dimanche 26 novembre 2017

Editorial: Bas-fonds....

Ould Mkhaitir, l’auteur de l’article blasphématoire contre le prophète Mohamed (PBL), a-t-il été libéré ? Est-il gardé au secret, en lieu sûr ? Depuis que la Cour d’appel de Nouadhibou l’a condamné, la semaine dernière, à deux ans de prison ferme (une peine qu’il a déjà purgée), il est, en tout cas, devenu libérable. Mais, devant la colère de la rue, chauffée, dès le premier jour, à blanc et sans aucune discernement, par le Président lui-même déclarant que le fautif serait sanctionné sans aucune pitié, le pouvoir a été obligé de faire machine arrière. Ould Mkhaitir ne sera pas libéré, a-t-il fait savoir, tant que le pourvoi en cassation, introduit par le Parquet, ne sera pas examiné par la Cour suprême. Malgré la pression des Occidentaux (dont certains envoyèrent des représentants, au procès de Nouadhibou, alors qu’ils ont gardé le silence, lorsqu’un sénateur, arrêté sans raison, fut amené, enchaîné, au tribunal de Nouakchott), il y a de fortes chances que le forgeron contestataire reste encore, quelque temps, en prison. Le temps que la rue se calme ou… passe à autre chose. Justement, cet autre chose vient de lui être offert, sous forme d’enregistrements, à l’instar de ceux attribués à Ould Ghadda, lorsque son téléphone fut confisqué, en Mai dernier, par la gendarmerie de Rosso. Cette fois, c’est un autre opposant qui fait les frais de ces méthodes dignes de la mafia calabraise. Moustapha ould Limam Chavi, une des figures de proue de l’opposition en exil, qui a fait l’objet, lui aussi, d’un mandat d’arrêt international de nul effet, en est la vedette. Son téléphone était apparemment sur écoute. Avant que Whatsapp ou Telegram ne proposent des solutions. On a ainsi divulgué des discussions anodines avec des journalistes et, beaucoup plus grave, avec des présidents étrangers. Que vont penser ces chefs d’Etat de nous ? Qu’il est loin le pays qui enfanta Mokhtar ould Daddah dont l’aura dépassait les frontières de l’Afrique ! Notre pays serait-il tombé si bas pour s’adonner à ce genre de barbouzeries ?  Acharné à détruire et déconstruire ce que les bâtisseurs ont élevé, des décennies de labeur durant, Ould Abdel Aziz n’a pas plus de programme pour relever le niveau de vue que de vie des citoyens. Il survit d’expédients, au jour le jour : déshabiller un manifestant en pleine rue et le promener devant les gens ; condamner à trois ans de prison ferme un étudiant, pour simple jet de chaussure ; avilir l’opinion publique, entre mensonges éhontés et demi-vérités, avant de s’y lier ; profiter d'un banal accident de circulation, pour saisir les téléphones d'un opposant, et fuiter leur contenu, via des sites affiliés à la police politique ; fouiner dans la vie privée de tout celui qui le critique… Une fange sans nom suinte de la déliquescence d’un ego boursouflé, inonde la vie du pays, tend à le noyer dans des marécages de corruption, courtes vues, amalgames, confusions. Constat sans appel : c’est, tout simplement, parce qu’il est incapable de s’élever lui-même – pire, de se risquer à la moindre autocritique – qu’Ould Abdel Aziz s’applique à abaisser la Mauritanie. Jusqu’à quelle révolte, Seigneur Dieu, de notre âme populaire ?
                                                                                         Ahmed Ould Cheikh

dimanche 19 novembre 2017

Editorial: Du beurre dans les nouilles, en pointillé…

Les besoins d’argent, quasiment tout le monde en a. La question pendante, pour y faire face, reste : à quel prix ? Et la réponse navigue, souvent, entre modération de conscience et souci de respectabilité. Des paramètres particulièrement virulents, dans le domaine de la communication où la crédibilité est essentielle. C’est une lutte de tous les jours pour éviter le piège du peshmerguisme*, tombe classique des plumes et des titres. Alain Faujas, de Jeune Afrique, n’en disconviendra pas. Quels trésors d’ingéniosité ne déploie-t-il pas pour habiller une des plus prolifiques tirelires du journal, « Le Plus de JA », d’une malhfa (voile mauritanien) de sérieux ?
Malhfa, dis-je, car son édition N°2965, du 5 au 11 Novembre derniers, est justement consacrée à la Mauritanie. Sous le titre : « L’avenir en pointillé », juste assez ambigu pour paraître objectif ; voici l’envoyé spécial de « Jeune-à-fric » à Nouakchott commis à dresser un portait doucereux de notre situation nationale où « Aziz en position de force » grâce, notamment, à la « Renaissance d’une armée » – un argument frappant, c’est certain, pour des PTF tétanisés par la menace terroriste – disposerait « De bons augures pour battre le fer », en dépit d’une dette nationale ramenée miraculeusement à 70% du PIB, une fois escamotés, via petite note de bas de page, les 30% dûs aux koweitiens, alors que le président d’Algold resources s’enthousiasme des « excellents résultats » obtenus par sa grosse société et son petit partenaire mauritanien.
Bref, le contenu de ce « Plus » ne se gêne pas pour contredire son titre, en suggérant un avenir en… rose. Le pointillé se résumant, au final, à l’incertitude, quant au choix, par l’omnipotent chef de l’Etat, de son successeur. Un choix d’autant plus important que « l’opposant » de service retenu, par Alain Faujas, pour illustrer « l’impartialité » de son papier, ne se gêne pas de lui rappeler, que « nous nous opposons aux programmes, pas aux personnes ». Autre splendide ambiguïté, tout-à-fait dans la tournure d’esprit de cet éminent manieur de boubou en tout sens, dont on comprend aisément qu’elle ait pu subjuguer notre pauvre collègue enchaîné à sa galère d’apologie masquée.
Une apologie à usage international évidemment exclusif. Si ce n’est, bien sûr, les dithyrambistes attitrés du pouvoir, au demeurant beaucoup plus achalandés, eux, en verroteries complaisantes, nul, en Mauritanie, n’en serait dupe : l’harassant quotidien parle de lui-même et, comme je le disais en exergue, les besoins d’argent, quasiment tout le monde en a. Ici probablement plus rudement qu’ailleurs : c’est de la survie journalière qu’il s’agit, pas de beurre dans les nouilles ; très prosaïquement, les nouilles elles-mêmes. La transparence de la melhfa proposée par Alain Faujas tombe mal, à l’orée d’une saison froide qui s’annonce particulièrement pénible, cette année, après le déficit pluviométrique qu’on sait. Par chance, les populations qui seront les plus touchées n’ont pas accès à la littérature jeune-afriquée. Les lecteurs attitrés de J.A. n’en entendront donc pas les clameurs d’indignation, seule réelle objectivité, pourtant, du pointillé d’un très incertain avenir mauritanien…
                                                                                                    Ahmed ould Cheikh


*Expression utilisée en Mauritanie pour évoquer  ceux qui se disent journalistes (alors qu’ils n’ont rien à voir avec le métier) et se vendent au plus offrant

dimanche 12 novembre 2017

Editorial: A Kantaki, Jazuka, Rasshmar et autres fantômes…

Sur Cridem et divers forums, des anonymes m’attaquent souvent. Toujours aussi prompts à défendre Ould Abdel Aziz qu’aux premiers jours de la Rectification – une erreur dont ils pourraient s’honorer, en en revendiquant le droit – ils ont, malheureusement pour eux, également gardé cette pleutrerie d’évoluer masqués. Aveu implicite de leur honte à assumer des « idées » dictées par leurs commanditaires et/ou précaution en vue de « l’après-Aziz », la survivance de cet archaïsme révèle combien la dissimulation demeure une des tares les plus obsédantes de notre culture. En se préservant la possibilité d’un double-jeu, ces flagorneurs pensent, peut-être, garder en main toutes les cartes. Alors qu’ils ne font, en réalité, que se les brouiller. S’en gommer le sens, y devenir fantômes… Ce qui leur reste d’esprit – s’il leur en reste – ne sait plus, n’ose plus lire la réalité. Ce n’est donc pas en ce qu’ils m’agressent qu’ils sont condamnables mais en ce qu’ils se dénient leur propre liberté d’expression et, partant, l’essence même de la démocratie.
Il y a neuf ans, presque jour pour jour, le 11 Novembre 2008 très exactement, je leur rappelais, en ces mêmes colonnes, que le « pouvoir du peuple » – demo-cratia, en grec – c’est, précisément, le débat. Libre, ouvert, éventuellement contradictoire. De mon point de vue, de là où je me situe, voici ce que je vois, voici ce que je pense. C’est, évidemment, une vision relative et j’en suis d’autant plus intimement persuadé que je suis croyant en l’Absolu, Un, Unique et Enjeu suprême. Aussi fais-je appel à ton point de vue qui, même radicalement opposé au mien, même si je le combats, va nous enrichir tous. Nous approcher, tous ensemble, de l’inaccessible Vérité totale.
C’est cet hymne à la diversité, cette foi en ce que Dieu nous a créés relatifs au dessein de nous enrichir mutuellement, que Le Calame entend, chaque semaine, exalter. Kantaki, Jazuka, Rasshmar et consorts, Ould Abdel Aziz ou Ould Bouamatou, venez vous y dire ! Signez vos articles, publiez vos photos, racontez votre parcours, vos angoisses, vos complexes, vos envolées, vos espoirs : les vôtres, ceux qui vous font ce que vous êtes, vous-mêmes et pas votre voisin ni votre voisine. En vous écrivant, vous vous lisez : vous écrivez et lisez le Réel. C’est au prix de ce courage que la Mauritanie y avancera. Y avance, en dépit des survivances archaïques. Et, certes, si nous avons pris le parti de privilégier, d’abord, la parole de ceux qui n’y ont que peu ou prou droit – l’opposition, notamment – nous savons, nous, au Calame, ce que signifient « peuple » et « Nation » : un effort commun à se reconnaître chacun, à s’accepter tous. En pleine clarté d’esprit.
                                                                                                Ahmed ould Cheikh

dimanche 5 novembre 2017

Editorial: Lettre à Aziz

Je n’écris pas pour faire amende honorable ou mon mea culpa, je reste ce que j’ai toujours été : le pourfendeur d’une rectification catastrophique pour le pays. Certains ont considéré que je suis allé un peu trop fort et vite, ils commencent à se rendre compte que ce sont eux qui avaient fausse route, les rangs des déçus de l’Azizisme ne cessent de s’étoffer. Et, certes, c’est dès le départ que j’ai essayé d’attirer l’attention sur les dangers que faisait courir, au pays, le retour des militaires au pouvoir, après une transition relativement réussie et l’élection d’un civil à la tête de l’Etat. Sans guère de succès au début, tant la populace et une partie de la classe politique étaient subjuguées par votre discours, si ouvertement « révolutionnaire », sur la lutte contre la gabegie, le détournement des deniers publics… Ah, « président des pauvres », comme cela sonnait bien à leurs oreilles, largement majoritaires, hélas, en notre chère Mauritanie ! C’était suffisant pour vous faire élire. Cela sera, tout aussi certainement, pour vous faire maudire.
Car, « chassez le naturel, il revient au galop », vous êtes apparu rapidement sous votre vrai jour. Les marchés de gré à gré, si médiatiquement combattus, les premiers temps de votre règne, alors qu’ils n’étaient que l’exception, sont devenus la norme et votre clan a fait main basse sur le pays : centrales électriques, routes, barrages, aménagements agricoles, places publiques, écoles… rien n’échappe à sa boulimie. La Mauritanie est à l’arrêt, l’ouguiya dégringole, jusqu’aux abysses, face aux devises étrangères, l’endettement atteint des records, la situation politique est bloquée, les partis d’opposition absents de l’Assemblée nationale, devenue, quant à elle, simple chambre d’enregistrement, après la suppression d’un Sénat dont le seul tort fut d’avoir rejeté vos amendements anticonstitutionnels et de tenter d’ouvrir la boîte de Pandore que constitue la Fondation Rahma… Et, comme pour noircir un peu plus ce navrant tableau, une sécheresse implacable qui risque de décimer le cheptel et de jeter, dans nos villes déjà surpeuplées, des hordes de citoyens désemparés.
Je suis persuadé que cette lettre, comme mes précédentes, ne vous plaira pas. Mais c’est mon devoir de continuer à attirer votre attention, inlassablement, sur ce que notre pays endure. Vous n’avez, certes, plus que deux ans à tirer et, probablement, guère plus de temps pour rectifier le tir. Aurez-vous celui d’un départ, sinon honorable, du moins sans tumulte ? Las, de quelle sortie votre compte à rebours a-t-il entamé le processus ? Au lieu de jouer l’apaisement, vous montez une cabale contre des sénateurs, des journalistes et des syndicalistes ! Avec en ligne de mire, celui qui vous a fait roi. Mohamed Ould Bouamatou, qui a fait avaler votre coup d’état à la communauté internationale et a contribué à votre élection à hauteur de milliards d’ouguiyas, a été contraint à l’exil 16 mois après votre investiture. Il fait à présent l’objet d’un mandat d’arrêt international pour…. délit de mécénat. Tout comme son adjoint, Mohamed Ould Debagh que vous n’avez pas hésité à jeter en prison en 2013 et que vous avez, lui aussi, poussé à abandonner femme, enfants et affaires depuis six mois.
Vous ne pouviez pas vous tromper plus d’ultime combat. C’est contre le tribalisme et le népotisme, en plein âge d’or, depuis 2008 ; contre le favoritisme par la loi duquel on ne peut prétendre à rien, si l’on n’est pas adossé à un membre de votre club ; contre le régionalisme que vos plus proches collaborateurs pratiquent à merveille ; qu’il vous faudrait jeter vos dernières cartouches.
Vous avez fermé toutes les vannes de financement, pour étouffer la presse libre. Votre justice, qui devait être nôtre mais que vous avez vassalisée à l’outrance, m’a placé  sous contrôle judiciaire, parce qu’un ami mécène a aidé le journal dont j’assume la direction, et vous n’hésiteriez pas, j’en suis sûr, à m’envoyer en prison, si vous en aviez la possibilité. Mais, en tous les cas, vous ne me ferez pas taire, vous ne ferez jamais taire « Le Calame », journal le plus censuré de Mauritanie, au temps d’Ould Taya. Où est, aujourd’hui, celui dont les services prenaient un malin plaisir à nous saisir ? Où sera, demain, celui qui s’acharne à nous couper les vivres ? Nul n’est éternel et il faudra bien, un jour, rendre comptes. Monsieur le président de votre petit club, j’ai, moi, la conscience, tranquille, d’agir pour notre pays tout entier. Et, précision certes pas superflue, je ne vous ôterai jamais ce qui revient à tout citoyen qui sentirait lésé par quelque publication du Calame : le droit de réponse. Est-ce par mansuétude, mépris ou indigence d’arguments que vous oublieriez d’en faire usage ? Il doit certainement y avoir, entre ces trois hypothèses, au moins une vraie…
                                                                                     Ahmed Ould Cheikh