samedi 30 septembre 2023

Editorial: Prédateurs protégés?

La semaine dernière, le président de la République est sorti du Palais. Pas pour faire un tour en ville mais pour constater de visu la situation de plusieurs projets structurants lancés sous son magistère, comme le fameux pont d’El Hay Sakin qui a déjà fait couler beaucoup d’encre. Il a failli sortir de ses gonds lorsqu’il s’est rendu compte par lui-même de la lenteur d’exécution des travaux. Il était au bord de la crise de nerfs et il y a de quoi. Le laisser-aller dans l’attribution et l’exécution des marchés publics est devenu endémique. De sources officielles, plus de cent connaissent des retards. Certains n’ont même pas connu le moindre début d’exécution malgré les décaissements, d’autres sont mal réalisés et en dehors de tout contrôle. L’État perd chaque année des dizaines de milliards ainsi partis à vau-l’eau. Il suffit de voir la route Boutilimit-Aleg : aussitôt finie, aussitôt détériorée. Les exemples ne manquent pas. Et malgré les alertes et autres mises en garde, l’Etat n’a toujours pas sévi contre ces entreprises. Aucune n’a été pénalisée ni blacklistée. Elles continuent même à soumissionner et à gagner de nouveaux marchés. C’est à se demander qui les protège. La dernière sortie du Président et ses reproches sonneront-ils le glas de telles pratiques assassines de notre développement ? Arrêteront-ils la saignée ? Difficile de répondre par l’affirmative : ce pauvre pays qui a tant besoin de ses maigres ressources n’est pour ces prédateurs qu’une vache à lait et les complicités ne manquent pas pour leur faciliter la tâche… Ahmed ould Cheikh

samedi 16 septembre 2023

Editorial: Sans loi… ni même plus foi ?

Pillage systématique de nos côtes… Farines et huiles à base de sardinelles rondes… Des vidéos postées sur les réseaux sociaux qui font froid dans le dos. Depuis 2016, les alertes s’accumulent sur la surexploitation de ladite espèce, une outrance qui fait peser de graves menaces sur la sécurité alimentaire de la région. Mais en dépit de toutes ces alarmes, la sardinelle reste la matière première des usines de farine de poisson. Chaque jour, elles s’en approprient des milliers de tonnes. Pour produire un kilo de farine, il faut quatre à cinq kilos de poissons. En 2020, cette industrie en a englouti près de 830000 tonnes. L’activité a commencé à Nouadhibou en 2005 avec une seule usine, suivie bientôt de plusieurs dont le nombre est monté crescendo. En 2012, douze étaient d’un coup construites ; vingt-neuf exercent actuellement leurs méfaits au bord de la baie de Nouadhibou. Les plus grandes sont aux mains d’étrangers : chinois et turcs surtout. Pour protéger la ressource, la Mauritanie a interdit, en 2015, aux usines de produire plus de 2000 tonnes de farine par an sous peine de sanctions. Des menaces tombées dans des oreilles de sourds : d’après les statistiques, près d’un tiers des vingt-neuf usines ont, en 2017, dépassé – et de loin ! – la barrière fixée par l’État, atteignant même les 30.000 tonnes en toute… illégalité. Des usines qui constituent non seulement un danger pour la ressource mais aussi pour les populations en polluant l’air et la mer où elles déversent directement, sans aucun traitement, toutes sortes de déchets. Pourtant l’IMROP a produit des rapports accablants sur cette pollution. Quelques ministres des pêches ont pris des mesurettes sans que cela ne change quoi que ce soit à cet état de fait. Si la situation n’est pas prise au sérieux, la ressource halieutique ne sera plus qu’un lointain souvenir d’ici quelques années. En plus des Chinois et les Européens qui lui ont occasionné d’énormes dégâts, c’est au tour des Turcs de passer à table, alors que tant de nos concitoyens – leurs coreligionnaires – souffrent de malnutrition aigüe… Ahmed ould Cheikh

samedi 9 septembre 2023

Editorial: par une fenêtre grand ouverte

L’image a choqué et il y a de quoi. Un lanceur d’alerte a partagé sur les réseaux sociaux des photos de fissures apparues (déjà !) sur un tronçon de la route Boutilimit-Aleg dont les travaux viennent à peine de s’achever. Attribuée il y a de cela quatre ans à deux entreprises (dont l’expertise n’est apparemment pas la qualité première), chacune à raison de cinquante kilomètres, la route a vu ses travaux démarrer avec beaucoup de retard. Malgré les visites « inopinées » d’un ancien ministre de l’Équipement et des transports dont les remontrances n’auront pas servi à grand-chose. Si bien que les usagers, dont les nerfs étaient mis à rude épreuve, se demandaient comment l’État pouvait accepter que ce laisser-aller reste aussi longtemps impuni. Aucune des sociétés n’a, en effet, été réprimandée, encore moins pénalisée. Pire, épargnées de contrôles rigoureux, elles avaient toute latitude pour construire la route à leur convenance, réduisant les coûts au maximum. Ce qui n’a pas tardé à se répercuter négativement sur sa qualité : dans un an ou deux, elle ne sera plus qu’un lointain souvenir. Ailleurs dans le Monde, un tel ouvrage contractuellement construit « selon les normes » est garanti trente ans. En Mauritanie, aucune route n’en a jamais tenu dix. La faute à qui ? À l’Administration dont la procédure d’attribution de marché au moins disant est catastrophique ? Aux entreprises qui ne pensent qu’à faire un maximum de profits ? Aux bureaux de contrôle dont certains sont connus pour leur complaisance ? Quelle qu’en soit la cause, il y a incontestablement un problème de voieries et il va falloir que l’État s’y mette pour lui trouver une solution rapide. À moins qu’il ne veuille continuer jeter son argent – le nôtre dont il a tant besoin ailleurs – par une fenêtre grand ouverte. Ahmed ould Cheikh

samedi 2 septembre 2023

Editorial: Annuel chaos

La même scène se répète chaque année. Invariablement. À chaque pluie qui tombe sur Nouakchott, c’est la catastrophe. Grands et petits axes de la capitale sont inondés. Les piétons et les automobilistes pataugent dans la boue. Des quartiers entiers sont enclavés. Les populations crient leur désarroi. Incapables de trouver une solution définitive à ce problème récurrent, les autorités n’ont autre choix que de recourir au système traditionnel du pompage des eaux pour dégager au moins les grandes avenues. Il faut dire qu’en dehors du Nouakchott « ancien » doté d’un système d’égouts, le reste de la ville a été construit dans la plus totale anarchie : pas de réseau d’approvisionnement en eau potable, ni de réseau électrique, ni routes goudronnées, encore moins réseau d’évacuation des eaux usées ou de pluie. Des aménagements pourtant essentiels communément réunis sous le vocable « viabilisation des terrains à usage d’habitation »qui doit normalement précéder tout lotissement. Or, à Nouakchott, c’est l’inverse qui se produit. Depuis l’arrivée des militaires au pouvoir, c’est la course aux lotissements, étendant ainsi la ville à l’infini. Des villas cossues sont érigées dans des zones dépourvues du minimum vital. L’eau, l’électricité et la route viendront plus tard. Les exemples sont légion. Il suffit juste de faire un tour dans la zone la plus reculée de TevraghZeïna pour voir émerger des villas en plein milieu des dunes. C’est à se demander comment leurs propriétaires ont pu obtenir des permis de construire. Lors de sa dernière visite en Chine, le président de la République a réussi à obtenir le financement, à titre gracieux, d’un système d’assainissement pour Nouakchott. Une fois réalisé, ce sera à coup sûr un coup de maître…si entretemps la capitale ne se retrouve pas submergée par les eaux usées, les eaux de pluie et l’Océan. Ahmed ould Cheikh