lundi 25 mai 2015

Editorial: De profundis?

Alors que le dialogue politique, dont on parle pourtant depuis plusieurs mois, n’en est à qu’à ses premiers balbutiements, ne dépassant pas le stade d’échanges de bons procédés et de déclarations d’intention, la Convention pour l’Unité et l’Alternance Pacifique et Démocratique – la bien nommée CUPAD, dernier avatar de la CAP, qui regroupe trois partis d’opposition : APP, Sawab et El Wiam – vient de jeter un énorme pavé dans la mare. Se sentant exclue du dialogue en gestation, elle a organisé, lundi dernier, une conférence de presse pour déclarer, d’emblée, qu’elle s’oppose à toute modification constitutionnelle relative au mandat présidentiel. La CUPAD a cité, nommément, les articles 26 et 28 de la Constitution qui fixent le mandat du Président de la République à cinq ans, « rééligible une seule fois ». Ainsi que l'article 29 par lequel le président investi jure « de ne point prendre ni soutenir, directement ou indirectement, une initiative qui pourrait conduire à la révision des dispositions constitutionnelles relatives à la durée du mandat présidentiel et au régime de son renouvellement, prévues aux articles 26 et 28 de la présente Constitution ». Une fois rappelés ces sacro-saints articles, la CUPAD prend, toutefois, la sibylline précaution de préciser qui si « la volonté des participants au dialogue s’exprime par un consensus en faveur de modifications constitutionnelles et dans ces conditions seulement, elle ne peut que les approuver ».
C’est ce qu’on appelle, en langage d’écolier, être hors sujet ou passer à côté de la plaque. Le dialogue n’ayant pas même connu un début de commencement, personne ne peut présager des thèmes qu’on y abordera, si jamais il a lieu. Ce qui est très loin d’être acquis. Comment expliquer qu’on jette ainsi, en pâture à l’opinion, l’idée qu’on puisse, ne serait-ce qu’un instant, penser à une modification de la Constitution ? Comme rien n’est gratuit en politique, on ne peut qu’avoir des doutes sur une telle sortie, en ce moment précis. Un ballon d’essai, pour voir comment réagiront les autres forces politiques ? Ou volonté de donner un coup de main au Président, au cas où celui-ci s’aventurerait sur ce terrain miné ? La CUPAD n’en est pas certes à son coup d’essai. Messaoud est déjà venu au secours d’Ould Abdel Aziz, lors de l’épisode de la « balle amie » et la CAP s’était présentée, seule, au dialogue de 2011 avec le pouvoir, brisant, du coup, les rangs de l’opposition. Ce n’est probablement pas un hasard, non plus, que Messaoud s’est fait recevoir, au Palais gris, au lendemain même de ladite conférence de presse. Mais, franchement, on a beaucoup de mal à concevoir en quoi tout cela pourrait être de nature à rétablir la confiance avec le FNDU… A moins que, justement, il ne soit question que de l’enterrer définitivement ?
                                                                                               Ahmed Ould Cheikh

dimanche 17 mai 2015

Editorial: Chassez le naturel...

Ould Abdel Aziz a, finalement, tenu sa conférence de presse, mardi dernier 5 Mai. La deuxième en un mois et quelques jours. Sévèrement recalé à son premier oral, notre guide éclairé s’étant trouvé, rapidement et avant même le début des questions, étranglé par la colère, le second ne fut pas un succès. Sa seule raison d’être est de tenter d’effacer l’image, désastreuse, laissée par la précédente rencontre, avec quelques journalistes triés sur le volet. Pourtant, aucune de ces conférences ne se justifie. Ni par le timing, ni par l’ampleur des réalisations, ni par une annonce importante. On pensait que le Président allait profiter de cette tribune pour annoncer la découverte, par Kosmos, d’importantes quantités de gaz et les perspectives qu’elles offriraient au pays. Il s’est juste contenté de quelques mots sur le sujet. On lui a, peut-être, susurré à l’oreille que cette même société avait publié une telle annonce, il ya quelques années, au Maroc, pour du pétrole cette fois, avant que  l’info ne se révèle un canular. Surtout que les Sénégalais viennent de faire une mise au point importante, en précisant que les découvertes annoncées se trouvent en territoire mauritanien. Une façon comme une autre de ne pas donner de faux espoirs à leur peuple, au cas où… on ne sait jamais.
Qu’a dit Ould Abdel Aziz de plus que la dernière fois ? Le premier tour de table a été réservé à ses « visitations » à l’intérieur du pays. Il en a profité pour rappeler ce qu’il pense de lui-même, de son gouvernement et des populations qui, contrairement  à ce que prétendent les « gens de Nouakchott », ne souffrent pas autant de la sécheresse et de la soif. « Trente mille tonnes d’aliment de bétail ont été vendues à des prix subventionnés par l’Etat  et les bidons jaunes, brandis dans certaines localités, ne veulent pas dire que les populations ont soif », dira-t-il. Un signe de joie, peut-être ? Concernant sa déclaration de patrimoine, dont les détails n’ont pas été révélés, contrairement aux usages, notre guide éclairé s’est déchaussé sur l’actuel président de la Cour Suprême qui lui a déclaré que « le texte n’est pas contraignant pour le second mandat ». Il est, peut-être, devenu plus pauvre, entre-temps. Arrêtons de lui chercher la petite bête. Sur le BASEP, dont la régularisation de la situation est préalable à l’amorce du dialogue avec le FNDU, Ould Abdel Aziz s’est voulu clair : « Pourquoi cherche-t-on à dissoudre ce bataillon ? », s’interroge-t-il. Hochement de tête désapprobateur de certains. On aurait, pourtant, pu lui répondre que c’est parce qu’il a deux coups d’Etat à son actif. Il est incompatible qu’une démocratie qui se respecte ait, ainsi en permanence, une épée de Damoclès sur sa tête.
Le passif humanitaire ? Réglé. La question de l’esclavage ? Exploitée, par certains, à des fins égoïstes. Le Ghanagate ? Une tentative d’arnaque, comme on en voit tous les jours, et dont j’ai été victime. L’évocation, par un confrère, d’un article du journal « Le Monde », revenant sur cette affaire, a provoqué l’ire du Président. Chassez le naturel… Ce fut, pour lui, l’occasion de s’en prendre au site « Mondafrique » et à son fondateur, Nicolas Beau, financé, selon lui, par un homme d’affaires mauritanien exilé, dans le seul but de dire du mal de lui, avec la complicité d’un journaliste mauritanien. Occasion, par là-même, de nous rappeler qu’avec l’emportement, la rancune lui est plus tenace que la reconnaissance. De quoi revenir, effectivement, au galop. Mais pour quelle course en rond ?

                                                                                          Ahmed Ould Cheikh

lundi 11 mai 2015

Editorial: Au grand malheur, la malchance...

Notre guide éclairé animera (a animé ?), ce mardi 5 Mai, une nouvelle conférence de presse. La deuxième en un mois. Le comble, pour un homme qui a fait toute sa carrière dans la Grande Muette. Après l’échec de la première rencontre, où il n’a fait preuve que d’énervement, sans rien promouvoir de nouveau, sans doute aura-t-il annoncé, cette fois, la découverte d’importants gisements de gaz au large de Nouakchott. Une éclaircie dans un océan de grisailles. Une bonne nouvelle, au moment où les mauvaises s’amoncellent. L’effet d’annonce nous aidera-t-il à sortir de ce mauvais pas ? En quoi l’exploitation, dans une dizaine d’années, d’une quantité de gaz, aussi importante soit-elle, nous permettra-t-elle de renflouer le Trésor public, générer des devises pour nos importations, aider à la résorption du chômage ou faire face à la sécheresse et à la soif qui martyrisent hommes et cheptel ?
Las d’attendre des lendemains qui chantent et qui ne viennent pas, le peuple en a assez des promesses et des mirages. Sa situation empire de jour en jour. Il n’a accès ni à des soins ni à une éducation dignes de ce nom. Les prix des hydrocarbures refusent, obstinément, de baisser, malgré la chute de ceux de  l’or noir, tout comme les denrées de première nécessité dont les étiquettes ne cessent de valser. Pris à la gorge, on ne sait plus à quel saint se vouer, pour joindre les deux bouts. Pire, nous voilà en chemin d’être à nouveau scindés en communautés, tribus, fractions et sous-fractions, avec la bénédiction d’un pouvoir qui a fait sienne la devise : « diviser pour régner ». Mais la médaille a son revers : l’Etat et les particularismes ne font pas bon ménage.  Tôt ou tard, il finira par se rendre compte que cette technique, tout comme celle de l’autruche, ne mènent nulle part.
Tourmenté, comme on l’a vu, à l’intérieur, par les problèmes qui s’accumulent, Ould Abdel Aziz vient d’ouvrir un nouveau front, à l’extérieur, avec la crise diplomatique mauritano-algérienne. L’expulsion, par la Mauritanie, d’un diplomate algérien, coupable d’avoir suscité un article accusant le Maroc d’inonder la Mauritanie de drogues, n’a pas tardé à provoquer la même réaction à Alger. Depuis, c’est une campagne au vitriol qui est lancée, dans la presse algérienne, contre notre pays et son président. Une escalade qu’on aurait pourtant pu éviter, si le problème avait été réglé par les voies diplomatiques ordinaires, sans aller jusqu’à déclarer l’algérien persona non grata.
Mais il en va, en Mauritanie, de la diplomatie comme du reste. Au jour le jour, à l’humeur du boss et au p’tit bonheur la chance. Au grand malheur, la malchance ? « Chaque jour, vers l’enfer, nous descendons d’un pas, sans horreur, à travers des ténèbres qui puent… », disait Baudelaire. Et, bien que nul ne soit prophète en son pays, il aurait pu être mauritanien…

                                                                                                                   Ahmed Ould Cheikh

dimanche 3 mai 2015

Editorial: A défaut de grives....

Le premier passant, un tant soit peu averti, vous le dira. Quelque chose ne tourne pas rond, dans ce pays. Après les années d’abondance, marquées par une hausse sans précédent des prix des matières premières, des recettes fiscales et douanières, dépassant toutes les prévisions, notre pays serait-il en train de manger son pain noir ? Il n’est, en effet, nul besoin d’être savant pour se rendre compte que l’année 2015 sera une année plus que difficile : Le prix du fer et du pétrole touchent le fond, l’accord de pêche n’a pas été renouvelé avec les Européens, la production céphalopodière, la plus importante pêcherie et celle qui rapporte le plus en termes de devises, est au plus bas, les impôts font désormais chou blanc, tant leur pression sur les opérateurs a été forte l’année dernière, la sécheresse risque de décimer une grande partie de notre cheptel, les avoirs du Trésor, au niveau de la Banque centrale, se réduisent comme peau de chagrin, nos recettes en devises, dont Ould Abdel Aziz s’enorgueillissait, ne sont plus qu’une goutte d’eau dans un océan de besoins. Les observateurs ne s’y sont pas trompés. Ils ont bien remarqué que notre guide éclairé avait « oublié », avant de commencer sa dernière conférence de presse, de donner les chiffres du compte du Trésor, des recettes en devises, des réalisations des Impôts et de la Douane. Comme le bilan n’était plus aussi reluisant que les années passées, lorsqu’il nous bombardait de chiffres, de tableaux et de courbes, il s’est prêté, sans transition, au jeu des questions-réponses. En refusant, systématiquement, de donner le moindre chiffre, même celui de 4% de croissance que nous offrent, gracieusement, les « experts » du FMI. Ils doivent être vraiment sorciers, ces spécialistes, pour être les seuls à nous donner d’aussi bons résultats macro-économiques, quand tous les indicateurs sont au rouge. Jugez-en vous vous-mêmes. Dans l’Indice de Développement Humain (IDH) publié, chaque année, par le PNUD, nous sommes passés de la 155ème place, en 2013, à la 161ème, en 2014. Le rapport Doing Business de la Banque Mondiale nous fait passer de la 166ème, en 2010, à la 173ème, en 2014. Pour l’ONG Transparency International, qui dévoile, chaque année, un Indice de Perception de la Corruption (IPC), notre pays dégringole de la 119ème position, en 2013, à la 124ème l’année dernière. Et vous savez la meilleure ? Avec 31% de chômeurs en 2013, la Mauritanie se retrouve, selon l’Organisation Internationale du Travail (OIT), leader mondial du chômage. Pas de quoi donc pavoiser. Mais le peuple aime ça, pavoiser ! Alors, visitationnons-le ! Tout occupé qu’il sera à accueillir son hôte de marque ou à béer au spectacle, il en oubliera, peut-être, ses problèmes quotidiens, en attendant que la situation s’améliore, que les prix des matières premières redressent le nez ou que l’hivernage arrive. Et ne me dites pas que ça coûte cher, ces grands mouvements de marionnettes ! Ça fait tout de même tourner l’économie locale, hein ! C’est vrai, à défaut de grives…
                                                                                                      Ahmed Ould Cheikh