dimanche 26 octobre 2014

Editorial : Non-diplomatie

Deux ambassadeurs rappelés par ci, un chargé d’affaires sommé de rentrer, dare-dare, par là, deux comptables convoqués de toute urgence. La diplomatie mauritanienne a connu une semaine tourmentée. On savait certains de nos « diplomates » indélicats, « nantis » de relations « particulières » avec l’argent du contribuable, mais on n’aurait jamais pensé, en cette période de guerre contre la gabegie si chère à notre guide éclairé, qu’ils iraient jusqu’à faire main basse sur de telles importantes sommes, sans prendre la peine de respecter un semblant de procédure. Les frais de visas, le budget de fonctionnement, les bourses des étudiants, les salaires des employés, tout est passé dans les poches de ces voraces diplomates. L’Inspection générale d’État n’a eu besoin que d’un petit tour, pour se rendre compte de l’immensité du gâchis. A se demander si les auteurs de tels forfaits avaient un minimum de bon sens…
Au-delà du vol qualifié, passible de prison en droit commun et d’une ablation de la main droite, si l’on appliquait littéralement la Chari’a, se pose le problème, récurrent, de la qualification et des compétences de nos ambassadeurs. Certains, venus de nulle part, ne doivent leur promotion qu’à des liens de parenté, mariage ou autres relations privilégiées avec des généraux, voire seule volonté du big-chef. Pratiquement aucun n’a été choisi pour sa carrière dans la diplomatie, sa formation, son expérience. Presque tous parachutés. Nous ne récoltons, du coup, que ce que nos gouvernants ont semé. Des ambassadeurs ordinairement ronflants et, accessoirement, voleurs, pour ceux qui ont la main leste. Leurs budgets ont été pourtant tellement allégés que les représentations diplomatiques ont toutes les peines du monde à joindre les deux bouts. Aucune activité ne leur est désormais autorisée ou budgétisée. Leur quotidien : gérer le… quotidien, payer les salaires, les bourses des étudiants, s’il y en a ; le loyer, les factures d’eau, d’électricité et de téléphone, répondre aux invitations des collègues, accueillir les délégations et envoyer le comptable, de temps à autre, courir, à Nouakchott, entre le Budget, le Trésor et la Banque centrale, pour que le budgeton alloué à l’ambassade ne se perde pas dans les méandres des Finances.
Aucune ambassade n’a les moyens d’entreprendre la moindre action pour améliorer l’image du pays, le faire connaître, lui attirer d’éventuels investisseurs ou donateurs. Coquille vide, tout juste bonne à caser quelque privilégié. A-t-on voulu paraphraser Clemenceau, en supputant que la diplomatie est une affaire trop sérieuse pour être confiée à des diplomates ? On y a, en tout cas, gagné une non-diplomatie. Un concept qui convient, probablement, à notre non-administration traditionnelle…
                                                                                 Ahmed Ould Cheikh


lundi 20 octobre 2014

Editorial: Porté disparu

Ould Abdel Aziz est finalement rentré jeudi dernier à Nouakchott. Après une dizaine de jours passés en villégiature (ou en consultation, selon les versions) dans la capitale française. Deux ans, jour pour jour, après la balle « amie » de Tweila, qui l’avait contraint à près de deux mois de soins, la santé de notre guide éclairé fait à nouveau parler d’elle. En l’absence de communiqué officiel sur les raisons de son séjour parisien, les rumeurs les plus folles ont commencé à circuler sur la toile : le Président serait hospitalisé dans un hôpital parisien, il aurait subi une opération chirurgicale, ferait une batterie d’analyses. Tout y est passé. La nature ayant horreur du vide et n’ayant pas été édifiée sur les vrais raisons de cette escapade parisienne (on aurait pu nous dire, tout bêtement, que le Président prenait quelques jours de vacances, comme tout être humain), l’opinion publique ne s’est pas privée d’enfourcher le cheval des on-dit. Surtout que notre raïs n’avait raté, en six ans d’exercice du pouvoir, qu’une seule fois la prière de la fête du Mouton. C’était contraint et forcé, lors de son hospitalisation à Paris, en 2012. Cette fois, ou il était réellement malade ou il nous prenait pour des nouilles. Comme le dit si bien Mohamed Ould Maouloud, le président de l’UFP, « il y a lieu de distinguer entre la personne et la charge de président de la République. Si l’une peut disparaître, sans avoir de comptes à rendre et sans que personne ne s’en soucie, l’autre est l’affaire de tous les Mauritaniens; ils ont le droit de savoir où est passé celui qui détient les clés de la maison Mauritanie. »
Dans une démocratie normale, le président doit jouer franc jeu et rendre compte de tous ses déplacements. Malade ou en vacances, il doit en informer l’opinion publique, cette res publicae qui l’a fait roi. Le nôtre en est certes loin, dans ses privilèges hexagonaux, même s’il se prétend président des pauvres mauritaniens qui s’apprêtent, eux, à de nouvelles froidures : l’hivernage n’a pas été vraiment bon, les prix du fer chutent, le poisson se vend mal. Des soucis en perspective, encore. Porté disparu dix jours, Ould Abdel Aziz nous ramène-t-il quelque bonne pilule, pour affronter les frimas ? On le lui espère car, d’absences en manquements, il pourrait bien finir par disparaître, un jour, pour de bon…
                                                                                       Ahmed Ould Cheikh


dimanche 12 octobre 2014

Editorial: Merci Claude!

Il nous a quittés ce vendredi 26 septembre. Comme il est venu. Sans faire de vagues, ni tambours ni trompettes. Il, c’est Claude Mohammed Noureddine Khelloua que nous connaissons tous sous son célèbre surnom : Claude K, le webmaster du portail CRIDEM. Une assez courte, mais assassine maladie l’a emporté. Mais qu’elle fut longue et vivifiante, son histoire d’amour avec la Mauritanie ! C’est pourtant probablement en France, en l’école des enfants de troupe du Mans, où il entre en 1966, qu’il commença à côtoyer notre pays, via plusieurs de ses condisciples, tels Ely Ould Mohammed Vall ou Moustapha Diop qui lui devient particulièrement proche. Encore des gamins, fils de sous-officiers ayant servi dans l’armée française, mais déjà des amitiés suffisamment fortes pour donner naissance, près de trente ans plus tard, au premier site mauritanien d’informations en ligne. C’est en effet en février 2004 que Claude, encore alors en France, se lance dans l’aventure, à l’appel de Moustapha Diop exilé suite aux dramatiques évènements de la décennie précédente.
L’engagement pour la défense des droits de l’Homme et la démocratie est profond, nourri par un sens aigu du débat. A cet égard, il n’aura eu de cesse de déplorer l’intolérance, la bassesse et l’injure, si souvent maîtresses du forum mauritanien. « La finalité du débat, n’est pas plus de s’aligner sur une opinion contraire à la sienne que de conclure à la traîtrise de l’adversaire », dira-t-il, « mais d’exposer, clairement, une position, et d’échanger des arguments. C’est ainsi que naît l’étincelle de l’intelligence… […] la franche opposition n’exclut pas le discernement ». De fait, si le soutien aux négro-africains est clair, le CRIDEM des débuts n’hésite pas à donner parole à leurs adversaires… Une indéracinable ligne éditoriale d’information plurielle qui va fonder le succès de l’entreprise.
Août 2005 : le coup d’Etat d’Ely Ould Mohammed Vall ouvre les portes physiques de la Mauritanie à ce débat tant espéré ; un an et demi, donc, après ses débuts virtuels. Que se dirent Ely et Claude, lors de leurs retrouvailles ? Le premier soutint-il discrètement le projet du second ? Qui lui rendit une relative monnaie de sa pièce, en soutenant, plus ou moins directement, la candidature de Sidioca ? Claude K. s’en est lui-même défendu (1). En tout cas et quoiqu’en ait pensé Ould Daddah, le CRIDEM n’en cessera pas, pour autant, d’offrir tribune à tous, sans exception, et ce n’est pas la moindre des justices que Jeune Afrique Economie plaçât bientôt Claude K. au rang des cent personnes les plus influentes du continent africain. D’autres iront se rhabiller, en dépit de leurs mégakilométriques déclarations démocrates. Ce n’est pas tout d’hurler au débat : encore faut-il l’organiser, quotidiennement, sans relâche.
Grâce à Dieu, c’est en musulman que Claude K. va se présenter au Grand règlement de comptes. Ce n’est une petite cerise sur le gâteau. C’en est le parfum même, le couronnement naturel d’une lutte consacrée à l’exaltation de la différence, d’abord au service de ce qui la transcende, avant d’entendre, enfin, la réalité de « Celui » qui la transcende ; en est la source, l’aboutissement. Probablement Claude Mohammed aura-t-il cœur à y répéter ce qu’il déclarait, il y a peu, à propos de la situation tendue au pays des hommes bleus (et, dessous, indifféremment blancs ou noirs) : « Mes vœux les plus chers sont de voir la Mauritanie sortir, enfin, de cette situation de méfiance, de stratification ethnique, tribale. Pour cela, il faudra réconcilier, naturellement, les Mauritaniens. Soigner urgemment les plaies du passé et du présent, avec intelligence, engagement sincère ». Oui, Mohammed Nouredine, la lutte continue ! On compte sur toi, pour nous insuffler, de là-haut, cette foi qui ne cessa de te conduire ! Et que Dieu t’en accorde la plus belle des récompenses, amine.
                                                                                                Ahmed Ould Cheikh


(1): Voir l’interview exclusive que lui consacrait « Le Calame » le 12/04/2007, in http://docteurkleib.blogspot.com/2007/04/qui-se-cache-derrière-cridem.html