dimanche 31 juillet 2022

EDitorial: Une symphonie nationale enfin nôtre?

 Que nous annoncent les récentes réactions populaires à l’augmentation brutale des prix à la pompe et, surtout, du doublement du coût des trajets en taxi ? Certains s’acharnent à ne vouloir y voir que des manipulations politiques à l’approche des élections. Mais le ras-le-bol est réel et la fameuse goutte d’eau que j’évoquais la semaine dernière paraît bel et bien d’actualité. Et cette éventualité se renforce avec l’étonnante décision de ramener le prix du pain à 100 MRO, au lendemain même de celle l’augmentant de 20 MRO : La peur est là, on frôle à l’évidence le bord du gouffre.

Le péril s’augmente des débats autour de la réforme de l’Éducation. Les résultats du bac ont clairement démontré que la langue française est en passe d’être bannie de l’enseignement, à tout le moins réduite à la portion congrue. Les élèves de la Vallée en font les frais. Une situation qui amplifie les déséquilibres dans la représentation des différentes ethnies du pays dans l’élite nationale. Même en admettant que le pouvoir ait réellement la volonté d’assurer désormais le développement de toutes nos langues nationales– cela reste à prouver – dans combien d’années cela se traduira-t-il par une augmentation substantielle du nombre de bacheliers négro-mauritaniens ? 

Quelles mesures entre temps auront-elles su apaiser les vieilles tensions exacerbées par une conjoncture mondiale si pénible au budget des communautés défavorisées, ethniques et statutaires ? Parier sur une embellie internationale ne doit pas être une option. C’est à nous-mêmes d’entreprendre enfin la guérison de nos plaies bêtement entretenues, voire stupidement portées, depuis l’accession des militaires au pouvoir. La survie de notre démocratie, de notre nation même, est en jeu. L’heure est réellement d’importance cruciale. Unissons-nous à composer enfin notre symphonie nationale ! 

 

                                                                        Ahmed ould Cheikh

samedi 23 juillet 2022

Editorial: On attend quelle goutte d'eau?

 800 MRO pour aller et venir, « tout-droit », entre Toujounine et BMD ! Soit 17 500 MRO/mois pour un banlieusard travaillant cinq jours sur sept en centre-ville… Le budget « déplacements » des petites bourses vient de prendre  un sérieux coup – fatal ? – dans l’aile, après ceux, répétitifs, portés à la rubrique « alimentation » (notamment avec le prix du litre d’huile doublé en deux ans !). Avec un SMIG toujours scotché à 30 000 MRO/mois, on va où, là ? 58% de ce SMIG en frais de déplacements, il en faudrait combien, de cette paye de misère, pour loger, nourrir et habiller femme et enfants, devoirs fondamentaux de tout père de famille musulmane, au demeurant citoyen lambda de toute république affichée islamique ? Quatre ou cinq, soit 160 à 200 heures de boulot par semaine, alors que celle-ci n’en comptera jamais plus de 168 (7x24) ? « La Mauritanie n’est pas en crise », clamait, il y a peu, le chef de son État censé les administrer, elle et ses principes. Vu du Palais gris et des trompe-l’œil statistiques, cela peut paraître évident. D’autant plus que nos gouvernants n’ont besoin d’aucune pierre pour tromper le creux de leur ventre. Mais les pierres ont également cette capacité de voler, parfois, pour rappeler à ceux-là que la réalité existe aussi au dehors des palais et des indices économiques savants… On attend quelle goutte d’eau ?

                                            Ahmed Ould Cheikh

vendredi 15 juillet 2022

Editorial: Gâchis, encore et toujours..

 Faut-il en rire ou en pleurer ? La situation n’est en tout cas ni reluisante ni encore moins amusante. Le ministre des Affaires économiques vient de jeter un énorme pavé dans la mare. Connu pour son intransigeance, ce technocrate averti n’est apparemment pas un adepte de la langue de bois. Il vient de dire tout haut ce que tout le monde pensait tout bas sans jamais oser le dénoncer. Dans une déclaration dont les échos résonnent encore, il a affirmé que « plus de la moitié du portefeuille, soit 55%, est composée de projets subissant des lenteurs dans leur exécution. 47,5 % enregistrent des dépassements d’au moins deux ans par rapport à leur date initiale de clôture, certains allant jusqu’à neuf ans. 26,2 % n’ont fait l’objet d’aucun décaissement plus de douze mois après la signature de leur convention respective de financement et certains n’en ont même connu aucun plus de six ans après ladite signature ; 18,1% enregistrent des taux de décaissement inférieurs à 50% – certains moins de 10% – à moins d’une année de leur date de clôture. » Et le ministre d’enfoncer le clou : « 8,2% n’atteignent pas 10% de taux de décaissement deux ans après la signature de leur convention, certains n’atteignant pas ce chiffre six années après celle-là. »

Une situation qui entraîne des pertes importantes pour le pays en termes de coût financier et de manque à gagner. Mais à qui la faute ? Aux coordinateurs de projets dont le ministre a évoqué les contre-performances ? Ou à ceux qui les ont choisis ? Il y a en tout cas urgence à trouver une solution à un problème qui ne date pas d’hier. Au moment où tous les pays se battent pour obtenir des financements, le nôtre se permet de gaspiller des occasions d’en absorber. Il suffit juste de faire preuve d’un peu de compétence. Serait-ce trop demander ?

                                                       Ahmed ould Cheikh

dimanche 3 juillet 2022

Editorial: Torrent de boue

 Le ministre de l’Intérieur l’a dit la semaine dernière devant l’Assemblée nationale… mais on le savait déjà :il y a trop de partis politiques en Mauritanie. Comme il y a trop d’ONG, trop de journaux, trop de sites Web. L’exagération à l’état pur. Chaque fois qu’une brèche est ouverte, tout le monde s’y engouffre. Répondant à une question orale d’un député, le premier flic du pays a essayé d’expliquer, méthodiquement, qu’un pays de quatre millions d’habitants ne peut pas « absorber » autant de partis politiques (plus de cent dont près de soixante-dix dissous il y a trois ans pour n’avoir pas obtenu le seuil minimum lors des dernières élections mais qui refusent de ‘’mourir’’ !). Si l’on y ajoute les quatre-vingt nouveaux dont les demandes ont déjà été officiellement déposées, il y a de quoi avoir le tournis. Quand on sait qu’aux États-Unis, la plus vieille démocratie du Monde, il n’y en a que deux et qu’au Sénégal voisin, à peine une dizaine (dont seulement la moitié a pignon sur rue), il y a de quoi se poser des questions sur notre situation « abracadabrantesque », comme aurait dit Chirac.

Sentant que les journaux avaient de l’influence et pouvaient, du coup, orienter l’opinion, le pouvoir d’Ould Taya décida, en son temps, d’ouvrir les vannes du ministère de l’Intérieur, autorisant ces media par centaines. Cela sonna le glas de la presse, devenue un véritable panier à crabes, discréditée pour longtemps. Seuls quelques titres – mais certains ne tardèrent pas à lâcher prise – réussirent à survivre dans ce torrent de boue. Comme pour les partis politiques et les ONG, victimes eux aussi de ce laisser-aller, la presse continue de payer un lourd tribut à cette incurie. Et, au vu de ce qui se passe, n’est toujours pas près de sortir de l’auberge…

                                                           Ahmed ould Cheikh