samedi 23 avril 2022

Editorial: Un Ramadan pour se décider à en vivre, enfin, les bases ?

 Le département d’État américain a publié son rapport annuel sur la situation, pays par pays, des droits humains du Monde. À cet égard, la Mauritanie persévère obstinément dans la mauvaise direction : déplorables conditions de vie dans les prisons ; arrestations arbitraires ; sérieuses restrictions à la liberté d’expression et aux media ; grave corruption gouvernementale ; manque d’enquête et de responsabilité sur les violences sexuelles ; persistance de l’esclavage et des pratiques liées à cette aberration…

« Les plaintes déposées auprès des tribunaux », relève le rapport, « pour allégations de torture ont été soumises à la police. Le gouvernement continue de nier l’existence de centres de détention non officiels, même si les organisations non gouvernementales (ONG) et les Nations Unies ont souligné leur utilisation continue. L’impunité constitue un grave problème au sein des forces de sécurité, en particulier au sein du Groupe général de la sécurité routière, de la Garde nationale et de la Police nationale ».Conditions d’incarcération : « Les prisons sont restées surpeuplées. Par exemple, la Direction des affaires pénales et de l’administration pénitentiaire (DAPAP) a soutenu que la plus grande prison du pays, Dar Naïm, abrite environ trois fois plus de détenus que ne l’autorise sa capacité. Les autorités regroupent fréquemment des personnes en détention provisoire avec des condamnés présentant un danger pour autrui.[…] Les conditions sanitaires sont déplorables ou carrément inexistantes… […]

[…] Si Les individus sont généralement libres de critiquer publiquement le gouvernement, elles font parfois l’objet de représailles. Alors que la Constitution et la loi interdisent la propagande raciale ou ethnique, le gouvernement a utilisé ces dispositions contre des opposants politiques, les accusant de « racisme » ou de « promotion de la désunion nationale » pour avoir dénoncé l’extrême sous-représentation au sein du gouvernement des populations défavorisées, à savoir les Haratines et les Négromauritaniens […] La corruption est un grave problème dans l’administration publique et le gouvernement tient rarement les fonctionnaires pour responsables ou les poursuivent pour abus. Très répandue dans les marchés publics, elle est également courante dans la distribution des documents officiels, des licences de pêche et d’exploitation minière, la distribution des terres, ainsi que dans les prêts bancaires et le paiement des impôts. Les groupes ethniques haratines et subsahariens sont confrontés à la discrimination gouvernementale, notamment dans la délivrance des cartes d’identité, tandis que le groupe beydane conserve une très large préférence de l’État. »

N’en jetez plus, la cour est pleine ? Les concertations politiques qui ne devraient maintenant plus tarder à démarrer – enfin ! – associées aux coups de gueule que multiplie le Président, aussi poli et mesuré soit-il, seront-elles le déclic des consciences à se mettre enfin à l’œuvre, tous ensemble et chacun d’entre nous, pour réaliser au quotidien le Droit et la Justice dont notre sainte religion doit être le flambeau ? Nous avons l’occasion d’en retrouver les bases, en ce Ramadan béni. C’est tout de même un comble que ce soient aux USA, dont la genèse ne fut pas particulièrement un exemple en la matière, qu’il revienne de nous rappeler à un ordre dont nous devrions être les premiers à  promouvoir l’universalité ! 

 

                                                             Ahmed ould Cheikh

samedi 16 avril 2022

Editorial: Sans parole

 Le 31 Mars 2021, lors du salon de l’élevage organisé avec fracas à Timbédra, des hommes d’affaires et des banquiers s’étaient donné le mot pour accourir en masse dans la grande ville de l’Est. Répondant à l’appel de la patrie, après l’avoir copieusement sucée, comme ils savent si bien le faire quand elle a besoin d’eux, ils promirent, à l’occasion, monts, merveilles, projets grandioses et investissements lourds. Des milliards fictifs se sont retrouvés sur la table. On pensait alors– un peu hâtivement, il est vrai… – que l’agriculture et l’élevage allaient enfin sortir de l’ornière et devenir de véritables moteurs de développement. Disposant d’un immense cheptel, de terres fertiles et de suffisamment d’eau pour assurer leur irrigation, le pays n’avait besoin que d’investisseurs capables de joindre l’acte à la parole. 

Un an après, où est-on avec ces promesses mirobolantes ? Il y a quelques jours, au Palais des congrès et toujours devant le président de la République, nous avons eu droit à la même litanie de promesses. Au lieu de se répéter, nos braves hommes d’affaires si soucieux de l’intérêt général auraient pu nous dire où en sont les projets qu’ils s’étaient engagés de réaliser il y a un an. A moins qu’ils ne nous rétorquent, à l’instar de Chirac, que « les promesses n’engagent que ceux qui y croient ». Et, comme personne n’y a jamais cru, elles sont donc parties à vau-l’eau. Mais, de grâce, qu’ils ne reviennent surtout pas nous bassiner, à la prochaine occasion, avec des discours lénifiants et des milliards dont personne ne verra jamais la couleur ! Quand on n’a pas de parole, inutile de le crier sous les toits…

                                                         Ahmed ould Cheikh

vendredi 8 avril 2022

Editorial: Chiche!

 Après avoir tancé l’administration, en général, lors d’une cérémonie à l’ENA, et territoriale en particulier, lorsqu’il a reçu les walis en audience, les accusant de faillir à leur mission et de ne pas être assez proche du Citoyen, Ould Ghazwani a tapé dans le mille. Verbalement. On s’attendait donc à ce que la parole soit suivie d’actes. Et l’on n’a été déçu. Moins d’une semaine après cette sortie, le Premier ministre rendait son tablier. Il sera reconduit vingt-quatre heures plus tard avec mission de former un nouveau gouvernement. Le contraire aurait d’ailleurs surpris car il est du plus mauvais effet de changer deux fois de Premier ministre au cours d’un même mandat. Le chambardement annoncé allait-il enfin voir le jour ? Le Président débarrasserait-il enfin son gouvernement de ses lourds poids morts et former une équipe vraiment capable de relever les défis ?

Première grosse surprise : l’arrivée de Yahya ould El Waghf à la Présidence en secrétaire général. Le dernier Premier ministre de Sidioca prend ainsi une revanche sur l’Histoire et sur… Ould Abdel Aziz. Dans la foulée, quatorze ministres sont éjectés. Si le départ de certains constitue une surprise, d’autres font par contre les frais de leur mauvaise gestion et de leurs approximations, pour ne pas dire boulimie. Ould Ghazwani aurait tenu un langage de fermeté à la nouvelle équipe : plus aucun écart dans la gestion des affaires publiques ne sera toléré. Espérons que cet avertissement ne tombe pas, comme ceux qui l’ont précédé, dans des oreilles de sourds. Il faudra, en tout cas, se réveiller très tôt pour démentir la célèbre citation de Saint-Just :« le seul ennemi d’un peuple, c’est son gouvernement ». En Mauritanie, plus qu’ailleurs en tout cas, elle ne s’est jamais démentie. Jusqu’à maintenant. Ce gouvernement sera-t-il l’exception qui confirme la règle ? Chiche !

                                                                          Ahmed ould Cheikh

samedi 2 avril 2022

Editorial: Après le constat, l’action enfin ?

 Pas content, pas content : le Président n’est pas content. Il l’avait fait savoir il y a quelques mois lors d’une réunion du gouvernement, laissant les ministres pantois, nez dans les parapheurs. Il l’a répété la semaine dernière lors de la cérémonie organisée à l’occasion de la sortie d’une promotion de l’ENA. « Il est temps de mettre fin aux déséquilibres et dysfonctionnements dont souffre l'administration mauritanienne », a-t-il ainsi déclaré. Et souligner : « le moment est désormais venu de mettre en place une administration moderne et efficace pour un service public de proximité au service du citoyen. »  Il a ensuite fait mention des tares dont souffre notre administration. Il en  veut pour preuve le fait que la présidence de la République reçoive de façon régulière des rapports sur les plaintes et problèmes des citoyens. Il a passé en revue quelques exemples de déséquilibres qui caractérisent les services des établissements publics, dont la plupart ne mettent pas en place les mécanismes qu'il faut pour la réception et l'orientation du citoyen… 

« Ce type de lacunes n'est plus tolérable ! », martelait-il alors, « Ces déséquilibres sont notés au niveau de l'administration centrale, en particulier dans les départements de l'urbanisme, de l’eau, de l’électricité, des impôts, de la santé, du registre social et de l'administration territoriale, dont le contact avec le citoyen est très déficient, ce qui a entrainé un manque de confiance entre celui-ci et ceux-là ».

Mais à qui incombe une telle désastreuse situation ? À une administration et des services publics gangrénés par le laisser-aller, le népotisme, l’incurie, l’absence totale de méritocratie et la corruption – entre autres tares… – ou à ceux qui doivent les choisir ? Le Président a mis le doigt sur la plaie. Qu’attend-il pour crever l’abcès ?

                                                                Ahmed Ould Cheikh