militaires, dans le jeu politique a l’énorme inconvénient d’aiguiser l’appétit d’autres collègues, privés de leur part de gâteau. Un cercle vicieux dont on ne sort pas facilement. Nous en vivons l’amère expérience depuis 1978. Pour combien de temps encore ? Quoiqu’il advienne, à quelque chose malheur est bon. La blessure d’Aziz nous aura, au moins, permis d’ouvrir les yeux sur l’absurdité de ce que nous vivons. Espérons qu’on en sortira sans trop de casse !
                                                                                                                                  Ahmed Ould Cheikh

dimanche 4 novembre 2012

Editorial : Stop à l’incertitude !

Y a-t-il un pilote dans l’avion ? Qui tient le gouvernail du bateau Mauritanie ? Des questions que tout le monde se pose désormais, tant notre avenir parait incertain, depuis cette soirée fatidique du 13 octobre où notre président s’est fait tirer (??) dessus, si bien que, durant toute la journée du samedi 27, des rumeurs, persistantes, ont évoqué la possibilité d’un coup d’Etat en instance d’exécution. Et chacun y est allé de sa version : « Le Premier ministre a été arrêté », « Un communiqué sera radiodiffusé tout à l’heure », « la page Aziz est tournée », « Les généraux sont en conclave depuis quelques heures », tout, ou presque, a été colporté ce jour. Avant que la rumeur ne se dégonfle, comme une baudruche. Certains partisans d’Aziz, prenant les devants, descendent dans les rues le soir même, avec des photos de notre malade le plus célèbre. Les abords du Palais des congrès se sont transformés, pour l’occasion, en un véritable rodéo où des enfants de riches manifestaient leur soutien au « président des pauvres ». Le pouvoir ne supportant pas le vide, particulièrement dans un pays ayant le plus fort taux de coups d’Etat à l’année, des appétits ne manqueront pas de s’aiguiser. Entre militaires, on ne se fait ordinairement pas de cadeaux. Et, comme à la chasse, qui s’absente perd sa place. Ould Haïdalla et Maaouya en ont fait les frais. Qui a dit « jamais deux sans trois » ?
Plus sérieusement, jamais situation n’a paru aussi préoccupante que celle que nous vivons depuis deux semaines. Les informations sur la santé du président, rassurantes au début, ne parviennent plus qu’au compte-gouttes et n’augurent pas d’un rétablissement aussi rapide qu’on a voulu nous le faire croire. Un black-out total entoure son lieu de séjour en France et il n’est plus accompagné d’aucun membre de son staff. Depuis sa sortie avec le ministre français de la Défense, avec une mine défraîchie et l’air fatigué, on ne l’a toujours pas revu. Il s’est, juste, contenté d’un message écrit, à l’occasion de la fête d’El Adha. L’UPR, le parti/Etat qu’il a fondé, a mis un bémol à sa campagne de sensibilisation pour l’accueil populaire qui devait lui être réservé à son arrivée, tant le doute plane sur la date de celle-ci, si tant  est qu’elle devait avoir lieu de sitôt. Que faire alors ? La Constitution ne prévoyant pas de vacance temporaire du pouvoir, qui tiendra les rênes du pays, en attendant que la situation s’éclaircisse ? Au cas où Aziz serait hors jeu, qui prendra les devants ? Les militaires qui n’ont jamais quitté le pouvoir? Une nouvelle transition ? De combien de temps et avec qui à sa tête ? Si l’on devait s’en tenir à la Constitution, ce serait Ba Mbaré mais il est, lui aussi, malade et séjourne actuellement en France pour des soins.
Notre pays est, en tout état de cause, trop fragile pour supporter, longtemps, de tels atermoiements. La guerre, qui se prépare au Nord Mali, ne peut nous laisser indifférents et ne manquera pas d’avoir des répercussions sur notre stabilité. Nous avons besoin d’être édifiés sur notre sort. Si Ould Abdel Aziz est malade qu’on nous le dise ! Qu’on nous précise la durée de son invalidité et qu’on cesse de nous prendre des enfants !

                                                                                          Ahmed Ould Cheikh